Commentaire étonnant du début de la Genèse par Théophile, évêque d'Antioche au IIe s
C'est chez Théophile d'Antioche qu'on trouve le premier commentaire continu de Genèse 1-3. Théophile écrit au IIe siècle, donc bien avant les développements des Conciles œcuméniques, en particulier les notions de nature et personne. Sa pensée est beaucoup plus proche des auteurs du Nouveau Testament, et peut nous permettre de mieux entendre l'Écriture néo-testamentaire.
C'est ce que pensait Jean-Marie Martin lorsqu'il était professeur de théologie à l'Institut Catholique de Paris et ce pourquoi il citait certains passages de Théophile. Vous trouvez dans ce message des extraits de plusieurs de ses interventions.
Les citations de Théophile d'Antioche sont extraites de Trois livres à Autolycus, trad. J. Sender, introd. et notes G. Bardy, Paris, 1948 (Sources chrétiennes, 20) [1].
Commentaire du début de la Genèse
par Théophile, évêque d'Antioche
Nous puisons aujourd'hui dans les premiers écrivains qui présentent des commentaires suivis de l'Écriture. Théophile d’Antioche est connu par quelques notices anciennes, ainsi que par le seul de ses traités — une apologie — qui a été préservé : le Traité à Autolycus. Dans les années 170 Théophile a écrit un ouvrage contre Hermogène, mais cet ouvrage est perdu. Sa langue et tout son arrière-plan sont grecs. Son nom Théophile (Θεόφιλος) signifie, "aimé par Dieu". Il devient évêque de l'Église d'Antioche, vers 169. On le suppose mort vers 183.
Le Traité à Autolycus est adressé au païen Autolycus, il est composé de trois livres.
1) Livre II, 10. Dieu, son Verbe et sa Sagesse.
Théophile est en train de parler des "hommes de Dieu, inspirés par l'Esprit Saint, et véritablement prophètes", à savoir les auteurs des Écritures.
« En premier lieu, ils ont été d'accord pour nous enseigner que Dieu, du néant, a tiré toutes choses. Il n'y a rien eu qui s'épanouit en même temps que Dieu : lui-même est son lieu, il ne connaît pas le besoin, il est antérieur aux siècles ; mais il a voulu créer l'homme, qui le connût ; pour lui, donc, il a d'abord préparé le monde. Car ce qui est créé a aussi des besoins, tandis que ce qui est incréé n'a besoin de rien.
« Or donc Dieu engendra son Verbe, qui était immanent en son sein (Logos endiathétos[2]), et le produisit avec sa Sagesse avant toute chose.
Il eut ce Verbe comme ministre de toutes ses œuvres – le mot ministre (hupourgos) est emprunté à la sagesse sapientielle, la Sagesse étant ministre des œuvres de Dieu – et “par lui il a tout fait”. On l'appelle Principe (Arkhê) – Principe est l'un des noms les plus constants du Fils dans la première littérature chrétienne ; Tertullien va complètement refuser cela et il y aura vraiment un tournant – parce qu'il est le Principe et le Maître de tout ce qui a été créé par lui.
C'est lui, Esprit de Dieu… – nous avons évidemment ici une théologie archaïque où le Verbe et l'Esprit (le Pneuma) sont toujours considérés dans ce que nous pourrions appeler par souci d'accommodation, leur opération conjointe, en tout cas ne sont pas distingués comme dans une théologie trinitaire rigoureuse.
C'est lui, Esprit de Dieu, Principe, et Sagesse et Force (dunamis) du Très-Haut, qui descendait sur les prophètes et racontait par leur bouche ce qui concerne la création du monde et tout le reste – comme dans beaucoup de textes de Justin, très intéressants, Théophile d'Antioche marque que dans les théophanies et les nominations de Dieu dans l'Ancien Testament, le Verbe était déjà présent, et cela est donc antérieur à la parution de Jésus.
Les prophètes n'existaient pas quand le monde fut, mais la Sagesse de Dieu demeurant en lui, mais le Verbe Saint de Dieu qui est sans cesse présent avec lui. Voilà pourquoi la Sagesse, par la bouche du prophète Salomon prononce ces mots : “Quand il organisa le ciel, j'étais avec lui, et tandis qu'il consolidait les assises de la terre, je l'assistais dans ce travail” – donc référence à ce fameux texte de Proverbes 8, 27-29 qui aura une très grande importance dans la christologie.
Moïse, qui vivait bien des années avant Salomon – ou plutôt le Verbe de Dieu se servant de lui comme d'un instrument – dit : « Dans le Principe furent créés par Dieu le ciel et la terre » (Gn 1, 1). Ses premiers mots sont pour le principe et la création, et ainsi ce n'est qu'à la suite qu'il fait intervenir Dieu : il ne faut pas à la légère et pour un rien prononcer le nom de Dieu. La Sagesse divine prévoyait qu'il y aurait des diseurs de sornettes pour appeler Dieu une quantité de choses qui ne le sont pas. Aussi, pour que le véritable Dieu soit connu par ses œuvres, pour qu'on sache que dans son Verbe Dieu a fait le ciel et la terre et ce qu'ils contiennent : “Dans le principe, dit-il (Moïse), furent créés par Dieu le ciel et la terre”. Puis, à propos de leur création, il nous explique : « La terre ne se voyait pas, n'était pas préparée, et les ténèbres étaient au-dessus de l'abîme, et l'Esprit de Dieu se tenait au-dessus de l'eau ».
C'est ainsi que débute l'enseignement de l'Écriture Sainte : comment a été créée, est née de Dieu une matière, avec laquelle Dieu a fait et réalisé le monde.
Au II, 11 qui suit, Théophile commente la création elle-même comme l'ordonnance de cette matière, et cela commence par le Fiat lux. Nous avons ici un certain processus de théologisation, une certaine mise en place de différentes exigences de la pensée chrétienne, puisque pour Théophile, cette matière est produite antérieurement à d'autres matières par Dieu lui-même. Vous voyez cette solution provisoire à l'origine de cette matière puisqu'il va ensuite lire le récit de la création par le Verbe (par la Parole). Il dit ici que cette matière qui sera transformée par le Verbe, a été créée antérieurement par Dieu - antérieurement et autrement, car elle n'est pas créée par la Parole mais par une autre puissance de Dieu. Ceci n'est pas absolument précisé dans son esprit, mais ce serait à mettre en rapport avec la théologie des différentes puissances de Dieu.
Avant lui, saint Justin qui n'est ni juif ni gnostique mais un Père de l'Église, dans un texte que nous avons déjà vu[3], présuppose la matière à l'activité créatrice de Dieu : « Nous nous réunissons le dimanche car c'est le jour où Dieu, transformant la matière et les ténèbres, fit la lumière. » Et soyez sûrs qu'il n'y a pas là trace de véritable dualisme.
Pour ce qui est de l'emploi du terme de matière (hylé), son sens est assez souvent difficile à déterminer. La matière est ce qui va être transformé par la création. Les penseurs de l'époque la caractérisent par le contraire de ce que fera l'activité créatrice : elle est en creux ce que sera l'action de Dieu. Elle est ténèbre car l'action de Dieu est Lumière ; elle est désordre car l'action de Dieu est production d'un cosmos, c'est-à-dire d'une chose ordonnée, d'un monde ; elle est inerte car l'Esprit de Dieu la vivifiera, lui donnera la vie et le mouvement, etc. Vous voyez très bien comment le mot "matière", ici, ne désigne absolument pas ce qu'aujourd'hui nous appelons la matière.
Déjà Philon, le juif, farouchement monothéiste, avait dit que « Dieu avait créé par bonté pour ne pas laisser la matière dans le désordre », ce qui semble supposer une certaine préexistence de la matière, antérieurement à l'action divine créatrice. Mais une pensée de ce genre n'est pas du tout supportable dans la pensée d'un juif aussi intransigeant que Philon d'Alexandrie. En fait, l'opposition de la création à partir d'une matière préexistence et d'une création ex nihilo donc à partir de rien, se rapportera à une problématique théologique ultérieure qui n'a pas de sens ici. Tout en restant monothéiste, Philon d'Alexandrie peut très bien parler de cette matière qui est dans le désordre et qui reçoit la miséricorde divine.
Tertullien réagira contre les dangers de telles expressions, et par là se précisera progressivement la doctrine de la création ex nihilo qui sera désormais nécessaire pour répondre à la question logique ou théologique. Mais on aura perdu le sens de l'expression mythique de la miséricorde de Dieu dans sa manifestation principielle.
2) Le Verbe se manifeste comme une lampe et illumine la matière.
Au II, 13 Théophile revient sur la création de la lumière. Il y avait déjà le ciel et les eaux, et l'Esprit se tenait au-dessus des eaux.
« … C'est unique esprit se tenait à la place de la lumière, entre l'eau et le ciel, afin qu'en quelque sorte il n'y eût pas de communication entre les ténèbres et le ciel, qui est le plus rapproché de Dieu, avant que Dieu dît : “Que la lumière soit”. Le ciel était comme une voûte renfermant la matière semblable à une boule. (…) Et donc le commandement de Dieu, c'est-à-dire son Verbe, parut, comme une lampe dans une demeure fermée, et illumina la terre subcéleste par une création exercée en dehors du monde ; et Dieu appela la lumière "jour" et les ténèbres "nuit". »
C'est là que Théophile donne un aperçu de la première façon de considérer le Verbe (le Logos) comme Parole constituante, Parole créatrice, cela en rapport avec la fonction illuminatrice de la Parole. C'est un exemple du rattachement de la christologie au récit cosmogonique de la Genèse.
3) Mention d'une triade.
Au II, 15 est mentionnée pour la première fois le mot "triade" à propos du Père, Fils et Esprit qui deviendra ensuite le mot Trinité, la Sagesse étant mise au compte de l'Esprit Saint, on voit qu'en fait c'est un quaternaire puisqu'il y a aussi l'homme :
« Le quatrième jour naquirent les luminaires […] Les trois jours qui précèdent les luminaires sont les types de la Triade[4] (tès triados) : de Dieu, de son Verbe et de sa Sagesse. Du quatrième type relève l’homme qui a besoin de la lumière : ainsi nous avons Dieu, Verbe, Sagesse, Homme. Et voilà pourquoi c’est le quatrième jour que furent créés les luminaires. »
C'est ici qu'on trouve le terme "trias", la première mention de ce qui sera la trinité, et ce n'est pas encore dans le contexte de la Trinité dans toute sa rigueur.
Le premier nommé est Dieu qui, à l'époque, désigne le Père.
Le deuxième nommé est le Verbe (Logos) et non le Fils. En effet, au cours du IIe siècle la méditation sur Dieu n'utilise presque pas le nom de Fils. Elle le connaît certes. Mais la raison en est qu'il est très difficile de faire entendre aux Grecs que Dieu a un Fils, sinon dans un langage qui serait purement mythologique. Mais nous savons que le premier christianisme a choisi de réfuter la mythologie pour se confier complètement à la philosophie grecque. Or pour celle-ci, que Dieu ait un Fils paraît aberrant, en revanche que Dieu soit Logos (Verbe, Parole) convient parfaitement.
En troisième il est question de la Sagesse (Sophia) et non du Saint Esprit. En effet jusqu'à Tertullien et au-delà de lui, ce qu'il en est du Christ est médité à travers les mots Logos et Sophia, avec des nuances puisqu'en général c'est le Logos qui est la Sophia, mais chez certains comme Théophile d'Antioche, la Sophia est plutôt référée à l'Esprit Saint qu'au Logos.
4) Les mains ouvrières de Dieu
Au Livre II, 18, Théophile parle de la création de l'homme.
« Et voici ce qui touche à la réalisation de l'homme. Il n'y a pas de terme assez grand à la disposition de l'homme pour exprimer la création qui le concerne ; et pourtant une brève formule à ce sujet suffit à la Sainte Écriture. Dans ces paroles de Dieu : « Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance », d'abord elle montre la dignité de l'homme. Tout l'Univers, Dieu l'avait créé par la Parole, tenant tout cela pour accessoire, il ne juge digne d'être l'œuvre de ses propres mains que la création de l'homme. Bien plus comme s'il avait besoin d'aide, Dieu se prend à dire : « Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance. » Il n'a dit “Faisons” à personne d'autre qu'à son Verbe et à sa Sagesse. »
Irénée lui-même parlera des mains ouvrières de Dieu :
« Ce ne sont pas des anges qui ont fait ni modelé l’homme [...], ni quelque autre en dehors du vrai Dieu, ni une Puissance considérablement éloignée du Père de toutes choses. Car Dieu n’avait pas besoin d’eux pour faire ce qu’en lui-même il avait d’avance décrété de faire : comme s’il n’avait pas ses deux Mains à lui ! Depuis toujours en effet, il a auprès de lui le Verbe et la Sagesse, le Fils et l’Esprit. C’est par eux et en eux qu’il a fait toutes choses, librement et en toute indépendance, et c’est à eux qu’il s’adresse, lorsqu’il dit : “Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance”. » (Irénée, Contre les hérésies IV,20,1; SC 100/2, p. 625-627).
5) La délibération au sein de la divinité et la profération du Verbe.
Au Livre II, 22
« Tu vas me dire : “Tu prétends qu'il ne faut pas localiser Dieu dans un endroit, comment peut-il maintenant dire qu'il se promène dans le paradis ?” Écoute ce que je vais dire : Dieu, le Père de toutes choses, n'est pas localisable et ne se trouve pas dans un lieu, car il n'y a pas de lieu où il cesse d'être ; mais son Verbe, par lequel il a créé toutes choses, qui est sa Puissance et sa Sagesse, s'est revêtu de la figure du Père et Seigneur de l'Univers : c'est lui qui venait dans le paradis sous la figure de Dieu et qui s'entretenait avec Adam. Car l'Écriture Sainte elle-même nous enseigne qu'Adam disait qu'il avait entendu sa voix (Gn 3,10). Quelle autre voix serait-ce que le Verbe de Dieu, qui est aussi son Fils ? Non dans le sens où poètes et mythographes disent que des fils de dieux naissent d'unions charnelles, mais suivant ce que la vérité rapporte du Verbe qui existe toujours immanent (Logos endiathétos) au sein de Dieu.
Avant que rien ne fût, il tenait conseil avec lui qui est son intelligence (noùs) et son sentiment. Et quand Dieu décida de faire tout ce qu'il avait délibéré, il engendra ce Verbe au-dehors (Logos prophorikos), premier-né de toute créature (Col. 1,15), sans être privé lui-même du Verbe, mais ayant engendré le Verbe et s'entretenant toujours avec son Verbe.
Théophile distingue le Verbe d'avec la création. Tandis que la création est tirée de la matière, le Verbe est de toute éternité en Dieu, dans son sein, avant d'être proféré au dehors. Théophile se sert d'une distinction qui venait de Platon et du stoïcisme où on considérait :
- le logos intérieur (logos endiathétos)
- le logos proféré (logos prophorikos).
À la fin du IIe siècle, début du IIIe, chez Tertullien qui parle latin, le logos endiathétos correspond au verbum mentale, c'est le discours interne ; et quand il est proféré il s'appelle sermo.
D'où l'enseignement que nous donnent les Saintes Écritures, et tous les inspirés, entre autres Jean quand il dit : “Dans le principe était le Verbe ; et le Verbe était en Dieu.” Il montre qu'au début il n'y avait que Dieu et qu'en lui était le Verbe. Puis il dit : “Et le Verbe était Dieu ; tout par lui a existé et sans lui n'a pas existé une seule chose.” Le Verbe est donc Dieu et il est né de Dieu ; et, chaque fois que le veut le Père de toutes choses, ce Père l'envoie à tel lieu ; il s'y rend, s'y fait entendre et voir, comme son envoyé, et se trouve dans un lieu. »
C'est ici que Théophile dit une expression connue : "le Verbe est Dieu, né de Dieu".
Et Théophile reprend la distinction qu'on trouve déjà chez saint Justin, entre Dieu le Père et le le Verbe (le Logos), le premier est invisible alors que le Verbe est celui qui peut se donner à voir. Vous voyez très bien qu'il y a une origine néotestamentaire à cela, où le Christ est "l'image de Dieu" et "le visible de l'invisible"[5] ; il y a ce rapport du caché au manifesté qui est d'origine néotestamentaire
● Conclusion de Théophile sur la supériorité des chrétiens.
(II, 30) « Tout cela, c'est le Saint-Esprit qui nous l'apprend, en se servant de Moïse et des autres prophètes ; ainsi nos livres à nous, les vrais fidèles de Dieu, se trouvent être plus anciens – et surtout se montrent plus vrais – que les écrivains et les poètes. »
6) Remarques
a) Précisions sur le moment où Dieu tient conseil, où il délibère
Théophile dit qu'avant que rien ne fût, donc avant la création elle-même, Dieu "tient conseil avec lui…". Le mot boulè (conseil) est important, et ici il désigne « Faisons l'homme à notre image ». C'est une délibération puisque cela a l'air de se faire à plusieurs : « Faisons ». Pour Théophile, Dieu « n'a dit “Faisons” à personne d'autre qu'à son Verbe et à sa Sagesse. » (II, 18)
Cette délibération a alerté de toujours la pensée juive et la pensée chrétienne originelle. La pensée juive a été souvent conduite à dire qu'il s'agissait d'une délibération de Dieu et de ses anges (mais le mot "ange" a une signification tout à fait autre que celle que nous lui accordons aujourd'hui dans une réflexion de ce genre), et dans la première pensée chrétienne cela a souvent été désigné comme une délibération dans le sein de la divinité
Par ailleurs, pour les premiers chrétiens, quand Dieu dit : « Faisons l'homme comme notre image », il ne crée pas l'homme, mais il pose la semence de l'humanité accomplie, c'est-à-dire du Christ, donc cela signifie « Faisons le Christ ressuscité ». Et le texte de Genèse ajoute : « Mâle et femelle il les fit », cela concerne le Christ en lui-même et l'Ekklêsia (ou le Pneuma) c'est-à-dire l'humanité assemblée. Vous avez là la source secrète (et même pas totalement secrète) de nombreux développements de Paul, y compris sur le rapport masculin / féminin
b) La théologie des puissances de Dieu
Au point de vue christologique, la réflexion de Théophile s'est faite dans une théologie des puissances divines. En effet, d'après la pensée de l'époque, il faut distinguer, d'une part ce qui vient du conseil de Dieu (la boulé) qui correspond à une certaine passivité mythique de Dieu dans la manifestation divine (« cela advint par le conseil de Dieu »), et d'autre part ce qui est sa manifestation propre par ses puissances (dynaméis) qui sont "les mains de Dieu" (cf. II, 18). Mais ici il faut éviter l'interprétation hâtive de la main par le verbe "faire" au sens de fabriquer, d'abord parce que le "faire artistique" ne se pense pas à partir de "faire", et que la main c'est aussi ce qui garde, ce qui maintient, ce qui protège, ce qui caresse, et donc c'est tout autre chose que le simple "faire".
La création proprement dite au sens d'ordonnance est l'œuvre d'une puissance de Dieu, le Logos (le Verbe), qui ne crée pas au sens moderne mais ordonne la matière antérieure, il est la Parole ordonnante et la lumière manifestante. C'est à cette puissance qu'est le Logos que Jésus est assimilé.
[1] Une autre traduction est accessible sur http://www.theologica.fr/!_Pg_Patristique_Theologiens&OrdresMonastiques_5/Th%C3%A9ophile%20d'Antioche/Theophile_d_Antioche.pdf
[2] C'est la première fois qu'on rencontre l'expression Logos endiathétos dans un texte chrétien. Un peu plus loin (en 22) on trouve aussi l'expression correspondance Logos prophorikos. Ces expressions appartiennent en propre à la théologie stoïcienne.
[3] Cf. Pratique eucharistique de la 1ère Église (Justin) et récit de la multiplication des pains (Jn 6)
[4] On a ici le mot "triade" et non le mot "trinité". Joseph Moingt dans Théologie trinitaire de Tertullien évoque la pluralité des interprétations du mot trinitas chez Tertullien : « D'après G. L. Prestige, trinitas chez Tertullien, comme chez les Grecs de la même époque “comporte un sens collectif, il signifie simplement triade (c'est-à-dire une réunion de trois objets) et non tri-unité.” »
[5] « Lui qui est image du Dieu invisible, premier-né de toute création » (Col 1,15) ; « Celui qui m'a vu a vu le Père. » dit Jésus (Jn 14, 9).