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La christité
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  • Ce blog contient les conférences et sessions animées par Jean-Marie Martin. Prêtre, théologien et philosophe, il connaît en profondeur les œuvres de saint Jean, de saint Paul et des gnostiques chrétiens du IIe siècle qu’il a passé sa vie à méditer.
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1 décembre 2024

La foi qui accomplit la résurrection

L'Évangile ne dit qu'une chose : "Jésus est ressuscité", mais avec quels autres mots le Nouveau Testament dit-il la même chose ? Et pour nous aujourd'hui, que veut dire “croire dans son cœur que Dieu l'a ressuscité des morts” ? Quelle est cette foi qui accomplit la Résurrection ?

Ce sont ces questions auxquelles Jean-Marie Martin a répondu en 1975-76, au début de son cours de théologie à l'Institut Catholique de Paris (cf. Qui est Jean-Marie Martin ?).

Notez que le mot de "foi" ayant perdu son sens primitif, J-M Martin préfère en général garder le mot grec pistis (quitte d'ailleurs à suggérer de le remplacer par le verbe "entendre").

 

La nécessité de bien entendre ces deux mots "résurrection" et "foi" et leur rapport, fait que J.-M. Martin en a souvent parlé, aussi, en complément du présent message, vous pouvez aller lire d'autres messages (dont certains contiennent des lectures d'autres passages bibliques), en particulier ceux-ci :

 

La foi qui accomplit la Résurrection

 

Jean-Marie MARTIN

 

En ce début d'année nous allons vous montrer la constellation de plusieurs mots du Nouveau Testament.

D'abord l'Évangile au singulier ne dit qu'une chose : « Jésus est ressuscité ». Retenez bien cela : toute page du Nouveau Testament parle à partir de l'Évangile ;

Évidemment "résurrection" est le maître-mot de l'Évangile, mais c'est aussi un mot qui ne nous dit absolument rien, que d'entrée nous ne comprenons pas. C'est en ce sens-là que nous allons regarder une constellation de mots. Et pour cela nous allons vous donner quelques lieux de référence.

 

Comment dire que Jésus est mort et ressuscité ?

D'abord, à propos de ce que nous venons de dire, regardons 1 Cor 15 : « Je vous fais savoir, frères, l'Évangile que je vous ai évangélisé, que vous avez reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu'il a été enseveli et qu'il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures. » C'est cela l'Évangile… et c'est le cœur du Credo, donc son commencement. En effet l'Évangile ne commence pas par dire « Je crois en Dieu le Père tout-puissant etc. », pas du tout ! Le premier mot de l'Évangile, c'est : « Jésus est mort et ressuscité » et le Credo s'est fait ensuite autour, devant et derrière.

Vous nous direz que nous ne parlons que de la résurrection et pas de la mort. Il faudrait dire que c'est la même chose. Dans le premier christianisme, la mort et la résurrection ne désignent pas deux choses mais désignent le même. C'est très en avant de ce que nous expliquons, mais nous voulons mettre tout ensemble, consteller…

Une autre façon de dire que Jésus est ressuscité – une autre façon qui dit le même –, c'est de dire « Jésus est Seigneur ». Là encore vous pouvez aller voir 1Cor 15, 25-28 (« Il faut qu'il règne… »). Nous en résumons le sens. Seigneur (ou roi) désigne ici l'homme qui s'est rendu maître, seigneur, de toutes les limites humaines - qui a vaincu tous les ennemis humains (pour prendre le langage de Paul), « et le dernier ennemi réfuté, c'est la mort. » Ainsi, quand le mot Seigneur dit la maîtrise sur la mort, il dit "Ressuscité".

Une autre façon de dire la même chose, c'est de dire que « Jésus est monté au ciel » ou que « Jésus a été exalté ». Pour le premier christianisme l'exaltation de Jésus au ciel ne désigne pas du tout l'anecdote de l'Ascension, mais cette exaltation désigne la Résurrection. Ces deux termes (il est monté, il a été exalté) sont tirés d'une lecture du Psaume 110 : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Assieds-toi à ma droite dans les cieux – d'où le mot d'"exaltation dans les cieux" et le nom de "Seigneur" – jusqu'à ce que je place tes ennemis escabeau de tes pieds – et pour Paul le dernier ennemi c'est la mort. » Vous avez là la lecture que le premier christianisme fait du psaume 110, et il y a des éclats, des traces de cela dans tout le Nouveau Testament[1].

C'est en ce sens que « Jésus est ressuscité selon les Écritures », et ici le mot "Écritures" désigne bien sûr ce que nous appelons l'Ancien Testament. La lecture spirituelle du Psaume 110 comme disant le mystère de la résurrection, c'est la résurrection "selon les Écritures".

Une des premières attestations de la résurrection c'est le "selon les Écritures". Ne me demandez pas si c'est une bonne façon de lire l'Ancien Testament, pour l'instant cela ne nous intéresse pas. Pour l'instant nous regardons quelque chose qui nous est totalement étrange et étranger ; il faut vouloir s'y prêter…

 

Le rapport foi et résurrection

Prenons maintenant le texte de Rm 10, 8-9 : « C'est la parole de la foi que nous annonçons. Car si tu confesses dans ta bouche que "Jésus est Seigneur" et si tu crois dans ton cœur que "Dieu l'a ressuscité des morts" alors tu seras sauvé. »

Voici sous les deux formes primitives deux fois dites l'essentiel de l'Évangile :

  • "Pistis", mot que nous avons traduit provisoirement comme tout le monde par "foi".
  • « Tu seras sauvé » – là, c'est la notion de "salut" qui intervient et qu'on peut retrouver sous d'autres formes ;

Pistis c'est ce qui recueille la résurrection, c'est la résurrection dans le cœur : « Si tu crois dans ton cœur », au point que dans le Nouveau Testament, le mot "résurrection" ne s'entend que par la pistis, et pistis ne dit rien d'autre que "résurrection".

Bien sûr dans la Bible grecque des Septantes il y a des emplois du mot pistis qui désignent ce que nous traduisons par "foi", et cela bien avant les évangiles qui parlent de la résurrection de Jésus. Mais dans le Nouveau Testament le mot pistis est ressaisi à partir de la résurrection.

On trouve un exemple de cela dans l'épître aux Hébreux au chapitre 11 où il est dit qu'Abraham a bien eu la foi parce que, sacrifiant son fils, il attestait par là qu'il croyait à la résurrection. Voyez à quel point les notions de pistis et de résurrection sont mêlées dans la sémantique néotestamentaire.

 

Aujourd'hui le mot de "foi" est un des plus mauvais pour traduire pistis à cause des différents sens qu'il a pris :

  • un sens plutôt intellectuel désignant un catalogue d'opinions doctrinales,
  • un sens de persuasion et de sentiment subjectif, une promesse de fidélité, de confiance ("Je te donne ma foi, etc.).

Cette variété de sens qui est caractéristique de l'Occident n'est pas du tout de l'Évangile et cela enténèbre pour nous l'emploi de ce mot, si bien que de façon provisoire, nous conseillons, chaque fois qu'on rencontre le mot pistis ou le verbe pisteueïn, de les traduire par le mot "entendre" : entendre la résurrection[2].

Quand nous disons cela, vous, vous pensez que l'objet de l'acte de foi, c'est la résurrection, et que l'acte de foi c'est l'acte subjectif qui dit la résurrection : sujet/objet. En réalité le rapport est beaucoup plus complexe, il est différent de celui-là.

 

Dans ce que nous venons de dire il n'y a pas de mot approximatif, ou s'ils le sont, c'est parce qu'ils ne peuvent pas être autrement ; ils le sont de façon très calculée, ils ne sont pas hasardeux.

 

Retenez ceci : qu'est-ce que pistis ?

  • c'est ce qui recueille la résurrection.
  • et en même temps c'est ce qui, recueillant, accomplit[3] la résurrection.

Finalement la réalité de la résurrection, c'est la pistis de l'Église.

 

[Dans la suite du cours J-M Martin montre que le mot "Fils de Dieu" désigne lui aussi le Ressuscité]

 

[2] J-M Martin conseille d'utiliser l'infinitif "entendre" même à la place du mot "foi", il propose ce genre de chose pour d'autres mots, voir Repenser les "Je suis… " à partir de l'infinitif ; "la présence" à partir de "se présenter".

[3] L'accomplissement total reste à venir, c'est ce que J-M Martin montre dans la lecture de "Jn 20, 11-18 : Marie-Madeleine au tombeau" : « La résurrection pleinement accomplie est eschatologique ; dire « Jésus est Seigneur » cela accomplit la résurrection ; entendre « Jésus est Seigneur » cela accomplit la résurrection. » (cf. la deuxième partie de La foi comme recueil de la résurrection. Deux extraits du cours de J-M Martin à l'Institut Catholique de Paris en 1979/80)

 

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