Le SACRÉ dans l'Évangile. Ch VI : Le couple mustêrion/apocalupsis (caché/dévoilé) ; les sacrements
Jen-Marie Martin en vient ici à traiter du mot grec mustêrion (caché) dont il a déjà parlé au cours de cette session sur le sacré. La première partie du chapitre tourne autour du couple mustêrion / apocalupsis. On peut traduire apocalupsis par révélation, le mot mustêrion ayant lui-même été traduit en latin par le mot sacramentum. L'évolution de ces deux termes au cours de l'histoire est intéressante à suivre. En deuxième partie la notion de sacrement est longuement étudiée sous divers aspects ; certains sacrements (baptême, eucharistie, ordre…) sont évoqués ; à la fin, des propositions sont faites pour penser à nouveaux frais les sacrements.
- Lien vers la présentation de la session et de la transcription : Le SACRÉ dans l'Évangile. Présentation et table des matières de la transcription
- La rencontre précédente : Ch V : Le sacré comme présence christique de l'Insu.
- La rencontre suivante : Ch VII : Église et dogmes ; dernières considérations sur le sacré.
- La totalité de la transcription est dans le tag SACRÉ
- Pour la totalité de la transcription : version du 18/04/2022 en fichier pdf : Sacre_dans_l_evangile et en fichier docx : Sacre_dans_l_evangile ; version 2015 en fichier epub : Le_Sacre_dans_l_Evangile. (NB il y a peu de différence entre les versions)
- Liens vers deux messages de présentation générale : Qui est Jean-Marie Martin ? (ses lieux de recherche, ses articles) ; Mise en garde (réflexions sur le contenu des transcriptions).
Chapitre VI
Mustêrion /apocalupsis :
Les Sacrements
J'en ai fini avec la lecture de Jean, et je voudrais commencer ce qui est une entrée sur un thème plutôt que sur un texte, et ce n'est pas ce que je préfère, parce que je ne sais pas mettre les choses en ordre : tout circule en tout, alors pourquoi suivre un ordre plutôt qu'un autre ? C'est ce qui m'empêche d'écrire ! Je vais quand même essayer de le faire à propos du terme mustêrion. Vous verrez que c'est une longue histoire.
I – Mustêrion / sacramentum
Le mot de mustêrion nous l'étudierons d'abord en lui-même, et ensuite en tant qu'il fait couple avec le mot apocalupsis que l'on peut traduire par révélation.
1) Le mot mustêrion.
La racine du mot mustêrion est "mu", et il a singulièrement une affinité avec muthos (le mythe). C'est une racine qui persiste dans notre langage, par exemple dans le mot "muet", et ce n'est pas très heureux, parce que ça confond le mutisme et le silence, deux choses bien différentes, mais c'est comme ça !
Le mot muthos est, chez nous, en relation avec un autre mot qui est celui de logos, mais là, il ne s'agit pas du Logos johannique, il s'agit du logos qui est un mot majeur dans la langue grecque. Logos donnera ce qu'on appelle aujourd'hui "logique" (même si ce n'est pas son origine), et la "mytho-logie" est le regard rationnel porté sur l'archaïque muthos. Autrement dit les deux choses s'opposent. Quand je dis cela, je sous-entends que le regard rationnel est un regard critique, méprisant, éventuellement sur le mode de parole qui aurait précédé le mode logique du "connaître", qui serait le propre de notre Occident et singulièrement de notre modernité.
Or, à l'origine, ces deux mots, muthos et logos, sont synonymes. Dans le plus archaïque, chez Homère par exemple, ils disent la même chose. Chez nous, au contraire, leur signification est d'un écartement extrême. Nous en avons trace, c'est intéressant de le noter en passant, dans le terme de démythologisation qui a surtout été prôné par Bultman pour la lecture de l'Écriture : il s'agit de dégager de l'Écriture ce qui relèverait d'un archaïque muthos absolument dépassé, pour ne garder que ce qu'il dit qui serait, soit traduisible dans un langage de la raison, soit reconnaissable dans un langage d'historien au sens moderne de l'histoire scientifique. Nous avons ici quelque chose d'assez paradoxal !
Cependant il ne faut pas simplement en rester à ce que serait une histoire du langage et une histoire de la pensée, car le mot mustêrion existe dans l'expression "religions à mystère". Ce sont des religions très différentes de la religion impériale qui domine et dont le rapport avec l'État est important. On les trouve chez les Romains, mais il faut savoir qu'on parle grec dans la Rome de cette époque. Comme religions à mystère, on a par exemple les sectes pythagoriciennes, les mystères d'Isis qui sont empruntés à l'Égypte, ce sera plus tard un peu les mystères de Mithra etc.
L'empire romain est en principe accueillant aux multiples formes religieuses, à ce qu'on peut appeler les autres religions, parmi lesquelles il y a un pullulement de religions à mystères. Les juifs eux-mêmes ont des synagogues dans les villes de l'empire.
Ceci avait simplement pour but de parler de ces religions à mystères où on trouve la pratique de certains rites et la commémoration d'un muthos.
2) Le terme apocalupsis et son rapport à mustêrion[1].
Le terme apocalupsis fait couple avec mustêrion. On le traduit par "révélation". Dans son étymologie apocalupsis a pour racine calumna (voile), il signifie la levée du voile : ce qui était voilé se dévoile. Révélation : le rideau se lève, si vous voulez, sur une scène.
Bien sûr, la notion d'apocalypse telle qu'elle sonne aujourd'hui à nos oreilles (« c'est apocalyptique ») n'a rien à voir avec cela. Elle vient de l'Apocalypse de saint Jean qui a son langage propre et qui est un modèle de muthos si on veut. Ce serait l'équivalent de ce qu'on appelle l'apocalyptique, à savoir une littérature qui a ses racines dans la littérature prophétique elle-même, qui se déploie en une sorte de genre littéraire très répandu dans le monde hébraïque, dans le monde chrétien, et même après l'âge apostolique : l'apocalyptique est un genre littéraire.
Donc lever le voile ou lever le rideau : la scène est cachée, on lève le rideau et on voit. Seulement la représentation que nous avons de cela n'est pas suffisante pour comprendre le mot apocalupsis, parce que mustêrion et apocalupsis ne sont pas des contraires. En effet, l'apocalupsis lève le voile sur quelque chose qui reste voilé. C'est le rapport d'un dévoilement qui, à certains égards, est véritablement dévoilement, mais en même temps est la garde du caché comme caché : révéler le caché comme caché[2].
Nous ne vivons pas sur ce schéma-là, carpour nous, ou c'est voilé ou c'est dévoilé ; ou on sait, ou on ne sait pas. Ici le rapport du caché et du dévoilé n'est pas du tout un rapport d'ignorance et de connaissance. C'est par exemple ce qui justifie l'importance de la recherche qui n'est pas simplement une recherche pour connaître, mais une recherche qui est déjà connaître : chercher c'est déjà connaître, comme l'a dit Pascal.
On peut résumer ce qui a trait au couple mustêrion / apocalupsis dans un tableau.
mustêrion |
apocalupsis |
Caché Secret Mystère |
Ré-vélation du caché comme caché Levée du voile sur quelque chose qui reste voilé Dévoilement accomplissant |
3) Le passage du grec au latin : de mustêrion à sacramentum.
Le mot sacramentum, de très bonne heure, traduit le mot néotestamentaire mustêrion et l'idée de caché qui existait dans mustêrion reste dans l'idée de sacrum.
Vous connaissez l'exemple caractéristique de Ep 5 : « Ce sacrement est grand quand je le dis du Christ et de l'Ekklêsia » (Ep 5, 32), où "sacrement" traduit le mot grec mustêrion employé par Paul. Et il n'est évidemment pas question de sacrement au sens théologique strict dans ce passage.
Le mot sacramentum est un mot qui a déjà un usage, et il désigne une chose très précise, c'est le serment qui est fait à l'empereur : tout soldat romain, quand il rentre dans l'armée romaine, fait ce serment.
Vous savez que le mot serment a pour origine le mot sacramentum au Moyen Âge, dans l'histoire du français. Le serment est une parole sacrée qu'il ne faut pas profaner. On pourrait dire que c'est de l'ordre du pré-juridique, c'est-à-dire de l'ordre de ce qui régit une culture, une société, lui donne sa consistance, sa crédibilité, son espace de vie. La parole fausse ouvre à des troubles qui peuvent être graves dans un être-ensemble. La notion de serment a par exemple une grande importance dans la chevalerie à l'époque, et le félon, par exemple Ganelon[3], c'est le contraire du chevalier. Donc il y a une idée de fidélité, de fidélité jurée, de parole donnée, quelque chose de ce genre.
Que le mot grec mustêrion (latinisé en mysterium) passe au mot latin sacramentum, c'est attesté entre autres par le fait que saint Ambroise, évêque de Milan au IVe siècle, Père éminent de l'Église latine, a écrit deux petits traités ; l'un s'appelle De Mysteriis et l'autre De Sacramentis, et ils ont le même sujet, ils traitent de la même question.
4) Évolution du sens du mot mustêrion.
Les mots corrélatifs de mustêrion et d'apocalupsis iront ensuite dans une autre direction[4]. La direction première est celle qu'on pourrait appeler, au moins de l'extérieur, une « gestion de la pratique » puisque les sacrements, dans l'Église, deviennent peu à peu comme une gestion de la pratique[5]. À la suite d'une évolution, une deuxième direction apparaît dans le domaine de la foi et de la connaissance, ce qui ouvre la question de la connaissance qui s'acquiert en théologie, ce qui présuppose qu'il y ait une dogmatique et pas simplement la lecture rituelle qui est faite de la Sacra Scriptura dans les communautés. Cela donnera tout un développement auquel il faut être très attentif, il a sa raison d'être à l'époque ; certaines de ses composantes peuvent être rejetées ou transformées, et d'autres non, mais il faut bien connaître cette histoire. C'est là que le mot mustêrion prend un sens avec l'expression « les mystères de la foi ».
En effet, l'Église rencontre d'abord un monde qui est celui de l'Antiquité tardive, et ensuite le monde médiéval. C'est alors que s'opère le transfert du mot mustêrion de la pratique vers la connaissance ("les mystères de la foi"). Et comme se développe une certaine idée de la ratio, on pourrait dire que commence dès le début une espèce de conflit ou de débat entre les mystères de la foi et la raison. On rejoue la différence entre muthos et logos qui apparaissait avant.
Le mystère a alors le sens purement négatif de ce qu'on ne comprend pas, et il est offensant pour une exigence rationnelle qui prend jour et force, progressivement, dans l'histoire de l'Occident. La théologie a été un débat entre ce qu'on appelait "les mystères" qui sont opaques à la raison, et une juste reconnaissance par l'Église de l'avènement de la raison. Ce compromis couvre toute l'histoire de la théologie. Je pense qu'elle aurait eu mieux à faire, mais ça ne fait rien !
Il est très intéressant de voir par exemple ce que devient l'idée de Dieu. En effet, la théologie distingue un "Dieu qui est atteignable par la raison" d'un "Dieu qui relève de la révélation". C'est la différence de ce qu'on appelle la connaissance naturelle – parce que la notion de nature continue à jouer son rôle dans cette affaire – et la connaissance révélée. C'est une simple distinction qui est faite en reconnaissance de ce que représente la notion de ratio dans ce moment d'évolution qui est le moment médiéval. Il n'a pas exactement le sens qu'il a chez nous.
Donc il y a d'une part cela de Dieu que la raison peut prouver – ils ne vont pas si loin souvent, et prudemment saint Thomas dit : ce ne sont pas des preuves, ce sont des chemins de pensée ; enfin bon ! – et d'autre part cela de Dieu que la raison ne peut pas prouver par elle-même et qu'elle ne peut pas non plus justifier quand elles proviennent d'une autre source, par exemple la Trinité. C'est la théologie la plus classique, la plus courante.
5) Parenthèse : La Somme Théologique de saint Thomas d'Aquin.
Saint Thomas d'Aquin (XIIIe siècle) a écrit une multitude d'ouvrages, mais en particulier la Somme Théologique, un gros ouvrage que j'ai beaucoup fréquenté pendant des années. Il a aussi écrit une Somme plus petite qui s'appelle la Somme contre les Gentils, qui est un exposé total de la doctrine catholique, ses adversaires étant principalement Averroès, le penseur musulman, et Rabbi Moses qui est Maïmonide. Le Moyen Âge adore la discussion. Toute pensée est promue sous la forme de la discussion.
La Somme Théologique est formée de grandes questions à propos desquelles il y a plusieurs articles[6]. Comment est écrit un article ? Une question très courte est d'abord posée ; elle a plusieurs réponses, mais des réponses hâtives qui sont des oppositions contraires (des objections) à la proposition qui va être retenue. Ensuite il y a "sed contra" (en sens contraire), en général une autorité, par exemple « saint Augustin a dit que…» Ensuite : « Respondae dicendum… (Je réponds qu'il faut dire…) », et le maître se lève et propose un développement. Tout ce qui précède constitue le corps de l'article. Ensuite il faut répondre à chacune des objections du début, fort du principe de l'intelligence qui a été donnée[7], ce sont des additions.
Tel est le mode de fonctionnement de l'enseignement, et c'est repris traditionnellement comme mode d'exposition de la théologie dans les plus grandes Sommes, mais pas dans la Somme contre les gentils qui, elle, est écrite comme un livre d'aujourd'hui, avec des chapitres et non pas avec des articles.
Le plan d'un ouvrage est extrêmement important, même tellement important que je n'oserai jamais m'affronter à cette question ! La preuve c'est que j'ai beaucoup de mal à esquisser un semblant de plan pour ce que je suis en train de vous dire. Et pourtant, ce n'est pas parce que je méprise le plan, mais c'est parce que je n'y arrive pas, car la phrase que j'énonce en premier n'est audible que si on a entendu la dernière ! Alors comment écrire la première phrase ? Pourquoi est-ce la première ? Ce qui est bien, c'est que le poème délivre de ce souci. Le poème a beaucoup d'exigence, une exigence bien plus grande encore, mais pas celle-là.
La Somme Théologique de saint Thomas est distribuée de la manière suivante : la Prima Pars est la première partie et concerne la doctrine ; la deuxième partie concerne les vertus, la morale avec deux sous-parties : Prima secundae et Secunda secundae, la morale générale et la morale détaillée ; et la Tertia Pars est la troisième partie qui concerne les moyens, c'est-à-dire le sacramentaire. C'est très curieux parce que saint Thomas change de langage par nécessité. Dans les deux premières parties, ce qui domine, c'est le langage philosophique car il est un grand lecteur d'Aristote, et ce qui domine dans la Tertia Pars c'est le langage des Pères de l'Église ou éventuellement de l'Écriture.
Je dirai comment intervient parfois le langage juridique. En effet, la nature du langage qui est employé est extrêmement importante, et l'ordre qu'on donne aux choses dans ce domaine a toujours une signification : le plan parle.
Dans la Somme contre les Gentils il y a, dans une première partie, tout ce que la raison peut récupérer et s'approprier dans le discours chrétien, et ensuite dans la deuxième partie, tout ce qui concerne les mystères, c'est-à-dire les choses qui sont imperméables à la raison. Autrement dit, cela devient une distinction majeure.
Conclusion
J'ai marqué que le mot mustêrion donne lieu d'abord à une interprétation dans le champ de la sacramentaire, c'est-à-dire de la pratique ecclésiale et, dans une autre perspective, la même distinction fondamentale donne lieu à des développements dans le champ de la connaissance.
Bien sûr vous n'oubliez pas que le mot de mystère, finalement, dit ce qui est totalement opaque, offensant pour la raison, et même dérive dans l'expression « faire des mystères » c'est-à-dire dire des cachotteries. C'est intéressant de voir le sens premier et les sens dérivés, c'est aussi intéressant que de suivre le cours d'un fleuve, parce que vous avez un fleuve dans sa marche, vous avez des affluents qui en déforment le cours éventuellement. En effet, un fleuve n'est pas comme nous. Nous, comme on fait son lit on se couche, mais le fleuve se couche comme il fait son lit ! C'était pour rire !
II – Sacrement
Mon intention était d'abord de marquer la différence entre les deux interprétations du mot mustêrion, mais maintenant que c'est situé, j'en viens au mot sacramentum comme traduction d'une pratique ecclésiale.
1) Le mot sacramentum.
a) La notion de sacrement à l'origine.
À un moment donné la notion de sacramentum est donc prise pour désigner la pratique chrétienne. À cette époque, d'une part elle garde un sens non clairement défini, et d'autre part, dans les faits, elle embrasse pratiquement l'initiation chrétienne, c'est-à-dire ce qui correspond pour nous au baptême, à la confirmation et à l'eucharistie. Entrer jusqu'à l'eucharistie est un cheminement qui a ses propres étapes et ses propres pratiques.
b) La définition du sacrement au XIIIe siècle.
Ce n'est qu'à la fin du XIIe siècle que le mot sacramentum va prendre une définition stricte. On cherche ainsi à savoir exactement ce qu'est un sacramentum, pour pouvoir en donner une définition, et cela s'élabore au cours du XIIe siècle, car ce qu'on a appelé vaguement sacramentum jusque-là désigne un grand nombre de pratiques dans l'Église. Nous n'en sommes plus simplement à l'initiation chrétienne, on peut appeler sacramentum un bon nombre de pratiques comme l'eau bénite, la bénédiction de l'étable (nous sommes dans une culture paysanne où c'est très important), une image pieuse. Il y a des théologiens du XIIe siècle qui disent : « il y a trois sacrements », il y en a d'autres qui disent « il y a quarante sacrements » ! Et c'est légitime, on ne peut pas les compter puisqu'on n'a pas leur définition.
La définition c'est la réduction à un dénominateur commun, donc à une dénomination commune. Vous savez que, pour additionner des fractions, il faut les réduire à un dénominateur commun ; ici c'est la même chose, d'où l'importance de la définition pour répondre à la question : « combien y a-t-il de sacrements, et qu'est-ce qui est sacrement ? » Alors cette définition s'élabore, et elle est déjà pratiquement élaborée au concile de Latran IV (début du XIIIe siècle).
Cette définition peut se résumer dans la notion de "signe efficace" : le sacrement signifie quelque chose, mais produit ce qu'il signifie, il produit la grâce qu'il signifie[8].
● Le chemin qui va de mustêrion / apocalupsis à "signe efficace"[9].
Nous avons parlé de la structure du rapport mustêrion / apocalupsis qui est le rapport du caché au manifesté. Ce qui est intéressant à propos de la notion de sacrement, c'est que cette relation va bientôt se penser sous le rapport de l'invisible au visible. Évidemment, caché / dévoilé et invisible / visible c'est presque la même chose. Cependant il y a là un glissement important à la mesure où visible et invisible sont désormais pensés selon la structure de pensée platonicienne comme deux choses, la chose visible et la chose invisible, et la question sera de percevoir le lien entre ces deux choses. Autrement dit, toute la question sera de rabouter le visible à l'invisible, alors qu'avec le rapport caché/dévoilé nous avions une certaine continuité de développement. Désormais on part de deux choses qu'il s'agit de rabouter, même si nous sommes apparemment dans une véritable continuité de pensée puisqu'il y a bien un rapport entre caché/manifesté et invisible/visible. Et dès l'instant que cette problématique s'est installée, nous ne sommes pas loin de la problématique d'Hugues de Saint-Victor (XIIe siècle) : « Sacramentum est corporale vel materiale elementum foris sensibiliter propositum ex similitudine repraesentans et ex institutione significans, et ex sanctificatione continens aliquam invisibilem et spiritualem gratiam(le sacrement est un élément corporel ou matériel proposé de manière extérieure et sensible, qui, en vertu d'une similitude représente, en vertu de l'institution signifie, et en vertu de la sanctification contient une grâce invisible et spirituelle) »
Autre différence : dans le rapport du caché au manifesté était incluse d'une certaine façon la notion de mise en œuvre. Or s'insinuera progressivement une différence entre la connaissance d'une part et l'agir d'autre part. C'est-à-dire que le visible et l'invisible joueront dans le registre du connaître, du voir, et c'est pourquoi, avec une géniale conscience de ce que ceci n'égale pas l'origine, les théologiens seront contraints de dire que, en plus de la fonction de signification dans l'ordre du connaître, il y a une efficacité de l'ordre de l'agir dans le sacrement. Autrement dit, la notion classique de sacrement ajoute l'idée de signe et l'idée d'efficacité : "signe efficace" – "qui dit" et "qui fait". Cette définition garde en un certain sens l'essentiel de ce qui est à dire, mais par mode d'addition, de raboutement, parce que nous pensons à part l'idée de connaître et l'idée d'agir. C'est positif en ce sens que les éléments sont gardés, mais c'est décadent à la mesure où c'est par mode d'addition d'éléments préalablement isolés que s'accomplit la définition du sacrement.
c) Le cas concret du baptême.
Une fois produite la définition du sacrement, on compte ce qui peut entrer dans cette définition, et on retient sept rites. Ce faisant on essaie de mettre de l'intelligibilité, du tri, dans une pratique qui a été multiple au cours des siècles. En effet, l'Église a une longue pratique derrière elle et a été affrontée à bien des questions.
Par exemple l'Église a été affrontée à la question des lapsi[10] lors des grandes persécutions : beaucoup de chrétiens qui n'ont pas la ferveur des premiers, renient leur foi, et puis, la persécution passée, ils voudraient rentrer à nouveau dans l'Église. Alors la question se pose : est-ce qu'il faut les rebaptiser ? Voilà une question pastorale. Il se décide que non, ils ont à accomplir une sorte de pénitence pour pouvoir rentrer, ils ont besoin de se laver les pieds[11], mais ils peuvent le faire. Et ceci donne de l'importance à une pratique déjà ancienne, celle de la célébration du pardon. Mais les circonstances mêmes de l'histoire donnent à cette pratique une autre dimension, et donnent en plus un élément de réflexion. S'ils ont renié, ils ne sont plus dans la grâce du Seigneur, mais s'ils reviennent et qu'on ne les rebaptise pas, reviennent-ils dans la grâce du Seigneur ? Et si oui, à quel titre ? Ils sont sortis de l'Église par l'apostasie, or c'est le baptême qui permet d'entrer dans l'Église. Donc, si on ne les rebaptise pas, c'est que quelque chose de leur baptême perdure en eux, et c'est là que de très bonne heure s'est élaborée la notion de caractère baptismal.
d) La notion de "caractère".
Le caractère n'appartient pas à tous les sacrements, il y a seulement trois sacrements qui ont un caractère : le baptême, la confirmation et le sacrement de l'ordre. Le sacrement de mariage n'a pas de caractère matrimonial, mais seulement un lien qui est dit en langage juridique, alors que le caractère était pensé dans le langage symbolique de la marque : pour le caractère on utilise un mot beaucoup plus ancien, qui se trouve chez saint Jean, chez saint Paul, le mot de sphragis (sceau). Il n'y a pas beaucoup de marques corporelles, sinon dans l'Apocalypse, la marque sur le front des élus, alors que le terme de sphragis, de marque, désigne une marque spirituelle qui n'est valide ensuite que par une attestation, par exemple une mise dans un registre. Le caractère est donc une marque indélébile.
Pour le mariage c'est un lien indissoluble, mais il se dit dans le langage du droit, comme un contrat qui serait imprescriptible.
e) Les sacramentaux.
Donc intervient ici la notion de "signe efficace", ce qui nécessite de revoir la situation par rapport aux multiples pratiques devenues en usage (le chapelet, la crèche de Noël…). Que reste-t-il de ces pratiques puisqu'elles ne sont plus des sacramenta ? Non elles ne sont plus des sacramenta, néanmoins elles ont une certaine proximité, c'est pour cela qu'on les appelle des sacramentaux. Sacramental est un substantif, sacramentel est un adjectif… et sacral est un adjectif que j'invente.
2) Les sept sacrements[12].
a) Diverses entrées possibles.
Il y a donc sept sacrements[13], et cette énumération n'est possible que quand le terme de sacrement se définit[14]. Mais traditionnellement on pouvait très bien ne parler, dans un discours, que des premiers qui ont été considérés : le baptême, la confirmation et l'eucharistie c'est-à-dire ceux qu'on appelle les sacrements de l'initiation chrétienne, ceux qui conduisent de l'initiation chrétienne à la plénitude. Le sacrement du baptême a toujours eu pour réputation d'être le plus essentiel à la vie ; l'eucharistie a toujours été caractérisée comme ce qui en est le sommet. Entre les deux la situation de la confirmation n'est pas claire. La chrismation a toujours fait partie du baptême, et donc le sens de la confirmation est ambiguë parce qu'on fait déjà une chrismation baptismale, donc qu'est-ce qu'ajoute le sacrement de confirmation ? Dans l'histoire de l'Église cela est assez incertain[15]. Mais, d'après la définition, la confirmation comme sacrement rentre dans le groupe des sept.
Le mot sacrement est ce qu'il y a de commun entre tous. Ils comportent tous une gestuelle qui a la signification active d'une action de Dieu, mais je peux me poser des questions : lesquels impliquent une gestuelle plus importante ? Dans lequel n'y a-t-il pas de gestuelle déterminée ? Effectivement dans le sacrement de pénitence il n'y a que la gestuelle de la confession de son péché qui n'est pas véritablement une gestuelle.
Il y a plusieurs façons de grouper les choses. Si je regarde par rapport à la gestuelle, on peut énumérer ensemble les trois sacrements qui comportent une onction : la confirmation, le sacrement des malades et l'ordre. Si je considère les sacrements qui confèrent un caractère, donc non pas seulement la grâce mais une sorte de marque spirituelle, on a : baptême, confirmation et ordre. Ce sont justement les seuls sacrements qu'on ne peut recevoir qu'une fois : baptême, confirmation et ordre, ils sont irréformables, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas soumis aux vicissitudes de la vie de grâce avec Dieu.
► Qu'en est-il du sacrement du mariage ?
J-M M : Saint Paul parle de l'union de l'homme et de la femme en Ep 5, et il dit : « Ceci est un grand mustêrion » ce qui s'est traduit en langage latin par « Ceci est un grand sacramentum » certains supposent que c'est ce mot même de "sacramentum" qui a permis d'inclure le mariage dans les sept sacrements. Il ne faut pas nécessairement exagérer[16].
► Le sacrement de mariage n'est pas réitérable ?
J-M M : Si, par exemple, il est réitérable à la mort du conjoint, c'est pourquoi il est considéré comme produisant, non pas ce qu'on appelle un caractère mais un lien, donc il n'est susceptible d'être réitéré que dans certaines circonstances. Si on regarde la densité des mots, le lien est plutôt une notion juridique, ce n'est pas le sacral des autres sacrements.
En ce moment je suis témoin de l'Église en acte de réfléchir sur cette question. On peut reposer cette question sous une autre forme, sans doute. Et c'est simplement si on la pose comme une autre question que la réponse est possible. En effet, les réponses sont faites en référence à une question posée, et à l'époque où elle est posée. Cela, notre pape François l'a très bien vu…
b) Substance et accidents d'un sacrement. Exemple de l'ordre.
► Le sacrement de pénitence a beaucoup évolué dans l'histoire, semble-t-il…
J-M M : Il y a eu en effet des modalités de pénitence publique, et il y a eu au contraire des modalités comptables. Ce sont les moines irlandais qui ont répandu largement le sacrement de pénitence dans le haut Moyen Âge, cela en France et pas seulement en Bretagne, et même plus largement en Europe. Ce sont eux qui sont à l'origine des catalogues de péchés et de la comptabilité des pénitences correspondant à chaque péché. C'est donc une invention tardive, monastique d'origine. Il en reste quelque chose évidemment.
L'histoire des sacrements est passionnante parce que, de l'extérieur, on pourrait ne pas reconnaître le même sacrement à une époque et à une autre. C'est pourquoi les théologiens ont été amenés à utiliser une distinction d'origine aristotélicienne – la scolastique est en effet réglée par Aristote – entre "la substance" et "les accidents" d'un sacrement : la substance c'est ce qui est invariable, et les accidents sont les formes variables qu'elle peut prendre au cours des siècles. Distinguer les deux est très important. Il y a quelque chose d'essentiel au sacrement qui permet des adaptations de modalités au cours des siècles.
L'histoire du sacrement de l'ordre est particulièrement intéressante pour voir la détermination des sacrements en fonction des temps et des lieux. À l'origine c'est le fait que saint Paul impose les mains à un disciple. Cependant au Moyen Âge on croit que ce qui constitue l'essentiel du sacrement c'est la « porrection des instruments[17] » c'est-à-dire que, de même qu'on adoube un chevalier en lui présentant l'épée, de même on présente par exemple la Bible au diacre parce que c'est lui qui lit la Bible en public etc. Finalement il a été décidé que désormais l'essentiel du sacrement ce n'est que l'imposition des mains[18], qui elle, en effet, est de source plus originelle.
Le ministère ordonné est donc la continuité de l'imposition des mains de génération en génération. Et c'est quelque chose qui fait difficulté pour notre mentalité, car c'est du toucher et pour nous c'est scandaleux. En effet, nous aimerions penser le service dans l'Église sur le mode sur lequel nous pensons naturellement les services. Or il ne se laisse pas réduire à ça. Or la chose la plus scandaleuse, ou en tout cas la plus difficile pour nous, est l'indice de l'essentiel, c'est-à-dire l'indice de ce à quoi nous ne sommes pas ouverts. Je dis cela simplement pour vous inviter à repenser ce qui nous manque.
Chez Jean tout commence par l'entendre, l'entendre donne de voir et voir s'accomplit ultimement en toucher. C'est pour cela, du reste, que la sacramentaire est originellement considérée comme l'accomplissement de tout un mouvement de perfectionnement ou d'avance. Il y a comme une loi dans la symbolique qui veut que la chose la plus basse soit susceptible d'être le symbole de la chose la plus élevée. Or le toucher est le sens le plus élémentaire, le sens le plus fondamental, le moins distinctif ou le moins distingué, et c'est précisément celui que saint Jean met au sommet. Il faut bien voir que c'est à partir d'une parole neuve qui donne d'être au monde, de voir et de viser autrement, qu'une ressaisie du toucher natif s'accomplit.
c) Le sacrement comme trace du passage de Dieu.
Je vous ai déjà dit[19] que les signes du Nouveau Testament sont souvent des rappels de signes qui se trouvaient dans l'Ancien Testament, comme s'il y avait une manière de Dieu, quelque chose à quoi Dieu se reconnaît. Le passage de Dieu se reconnaît. C'est une idée qui devrait être à la source d'une reprise de la sacramentalité ,car c'est l'indication de la manière de Dieu.
Le sacrement n'est pas seulement signe, il est trace de présence : Dieu passe ici et maintenant. Il y a des traces du passage de Dieu, et par exemple le pied et la main sont des symboles très fondamentaux de sa présence. Le propre de la sacramentalité, c'est la présence symboliquement touchée. Comme nous venons de le voir l'imposition des mains est une chose essentielle dans le régime de la sacramentalité, elle concerne même cette chose étrange qu'est le sacerdoce permanent transmis par toucher.
► Le toucher des pieds on le trouve dans le lavement des pieds qui n'est pas un sacrement mais un sacramental comme vous avez dit[20].
J-M M : Avec le lavement des pieds nous sommes effectivement dans l'ordre du toucher. Le récit du lavement des pieds (Jn 13) donne lieu à une référence sacramentelle dans la direction de l'Eucharistie et dans la direction du baptême : la signification eucharistique paraît dans le fait que la scène se situe dans le dernier repas ; la signification baptismale peut être tirée du symbolisme de l'eau comme pneuma. Mais, en réalité, la symbolique fondamentale du texte est antérieure à la distinction du baptême et de l'eucharistie, comme du reste la symbolique de l'eau, quand elle est prise en bonne part chez saint Jean[21], n'est pas à entendre de façon privilégiée du baptême, mais c'est l'eau de la vie. Cette symbolique de l'eau est antérieure aux répartitions sacramentelles.
d) Le rapport des sacrements au sacré évangélique.
► Vous avez dit que le sacré avait rapport à la mort-résurrection. Comment est-ce mis en œuvre dans les sacrements ?
J-M M : Il faut voir que le langage du sacré se prolonge en gestes et que ce contenu s'exprime dans la pratique du chrétien.
J'atteste et je signifie que le Christ fut baptisé dans la mort en étant moi baptisé dans l'eau. Je dénomme l'acte du Christ comme "baptême dans la mort" en référence à la pratique rituelle du baptême qui se réfère donc au sacré rituel. C'est le Christ lui-même qui dit : j'ai à être baptisé d'un autre baptême, en parlant de sa mort[22]. Désigner la mort comme baptême n'est pas spontané, et c'est l'expérience du baptisé qui me fournit le vocabulaire par quoi je lis et je désigne la mort même du Christ. Et, par ailleurs, cette réalité du baptême chrétien, qui est une donnée tout à fait originelle, s'exprimera aussi à travers le récit du Baptême de Jésus dans le Jourdain. Or dans la littérature patristique des premiers siècles, il y a constamment un rapport très étroit entre le Baptême du Christ dans l'eau et le Baptême du Christ dans la mort sur la croix, et cela s'entend à partir de la pratique du baptême chrétien. Autrement dit, cette façon de désigner le Christ n'est pas seulement un langage parmi les langages, c'est l'expérience rituelle du baptême à partir de quoi se recueillent la mort et la résurrection de Jésus-Christ.
Il nous faudrait dire la même chose de l'assemblée eucharistique, le rapport entre l'assemblée et la mémoire de la mort-résurrection.
En d'autres termes, on ne peut pas penser purement et simplement que le Christ est un objet et qu'ensuite il y a un langage pour dire cet objet. Ce qui se passe en fait, c'est qu'il y a en premier l'expérience apostolique qui s'exprime en langage mais aussi en gestes, en gestes rituels. Et cela recueille la résurrection au même titre qu'une simple profession de foi ou dissertation sur Jésus qui fut.
Il faudrait voir que saint Paul tient le même langage pour le quotidien de la vie, qui est constamment interprété comme mort-résurrection. C'est nous qui faisons une différence entre du sacré et du profane, entre la vie et la célébration, qui classons le langage de Paul en deux parties, celle qui désigne la participation à la mort-résurrection dans le courant de la vie, et celle qui s'exprime dans la célébration ou le baptême. Or c'est à partir de cette expérience dans son intégralité que nous avons accès à la réalité du Christ. De participer à l'expérience apostolique ainsi entendue, et d'y participer pour son propre compte, donne au langage du sacré un sens intime qui est une qualité de notre être christique, et qui est un principe de lecture pour le sacré évangélique, tel que l'historien des religions n'y a pas accès.
3) Parenthèse sur le mot sanctum.
a) Les mots sacrum et sanctum chez saint Thomas d'Aquin.
Je vous ai donné la définition classique et en particulier thomiste du sacrement. La première chose que j'ai dite, c'est que le sacrement se définit, pour faire simple, comme "signe efficace", c'est-à-dire qu'il faut deux concepts différents qui s'ajoutent pour définir ce mot au Moyen Âge : c'est un "signe", mot archaïque, puisque depuis longtemps le Dieu "fait signe" ; mais ce n'est pas seulement un signe, c'est "un signe qui accomplit ce qu'il montre".
Or, quand saint Thomas veut définir le mot sacramentum, il commence plus ou moins par une étymologie. En effet, dans le mot sacramentum il y a le mot sacrum, mais ce mot demande une explication, c'est pourquoi il dit « sacrum id est sanctum (sacré c'est-à-dire saint) ». Le mot de sanctum est supposé sans doute plus connu que le mot sacrum puisqu'il s'en sert pour expliquer sacrum : il est peut-être plus important, puisqu'il en dit la signification profonde. Seulement le mot sanctum a lui-même une étymologie.
b) Les mots sacrum et sanctum à l'origine.
Sacrum et sanctum disent pratiquement la même chose à l'origine, et ce sont deux mots qui ont en commun d'appartenir au vocabulaire impérial :
– sacrum : le sacrificium est dans le culte pour l'empereur, et, par ailleurs, le sacramentum était un serment de fidélité à l'empereur, nous l'avons vu.
– sanctum est également un terme juridique, il est de la même étymologie que la sanction[23], et la sanction est traditionnellement la troisième partie du corpus juridique romain. Il comprend, dans l'ordre, De Rebus (Des choses), De personis (Des personnes), et De sanctionibus (de la sanction) : le droit régit le comportement des personnes par rapport aux choses, par exemple à propos de la propriété, et le droit est là pour sanctionner, c'est-à-dire gérer le non-respect de ce qui est contenu dans les deux premières parties. Il y a donc une tendance au juridisme dans le mot sanctum.
Il faut savoir aussi que les premiers saints au sens moderne du terme sont les martyrs. Or on parle des martyrs dans le langage du héros. Le langage du héros n'est pas du tout un langage biblique, c'est un langage gréco-romain qui touche à la divinité : le héros est même en principe un demi-dieu.
On comprend très bien le rapport entre sanctum et sacrum.
c) Le langage des vertus.
Ensuite le mot sanctum sera lu dans le langage des vertus qui est un langage de morale. Le langage des vertus n'est pas puisé aux énumérations pauliniennes – en effet Paul fait de longues énumérations de comportements favorables mais aussi de délits, de crimes – mais il est puisé à Aristote.
Le mot de vertu est un mot très étrange, qui va de la vertu des simples jusqu'à la virtu du condottiere au XVIe siècle, la virtu (la force). Ce langage est puisé à l'Éthique d'Aristote, lorsqu'Aristote revient en force en Occident à l'époque médiévale.
Dans les vertus il y a les quatre vertus cardinales (prudence, justice, force, tempérance) qui recoupent un certain nombre de vertus spéciales : telle vertu spéciale se rapporte à telle vertu cardinale. Par exemple chez saint Thomas d'Aquin le terme de religio ne désigne pas une assemblée régie, mais désigne une vertu. La vertu de religio est une vertu spéciale, elle rentre sous la vertu cardinale de la justice, parce que la vertu cardinale de justice consiste à "rendre à chacun le sien" (unicuique suum reddere), tandis que la religio est la vertu qui consiste à rendre justice à Dieu[24]. Ça donne au mot religio une autre place. Et parce que religio désigne quand même dans l'empire romain l'ensemble des pratiques, le mot reprendra rapidement ce sens.
Le langage du sacré se dit ainsi dans le langage de l'Éthique d'Aristote, mais ça ne veut pas dire que saint Thomas d'Aquin considère ce qui relève du saint comme étant d'un ordre naturel. En effet, les vertus théologales (la foi, l'espérance et la charité) sont le lieu de la véritable sainteté et elles sont distinctes des quatre vertus cardinales. Donc il ne se méprend pas totalement, mais le simple fait de parler dans le langage de la vertu fait que progressivement, le sacré d'abord, et le saint ensuite vont se penser dans les catégories de l'éthique. On arrive à une moralisation du sacré. Or cette moralisation, parce qu'elle n'est pas satisfaisante, laisse place pour l'imaginaire, et laisse place aussi pour une dolorisation.
Le mot de sacrifice subit donc, à l'intérieur de l'histoire de la théologie et depuis bien des siècles, le double déficit d'être moralisé et dolorisé.
Ensuite la philosophie occidentale a fait du chemin, et pour l'historien du sacré, nous ne sommes plus dans l'ontologisation, ni même dans la moralisation, mais dans le sentiment : la religion est l'organisation qui règle le sentiment et qui organise, ou du moins recueille, des pratiques autour du sacré !
d) Conclusion sur le mot sanctum[25].
Donc, la source héroïque, le sanctum comme vertu, tout cela constitue progressivement une certaine moralisation, et le terme de saint qui était réservé au début aux martyrs, s'élargit ensuite à la monstration de personnages exemplaires, qui se dit toujours dans le langage des vertus[26].
On peut dire que la notion de sainteté ainsi entendue dans le langage des vertus favorise le secteur de la morale, et de façon indue, de sorte qu'aujourd'hui les problèmes de morale occultent tout le message évangélique. Les gens n'entendent que des préceptes moraux, et c'est dommage. C'est parce que la sainteté évoque aussitôt la vertu, et que la vertu est un concept aristotélicien. Et là, on occulte l'essentiel de l'Évangile. Bien sûr l'Évangile se préoccupe aussi de questions qui ont à voir avec la morale, mais pas au point d'occuper toute la place. Je voudrais justement, pour éviter cette dérive-là, revenir au terme de sacré. C'est ce que nous sommes en train d'essayer de faire.
4) Penser le sacrement.
a) Le sacrement : ce qu'il faut faire pour ?
Je reviens donc à la notion de sacrement : je vais essayer de dégager l'épure qu'est devenu le terme de sacrement. Là, c'est moi qui parle, ce ne sont plus les théologiens de l'époque. Un sacrement est plus ou moins conçu comme "ce qu'il faut faire pour". Je vais expliquer. Cela comporte trois choses : le "pour", le "faire" et le "il faut".
1/ « Faire pour » donc c'est un moyen. C'est déjà de cette façon-là qu'il était question du sacrement dans la Tertia Pars de la Somme théologique de saint Thomas d'Aquin. La chose la plus horrible était donc déjà esquissée chez lui, et ça reviendra dans le petit catéchisme de mon enfance. La première partie du catéchisme concernait les dogmes, la deuxième partie la morale et la troisième les sacrements. Il y avait dans les deux premières parties un mouvement d'aller-retour qui a sa source chez Plotin, un néoplatonicien du IIe - IIIe siècle : les dogmes, c'était aller vers les vérités ; la morale, c'était en quoi la pratique descendait vers nous. Et puis la troisième partie c'était les moyens pour effectuer ce voyage : les munitions, ce dont il fallait se munir. Et, pour expliquer le plan, on se servait de « Je suis la voie, la vérité et la vie » : la vérité pour les dogmes, la vie pour la morale et la voie (le chemin) pour les moyens. C'est une extraordinaire façon de traduire et de trahir dans un autre langage une parole d'Évangile !
Mais le sacrement n'est pas un moyen. Ultimement, le sacrement est l'accomplissement plénier. À ce sujet, si on regarde un peu la façon dont ont été traités les sacrements, on a toujours hésité dans l'Église. Comme les sacrements consistent apparemment en gestes à faire, en signes, ils ont semblé d'une pratique plus simple que la connaissance qui réclame de l'étude, du temps, de l'application, et qui n'était pas à la mesure des hordes du haut Moyen Âge (ceux qu'on nomme les barbares). Il en résulte que le sacrement est quelquefois pensé comme ce qui est à la portée de tout le monde, donc il faut surtout s'occuper des pratiques à faire, car c'est surtout cela qui attache à une communauté d'une façon simple.
Pourtant certains mystiques, surtout des mystiques du IVe siècle, vivaient à un tout autre niveau la pratique sacramentelle. C'était l'époque où les théologiens, les évêques et les saints étaient une même personne (Saint Basile, saint Grégoire de Naziance, saint Grégoire de Nysse etc.), et là, le langage sacramentel ne fait qu'un avec le langage mystérique à la pointe du chemin de perfection.
À travers ces attitudes si différentes, on mesure l'incertitude de l'Église quant à la représentation du sacrement.
Donc nous avons dit que c'était un moyen : ce qu'il faut faire "pour", mais un moyen de quoi ? Dans le meilleur des cas, un moyen pour obtenir la grâce de Dieu (la faveur du Dieu), et dans le pire des cas, pour faire plaisir à la grand-mère ; mais ça c'est plutôt moderne !
2/ « Faire ». En effet le sacrement est un geste que nous faisons… Eh bien pas du tout ! Le sacrement est un geste que Dieu fait vers nous. C'est pourquoi le concept de rite tel qu'on l'entend au moins aujourd'hui n'est pas du tout pertinent pour se substituer au langage du sacrement. Le mot de rite a été assimilé ensuite par l'Église au 'rituel' par exemple qui désigne la façon de faire les gestes sacramentels.
Il y a néanmoins un geste, et un geste accompagné d'une parole. Et ceci est très ancien.
Par exemple vous lisez chez saint Paul : « Le Christ a aimé l'Ekklêsia et s'est livré lui-même pour elle, 26en sorte qu'il la consacre, l'ayant purifiée dans un bain d'eau accompagné de parole » (Ep 5, 25-26)[27]. Le mot baptizeïn existe, mais l'autre façon de dire le baptême c'est lutron (le bain), donc il y a un geste, et comme il dit : « accompagné d'une parole », la parole indiquant le sens, la signification du geste : « Je te baptise… »
L'histoire du baptême est aussi d'une extrême complexité pour beaucoup d'autres raisons encore. Je ne dis pas cela pour que vous reteniez tous les détails de ce que je dis, mais pour que vous preniez conscience de la complexité d'une affaire dont on ne juge pas d'un trait, de préférence sentimentale. Ce sont des choses où il faut bien étudier les racines, les risques, les avantages, la bonne façon de les entendre, la place qu'ils peuvent prendre progressivement dans notre vie. En effet, il y a un nombre incalculable de malentendus… De toute façon l'Évangile vient au malentendu, mais il y a des malentendus moindres !
3/ Le "il faut". Comme ce geste n'est pas tellement intelligible, il ne se fait pas spontanément, donc il faut qu'il devienne obligatoire. Bien sûr "il faut" a plusieurs sens : "il faut pour" peut signifier : telle est la condition pour. Mais, progressivement, le "il faut" prend le sens d'obligation : le sacrement est un geste obligatoire. Il est pensé à partir de l'obligation. Je ne dis pas que c'est complètement dénué de sens, mais ce n'est pas ce qui doit venir en premier. Or c'est ce qui vient en premier : « il faut quand même le faire baptiser » !
Alors, en faisant l'épure, j'ai fait du même coup la caricature du terme de sacrement, mais c'est ce à quoi sa définition médiévale prête flanc, encore qu'elle comporte des choses précieuses ; mais elle se prête à être méprise dans la direction de ce que j'ai dit. En effet le "il faut" du langage éthique nous fait passer au langage juridique.
b) Penser le baptême comme engagement de Dieu.[28]
Le baptême ne peut donc plus être pensé comme « ce qu'il faut faire pour », c'est-à-dire qu'il ne peut plus être pensé à partir du geste à poser. Il suit de là que penser le baptême n'est pas commenter le geste à poser.
Nous avons vu[29] comment la mort-résurrection s'est donnée à entendre de très bonne heure dans le Baptême du Christ. La pensée du baptême vient donc du mystère lui-même, de la mort et de la résurrection du Christ : la mort-résurrection se donne à penser dans la formulation baptismale.
Ce qui s'indique également, c'est que la pensée du baptême ne va pas sans la parole. Seulement il ne s'agit pas d'une parole qui serait un commentaire explicatif du geste, car il s'agit d'une parole qui précède, qui porte et induit le geste. Or cela c'est la fonction propre du symbole. Très souvent on oppose le symbole et la parole, la parole étant, comme chacun sait, essentiellement dissertative, et le symbole étant le fait spontané du corps. Mais pas du tout ! La parole est le cœur du symbole – mais évidemment il ne s'agit pas de la parole qui commente – et le geste symbolique se donne dans l'espace ouvert par la parole.
Le baptême, quand il est entendu comme n'étant pas d'abord mon geste, se présente comme « laisser venir » la mort-résurrection du Christ, c'est-à-dire que le baptême est entendu d'abord comme une proposition, plus que cela, comme une initiative de Dieu, comme une action de Dieu, et même comme un engagement de Dieu. On a beaucoup insisté sur les aspects d'engagement que nous devions poser dans le baptême ou la profession de foi. Mais la première chose qui doit venir à la parole, c'est que Dieu s'engage, que, dans ce domaine, l'initiative est à Dieu.
Et, par parenthèse, cela n'est pas sans rapport avec le sens profond de la grâce, c'est-à-dire du don devant lequel ma tâche est d'accueillir, de laisser être. Cela par ailleurs ne serait pas non plus sans conséquence sur une réflexion chrétienne du temps. Au lieu de considérer la gestualité sacramentelle comme une répétitivité dans le décours du temps, bien voir que chaque geste n'est rien d'autre que de me laisser présent à ce qui, non seulement dépasse, mais encore dénonce le temps mortel, rien d'autre que de me laisser être à la réelle présence de la mort-résurrection du Christ[30]. C'est là le fondement même de la notion de la présence réelle dans son sens originaire à propos de l'eucharistie, et c'est une signification de l'activité principale du mystère du Christ dans tous les sacrements et singulièrement dans le baptême.
c) La sacramentalité de la Parole.
Tout cela est très compliqué, mais je pense qu'il y a un sensus (une sensibilité au sens d'un raffinement de l'être) qui spontanément indique aux chrétiens de ne pas s'en tenir à ce que disent brutalement les définitions.Nous avons une histoire qui a ses côtés profitables et aussi ses questions mal résolues. Donc il y a toujours à chercher, et il faut chercher de façon pertinente. C'est pourquoi ce travail d'histoire est un travail adjacent et secondaire par rapport à la lecture proprement dite de ce qui est sacré, mais c'est important pour vérifier l'état de notre oreille, même pour lire le livre sacré.
► Justement est-ce que cette lecture elle-même n'a pas une dimension sacramentelle ?
J-M M : Évidemment. Mais il faut commencer par dire ce qu'on entend par sacramentalité. Nous avons vu que ce mot désigne, entre autres, une structure de type symbolique et non pas une structure de type conceptuel. L'Écriture Sacrée est donc sacramentelle.
La lecture est sacramentelle en ce sens qu'elle ouvre à la sacramentalité. Elle est l'essence de la sacramentalité de tout sacrement, c'est-à-dire qu'elle ouvre la lecture aux gestuations sacramentelles. Ce n'est pas un sacrement qu'on peut mettre à la place des autres. Elle est ce qui va de l'oreille au cœur, et qui, du cœur, demande à être gestué, à aller à la main, au corps trempé, au corps imprégné par l'onction, aux pieds (à la démarche vers)... à une gestuation multiple du corps.
Nous verrons que l'Église est constituée par l'Écriture et par la sacramentalité gestuelle qui suit l'Écriture[31], et je pense qu'on ne peut pas accéder de façon authentique à la gestuelle sacramentelle avant d'avoir accédé à l'intelligence sacramentelle de la Parole, c'est-à-dire à la sacramentalité de l'Écriture. Donc lire autrement l'Écriture est le chemin d'une reprise de sens authentique.
[2] D'un point de vue purement profane Heidegger a mis en œuvre cela à plusieurs reprises d'une façon extrêmement pertinente.
[3] Ganelon est un personnage littéraire de la Chanson de Roland
[4] L'évolution du mot apocalupsis n'a pas été abordée au cours de la session. Voici ce qu'en disait J-M Martin à l'ICP : « Le terme apocalupsis s'est dégradé dans la notion théologique de Révélation. La Révélation sera conçue comme l'énoncé de propositions, au même titre que les propositions de la raison naturelle, mais qui tiennent en fonction d'une autorité, et d'une autorité qui s'atteste par des signes (…) Cependant, dans la grande théologie, la Révélation n'est pas entièrement réduite à un catalogue de propositions sur Dieu, par exemple la notion de vertus théologales est là pour témoigner qu'il y a conscience d'autre chose. »
[5] « Lors de la naissance de la notion stricte de sacrement, le mot sacrement garde une certaine souplesse, puisque les théologiens de cette époque distinguent : 1/ le sacramentum tantum, qui est le geste ; 2/ quelque chose qui est sacramentum tout en étant réalité, comme par exemple le caractère baptismal ; 3/ un sens global du mot sacramentum qui désigne et le geste et son contenu.» (J-M Martin, cours à l'ICP en 1977-78).
[6] La Somme Théologique contient 512 questions, ce qui donne environ 3000 articles (sans compter le supplément).
[7] Quand on cite la réponse à une objection, on donne les références de la façon suivante. On dit d'abord dans quelle partie ça se trouve : I pars = Prima Pars ; Ia, IIae = Prima secundae ; IIa, IIae = Secunda secundae ; IIIa = Tertia Pars. Ensuite on donne le numéro de la question traitée, puis le numéro de l'article (q = question ; a = article). Et enfin, on précise le numéro de l'objection à laquelle on répond (par exemple ad IIum désigne la réponse à la 2ème objection du début). Cela donne par exemple « IIIa, q 66, a I, ad IIum.
[8] Voici la définition du Catéchisme de l'Église Catholique : « Les sacrements sont des signes efficaces de la grâce, institués par le Christ et confiés à l’Église, par lesquels la vie divine nous est dispensée. Les rites visibles sous lesquels les sacrements sont célébrés signifient et réalisent les grâces propres de chaque sacrement. Ils portent fruit en ceux qui les reçoivent avec les dispositions requises.» (n° 1131)
[9] Ceci est un ajout qui vient du cours de J-M Martin à l'ICP en 1977-78.
[10] Au cours des premiers siècles un lapsus (pluriel lapsi) est un chrétien qui a renié sa foi par peur des persécutions.
[11] Allusion à la scène du lavement des pieds (Jn 13). Cf. Jn 13, 1-15 : Lavement des pieds ; dialogue avec Pierre.
[12] Cette partie a été ajoutée, elle vient de questions posées à d'autres moments de la session de Saint-Jean-de Sixt et elle a été complétée par des extraits d'un cours à l'ICP.
[13] Sept sacrements : baptême, confirmation, eucharistie, réconciliation, onction des malades, mariage, ordination.
[14] « Cependant un certain nombre de choses désignées par le terme général de sacrement ne sont pas adéquatement définies par la notion théologique de sacrement. Nous ne voulons pas parler ici de ce que nous savons déjà, à savoir que le Christ est sacrement, que l'église est sacrement, que l'Évangile est sacrement ; mais nous observons que les traités classiques de l'eucharistie se divisaient en trois parties : la présence réelle, le sacrifice, le sacrement. Autrement dit, le concept théologique de sacrement n'est pas le seul concept à l'aide duquel on puisse utilement regarder le rituel concrètement vécu dans l'Église. » (J-M Martin, ICP 1971-72).
[15] « Se demander si le baptême et la confirmation sont distincts dans les premiers siècles est un problème insoluble. Pourquoi ? Parce que la notion de deux sacrements disjoints n'existe pas ! Et la simple notion de sacrement n'existe pas non plus ! Il n'y a pas de notion intemporelle de sacrement à cette époque parce que la notion de sacrement n'est pas encore parue. Donc la question n'est pas pertinente. » (D'après J-M Martin, cours à l'ICP 1977-78).
[16] Le sacrement de mariage est un peu à part. Déjà les ministres du sacrement sont les époux eux-mêmes qui se confèrent et reçoivent le sacrement, le prêtre n'est là que pour les bénir, assister comme témoin, au nom de l'Église. Par ailleurs, le droit du mariage chrétien prévoit l'éventualité de la nullité du sacrement, car l'acte doit être lucide et libre. Si tel n'a pas été le cas, une personne peut demander à engager une procédure spéciale appelée “cause en déclaration de nullité de mariage”, le jugement ne portant que sur ce qui s'est passé le jour du mariage.
[17] Il s'agit de la présentation des instruments qui symbolisent les nouvelles fonctions des ordinands. Cela se fait en étendant le bras de façon à ce que celui qui reçoit le sacrement les touche. Le mot porrection vient du latin porrectio qui signifie allongement, ligne droite, et qui est dérivé de porrigere qui signifie diriger en avant, étendre.
[18] « Après avoir invoqué la lumière divine, en vertu de Notre suprême Autorité apostolique et en pleine connaissance de cause, Nous déclarons et, autant qu’il en est besoin, Nous décidons et décrétons ce qui suit : la matière et la seule matière des Ordres sacrés du diaconat, de la prêtrise et de l’épiscopat est l’imposition des mains ; de même, la seule forme sont les paroles qui déterminent l’application de cette matière… » (PIE XII – Sacramentum Ordinis, 30 novembre 1947)
[19] Cf. au Ch III : Le Temple et l'insu (Jn 2 / Jn 3), le II 1 b : "Faire signe".
[20] Cf. le paragraphe II 1) e) de ce chapitre : "Les sacramentaux".
[21] Cf. La symbolique de l'eau en saint Jean (la mer, eau des jarres, fleuves d'eau vive, eau-sang-pneuma au Baptême et à la Croix).
[22] Par exemple : « Pouvez-vous boire la coupe que je boirai ou être baptisés du baptême dont je serai baptisé ? » (Mc 10, 38).
[23] Le terme sanction provient du latin sanctio, formé à partir du verbe sancire, et sanctum est le supin de sancire. Le verbe sancire signifie : rendre inviolable ou sacré, établir solennellement (par une loi), ratifier, sanctionner….
Il y a de bonnes informations dans : http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=RHIS_063_0523.
[24] Cette vertu de religio est le principe d'un certain nombre d'activités cultuelles parmi lesquelles se trouve le sacrifice.
[25] « Dans tout cela nous assistons à un processus qui donne au mot sanctum quelque chose de plus moralisateur que sacrum. Et c'est un processus qui ne cessera. Pour des raisons bien différentes, à terme, chez Levinas, le mot éthique est le mot majeur, lui, pourtant prétendu disciple de Heidegger ! Ce n'est pas du tout notre chemin. » (J-M Martin).
[26] Pour être déclaré saint encore aujourd'hui il faut avoir exercé les vertus de façon héroïque, en particulier les vertus théologales.
[28] Après la considération un peu négative "Le sacrement c'est ce qu'il faut faire pour", cette partie ouvre des pistes à propos du baptême, elle vient d'un cours à l'ICP en 1983-84. La question de l'Eucharistie est abordée dans les annexes du cahier Pain et parole.
[29] Cf. la partie II 2 d) "Le rapport des sacrements au sacré évangélique".
[30] À ce propos J-M Martin préfère parler de "réelle présence" plutôt que de présence réelle, et il parle d'accéder à l'Eucharistie consistante qu'est le Christ. Cf Eucharistie : la nourriture ; repas et eucharistie dans les épîtres de Paul, chez Marc et chez Jean (dans deuxième partie, b "Le discours eucharistique").
[31] Cf. au Ch VII : Église et dogmes ; dernières considérations sur le sacré le I 1) a : "Par quoi est constituée l'Église ?"