Méditation de Joseph Pierron sur la Parole en st Jean, transcription X. de Chalendar
La Parole se trouve au cœur même du Silence de Dieu, et le texte de saint Jean est là pour faire exister cette Parole. Voilà le point de départ de Joseph Pierron.
Joseph était prêtre à Saint-Merry. À partir de 1996 et jusqu'à sa mort en 1999, il a lu l'évangile de Jean le dimanche matin avant la messe de la communauté, à raison d'une douzaine de fois chaque année. Il a pu lire les cinq premiers chapitres de Jean. A partir de là, son ami prêtre Xavier de Chalendar a effectué un tri en mettant en valeur les "Principaux thèmes abordés par Joseph au cours des entretiens de la salle jaune".
Le premier thème est celui de la Parole. Ce que dit Joseph est proche de ce que dit Jean-Marie Martin. Joseph a d'ailleurs écouté Jean-Marie parler sur saint Jean à Saint-Bernard de Montparnasse et il a transcrit ce que Jean-Marie disait. Dans ce qu'il dit icià Saint-Merry et que Xavier a transcrit, on voit comment la pensée de Jean-Marie peut être actualisée.
C'est l'occasion de rendre hommage à ces deux amis de Jean-Marie Martin : Joseph décédé en décembre 1999 et Xavier décédé en juillet 2015.
Le thème de la Parole en saint Jean
Joseph Pierron
Transcription Xavier de Chalendar
Le texte de saint Jean est là pour faire exister la Parole.
La Parole se trouve au cœur même du Silence de Dieu.
Je ne sais pas qui est Dieu. Je ne peux pas le savoir, je ne peux pas le réduire à une définition. Je ne peux pas l'enfermer ; c'est lui-même qui insiste dans son silence. Le texte de la parole a pour but de le faire ex-ister c'est-à-dire de le faire sortir de ce silence.
Le premier mot de l'Évangile de Jean est : « Au commencement était la Parole, et la Parole était tournée vers Dieu, et la parole était Dieu. » Donc il faut se retourner vers ce Dieu qui est un Dieu parole, non pas vers une doctrine, non pas vers un système théologique, non pas vers des modes de pensée ; il s'agit bien de se tourner vers l'Évangile.
Très souvent, dans la lecture chrétienne que nous faisons, soit dans nos cérémonies liturgiques, soit dans nos recherches spirituelles, nous sommes tentés de truffer la parole de Dieu, de la remplir de nos présupposés ; il faut mettre du vécu, il faut apporter des exemples vécus… or il n'est pas certain que dans cette démarche je n'apporte pas le résidu de ce que j'ai appris ; peut-être est-ce le résidu de ce que j'ai pensé de la vérité que je mets au sein même de Dieu.
La bonne façon de se situer, c'est de se dire que la parole est semence, qu'elle est semée et qu'elle doit s'accomplir en fruits et en récoltes. La parole doit pouvoir se développer en nous. Ce n'est pas nous qui avons la maîtrise de la parole, c'est la parole qui va au contraire nous interroger.
En face de cette incitation à sortir du Silence et à le faire se dévoiler, il y a forcément une résistance. S'il n'y avait pas de résistance, il n'y aurait pas de marche possible ; si mon chemin s'embourbe et qu'il n'y a plus de résistance, j'enfonce. La résistance ici, c'est que la parole de Dieu est toujours en retrait. Si je pense pouvoir donner des réponses et non des questions, c'est que je me suis trompé de route. Comme le dirait Paul, ce qui nous porte, ce qui nous met dans le secret, ce qui nous met dans le mystère, c'est que la parole de Dieu ne donne pas de solution immédiate ; elle nous renvoie à un autre questionnement. Nous allons donc tenter ensemble, non pas d'apporter des solutions, mais de trouver un questionnement qui est neuf.
Dieu est imprescriptible. Je ne peux même pas avoir l'horizon de Dieu : l'horizon, c'est comme quand je suis sur un chameau et que je vois l'horizon reculer. Dieu, je ne peux pas le cerner, encore moins le traverser, sauf si c'est Lui qui est transpercé et qui nous transperce.
La parole de Dieu délivre, elle n'est jamais d'injonction.
Elle n'est jamais impérative, mais indicative.
Le péché originel fut d'avoir transformé une parole de salut et d'indication en une parole de condamnation.
Se retourner vers ce Dieu qui est un Dieu Parole.
La Parole est semence.
La Parole de Dieu ne donne pas de solution immédiate, elle renvoie à un autre questionnement.
La grandeur de l'homme est de pouvoir se laisser questionner et, à son tour, de questionner.
La Parole fondatrice n'est pas une idée, une représentation, mais ce qui rend présent.
La foi est de l'ordre du saut : avoir le courage de sauter dans un mouvement qui s'est révélé.
Il y a des silences qui parlent.
Il y a un rapport étroit entre entendre et être libre.
Je ne suis que parce que j'écoute.
Montrer par la parole ou par le geste, avec l'index. Dicere, c'est montrer.
La posture, la façon de se tenir est plus importante que la possession.
Une Parole qui ouvre mais ne dit pas où cela mène.
Ce qui compte, c'est la recherche sans même savoir ce que l'on cherche.
Je dis quelque chose qui a déjà été dit, qui n'a jamais cessé d'être dit, mais qui n'a jamais été entièrement révélé.
En parlant je vis une expérience qui n'a jamais été faite.
Pour comprendre une Parole de révélation, je dois me dire : à partir de quoi j'entends cette Parole ?
Si j'entends cette Parole à partir de la peur, je l'entends comme une parole d'exclusion, je ne l'entends pas vraiment.
Si je l'entends à partir du pardon de Dieu et du don, je suis dans la gratuité, il n'y a plus de jugement.
Le discours de Jésus est à base de symbolisme, de rapprochements : il y a des mots phares.
Le dévoilement de la vérité ne se fait pas sans intermédiaire.
La parole de Dieu, parce qu'elle est une parole dite aux hommes, est forcément culturelle ; elle est acculturée, elle est dans une culture.
Il faut distinguer l'Évangile et la culture chrétienne. Et il y a déjà eu de nombreux types de cultures chrétiennes. Il faudrait traduire l'Évangile dans chaque culture.