Jn 3, 14-21. Le serpent d'airain. Jugement et sauvegarde. Où l'axe du jugement passe-t-il ?
L'Évangile est la bonne nouvelle du salut gratuit de Dieu, mais il faut bien entendre que sauver (rendre sauf) sépare (ou dénonce). Au paraître du Christ quelque chose de ce que nous sommes est confirmé, conforté, sauvegardé ; et quelque chose de ce que nous sommes est dénoncé, déclaré caduc. Le symbolisme de la croix comme lieu axial est ici fondamental, et tout cela nous oblige à changer de regard sur ce qu'elle représente. C'est à cela que Jean-Marie Martin nous invite dans la méditation de ce texte.
Vous trouvez dans ce message, après une lecture rapide des versets 14-16 qui concernent le serpent d'airain, une approche puis une lecture suivie des versets 17-21 ces deux dernières parties viennent d'une session sur la Résurrection qui a eu lieu à Saint-Jean de Sixt en septembre 2003.
Jugement et sauvegarde
Où l'axe du jugement passe-t-il ?
- «14Et comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l'homme soit élevé 15afin que quiconque croit ait, en lui, la vie éternelle. 16Dieu, en effet, a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle. 17Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. 18Qui croit en lui n'est pas jugé; qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. 19Et le jugement le voici: la lumière est venue dans le monde et les hommes ont préféré l'obscurité à la lumière parce que leurs œuvres étaient mauvaises. 20En effet quiconque fait le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de crainte que ses œuvres ne soient démasquées. 21Celui qui fait la vérité vient à la lumière pour que ses œuvres soient manifestées, elles qui ont été accomplies en Dieu. » (TOB).
Si on regarde le contexte, on voit que le rapport ciel / terre occupe tout le début du chapitre, d'abord dans le dialogue entre Nicodème et Jésus où dès le verset 5 Jésus affirme : « Si quelqu'un ne naît pas d'en haut, il ne peut voir le Royaume », ce qui donne lieu ensuite à des développements sur les célestes et les terrestres : « 12Si je vous ai dit des choses terrestres et vous ne croyez pas, comment croirez-vous si je vous dis des choses célestes. »
1) La relecture de l'épisode du serpent d'airain (v. 14-16).
● Le contexte.
Ce qui tient le rapport du haut et du bas, du ciel et de la terre, la bipolarité de toute chose et de tout être, c'est un axe qu'on trouve ici sous la figure du serpent d'airain exalté sur le bois. Ce n'est pas la première mention puisque :
– cet axe a été manifesté à propos de la descente du Pneuma (de l'Esprit) au Baptême, avec l'entrecroisement de la voix du ciel (« Tu es mon fils ») et de la voix de la terre (« Voici l'agneau de Dieu ») donc dans le thème de l'ouverture du ciel et de la terre ;
– on l'a trouvé à la fin du chapitre premier dans le thème de l'échelle de Jacob, « 51Amen amen, je vous dis, vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu montant et descendant sur le fils de l'homme. » Et ce n'est pas tantôt ils montent et tantôt ils descendent, c'est plus ils montent et plus ils descendent ;
Et ensuite cet axe sera figuré par la croix du Christ : « Quand j'aurai été élevé, je tirerai tout à moi … Par ces paroles il indiquait de quelle mort il devait mourir.» (Jn 12, 32-33). La croix n'a jamais été représentée dans les tous premiers siècles comme instrument de supplice. Elle est toujours prise comme instrument de gloire. Par exemple l'expression « Il règne à partir de la croix », qu'ils réfèrent à la mention « il régna à partir du bois », est lue par les premiers chrétiens dans le verset 10 du psaume 95.
Les premiers chrétiens ont puisé dans l'Ancien Testament des listes d'épisodes ou de fragments groupés autour d'un même thème symbolique. Vous avez un groupement de choses qui ont trait à la pierre, au roc, au rocher ; ou de choses qui ont trait à l'eau... Le serpent d'airain fait partie de ce qui a trait au bois et qui conduit au bois de la croix comme signe de l'intervalle ciel-terre, monter-descendre, être exalté. Le mot exalté, élevé (hypsosen) est un mot qui, dans un premier sens, est dit plutôt de la Résurrection, mais saint Jean l'emploie en même temps de la crucifixion. C'est-à-dire que le bois de la croix, ou l'arbre axial de la croix, l'axe ciel-terre, est appelé suivant les versions lignum ou signum (bois ou signe).
Le serpent d'airain élevé est donc une figure de la croix, figure qui est désignée comme exaltation du Christ (v. 14), et qui a la signification du « mode selon lequel il devait mourir ».
● Le texte.
« 14Comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, ainsi il faut que soit élevé le Fils de l'homme – l'élévation désigne l'aller vers le Père, donc la Résurrection. Mais comme le verset précédent le suggère (« 13Personne n'est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme »), monter c'est descendre, car plus il monte et plus il descend, autrement dit plus il remonte vers le Père en quittant sa figure d'homme parmi les hommes, et plus il vient comme Pneuma (Esprit) de Résurrection – 15pour que tout homme qui croit en lui ait vie éternelle.»
« 16Dieu a tant aimé le monde – le mot cosmos (monde) a presque toujours un sens négatif chez Jean, cependant, comme ici, il peut désigner les siens qui sont "dans" le monde (mais qui ne sont pas "du" monde) – qu'il a donné son Fils Monogène (son Fils un) – l'élévation du Christ sur la croix est aussi l'Ascension, la descente du Pneuma, les différents noms de ce qui relie ciel et terre – en sorte que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, – comme périssaient les combattants israélites – mais ait vie éternelle »
“Ne pas périr” fait allusion implicitement au livre des Nombres. L'épisode commence après le murmure des Hébreux sortis d'Égypte. Dieu envoie des serpents brûlants qui mordent, tuent, déciment les Hébreux qui vont s'adresser à Moïse. Moïse prie Dieu et Dieu dit : « Fais-toi un serpent brûlant, et mets-le sur une hampe ; et quiconque aura été mordu et la regardera, vivra » (Nb 21, 8). Le texte des Nombres dit « Tout homme ayant été mordu qui le regardera vivra » (v. 8) et ici : « tout homme qui croit en lui a la vie éternelle » mais pour saint Jean c'est la même chose, croire et voir, de même croire et entendre. Le Fils de l'Homme sera lui aussi élevé sur le bois de la croix et exposé aux regards selon ce que dit l'Écriture : « Ils verront celui qu'ils ont transpercé » (cité en Jn 19, 37). Et celui qui regarde le Christ, celui-là est sauvé, il est guéri, il reçoit une vie au-delà de la vie mortelle et il reçoit donc une vie aïônios. Ce mot aïônios est mal traduit par éternel si on le pense hors du temps. Il dit quelque chose qui serait à penser, à entendre, mais pas en se questionnant pour savoir s'il y a seulement la vie d'ici ou s'il y a une autre vie, car c'est un débat ridicule.
2) Première approche des versets 17-21.
Prenons le passage qui se trouve au milieu du chapitre 3 après l'épisode de Nicodème.
« 17Car Dieu n'a pas envoyé son Fils vers le monde pour qu'il juge le monde, mais pour que par lui le monde soit sauf 18Qui croit en lui n'est pas jugé, qui ne croit pas est définitivement jugé du fait qu'il n'a pas cru dans le nom du Fils Monogène de Dieu 19Car c'est ceci la krisis, la lumière est venue vers le monde, et les hommes ont aimé la ténèbre plus que la lumière, car leurs œuvres étaient mauvaises 20Et tout homme qui fait des choses honteuses hait la lumière et ne vient pas vers la lumière de peur que ses œuvres ne soient dénoncées. 21Mais qui fait la vérité vient vers la lumière, afin qu'il soit manifesté de ses œuvres qu'elles sont œuvrées en Dieu. » (Jn 3).
Voilà un texte qui apporte une apparente complexité : il n'y a pas de jugement mais il y a du jugement. Il y a plusieurs lieux où saint Jean parle du jugement, et d'une façon qui paraît non constante, non cohérente. En effet il y a deux thèmes :
– il y a le thème « Je ne suis pas venu pour juger le monde mais pour sauver » (Jn 12, 47) ;
– il y a le thème « Le Père lui a remis le jugement » (d'après Jn 5, 25), il est le juge des vivants et des morts.
En fait ces deux thèmes ne sont pas contradictoires même s'ils apparaissent ainsi au premier regard.
Une autre difficulté de notre texte est celle-ci : pour échapper au jugement il suffit de croire, c'est-à-dire que celui qui a la bonne opinion n'est pas jugé et tous les autres sont d'avance jugés c'est-à-dire condamnés ! Mais le texte ne dit pas cela du tout. Ce qui est dit ici c'est que la région du sauf c'est la région de l'écoute.
● Foi et écoute. Péché et surdité.
Remplaçons ici le mot croire par le mot entendre, c'est quelque chose que nous avons déjà dit. Donc entendre c'est n'être pas dans l'espace de jugement. Pourquoi ? Parce qu'entendre c'est ne pas saisir, ne pas catégoriser, ne pas prendre.
– "saisir" est important parce que « ils se saisirent de Jésus » (Jn 18, 12) ;
– "catégoriser" est important car Pilate dira « Je ne trouve pas de katêgoria en lui » (Jn 19, 7). En effet le sens premier de katêgoria est chef d'accusation ;
– "prendre" est important car le pneuma « tu ne sais d'où… mais tu entends sa voix » (Jn 3, ), c'est la différence entre la prise qui crée une mauvaise dualité et l'écoute qui nomme la non-fermeture sur soi.
On comprend à ce moment-là qu'il n'y a pas d'autre péché que d'être sourd, la surdité dont nous parlons ici, parce qu'on peut dire exactement la même chose que ce que Jésus a dit du voyant : il y a dans ce domaine-là, des voyants qui ne voient pas[1], et des sourds qui, à un certain niveau, entendent très bien, ils sont peut-être ouverts à ce qu'il en est d'entendre avec plus d'acuité.
Il n'y a pas d'autre péché que d'être sourd, car la relation d'écoute, qui est une relation de non-capture, une relation qui ne met pas à mort, cette relation nomme ce qui introduit l'homme dans le sauf. Pourquoi ? C'est que si je juge, je me juge ; si je tue, je me tue. Nous avons vu cela chez saint Jean : si ce qui est essentiel c'est l'interstice, dès l'instant que je rejette, je me rejette, j'établis cette coupure. Donc sous la dénomination d'entendre, de pistis (de foi) comme ici, c'est exactement la même chose que ce qui se joue essentiellement dans la lettre de Jean à propos du meurtre. Et on comprend très bien qu'il n'y a pas d'autre péché que de ne pas entendre. Celui qui n'est pas dans l'espace de l'écoute est dans la sphère du jugement. Et quelque chose du même genre a été dit par les Synoptiques sur le mode : « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés ». C'est dit sur un mode sapientiel mais c'est fondamentalement la même chose. Cela dénonce la non-écoute.
Et Jésus dit : « De ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront levés ; de ceux à qui vous les confirmerez, ils seront confirmés. » (Jn 20, 23). En effet « lever le péché » c'est répandre l'écoute, c'est annoncer, c'est dire, tandis que celui qui n'entend pas se confirme dans sa propre non-écoute.
● La séparation de Gn 1 et la croix.
Tout naturellement en Jn 3 ce thème du jugement s'exprime aussitôt dans la symbolique de la lumière et de la ténèbre. Nous savons qu'elle ouvre l'évangile de Jean mais elle ouvre aussi la Genèse.
Or la Genèse, avec la séparation de la lumière et de la ténèbre, est le premier jugement : c'est-à-dire que c'est le jugement premier et dernier, c'est ce qui sépare la lumière du chaos ou de la ténèbre du monde.
Et par ailleurs la séparation qui constitue la Genèse est également mise en rapport avec cette séparation qui constitue la mort du Christ, ou qui est la croix.
Le thème de la croix, c'est l'axe qui unit parce qu'il sépare. C'est un des noms de l'interstice dont nous parlons ici, c'est-à-dire cette réalité axiale. C'est pourquoi les premiers chrétiens disent que la croix a une double fonction, la double fonction de fixer et de séparer.
● Jugement et sauvegarde.
Pris en lui-même, le thème de la double fonction de la croix est un thème johannique. Il est donc affirmé, surtout au IIe siècle, sous la forme suivante : la croix sépare et confirme. Et chez Jean ce thème prend la forme des rapports entre jugement et sauvegarde :
- le jugement est le discernement au sens de ce qui sépare,
- le salut (ou la sauvegarde) est la confirmation, c'est-à-dire la remise à l'abri de ce qui était.
Il y a au moins deux passages fondamentaux de Jean qui parlent de ces choses, ils se trouvent dans le chapitre 3 que nous lisons, et le chapitre 12.
● La plus grande ouverture.
Alors vous pourriez me demander : d'après le verset 18 il s'agit d'entendre le nom du Fils Monogénês de Dieu, et donc il s'agit d'être ouvert sur quoi ? Eh bien, cela veut dire qu'entendre c'est être dans "la plus grande ouverture". Le mot "plus grand" est ici très important. Nous savons que chez Jean il désigne toujours précisément la Résurrection : « Tu verras des choses plus grandes » (Jn 1, 50) ; « Le Père est plus grand que moi » (Jn 14, 28). C'est-à-dire que nous ne sommes pas saufs tant que nous ne sommes pas ouverts dans le sens de la plus grande ouverture.
● L'axe du jugement passe en chacun, et non pas entre des individus.
Et ceci nous oblige à dire autre chose que je ne fais qu'indiquer, c'est que nous nous posons alors la question : est-ce que je suis du côté de la plus grande ouverture, effectivement ou non ? Voilà justement la question qui importune le texte.
En effet toutes les expressions de Jean qui indiquent l'extrême opposition, l'extrême différence comme la lumière et la ténèbre, comme la semence de Dieu et la semence du diabolos, toutes ces expressions qu'il ne faut surtout pas adoucir demandent à être bien situées. Or nous les situons comme ce qui trie entre des individus dont les uns sont de la race ténébreuse et les autres de la race lumineuse, et les expressions de Jean nous pousseraient vers cela : « Si quelqu'un… », « Celui qui… Celui qui ne…pas… » Mais ce faisant nous entendons "notre" logique, nos pronoms personnels.
Or il faut bien penser que nous sommes au monde par le pronom personnel depuis quelques siècles. Que le premier mot de notre mode d'être au monde soit ego, cela vient clairement du début du XVIIe siècle : « Ego cogito, ergo sum. » Et est impliquée par là une précompréhension de ce qu'il en est du pronom, et du pronom personnel qui n'a rien à voir avec l'usage fluide du pronom, notamment dans nos Écritures.
Ce que dit le texte c'est que quiconque est pour une part de la race de la lumière et pour une part est de la race des ténèbres. L'axe judiciaire, l'axe du jugement ne passe pas entre vous et moi, mais passe à l'intérieur de chacun d'entre nous, dans ce que nous appelons je. Ceci est capital.
Ceci est une sorte de critique très radicale de la façon dont nous privilégions la notion de substance qui est devenue ensuite chez nous la notion de sujet, et même la façon de se penser comme individu. Pour entendre l'Évangile, il faut cesser d'avoir un concept de sujet autonome, autosuffisant, totalement un, alors qu'il y a homme dans l'homme. L'homme spirituel est en exil dans l'homme mondain.
● L'homme est constitué par une double polarité.
En effet l'homme est constitué par une bipolarité essentielle : bipolarité du haut et du bas bien sûr, qui est la même que la bipolarité du masculin et du féminin[2], mais une double polarité qui implique déjà le quaternaire, c'est-à-dire la façon harmonieuse de tenir cette bipolarité ou au contraire la façon déchirée.
C'est d'ailleurs la double polarité constitutive de l'homme qui ouvre la possibilité d'une écoute qui ne soit pas captatrice, préhensive, et qui le pose toujours déjà en circulation. C'est ce qui fera que le mode d'être privilégié pourra être dénommé entendre. C'est ce qui fera qu'entendre n'est pas quelque chose qui arrive à quelqu'un qui est déjà constitué, mais qu'entendre est la grande signification de la parole, c'est ce qui nous constitue. Et la més-entente ou le mal c'est très précisément la situation dans laquelle nativement nous sommes, c'est ce qui est lu par nos textes.
La grande difficulté c'est que si nous ne sommes pas attentifs à cette situation fondamentale de langage et à la différence d'avec nous, quand nous lisons ces textes, nous devons alors les ramener tout de suite au domaine éthique qui ne touche pas à la constitution de l'homme. Autrement dit on sait ce que c'est qu'un homme, on va simplement nous dire comment il faut qu'il soit bien. Or justement, avant toute chose, il s'agit de ne pas savoir ce qu'il en est de l'homme, et d'attendre de cette parole qu'elle nous le dise. Autrement dit cette parole met en question la prise ou la prétendue suffisance que nous avons déjà sur nous-mêmes en prétendant savoir ce qu'il en est.
3) Lecture suivie des versets 17-21.
Reprenons les versets 17-21 du chapitre 3.
« 17Dieu n'a pas envoyé son Fils vers le monde pour qu'il juge le monde, mais pour que par lui le monde soit sauf » : donc jugement et salut, ou plus exactement jugement et non-jugement car c'est le non-jugement qui est salut. En effet il ne faut pas comprendre qu'il n'y a pas de jugement, car il est ajouté aussitôt après : « 18Celui qui croit en lui n'est pas jugé – il ne s'agit pas de "celui qui a la bonne opinion" mais de celui qui "entend", qui est "dans la zone de l'écoute" ; celui-là donc n'est pas jugé. Et celui qui ne croit pas c'est celui qui n'est pas dans l'espace de l'écoute ; donc ne pas entendre c'est se situer dans l'espace de jugement – celui qui ne croit pas a toujours été jugé d'avance », il est jugé par cela. Donc le "venir vers" du Fils fait que le monde est sauf, mais cela du même coup dénonce la non-écoute.
Et dans le texte de Jean cette double fonction de salut et de jugement vient justement à propos de la croix, dans la thématique des rapports ciel / terre donc de cette réalité axiale.
Cet axe ciel-terre se trouve à trois reprises avant nos versets 17-21 du chapitre 3 :
– Il a été manifesté déjà à propos de la descente du Pneuma au Baptême,
– puis on le trouve à propos de la reprise de l'échelle de Jacob à la fin du chapitre premier.
– ensuite, juste avant les versets 17-18 précédents, on le trouve dans la thématique du serpent d'airain élevé qui est une figure de la croix, figure qui est désignée comme exaltation du Christ (Jn 3, 14), et qui a la signification du « mode selon lequel il allait mourir » (Jn 18, 32). Donc la croix chez saint Jean dit aussi l'exaltation, le relèvement, cela dit la mort et la résurrection simultanément car c'est la même chose. C'est cette axialité-là.
Les versets 17-18 que nous avons lus désignent ensuite ce lieu comme étant le lieu du sauf et du judiciaire (mais dans le rapport que nous avons dit), et aussitôt après, aux versets 19 à 21, ceci donne lieu à la distinction entre lumière et ténèbre qui est le lieu premier du jugement. Autrement dit, puisque lumière et ténèbre renvoient au début de la Genèse, le lieu du sauf et du judiciaire est le lieu premier de ce que nous appelons la création. En effet les premiers versets de la Genèse sont moins la création, au sens que nous disons, que la sauvegarde du monde. C'est un récit de salut ; et un récit de salut se fait par discernement, se fait par séparation. YHWH sépare « entre… et entre…», et justement il sépare lumière et ténèbre. C'est la première séparation du jour un qui est le jour sauf, qui est le jour du salut.
Cette structure fondamentale est constitutive de l'Évangile comme tel.
[1] Voir Jn 9, 39 qui n'est pas à prendre au premier degré.
[2] « Il y a du féminin chez l'homme, du masculin chez la femme, il y a cette polarité structurelle, c'est-à-dire que nous sommes vraiment dans une grande première chose. Ce qui situe analogiquement, d'une façon que je ne peux pas mesurer parce qu'il faudrait être spécialiste en ce domaine, masculin et féminin un peu comme yin et yang, ou purusha et prakriti dans d'autres cultures,. » (Cycle Ciel-Terre au Forum 104).