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La christité
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  • Ce blog contient les conférences et sessions animées par Jean-Marie Martin. Prêtre, théologien et philosophe, il connaît en profondeur les œuvres de saint Jean, de saint Paul et des gnostiques chrétiens du IIe siècle qu’il a passé sa vie à méditer.
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10 juillet 2018

Jn 1, 19-28 Le témoignage du Baptiste en réponse aux questions des prêtres et des lévites

Le chapitre 1 de l'évangile de Jean est distribué en plusieurs journées, puisque le mot "le lendemain" revient plusieurs fois. On début du verset 19 se trouve la première mention, on est donc au deuxième jour, ce qui précède étant occupé par ce qu'on appelle le Prologue. Il est question du témoignage de Jean-Baptiste. Le jour suivant on aura  et ici on a la scène d'identification du Christ par Jean-Baptiste ainsi que le récit du baptême dans sa bouche (commentaire de ce passage sera publié prochainement sur le blog). Jean-Marie Martin a commenté ces textes à plusieurs reprises. Ce qui est mis ici correspond essentiellement à ce qu'il a dit en 1987-88 lors des soirées à Saint-Bernard de Montparnasse.

 

 

Jn 1, 19-28

Le témoignage du Baptiste en réponse aux prêtres et lévites

 

TEXTE (traduction de sœur Jeanne d'Arc légèrement modifiée)

Jn 1, 19-28 légation auprès du baptiste, James Tissot, XIXe19Tel est le témoignage de Jean quand les Judéens envoient vers lui, de Jérusalem,
prêtres et lévites pour le questionner : « Toi, qui es-tu ? »
20 Il déclare, et il ne nie pas ! Il déclare : « Moi, je ne suis pas le christ. »
21 Ils le questionnent : « Quoi donc ? Toi, es-tu Élie ? »
Il dit : « Je ne suis pas. »
- « Es-tu le prophète ? »
Il répond : « Non. »
22Ils lui disent donc : « Qui es-tu ? Que nous donnions réponse à ceux qui nous ont donné mission : que dis-tu de toi-même ? »
23Il dit : « Moi ? Une voix criant dans le désert : Rendez droit le chemin du Seigneur,
comme dit Isaïe le prophète. »
24 Des envoyés étaient des pharisiens. 25Ils le questionnent et lui disent : « Pourquoi donc baptises-tu, si tu n'es pas le Christ, ni Élie, ni le prophète ? »
26Jean leur répond en disant : « Moi, je baptise dans l'eau. Au milieu de vous se tient qui vous ne connaissez pas. 27Il vient derrière moi, lui dont je ne suis pas digne de délier son cordon de chaussure. »
28Cela arrive à Béthanie au-delà du Jourdain où Jean baptisait.

 

1) Le pourquoi de l'écriture de ce texte.

Voilà un texte qui, par rapport à la densité du Prologue qui est juste avant (v. 1-14) peut paraître aisé. Je vous signale que c'est un texte qui donne lieu à beaucoup de questions d'un point de vue historico-critique, sur les gestes, sur la situation de ce qui est impliqué par là. Néanmoins nous n'allons pas nous étendre sur ce point de vue. Nous allons, comme toujours, viser, essayer d'atteindre le lieu où ce texte, tel qu'il est là, nous atteint, ce qu'il nous dit.

Pour faire cela, nous allons, si vous voulez bien, jouer un jeu. Je vais prendre le rôle des prêtres et des lévites : c'est-à-dire que je vais rester confortablement dans ma Jérusalem et je vais vous envoyer questionner. Bien sûr, il m'est totalement impossible de vous envoyer questionner Jean-Baptiste, vous irez questionner peut-être d'autres, par exemple saint Jean, éventuellement.

Ce texte, nous l'avons entendu une fois. Vous pouvez prendre le temps de le remémorer et de vous demander quelle question vous voulez poser, comment vous entendez cette question, afin que vous puissiez revenir donner réponse à celui qui vous a envoyé. Alors je pense que cette réponse se fera assez provisoirement, rapidement, qu'il y aura des allers et retours.

Vous voyez que nous jouons la situation du texte à un autre degré et ceci n'est pas neutre du tout parce que nous savons très bien que nous avons tendance tout de suite à aller dans la psychologie éventuelle des prêtres et des pharisiens, du Christ etc. Or, ce à quoi il faut aller, c'est au texte, à la parole de Jean, et la question est de savoir comment nous l'interrogeons, comment nous essayons que ses questions rencontrent notre question.

Il va sans dire que nous pouvons être amenés à lui poser des questions hasardeuses qui se révéleront éventuellement des méprises par rapport à ce qui est en question dans la parole du texte. Ça n'a pas d'importance parce que la qualité positive de la méprise même, c'est peut-être quelque chose qui fait partie justement de ce qui est dit dans le texte. Donc simplement, ne craignez pas d'intervenir comme vous voulez.

► Pourquoi est-ce que tu nous demandes de faire cela ?

J-M M : Il apparaît à première lecture du texte une interrogation, une question posée : quelqu'un envoie pour que l'on pose une question. Quelle est la nature de cette question ? Puis nous verrons quelle est la fonction de cette question, éventuellement.

Mais j'avais l'intention de vous demander de jouer cela à un autre degré pour bien faire comprendre qu'on ne va à la question des lévites qu'en allant d'abord à la question de l'écriture de saint Jean : pourquoi saint Jean écrit cela ? Qu'est-ce que cette parole dit ? Donc ne pas faire le saut immédiat que nous avons l'habitude de faire immédiatement au-delà de l'écriture pour censément vivre le fait divers, mais essayer de questionner et comparer éventuellement si la façon dont vous le questionnez vous éclaire sur la façon dont les envoyés des Judéens questionnent le Baptiste ; prendre conscience éventuellement de différentes façons de questionner. Vous ne voulez pas jouer à cela ?

Qu'est-ce que vous demanderiez à celui qui écrit ?

► Pourquoi est-ce que la première question est « Qui es-tu ? » et pourquoi est-il question de témoignage ?

► ► Il y a d'abord la question : pourquoi ont-ils envoyé quelqu'un ? Les pharisiens sont peut-être inquiets, agressifs.

M B[1] : Pourquoi saint Jean met-il en scène des questionneurs ? Cela m'avait frappé en lisant le texte. Je m'avance peut-être beaucoup, mais j'ai eu le sentiment que l'auteur voulait donner à entendre que ce n'était pas là une bonne façon de questionner : ceux-là arrivent comme des enquêteurs ; or arriver comme des enquêteurs auprès de Jean-Baptiste, c'est vraiment ne pas être au bon endroit.

J-M M : Eh bien, partons de cette idée qui n'est pas tout à fait au point d'où je voulais partir, mais cela n'a pas d'importance. Ceux-ci procèdent en effet par recherche d'identité : « Qui es-tu ? » Cette procédure de recherche d'identité est mise en œuvre en d'autres lieux dans le Nouveau Testament et en particulier en Mt 16 lors de la confession de Césarée. Ce qui est intéressant néanmoins, c'est qu'en Mt 16, c'est Jésus lui-même qui pose la question, qui donne la question. Et justement il y a une réponse ternaire de ce genre-là, qui n'est pas la même. Donc il y a structurellement quelque chose de semblable, mais c'est néanmoins différent puisque “les uns disent Jean-Baptiste, d'autres Elie, d'autre Jérémie ou l'un des prophètes” (v. 14), et qu'on n'a pas tout à fait la même énumération ici.

Il y a cependant, par rapport aux soupçons sur l'interrogatoire, une différence qui peut être assez intéressante, pour faire droit à ton soupçon (J-M M s'adresse à M B), c'est-à-dire que Jésus sollicite les interprétations en Matthieu alors qu'ici, de la part des Judéens, il y a une sorte de volonté de savoir ce qu'il en est, de comprendre, de prendre.

Il y a précisément, chez saint Jean, une différence de traitement par rapport à la question « Qui cherches-tu ? » qui est une question fondamentale. J'anticipe maintenant pour remarquer que, à la question « Qui cherches-tu ? », la bonne réponse est de dire « Où ? » : « Où demeures-tu ? » ; « Où l'as-tu posé ? » Donc la bonne réponse est de renvoyer à une question qui reste question. Une seule fois à la question « Qui cherchez-vous ? » la réponse est « Nous cherchons Jésus le Nazaréen », mais justement c'est la mauvaise réponse est lorsque Jésus dit « Je suis » les gars sont envoyés en arrière et tombent. Mais, là, ils venaient pour le prendre !

Donc tout ceci pose des jalons intéressants sur l'identification. Et de toute façon, ce qui est important c'est qu'on s'identifie non pas par ce qu'on dit de soi-même, mais aussi bien d'une certaine façon par ce que d'autres disent. C'est un autre thème johannique qui ne fonctionne pas de manière tout à fait positive dans le lieu où nous sommes puisque les premières tentatives d'identification sont des méprises, et que le Baptiste lui-même se dégage de ces identifications, les repousse, il refuse : « Il confesse et ne nie pas… Je ne suis pas. » Cependant nous savons par ailleurs qu'ensuite il dit qui il est et il serait peut-être intéressant d'écouter ce qu'il dit.

Jean-Baptiste, voix qui crie au désert, James Tissot, XIXe► Il dit qu'il est « une voix criant dans le désert… »

J-M M : C'est la réponse qu'il donne. Néanmoins, même Jésus, quand il s'agira de son identification, dire que celui qui témoigne de lui-même (qui s'identifie lui-même) est un menteur, et que c'est un autre qui témoigne pour lui. Et pour Jésus lui-même, le rapport de l'autre, c'est le Père qui témoigne en le ressuscitant ou bien en disant : « Tu es mon fils », puisque c'est la même chose que de le ressusciter. Donc il y a là un processus. Et par ailleurs, dans un autre lieu, Jésus revendique ce qu'il est, et son témoignage vrai ; il est vrai parce que « je ne suis pas seul, le Père est avec moi ».

Ce qu'il faut voir dans le cas présent, c'est que les premières tentatives d'identification sont pour l'instant des méprises, des mauvaises prises, c'est-à-dire des projections d'une certaine idée sur ce que peut être celui-ci.

Vous n'avez pas voulu jouer tout à fait le jeu que je vous ai proposé, mais il pourrait bien se faire que ce qui est en cause ici ne soit pas d'abord des prêtres et des lévites envoyés de Jérusalem et qui sont pris d'entre les pharisiens ; il pourrait bien se faire que ce qui est en cause ici, c'est une certaine communauté johannique. C'est pour cela que je vous demandais pourquoi et comment est écrit ce texte par saint Jean. Si vous lui aviez posé la question à lui, il aurait répondu : « Non, pas du tout, je suis la voix du crieur ; je suis l'écriture. » Il le dit explicitement par exemple à la fin du premier paragraphe de sa première lettre : « Je vous écris ceci… » Mais alors il faudrait savoir ce que cela signifie exactement. Je voulais simplement signaler ce parallélisme qui n'est pas purement et simplement joué…

Si comme on le pense, les communautés johanniques se sont formées particulièrement à partir de la Samarie et à partir du milieu baptiste – selon l'évangile de Jean, les premiers disciples de Jésus ont été des disciples du Baptiste –, il peut se faire que la figure du Baptiste ait eu tendance à avoir une trop grande importance dans ces communautés. D'où cette interrogation sur la signification de la figure du Baptiste par rapport à la figure du Christ. En effet derrière la question : “quelle est la signification du Baptiste ?”, il y a la signification : “qui est le Christ ?”, c'est-à-dire “Comment s'emboitent ou se lisent ensemble des figures du Christ et du Baptiste ?”. Cela paraît être une question majeure des premières communautés en général, mais singulièrement des communautés johanniques.

Donc il peut y avoir des méprises sur le Baptiste, sur le Christ, sur Élie… Dans les milieux juifs il est dit qu'Élie reviendra oindre le Messie ou le prophète. Et ici le mot "prophète" a un sens particulièrement samaritain, puisque, à partir d'un texte du Deutéronome, les Samaritains pensaient que viendrait un autre prophète comme Moïse, un autre Moïse.

Donc ici nous avons une double détente, et même nous allons voir qu'il y en a une triple. La première détente c'est : qu'est-ce que les Judéens veulent dire quand ils questionnent sur le Baptiste ? Cette réalité-là est traitée par Jean en fonction de sa communauté, et Jean vise à situer relativement le Baptiste et le Christ l'un par rapport à l'autre. Et puis il y a une troisième détente, c'est : qu'en est-il pour nous ? À quoi cette figure du Baptiste correspond dans le chiffre de notre acte de foi, dans notre identification du Christ ? Vous voyez bien cette triple détente ?

J'ai voulu que nous axions notre recherche sur l'écriture de ce passage. Il faut toujours revenir à cela et nous l'avons dit bien des fois. Tout de suite, nous nous égayons vers l'anecdote et non pas vers le moment de l'écriture qui ressaisit quelque chose de vécu. Toute écriture est une tentative pour dénouer une question dite ou non dite. Toute écriture dénoue une question ou cherche à en dénouer une.

 

2) Les deux questions du texte.

a) Qui est Jean-Baptiste ?

Donc Jean-Baptiste dit « Je suis la voix du crieur (de celui qui crie) dans le désert : Rendez droit le chemin du Seigneur ». Ceci appartient aussi à la tradition synoptique, c'est une citation qui se retrouve dans tous les évangiles, elle est tirée du début du chapitre 40 d'Isaïe. Le thème de la voix, le thème du cri, le thème du chemin et du désert. Tout ce qui est impliqué dans ce verset est diversement exploité par les différents textes qui le citent. Et ce qui est intéressant, c'est de voir ici comment saint Jean dans son écrit assume cette parole qui est traditionnellement dite du Baptiste.

« Le crieur » c'est celui qui annonce, et cela avec l'idée de préparation. Pourquoi une préparation ? Pourquoi est-ce qu'on appelle le précurseur ? C'est assumé en vue de quoi dans l'évangile de Jean ? Et puis en plus, dans une perspective johannique, qu'est-ce que c'est que préparer le chemin à celui qui dit « Je suis le chemin » ?

Lorsque nous avons lu le Prologue, nous avons dit des choses sur le mot "voix" même si le mot lui-même ne se trouve pas dans le texte. Nous avions esquissé ce que nous appelons la scène primitive de tout évangile comme ouverture mutuelle du ciel et de la terre. Nous verrons le récit de cela chez saint Jean dans les versets 32-34, mais nous sommes déjà dans la situation du Baptême : les cieux s'ouvrent, le pneuma descend et une voix dit : “Tu es mon fils”. Or Jean-Baptiste est la voix de la terre. Comment le savons-nous ? C'est dit en Jn 3, 31 : « Celui qui est de la terre parle à partir de la terre » ; en effet chacun parle selon ce qu'il lui a été donné de dire. Qu'est-ce que c'est que ces deux voix qui se répondent ? C'est précisément l'union du ciel et de la terre qui se manifeste ici et qui atteste la vérité en saint Jean. En effet toute vérité se tient entre le témoignage de deux (ou trois), et ici les témoins sont le ciel et la terre.

Voici le texte sur le témoignage et la vérité. On accuse Jésus de témoigner de lui-même et il répond :« 16Et si moi je juge, le jugement, le mien est vrai parce que je ne suis pas seul mais moi et celui qui m'a envoyé, le Père. 17Et dans votre loi il est écrit que le témoignage de deux hommes est vrai. 18 Moi, je suis celui qui témoigne de moi-même, et le Père qui m'a envoyé témoigne de moi. » (Jn 8)

Jean se sert d'un mot qui paraît très occasionnel dans le Pentateuque où il règle les problèmes d'organisation de la justice, des tribunaux : personne ne peut témoigner de soi, un seul témoin ne suffit pas[2]. C'est une pratique très simple. Il faut deux témoins. Et, c'est sur ce petit mot qu'il articule sa grande conception de ce qu'est la vérité. La vérité met en œuvre des paroles croisées, deux paroles (ou trois) paroles, mais des paroles qui disent la même chose.

b) Pourquoi Jean-Baptiste baptise-t-il ?

Il y a également une autre question : « Pourquoi baptises-tu ? » Là on pourrait s'interroger longuement sur ce que signifie ici "baptiser" : qu'est-ce qui est entendu ? Qu'est-ce qui est présupposé et qui reste présupposé et qui se joue ici dans le milieu baptiste ? En Jn 3, 25 le baptême justement est appelé "purification" (katharismos), mais en quel sens ? Justement il y a un débat entre les disciples du Baptiste et un Judéen au sujet de la purification. Il faudrait se poser beaucoup  questions sur un mot simple comme celui de "baptême".

À la question : « Pourquoi baptises-tu ? » il répond : « Je baptise dans l'eau au milieu de vous se tient celui que vous ne savez pas. 27Il vient après moi… » Il ne répond pas vraiment au "pourquoi" sinon en suscitant l'interprétation que son baptême est préparatoire. Mais ici il surseoit à dire sa différence d'avec autre chose. C'est le lendemain où il y a une toute autre scénographie qu'il dira « lui baptise dans le pneuma ».

► D'autre part il dit : « Je baptise dans l'eau » mais tout le monde était baptisé dans l'eau à l'époque ?

J-M M : Tout à fait. D'autres pratiques comme le baptême de feu sont postérieures, et cela n'a eu lieu que dans quelques sectes gnostiques.

► De toute façon, avant Jésus, le baptême n'existe pas chez les Juifs ?

J-M M : En fait,il y a des pratiques baptismales, des pratiques de purification nombreuses, par exemple chez les Esséniens. Il y a sans doute un rapport entre le Baptiste et ce mouvement essénien. Donc il s'agit bien dans la communauté de faire la différence entre le Christ et le Baptiste dans l'Écriture elle-même. C'est cela qu'il convient de résoudre.

Si, dans un premier niveau, on lit le texte au niveau de l'anecdote vécue, les prêtres et les lévites sont en droit de demander pourquoi le Baptiste baptise c'est-à-dire quel droit il a par rapport à la purification, en prenant le mot "purification" dans son sens pour l'instant indistinct sans que cela implique une signification précise de ce que sera le baptême au sens chrétien. En effet la purification est traditionnellement la chose des prêtres et des lévites. Donc quelle est la signification de ce mouvement de quelqu'un qui semble ne pas appartenir à ceux qui ont la charge de purifier ? Cela peut être en ce sens-là.

Mais quand saint Jean traite de cette affaire, ce n'est pas cela qui l'intéresse. Ce qui l'intéresse c'est : quelle est la signification du baptême du Baptiste par rapport au Christ ? Ce n'est donc pas la question des prêtres et des lévites, mais c'est bien celle de Jean quand il ressaisit la question des prêtres et des lévites.

Tout le texte de Jean est construit pour qu'on aperçoive en quoi consiste la figure du Baptiste par rapport à la figure du Christ avec le thème du passage. Cette question est fondamentale parce que, pour saint Jean comme pour le premier christianisme, il y a un seul lieu qui identifie Jésus, c'est la résurrection, c'est le pneuma de résurrection. Et tous les premiers chapitres de Jean sont construits sur cette différence entre deux eaux[3].

► Jean-Baptiste dit qu'il n'est pas le Christ, mais c'était quoi le Christ pour les gens de l'époque ?

J-M M : Le mot "christ" est un mot courant, usuel, il correspond au mot messiah en hébreu qui signifie "messie". Donc il dit en fait « Je ne suis pas le messie ». Par ailleurs il faut savoir que le mot "messie" est la forme hébraïque du mot christos et que la signification de messie, comme de christos, c'est « oint, imprégné, enduit. »

 

3) Relecture rapide du texte.

« 19Et voici le témoignage de Jean quand les Judéens, prêtres, lévites, envoyèrent à partir de Jérusalem pour l'interroger : “ Toi, qui es-tu ? ” –   l'identification du Baptiste précède celle de Jésus. – 20Et il confessa, il ne nia point, il confessa : “ Je ne suis pas le Christos ”. 21Ils demandèrent : “ Qui donc ? Es-tu Élie ? ”. Il répondit : "Je ne suis pas". – C'est une tradition dans l'Écriture de l'assimiler à Élie : « 12Je vous dis qu'Élie est déjà venu, qu'ils ne l'ont pas reconnu… 13Les disciples comprirent alors qu'il leur parlait de Jean-Baptiste » (Mt 17). Donc il est et il n'est pas Élie. Il n'est pas un Élie redidivus mais il a la figure d'Élie. – Es-tu le prophète ? Il répondit : “ Non ”. –Qui est "le" prophète, ici ? C'est peut-être Moïse, mais c'est discutable.

 « 22Ils lui dirent donc : “ Qui es-tu, afin que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés, que dis-tu de toi-même ? ” 23Il dit – cette citation est aussi dans les Synoptiques – “ Je suis la voix de celui qui crie dans le désert, "Rendez droit le chemin du Seigneur" comme dit Isaïe le prophète.” » La voix (phonê) est une dénomination majeure. La figure du Baptiste est un index parce que ce qu'il dit essentiellement c'est : "Voici" (v. 29 et 36), il montre.

« 24Et ceux qui avaient été envoyés étaient d'entre les pharisiens. 25Et ils le questionnèrent et lui dirent : “Pourquoi donc baptises-tu si tu n'es ni le Christ, ni Élie, ni le prophète ?”. 26Jean leur répondit : “Moi je baptise dans l'eau. Parmi vous se tient celui que vous ne savez pas, 27celui qui est venu après moi dont je ne suis pas digne de délier la courroie de sa chaussure.” » C'est rappelé aussi dans les Synoptiques : « Je ne suis pas digne, m'étant penché, de délier la courroie de sa chaussure » (Mc 1, 7). Ceci doit signifier : « Je ne suis pas digne de le baptiser », en effet, pour entrer dans l'eau, on défait sa chaussure.

« 28Et ces choses eurent lieu à Béthanie le long du Jourdain, où Jean baptisait. »



[1] Lors des soirées à Saint-Bernard-de-Montparnasse, Maurice Bellet parlait d'abord une heure, puis après une pause de 15 mn, J-M Martin parlait, mais chacun était présent quand l'autre parlait.

[2] « C'est seulement sur la déposition de deux ou de trois témoins qu'on le mettra à mort, les déclarations d'un seul témoin ne suffiront pas pour cela. » (Dt 17,6) « Un seul témoin ne suffira pas contre un homme pour constater un crime ou un péché, quel qu'il soit; un fait ne pourra s'établir que sur la déposition de deux ou de trois témoins. » (Dt 19, 15). On le retrouve aussi chez Matthieu : « Que toute chose se décide sur la parole de deux ou trois témoins » (Mt 19, 16)

[3] J-M Martin parle d'un partage des eaux : ch 1 distinction entre l'eau du Baptiste et le pneuma (mais c'est l'eau qui est pneuma) ; ch 2 distinction entre l'eau lustrale des Juifs dans la symbolique des six jarres à Cana et le vin eschatologique ; ch 3, distinction entre la naissance à partir « de cette eau-là qui est pneuma », et la naissance première qui est assimilée au surgissement de l'eau (entrer dans le ventre de sa mère, et sortir) ; ch 4 distinction entre l'eau du puits de la Samaritaine et « 14l'eau vive (l'eau de la vie) que je donnerai » et qui n'est pas la même ; ch 5, distinction entre l'eau de la piscine de Bethesda qui guérit, mais guérit peu et mal, et cette autre eau qui est la parole de Jésus qui guérit… Cf. La symbolique de l'eau en saint Jean (la mer, eau des jarres, fleuves d'eau vive, eau-sang-pneuma au Baptême et à la Croix).

 

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