Jean Lavoué, un ami de J-M Martin nous a quittés le 8 mai 2024
Le présent message est un hommage à Jean Lavoué. Une première partie rappelle brièvement qui il fut et certains des liens qu'il a tissés. Ensuite figure un extrait de l'Avant-propos de son livre Le Poème à venir paru en 2022. Enfin figure un extrait de l'hommage que Joseph Thomas lui a rendu dans Golias Hebdo.
Qui était Jean Lavoué ?
Jean Lavoué est mort à l’âge de 69 ans. Ecrivain et poète, il avait fondé les éditions « L’enfance des arbres », implantées dans sa ville de Hennebont. Il laisse en héritage de très nombreux ouvrages, des œuvres poétiques, des essais et des articles portant sur l’action sociale, imprégnés d’une puissante spiritualité chrétienne. En particulier il avait rédigé plusieurs essais consacrés à des auteurs bretons : Xavier Grall, René Guy Cadou, Georges Perros, Lamennais, Jean Sulivan…
Il publiait régulièrement certains de ses poèmes sur son site http://www.enfancedesarbres.com.
Il avait obtenu en 2019 le Prix de poésie Yves Cosson décerné par l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire.
Un bel hommage lui est rendu sur https://ecrituresetspiritualites.fr/in-memoriam-jean-lavoue/ avec à la clef une vidéo.
Jean Lavoué communiquait régulièrement avec Jean-Marie Martin, et c'était chez lui qu'ont eu lieu les derniers week-ends bretons animés par Jean-Marie. Jean Lavoué faisait de la publicité pour le blog la Christité, et plusieurs fois il a parlé de Jean-Marie dans ses livres.
Par exemple il le cite dans Le Poème à venir (Pour une spiritualité des lisières) dont figure un extrait ci-après. Ce livre est paru en 2022 chez Médiaspaul, il est préfacé par François Cassingena dont Jean Lavoué diffusait régulièrement des nouvelles par mails. Dans cet extrait Jean Lavoué explique pourquoi il préférait finalement parler de Poème plutôt que de Christité par exemple. Les notes sont signalées par un numéro en l'air et sont mises à la fin de l'extrait.
Le Poème à venir, extrait de l'avant-propos
Certains cherchent des mots nouveaux pour dire aujourd'hui l'inouï de l'Évangile1, annoncer la bonne nouvelle qui s'est approchée des hommes voici deux mille ans. Les mots ont trop servi. Ils semblent usés. Les termes de chrétienté puis de christianisme ont comme épuisé leurs ressources. Outres vides, ils laissent s'échapper par toutes leurs fissures le vin nouveau de la parole. Or on ne met pas le bon vin dans de vieilles outre mais dans des outres neuves (Mt 9, 17). Aujourd'hui fleurissent, chez certains chercheurs en liberté, les mots de christité2, de christianie3, de christophanie4… Certains veulent encore traduire la bonne nouvelle du royaume par le mot "jubilescence5", d' "enjoyment6", cette jouissance qui peut se saisir d'un être quand il se sent traversé par ce souffle qui n'est pas de lui mais qui pourtant, le soulevant d'enthousiasme, devient le plus secret de lui.
Il faut désempierrer la source pour tenter de la retrouver. J'ai choisi, pour ma part, le mot Poème pour tenter de dire ce qu'avec d'autres je cherche à tâtons dans la nuit. Poïésis pour les Grecs signifie création, du verbe poïeïn : faire, créer. Pour Platon, l'état poétique est rattaché à l'enthousiasme, à la possession divine. Dans la Bible, le poète est le prophète, la bouche même de Yahvé. Pour les philosophes de l'Orient et notamment de l'Inde, la poésie rejoint la contemplation du sage. En ce qui me concerne, ce mot revêt une large acception. Il peut recouvrir ces différentes définitions, même si la source de mon questionnement concerne, de manière plus spécifique, ce qui touche à une réception encore inédite de l'annonce christique des évangiles : ce désir du Royaume, cette onction, cet engendrement qui se sont entièrement saisis de la personne que l'on nomme Jésus. De ce Verbe, de cette Parole, de ce Logos qui, diront les écrivains de la Bonne Nouvelle, se sont emparés de lui.
Mais le Poème, tel que je l'envisage, ne se réduit pas à lui. Il recouvre une réalité encore plus vaste. Certes, cet homme, Jésus, ne mit aucun obstacle à l’avènement en lui de cette réalité qui le dépassait. Toutefois, il ne cessa d’affirmer, selon les évangiles synoptiques, qu’il n’était pas lui-même cette réalité. Mais selon l’Évangile de Jean, il ira jusqu’à dire que le Père et lui ne font qu’un : l’une, d’ailleurs, des raisons majeures de la colère des pharisiens, un scandale qu’ils ne lui pardonneront pas. Pour tous ces témoins, il est indéniable qu’il se laissa entièrement envahir par le Souffle saint lui inspirant chacune de ses paroles et chacun de ses gestes. Pour eux, assumant pleinement sa vocation de Fils, il ne résista pas à la force divine qui l’envahit. Ce qui en fait pour ces premiers témoins, l’un des hommes les plus accomplis ayant jamais foulé le sol de notre terre.
C'est en fait le dynamisme créateur de cette Vie partout à l'œuvre dans l'univers que nous avons voulu traduire dans ce récit méditatif par le mot Poème. La Vie, nul ne l'a jamais vue, mais elle se fait connaître par cette puissance créatrice qui ne cesse de tirer l'univers tout entier vers un accomplissement toujours plus complexe, toujours plus harmonieux. Et cela, malgré les pesanteurs et les ombres, voire les impasses qui semblent s'accumuler aujourd'hui sur le devenir de l'humanité….
NOTES
- Dominique COLLIN, L'Évangile inouï, Salvator, 2019.
- Jean-Marie MARTIN, cf. www.lachristite.eu
- Raimon PANIKKAR
- Idem.
- Jean-Marie DE BOURQUENEY, Une théologie de la jubilescence, livre à venir.
- Alfred NORTH WHITEHEAD.
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Joseph Thomas rend hommage à Jean Lavoué, ami de Golias, extrait
Jean était le poète du Poème. C’est ainsi qu’il évoquait la trace de l’Évangile qu’il avait fait sien. Le Poème-Christ. Le Poème-Souffle. (…) Toute sa vie, il aura emprunté certains chemins de traverse. Ailleurs encore, autrement. (…) Par une lecture infinie, par une écriture juste, sur la trace du Poème-Christ qui se dit comme une jubilation. (…)
Nous avons aimé partager tant de lectures communes : depuis le scalpel de Jubiler de Bruno Latour ou bien Jean-Pierre Lebrun ou encore Maurice Bellet et François Cassingena. (…) Circulent encore plus les rencontres qui appellent. Avec ceux qui sont passés de l’autre côté du monde, Pierre Chamard-Bois, Jean-Marie Martin, Christiane Singer… et ceux qui demeurent en marche comme Gérard Bessière… Les compagnons du langage du cœur-poème, on se les transmet comme des témoins durables de la Joie : Philippe Forcioli, Joseph Delteil, Maurice Bénin, Julos Beaucarne et pour toi depuis toujours ou presque, René Guy Cadou. On voyage avec eux, on se fréquente, on aura partagé tant de moments d’admiration.