Le tableau Serignac, Mathigot 1970, avec l'extrait d'une préface écrite par J-M Martin
Qu'on ne croie surtout pas que cette peinture « retourne à la figuration ». Elle a mieux à faire que retourner, et la figure qui se montre n'est pas figuration imaginaire. L'espace et l'objet, l'ouvert et le clos, la couleur et le dessin s'essaient à dire les premières choses de telle ou telle peinture. Ici, comme dans une autre Genèse, les premières choses se nomment le ciel et la terre. Mais ciel et terre ne décrivent des régions du paysage que pour avoir été d'abord ses père et mère, à l'image de qui le monde vient à l'œuvre. La lumière mystérieuse et originaire ne se révèle que dans la différence du ciel et de la terre, et c'est ainsi que l'œuvre prend figure, non figuration : la libre lumière s'y reconnaît sous les espèces du monde. En diverses manières la peinture manque à venir au monde. Elle avoue partir du monde et de ses réserves pour une oublieuse évasion, ou bien, servile, elle s'attacherait à la tâche inutile de le reproduire : il ne fallait que le produire. Il n'est de fidélité que libre, de liberté que fidèle. Peindre devient alors l'acte le plus originel et le plus original, de faire venir le monde. Regarder la peinture n'est pas une oeuvre moindre.
Jean-Marie Martin
Texte écrit pour l'exposition Mathigot 1974, Galerie Weiller – Paris.
Tableau Serignac, 1970.
18 x 26 cm, Huile sur toile, collection particulière
Pour plus d'informations aller voir le message : Jean-Marie Martin et Mathigot. La peinture. ainsi que le site de Mathigot : http://www.mathigot.com/ .