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La christité
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  • Ce blog contient les conférences et sessions animées par Jean-Marie Martin. Prêtre, théologien et philosophe, il connaît en profondeur les œuvres de saint Jean, de saint Paul et des gnostiques chrétiens du IIe siècle qu’il a passé sa vie à méditer.
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4 octobre 2013

Homélie sur Mt 12, 38-42 : le signe de Jonas.

Voici l'homélie faite par Jean-Marie Martin lors du troisième jour de la retraite qui avait pour thème "Le signe de croix signe de la foi" et qui a eu lieu à l'Espace Bernadette, Nevers juillet 2010.

Le fichier audio de l'introduction figure sur le blog : Fichier MP3 : Jean-Marie Martin introduit à une Eucharistie lors d'une retraite à Nevers.

Pour lire, télécharger, imprimer, c'est ici : Mt_12__38_42

 

Introduction à la messe et homélie

 

  • Introduction.

Ces rencontres au milieu du jour sont les moments essentiels d'une retraite. Nous y venons célébrer le pain de la parole et le pain eucharistique. La parole nous a requis dans la journée, dans notre lecture, notre réflexion. Nous sommes ici pour rendre grâce pour ce que nous en avons entendu. Nous en avons sans doute entendu ce qui était bon pour notre journée. Nous avons encore beaucoup à entendre. J'ai d'ailleurs pour ma part pris l'habitude de rendre grâce pour ce que je n'ai pas entendu encore, parce que je sais qu'il y a encore à entendre et donc à attendre et donc à espérer.

Rendre grâce, demander. La prière demande ce qui se donne. Or Dieu ne donne pas simplement une parole à entendre, il donne que j'entende à l'heure où il m'est donné d'entendre. Entendre est un don qui n'est pas lié simplement à mes capacités intellectuelles ou que sais-je. L'Évangile n'est entendu en vérité que s'il est donné d'entendre. Si ça se donne, c'est que c'est de l'ordre de ce qui se demande.

Nous sommes là pour quémander cette part de nourriture qui est nécessaire pour chaque jour : le pain de chaque jour.

Nous pouvons repérer chez nous des négligences, des faiblesses, des occlusions, des refou-lements, des empêchements de ce qui contribuerait, de par notre faute plus ou moins, à nous rendre sourds à la parole, des craintes peut-être aussi. Pour cela nous demandons le pardon.

 

  • Évangile du jour : Mt 12, 38-42.

Quelques-uns des scribes et des pharisiens lui adressèrent la parole : « Maître, nous voudrions voir un signe venant de toi. » Il leur répondit : « Cette génération mauvaise et adultère réclame un signe, mais, en fait de signe, il ne sera donné que celui du prophète Jonas. Car Jonas est resté dans le ventre du monstre marin trois jours et trois nuits ; de même, le Fils de l'homme restera au cœur de la terre trois jours et trois nuits. Lors du Jugement, les habitants de Ninive se lèveront en même temps que cette génération, et ils la condamneront ; en effet, ils se sont convertis en réponse à la proclamation faite par Jonas, et il y a ici bien plus que Jonas. Lors du Jugement, la reine de Saba se dressera en même temps que cette génération, et elle la condamnera ; en effet, elle est venue de l'extrémité du monde pour écouter la sagesse de Salomon, et il y a ici bien plus que Salomon.

 

  • Homélie.

Il est question d'un signe, le signe. Nous avons dit que la croix est un signe. Ici le signe annoncé, c'est la Résurrection. Incitation pour nous à bien voir qu'il n'y a pas d'autre signe que la mort / résurrection de notre Seigneur Jésus Christ, que mort et résurrection ne font qu'un. Ce sera surtout la grâce de Jean que de nous montrer cela, à partir de demain[1]. La demande de signe est ici récusée. Ils demandent à voir pour croire (un signe pour croire) alors qu'en vérité c'est d'avoir entendu, d'avoir cru qui permet de voir.

En effet, on trouve cela chez saint Jean : nous sommes au bord du lac lors de la multiplication des pains et les Galiléens viennent de se rassasier de pain comme d'un signe miraculeux, et ils lui demandent un signe. Alors Jésus leur fait entendre qu'ils le cherchent non pas tellement pour avoir un signe mais simplement parce qu'ils ont été rassasiés, et non pas pour voir autre chose. Là aussi il fait appel à une figure de l'Ancien Testament qui est celle de la manne dans le désert : cette manne que nos pères ont mangée n'est pas le vrai pain venu du ciel, le vrai pain du ciel, "c'est moi-même que je donnerai pour la vie du monde".

Ici le signe est pris également dans les lectures vétéro-testamentaires des premiers chrétiens : c'est le signe de Jonas.

Nous avons signalé que la figure de Jésus comme tel dans son humanité n'est pas représentée dans les premières peintures, mais toujours à travers des figures : la figure de Daniel dans la fosse aux lions qui est debout, Orant, et donc manifeste sa résurrection en dépit de la mort, en dépit de la gueule de la bête fauve ; les trois enfants dans la fournaise en dépit des périls aussi, et qui chantent debout ; et enfin la figure de Jonas qui est fréquemment représentée.

Jonas sort de la baleine comme d'un tombeau, église de Gouda

Et je me rappelle à ce sujet avoir vu à Gouda (le pays du fromage), dans la grande église, un vitrail, du XVe - XVIe siècle d'après la facture, car c'est fait de morceaux de verres larges ; c'est Jonas sortant du monstre marin : il sort debout et la gueule du monstre marin a la figure de l'ouverture d'un tombeau, autrement dit c'est la résurrection de Jésus qui est reprise et signifiée à travers cette figure.

C'est un point de notre lecture d'aujourd'hui : mettre en évidence le signe. « Il n'y a pas d'autre signe ». Saint Jean néanmoins compte des signes puisque « C'est le premier signe que fit Jésus à Cana de Galilée » (Jn 2, 11) ;  « c'est le deuxième signe » (Jn 4, 54) ; au dernier chapitre, « pour la troisième fois Jésus se manifesta à ses disciples – c'est le « il manifesta sa gloire » de Cana – après sa résurrection d'entre les morts » (Jn 21, 14).

Jean choisit peu de “miracles”. Il y a plusieurs mots pour dire ce que nous appelons un miracle : c'est quelque chose qui étonne, donc qui donne à penser de par son étrangeté, sa nouveauté, sa différence d'avec l'ordre ordinaire des choses ; ou alors c'est le mot même de signe. Jean peut se permettre cela parce que, dans quelque miracle au sens courant du terme qu'il relate, que ce soit le miracle du vin à Cana, le miracle du pain, le miracle de la guérison du paralysé ou de l'aveugle, à chaque fois Jean célèbre un aspect de la résurrection du Christ en tant qu'elle nous atteint. Jamais dans la façon dont Jean traite un miracle il n'y a une simple anecdote à prendre au premier degré. La façon dont cela est écrit est une célébration de la signification profonde d'un aspect de la résurrection du Christ.

La dernière chose que je veux relever ici dans le texte de Matthieu, c'est que les prétendus familiers ne voient rien, n'entendent rien, et que ce sont les étrangers qui sont promis à entendre et à voir mieux que les proches : les païens entendront mieux que cette génération judéenne. Cela préfigure tout cet aspect du déploiement de l'Évangile au-delà de la frontière simple de ce que nous appelons le judaïsme. Cette vocation des goïm (des nations) est inscrite d'une certaine façon déjà dans l'Écriture, et néanmoins elle sera mise en œuvre, déployée surtout par l'écriture, les déplacements, les voyages, les discours, les souffrances, le remuement de Paul, ce Paul dont nous lisons un chapitre aujourd'hui (1 Cor 15).



[1] Le lendemain J-M Martin lira Jn1, 47-51 ensuite ce sera Jn 3, 12-18…

 

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