La distinction masculin/féminin comme élément structurant de toute la symbolique biblique
La symbolique du masculin et du féminin (ou de mâle et femelle) est très importante dans la Bible, mais elle n'est pas immédiatement audible par les oreilles occidentales. Jean-Marie Martin à qui le blog La Christité est dédié en parle très souvent : il nous y introduit, nous permet d'en voir les enjeux et nous propose même des pistes de réflexions qu'il ne fait qu'ouvrir. Son travail se situe à la limite de la théologie, de l'exégèse et de la philosophie.
Présentation du dossier par Christiane Marmèche.
J'ai rassemblé ici des extraits de plusieurs de ses interventions. Parfois il y a donc des rredites. Ce dossier complète plusieurs anciens messages :
- "L'Exégèse de l'âme", les figures féminines en st Jean (extrait d'une session) ;
- Masculin féminin chez saint Paul (Thèmes d'une symbolique) (article de J-M Martin) ;
- le cycle de conférences sur le thème "Plus on est deux, plus on est un" (Tag PLUS 2 PLUS 1), en particulier ce qui concerne la lecture faite par les gnostiques (qui n'est pas reprise ici).
- Lecture valentinienne des Noces de CANA (Jn 2, 1-11)
On trouvera ici des réflexions à partir de textes du NT mais aussi de la Genèse, des allusions à l'AT et même un regard neuf sur la Trinité. (N B : J-M Martin préfère en général garder le mot grec pneuma sans le traduire par esprit ou souffle ou Esprit-Saint. Dans ce message vous trouverez pneuma avec ou sans majuscule, mais c'est la même chose puisqu'ici il a toujours un sens positif)
I – Réflexions à partir de la rencontre de Marie-Madeleine et Jésus (Jn 20)
II – Réflexions sur le masculin-féminin à partir de Gn 1, 27
1) Entendre “mâle et femelle” de Gn 1, 27.
2) Symboliques en jeu dans le rapport de Dieu et de son peuple.
3) La double symbolique au sein de la Trinité (père-fils, époux/épouse) comme invitation à penser l'ouverture du temps et de l'espace.
III – Études diverses
1) Christos/Ekklêsia accomplissement de Gn 1, 27 d'après Ep 5, 31-32
2) Le rapport ambigu entre la femme et l'homme dans les Écritures.
3) Ébauche de réflexions sur la mise en place des premières choses.
4) Haut et bas : ciel et terre ; mâle et femelle.
En guise de conclusion : la réconciliation
Annexe : Une lecture de Gn 1, 27 au IIe siècle
- Pour lire, télécharger, imprimer, c'est ici en fichier pdf : masculin_feminin.
La distinction masculin/féminin
comme élément structurant de toute la symbolique biblique
I – Réflexions à propos de Marie-Madeleine et autres (Jn 20)[1]
« Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau le matin, alors qu'il fait encore nuit. Elle observe la pierre enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l'autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où ils l'ont posé. »
Pierre sortit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensembles, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il observe les bandelettes posées là ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive aussi. Il entre dans le tombeau, et constate les bandelettes posées là, et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec les bandelettes, mais roulé à part dans un seul lieu. C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit et il crut. En effet, ils ne comprenaient pas encore l’Écriture, selon lequel il fallait qu'il (Jésus) ressuscite d’entre les morts. Les disciples partirent donc à nouveau chez eux.
Marie Madeleine restait là dehors, à pleurer devant le tombeau. Comme elle pleurait, elle se pencha vers le tombeau, et, elle constate deux anges assis vêtus de blanc, l'un à la tête et l'autre aux pieds, à l'endroit où le corps de Jésus avait été posé. Ils lui demandent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répond : « Ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où ils l'ont posé. » Tout en disant cela, elle se retourne et constate Jésus debout, mais elle ne savait pas que c'était Jésus. Jésus lui demande : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Elle, pensant que c'est le gardien du jardin, lui dit : « Monsieur, si c'est toi qui l'as enlevé, dis-moi où tu l'as posé, et moi, je le lèverai. » Jésus lui dit : « Marie ! » Celle-ci s'étant retournée dit en hébreu : « Rabbouni ! » ce qui se traduit : « Maître ». Jésus reprend : « Ne me touche pas car je ne suis pas encore monté vers le Père, mais va vers mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu. » Marie Madeleine s'en va donc annoncer aux disciples : « J'ai vu le Seigneur, et voilà ce qu'il m'a dit. »
Quelles sont les traits de Marie-Madeleine ? D'abord, le trait de la féminité.
● La symbolique du masculin et du féminin, 2ème principe de répartition.
Le rapport du masculin et du féminin est essentiel dans les Écritures, c'est même la deuxième dyade qui existe. Les premiers principes de répartition des choses sont d'abord le père et le fils et ensuite le mâle et la femelle (ou l'époux et l'épouse)[2].
Rien n'est intéressant comme de méditer les premières choses. Ne vous targuez pas de méditer la première chose, car dès l'instant qu'il y a une première, il y a une seconde, et la première ne se comprend qu'à partir de la seconde, et la seconde à partir de la première. Méditer le deux et méditer les deux premiers deux, c'est-à-dire méditer le quatre, c'est mon seul souci.
« Comme mère et fille le temps,
« L'homme et la femme font l'espace.
« Les heures sonnent sur la place
« Où l'ombre de l'arbre s'étend. »
Mère et fille, ceci ouvre les générations, ouvre le temps. Car le temps n'est pas un paramètre pour physiciens. Dans l'Ancien Testament le temps se dit toledot (les générations) : « Et voici les générations…» (Gn 37, 2, etc.). Là se décèle la structure sémitique et pas seulement juive, qui se trouve encore dans nos textes.
Homme et femme sont simultanés. C'est une dif-férence, c'est une dis-tance, c'est l'ouverture de la bonne distance, si possible. Et c'est la même que l'ouverture du ciel et de la terre, car : « Dans l’arkhê, Dieu fit ciel et terre» (Gn 1, 1) c'est la même chose que : « Dieu fit l’homme à son image ; à l'image de Dieu il le fit ;mâle et femelle il les fit » (Gn 1, 27). Et ceci ne devrait pas étonner, ce sont pour moi les choses les plus évidentes qui soient.
Cela se trouve aussi dans le rapport de la lumière et de la ténèbre, de l'hiver et de l'été, de yin et yang en Chine, de purusha et prakriti en Inde, et c'est le rapport qui se trouve chez les présocratiques au fond de notre Occident. Ce sont là les premières choses. Lévi-Strauss n'a rien inventé quand il a découvert que les structures familiales étaient les premières structures grammaticales des cultures.
Il y a plus dans ces mots-là qu'il n'en reste dans les dyades dont nous sommes coutumiers, comme sujet et objet, actif et passif qui sont les premières choses de la pensée de type aristotélicien. Celles-là sont passées dans nos grammaires, et par les grammaires élémentaires, elles structurent notre pensée. Et cela ouvre un champ de méditation énorme.
● La féminité au sens large : mère, vierge, sœur, épouse.
D'autre part la féminité a un champ sémantique complexe, parce que la femme, c'est la femme, mais c'est aussi, éventuellement, une mère ou une vierge, ou une sœur, ou une épouse[3]. Il y a quelque chose de commun dans la féminité, et il y a des spécificités qui se déploient dans des relations selon que la femme est mise en rapport avec son père ou avec son époux. Un mot n'a jamais de sens déterminé tant qu'il n'est pas mis en contact avec un autre mot qui le détermine, qui précise son sens.
● La part féminine de chacun.
Cependant il y a une chose qu'il faut bien comprendre : il ne s'agit pas d'un homme et d'une femme, mais radicalement il s'agit de la masculinité et de la féminité qui se trouve en chaque être humain. C'est d'ailleurs la même chose dans yin et yang. Cela n'a même pas besoin d'être dit quand on a l'oreille à ces choses-là. Mais il faut le dire, parce que nous n'avons pas spontanément cette oreille.
Masculin et féminin sont des pôles constitutifs de tout être humain. C'est même parce que nous sommes polarisés intérieurement que nous pouvons être ouverts à l'autre de ce qui domine en nous : au féminin si nous sommes masculin et vice versa.
● Marie-Madeleine et la Samaritaine.
Il y a plusieurs épisodes féminins très importants dans l'évangile de Jean, très décisifs. On peut mettre en rapport de façon très étroite la Samaritaine (Jn 4) et la Magdaléenne.
– Il est essentiel qu'elles soient toutes les deux, dans leur figure, femmes.
– Elles sont toutes les deux caractérisées par leur lieu… D'où je suis, où je vais, où demeures-tu ? Où : c'est la question johannique[4]. Dans le natif, l'une est samaritaine, l'autre est magdaléenne. Ceci a du sens.
– Et elles ont en commun d'être un type d’accès qui est progressif, qui comporte des étapes.
A propos des étapes, l'exemple majeur est celui de la Samaritaine. Tout le chapitre 4 est la succession des étapes qui conduisent du plus haut malentendu entre Jésus et elle jusqu'à la reconnaissance mutuelle, à l'identification mutuelle (au sens où j'identifie quelqu'un, et non au sens où je m'identifie à quelqu'un). Au départ, c'est la méprise absolue. Elle le prend pour un Judéen, ce qu'il n'est pas. À un certain moment, elle pense qu'il est peut-être le Prophète qu'attendent les Samaritains, ce qu'il n'est pas. Mieux, après, elle pense qu'il est peut-être le Roi-Messie qu'attendent les Judéens, ce qui est déjà, pour elle, énorme ; mais ce qu'il n'est pas. Et enfin, il est identifié, au terme, en son nom propre de sauveur, Yeshoua, sauveur du monde[5]. Voilà une progression ! Dans notre épisode nous avons une progression de ce genre[6].
● Différence entre épisode féminin et épisode masculin.
L'épisode de Marie-Madeleine entoure un autre épisode qui est celui des deux disciples.
Ce qui est clair, c'est qu'on aperçoit ce qui est propre à l'épisode de Marie-Madeleine : il y a des étapes. Elle change, et non seulement elle change mais elle se retourne, elle se retourne même deux fois, il y a un processus. Quelle est la signification de la figure de Marie-Madeleine dans son rapport à la résurrection ? C'est d'être précisément une expérience à étapes.
Nous pouvons voir que l'épisode féminin est caractérisé par les étapes et que l'épisode masculin central est caractérisé par la rapidité et même par l'instant : « Il vit, il crut » (v.8).
La symbolique masculine est donc représentée par Jean qui est sans étape : “il vit, il crut”, c'est-à-dire qu'il voit – mais du reste, il ne voit rien, il voit le rien, c'est-à-dire il croit, il sait ce que signifie l'absence.
● L'accession de l'humanité à son accomplissement dans le Christ.
On peut lire l'épisode de Marie-Madeleine simplement comme les émois d'un individu, et ce n'est pas négligeable. Mais saint Jean écrit toujours plusieurs choses à la fois. Marie-Madeleine est une belle femme si vous voulez, mais c'est aussi l'humanité. Ce que Jean récite ici, c'est la quête de l'humanité.
Ceci est clair aussi pour la Samaritaine. Elle est, par rapport à Jésus, dans un rapport d'époux et d'épouse. En effet ils se rencontrent au puits comme tous les patriarches ont rencontré leur fiancée au puits. Le dialogue s'installe entre deux méprises, entre censément un Judéen et une Samaritaine, question de lieux, mais aussi entre un homme et une femme : il est dit de la Samaritaine qu'elle est femme, samaritaine, ces deux thèmes courent tout au long du récit. Et la parole décisive – car dans les étapes il y a toujours un moment décisif – est la parole de Jésus qui lui dit : « Va chercher ton mari ». Elle dit : « Je n'ai pas de mari », et en fait elle dit bien. Voilà une parole décisive qui a trait, avec le thème de la Samaritaine en tant que femme, au rapport époux-épouse. Ce qui doit se révéler est que, finalement, le véritable époux, c'est le Christ. Mais le Christ n'est pas l'époux d'une Samaritaine, pas plus qu'il n'est, au point de vue de l'état civil, époux de Marie-Madeleine. Il est l'époux de l'humanité, c'est-à-dire que la Samaritaine aussi bien que Marie-Madeleine sont là pour narrer des étapes de l'accession de l'humanité à son accomplissement dans le Christ.
● Jésus eut trois Marie
Une des différences entre les deux épisodes est que la Samaritaine n'a pas de nom propre alors qu'ici la femme s'appelle Marie.
Mais Marie, est-ce un nom propre au sens où nous entendons ce mot aujourd'hui ? Un joli texte du IIe siècle, l'Évangile de Philippe dit :« Jésus eut trois Marie : Marie sa mère, Marie son épouse, et Marie sa sœur ».En effet il y a :
- Marie mère de Jésus,
- Marie de Magdala qui est dans la symbolique des épousailles,
- Marie de Béthanie, la sœur de l'ami de Jésus, Lazare.
Le nom Marie est-il plus important que ces trois femmes prises individuellement ? Si le nom était entendu comme disant le plus profond de l'identité de quelqu'un : oui. Nous avons médité certains soirs de l'année 2002-2003[7] sur le nom à Saint-Bernard de Montparnasse, le nom au sens sémitique du terme, qui n'est pas une appellation posée de l'extérieur mais qui désigne le plus propre de quelqu'un. On connaît cela. On en a une idée. Tous les exégètes le disent. Mais personne, l'ayant dit, n'essaie de penser en fonction de ce qui est dit ainsi. C’est cela la question.
C'est à tel point que les exégètes sont embarrassés par les confusions qui sont faites entre Marie de Magdala et Marie de Béthanie. Il y a chez Luc, une Marie, pécheresse, qui est peut-être Marie de Magdala, et chez Jean il y a Marie de Béthanie : elles font toutes les deux le même geste d'oindre Jésus de parfum. Toute la tradition a plus ou moins confondu ces deux Marie, peut-être légitimement, parce que leur différence n'est pas très claire. Il est plus intéressant, pour Jean, de parler de la figure fondamentale de Marie (des Marie) que de telle ou telle. C'est-à-dire qu'il y a des différences : telle est dans la figure de l'épouse, elle n'est pas vierge celle-là alors que la Vierge Marie est mère et vierge, voilà deux fonctions qui sont cumulées. L'embarras que provoquent les différences apparentes d'identification de cette fameuse Marie, dans les Synoptiques, entre eux et chez Jean, est pour moi le signe de quelque chose de plus profond à chercher. Tout ce qui est embarrassant dans l'Évangile mérite qu'on s'y intéresse. Sachez que c'est là qu'il faut regarder. C'est là que se cache le plus joli à voir !
● Retour sur la signification des étapes de la femme.
Et il faut voir que toutes les étapes qui sont énoncées au sujet de Marie-Madeleine sont intelligibles à partir du « J'ai vu » qu'elle dit à la fin aux autres disciples. Donc les lire dans l'ordre successif comme s'il s'agissait d'une narration, d'un reportage sur ce qu'on aurait pu voir étape par étape n'a pas de sens. Le sens est dans la mémoire, et c'est ce qui nous permettra de nous interroger sur la signification de ces étapes successives.
Peut-être faut-il ajouter qu'il s'agit de l'heure de la femme, c'est-à-dire de l'heure de l'humanité, et Marie-Madeleine est porteuse de cela.
● Retour sur la différence entre le masculin et le féminin
Ici j'ouvre une petite parenthèse : j'ai mis au compte de l'homme l'eschatologie, et au compte de la femme, l'écartement extrême de l'histoire. Cela pourrait paraître très masochiste. Mais il n'en est rien parce que les rapports de l'éternité et de la temporalité ne sont pas du tout ceux que nous pensons. Nous pensons l'éternité comme une simple négation de la temporalité, alors que l'eschatologie est le recueil du déploiement dans son unité foncière, de telle sorte que l'extrême proximité ultime des deux éléments, masculin et féminin, est quelque chose comme une unité.
Les gnostiques ont même dit que la femme accède à être homme, mais homme ne signifie alors plus seulement le masculin en tant que disjoint[8].
Sur la symbolique du masculin et du féminin il y a beaucoup de précautions à prendre parce qu'il est possible que notre oreille soit d'avance heurtée, notre sensibilité également. Mais ce n'est pas la fragilité de notre sensibilité qui doit nous empêcher d'aller voir les choses comme elles sont parce qu'en général cette sensibilité par rapport au texte n'est que l'application de nos propres préjugés : même s'ils sont légitimes en leur lieu, ils ne le sont pas nécessairement par rapport à la visée du texte.
Il y a une auto-compréhension de l'homme qui est en question (reconnaître son propre nom, entendre son nom) dans la reconnaissance du Ressuscité, dans la résurrection. Ce n'est pas un fait quelconque, c'est un fait qui renvoie à son nom propre. C'est pourquoi une symbolique méditée, celle de l'inversion du miroir, est quelque chose qui pour le fond, peut ne pas être étranger à notre texte, et en tout cas nous enlève l'usage purement moralisant du mot même de conversion.
II – Réflexions sur le masculin-féminin à partir de Gn 1, 27
1) Entendre “mâle et femelle” de Gn 1, 27[9].
« 26Dieu dit : “Faisons l'homme à notre image, comme notre ressemblance…” 27Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. » (Traduction Bible de Jérusalem)
a) Entendre “mâle et femelle” comme des principes.
Dans le texte de Gn 1, c'est écrit “mâle et femelle”, ce n'est pas "homme et femme" (ish et isha en hébreu) ce qu'on a en Gn 2, ni "époux et épouse" (aner et gunê en grec), c'est "mâle et femelle". C'est donc le plus basique parce que c'est justement assumé pour désigner autre chose que des individus : ce sont des principes.
Si vous voulez, pour peu que je sache, ce “mâle et femelle” de Gn 1 est quelque chose comme "yin et yang" dans la pensée chinoise, ou "purusha et prakriti" dans la pensée hindoue.
b) Entendre “mâle et femelle” à différents niveaux.
C'est d'abord principiel, et cela ensuite se reconduit à certains niveaux :
- c'est de dimension cosmique et c'est pourquoi ciel et terre sont dans un rapport masculin / féminin ;
- de plus c'est à l'intérieur de chaque individu : chacun a une polarité mâle et une polarité femelle. Et probablement que si ces deux polarités intimes sont en bon rapport, il est possible qu'un homme puisse avoir un bon rapport avec une femme ; mais s'il est divorcé à l'intérieur de lui-même, il est peu probable qu'un homme puisse avoir un bon rapport avec une femme. Dans son plus profond l'être est nuptial, nul n'est purement mâle ou femelle.
c) Entendre “mâle et femelle” de Gn 1, 27 comme “Christos et Ekklêsia”.
D'autre part d'après le texte de Genèse « 26Faisons l'homme à notre image (…) 27Dieu créa l'homme à son image ; à l'image de Dieu il le créa ; mâle et femelle il les créa », les mots mâle et femelle disent les premières choses de l'humain.
Il faut savoir que les versets 26 et 27 du premier chapitre de la Genèse, sont l'objet d'une lecture christologique et ecclésiale : l'homme à l'image de Dieu qui n'est pas[10] Adam de Gn 2 mais Adam de Gn 1 c'est-à-dire Adam spirituel (pneumatique), cet homme à l'image c'est le Christ. La lecture de Gn 1 est alors celle-ci : « Faisons le Christ… mâle et femelle il les fit. » De plus, d'après par exemple la lecture que fait saint Paul en Ep 5, mâle et femelle de Gn 1, 27 sont Christos et Ekklêsia, l'Ekklêsia étant l'humanité convoquée, c'est-à-dire tous les hommes qu'ils soient homme-mâle ou femme.
Ces mots désignent donc le Christ comme mâle et l'humanité convoquée (l'Ekklêsia) comme femelle. Autrement dit le Christ est la masculinité de l'humanité[11], et dans l'humanité sont compris hommes et femmes : tous sont femelles par rapport à cette masculinité qu'est le Christ.
Vous avez ici quelque chose qui, s'il est bien entendu, devrait évacuer tous les risques de susceptibilité que ces expressions véhiculent, mais nous sommes loin d'habiter ce champ symbolique. C'est dommage mais on peut essayer petitement d'y remédier, c'est ce que nous faisons.
d) Comment entendre la différence entre image et ressemblance ?
Vous m'avez posé la question: pourquoi est-il question de la semblance dans "l'homme à l'image", puisque c'est du même que Dieu dit : « “Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance”[12]». Ceci est lié à la différence qui est indiquée après : « Mâle et femelle il les fit. » C'est-à-dire que la masculinité a pour tâche de dire l'accomplissement plénier, et la féminité une carence. Vous voyez bien l'ampleur d'une phrase comme celle-là.
Saint Jean cite la parole du Christ : « Moïse a écrit de moi. » (Jn 5, 46). En effet « Dans l'arkhê était le Logos » ; or le Christ est le Logos, et Moïse a écrit de lui quand, au début de la Genèse, il dit : « Faisons l'homme à notre image et à notre semblance », c'est-à-dire : « Il le fit mâle – c'est-à-dire pleinement accompli – et femelle – c'est-à-dire l'humanité tout entière mais non accomplie encore. » Et c'est pourquoi ces textes de Genèse sont repris par Paul dans la symbolique nuptiale : le Christ est époux de l'Ekklêsia, c'est-à-dire de l'humanité convoquée. Le mot Ekklêsia signifie l'humanité convoquée et ne désigne pas ce que nous appelons aujourd'hui l'Église. L'Ekklêsia est la convocation de toute l'humanité : klêsis signifie appel, vocation. Dieu donne un nom, donc un être, à la totalité de l'humanité, ceci dans « Faisons l'homme à notre image », et ceci c'est sous la forme d'une délibération (“Faisons” est au pluriel), donc c'est la déposition des semences.
Au fond, image et semblance, c'est la différence entre ce que nous sommes au titre de la christité et ce que nous sommes au titre de notre naissance (de notre natif). Pourquoi est-ce que je dis "natif" ? Je prends ça à l'évangile de Jean, et aussi pour éviter le mot "nature" parce que le mot nature est un mot de la philosophie occidentale et n'est pas un mot de l'Évangile.
e) Entendre mâle/femelle (masculin/féminin) dans le rapport Christ/Esprit.
Le Pneuma (l'Esprit) a la caractéristique d'oindre et le mot Christos signifie "roi oint", oint de Pneuma c'est-à-dire imprégné de Pneuma. Le mot d'imprégnation est beaucoup plus décisif que ce que ce terme désigne chez nous. C'est un mot très important puisque c'est le sens premier du mot de "chrétiens", christianoï, en relation au Christos. Le rapport Christos-Pneuma est donc un rapport d'imprégnation.
2) Symboliques en jeu dans le rapport de Dieu et de son peuple.
a) Le rapport de Dieu et de son peuple comme un rapport époux/épouse[13].
Ce thème époux / épouse du Christ et de l'humanité convoquée ressaisit en passant un thème qui court tout au long de l'Ancien Testament. C'est un thème prophétique, d'abord chez Osée, mais qui est repris dans bien des endroits ; c'est le thème du rapport de Dieu et de son peuple comme un rapport d'époux et d'épouse : Dieu est celui qui a tiré l'humanité du ruisseau etc. Presque tous ces textes de l'Ancien Testament sont soigneusement rassemblés dans un petit volume du début du IIe siècle, Exégèse de l'âme[14]. C'est un texte gnostique très pertinent. Donc ce thème-là est un thème connu.
b) La double thématique père / fils et époux / épouse.
Le rapport de Dieu et du peuple est aussi un rapport de père et de fils : dans l'Ancien testament, "mon peuple" c'est "mon fils".
La double thématique père / fils et époux / épouse est déjà pensée dans l'Ancien Testament dans le rapport de Dieu et de son peuple élu (son peuple choisi), et elle est reprise dans le Nouveau Testament par Paul avec les deux mêmes types de rapports :
- Père/Fils
- Christos / Ekklêsia.
Les incongruités qui résulteraient si on voulait faire un arbre généalogique ou familial des rapports n'ont aucune importance. Nous avons ici à chaque fois la mise en œuvre de quelque chose qui précède les deux premiers deux.
Notez que le mot ekklêsia en grec ne désigne pas ce que nous appelons aujourd'hui l'Église. C'est un mot ambigu, il a plusieurs sens :
- ekklêsia peut désigner une assemblée, n'importe quelle assemblée,
- l'Ekklêsia est pensée par l'Écriture comme la convocation unifiante de la totalité de l'humanité parce qu'ekklêsia signifie convocation : ek-klêsis où klêsis signifie "appel" ; ici appel commun.
Entendez le mot Ekklêsia désormais dans le grand sens, qui a à voir avec le petit sens, mais ce n'est pas notre affaire pour l'instant[15].
De plus, c'est le Pneuma (l'Esprit) qui est le constitutif de l'Ekklêsia.
c) Les Noces de Jésus et de l'humanité à Cana (Jn 2).
► Tu dis que c'est Dieu l'époux, mais c'est aussi bien Jésus.
J-M M : Tout à fait. Par exemple aux Noces de Cana, Jésus est l'époux. Dans le texte-même ce n'est pas dit. Mais on peut dire cela en raison du thème époux-épouse tel que saint Jean le traite. Ça apparaît explicitement à la fin du chapitre 3 où Jean-Baptiste dit : «Celui qui a l'épouse est l'époux, mais l'ami de l'époux qui se tient debout et qui l'écoute, se réjouit de ce qu'il entend la voix de l'époux. Donc la joie qui est la mienne est pleinement accomplie. » (Jn 3, 29-30). De plus au chapitre 4, la Samaritaine qui reçoit Jésus représente toute l'humanité. Cela signifie que le rapport de Jésus à ce qui le reçoit est un rapport d'époux à épouse.
3) La double symbolique au sein de la Trinité (père-fils, époux/épouse) comme invitation à penser l'ouverture du temps et de l'espace.
a) La double symbolique en Dieu et ses origines dans l'AT.
● Préfigurations de la Trinité dans le Nouveau Testament.
Au début de sa première lettre, saint Jean dit : « Notre koïnônia est avec le Père et avec son Fils Jésus Christos ». Le Christos c'est Jésus oint du pneuma (d'Esprit).Le pneuma, il en sera question plus loin au cours de cette épître. Il en était question déjà chez Paul dans l'incipit aux Romains lorsqu'il dit : « Déterminé Fils de Dieu de par la résurrection des morts dans un pneuma de consécration. » (Rm 1, 4)[16].
Vous voyez se préfigurer ici ce qu'on appellera ensuite la Trinité. Elle a des traces dans l'Écriture puisqu'il y a des énumérations ternaires importantes et significatives[17].
● L'apparition du mot "trinité"
Le mot même de Trinité est prononcé pour la première fois en l'an 180, et ce n'est même pas le mot Trinité, c'est le mot trias (triade). De plus, à cette époque s'il y a une triade : Père / Fils / Esprit, il y a aussi une tétrade : Père / Fils / Esprit / homme. Autrement dit, ça ne correspond pas très rigoureusement à ce que nous appelons la Trinité.
Ce que nous avons appris de la Trinité au catéchisme est très différent de ce qui se trouve dans l'Écriture. Cela n'implique pas que ce que dit le catéchisme est faux, mais il ne faut pas confondre ces deux choses et injecter des connaissances sommaires dans l'Écriture pour l'entendre. Les dogmes, qui sont très précieux en leur lieu, ne sont pas de bons chemins pour entrer dans la symbolique évangélique. Ceci est légitime puisque la fonction des dogmes, au cours des siècles, n'est pas d'accroître le donné évangélique mais de tenter de le traduire en fonction des interlocuteurs. Le grand interlocuteur de l'Église au cours des siècles fut l'Occident. Du même coup, ce qui est dit dans la dogmatique répond aux questions de l'Occident. Or l'Occident est structuré tout autrement que l'Écriture. Donc, même s'il répond justement, la bonne réponse à une erreur n'égale pas la vérité originelle dont c'était l'erreur[18].
● La double dualité : Père-Fils et Christ / Pneuma (Christ / Esprit Saint)
Cependant la pensée de la Trinité devrait être d'abord la pensée d'une double dualité[19] :
- la dualité Père-Fils,
- et la dualité Christos-Pneuma qui correspond à Époux/Épouse car pneuma est considéré comme féminin du fait qu'il traduit le mot hébreu rouah qui est féminin.
Christos est un autre nom du Fils, ce qui fait qu'il n'y a pas quatre mais une double relation duelle, où l'un des trois est à la fois dans son rapport au Père comme Fils, et dans son rapport au Pneuma comme époux.
Remarque. Dans la théologie classique on passe aussi par le quatre – les quatre "relations" – pour arriver aux trois personnes[20].
● Christ / Pneuma est le même que Christos/Ekklêsia.
Et comme la symbolique du féminin est en même temps symbolique des multiples, le moment féminin de cette relation inclut la multitude des hommes : Christos-Pneuma c'est la même chose que Christos/Ekklêsia où Ekklêsia est l'humanité convoquée.
Tout ceci est issu d'un vieux thème biblique. Dans l'Ancien Testament :
- Dieu est le père de son peuple (le peuple est le Fils de Dieu),
- Dieu est également l'époux de son peuple : Israël est l'épouse de Dieu[21], de nombreux textes de l'Ancien Testament portent sur ce thème. Il y a un petit opuscule gnostique du IIe siècle intitulé L'Exégèse de l'âme, qui rassemble ces textes et les médite[22].
● Le rapport Christos-Pneuma est un rapport d'imprégnation.
Le Pneuma a la caractéristique d'oindre et le mot Christos signifie "roi oint", oint de pneuma c'est-à-dire imprégné de pneuma. Le mot d'imprégnation est beaucoup plus décisif que ce que ce terme désigne chez nous. C'est un mot très important puisque c'est le sens premier du mot de "chrétiens", christianoï, en relation au Christos. Le rapport Christos-Pneuma est donc un rapport d'imprégnation.
b) Père/Fils et Christ/Pneuma ouvrent le temps et l'espace.
● En Dieu Père/Fils ouvre le temps.
Père-fils, c’est une des coupures, une des répartitions qui est constitutive de l’histoire des hommes. Elle est même instauratrice du temps, à la mesure où ça ouvre la série des générations qui ont à voir avec le temps, bien sûr. Par exemple considérons le mot "histoire" en hébreu. En fait il n’y a pas de mot qui dise exactement "histoire", on traduit par "histoire" le mot toledot de la racine alat qui est "enfanter" ou "engendrer". Donc l'histoire c’est les générations. L'histoire est formée de généalogies.
En Dieu il y a la relation Père-Fils. Donc y a donc quelque chose en Dieu éternel (mais que veut dire éternel ?), quelque chose qui donne sens à ce qu’il y ait du temps. Pour vous, il y a du temps, c’est normal, et en plus, vous le calculez très précisément avec une montre. Mais pourquoi y a-t-il du temps ? Qu’est-ce que c’est ? Pourquoi ? Qu’est-ce que c’est que cette distanciation ?
● Le rapport Christos/Pneuma (époux/épouse) ouvre l'espace
Vous savez que pneuma qui est neutre en grec est un mot féminin en hébreu (rouah), c'est pourquoi on peut parler du rapport Christos/Pneuma comme d'un rapport époux/épouse.
En grec oindre se dit chrieïn et Jésus est appelé Christos[23] de par l'onction du Pneuma : il est l'enduit ou l'imprégné de la totalité du pneuma. Il est donc uni au pneuma mais dans une contemporanéité – il n’y a pas ici idée de génération, de succession, homme et femme sont simultanés – et ceci ouvre l’espace.
● En Dieu ouverture du temps et de l'espace.
Or tout se passe comme si ces deux relations père-fils et époux-épouse étaient esquissées dans la Trinité elle-même, c’est-à-dire y avaient leur condition d’intelligibilité, puisqu’elles sont en nous :
- en Dieu, Père et Fils ouvrent le temps, bien qu’il n’y ait pas là de temporalité selon nos critères, mais ils ouvrent le temps
- en Dieu, Christos et Pneuma c'est-à-dire époux-épouse, ouvrent l’espace.
c) Une invitation à penser.
Ce sont là des choses concernant l’unité. Du reste, il n’y a unité qu’à partir de deux. L’unité véritable n’est pas un isolé à quoi s’ajouteraient d’autres isolés. L’unité est déjà la secrète relation et l’union de deux ou de trois[24].
Ceci nous invite à penser l’homme, non pas comme un isolat, non pas comme un ego crispé, mais comme une configuration de se rapporter, de "se porter à" – de relation si vous voulez, mais le mot "relation" est un mot compromis par la philosophie même.
L’homme se porte : il se porte vers « il », il se porte vers « tu », il se porte vers « je », vers lui-même, constamment et de différentes façons. Il n’est que d’être dans cette multiple portée. Je, tu et il, ce ne sont pas d’abord des choses avant d’être la portée même de leur différence.
La différence est la première chose. Ferre c'est "se porter" : la dif-férence c'est se porter de part et d’autre ; la di-stance c'est se tenir (stance) de part et d’autre. Il y a donc cet élément qui disjoint pour joindre, voilà qui est la première chose.
La première chose n’est pas une chose, la première chose n’est pas une personne. Ce qui est premier, c’est la co-sistance, la con-sistance du deux et du trois. Ça, c’est une façon de faire que même les choses intra-trinitaires, comme on dit, ne sont pas purement et simplement des offenses à l’intelligence, de ces choses qu’il faudrait souscrire parce qu’on ne peut pas les comprendre, ce sont des incitations à penser, de façon plus originaire et plus profonde, ce que veut dire l’unité même, ce que veut dire Dieu et notre rapport à Dieu.
Il nous faudrait donc méditer le temps-espace de Dieu, le temps-espace primordial, qui est la condition de possibilité ou d’intelligibilité qu’il y ait du temps ou de l’espace pour nous ; en sachant que l’espace primordial est spacieux mais pas spatial, et que la temporalité primordiale n’est pas justement successive sur le mode de notre temporalité successive.
Ce qui se joue ici, c’est essentiellement de laisser s’ouvrir un espace nouveau, une distance plus intime, plus essentielle - que nous appelons la distance sans comprendre – et également une temporalité primordiale qui est l’extrême intimité ou la proximité de l’arkhê et du télos (du commencement et de la fin, du principe et de l'accomplissement) et pas l’inertie : l’éternité est venir, constamment venir, c’est un mouvement.
III – Études diverses
1) Christos/Ekklêsia accomplissement de Gn 1, 27 d'après Ep 5, 31-32[25]
● La distinction que Paul fait des deux Adam (Gn 1 et Gn 2).
Ce qui est à l'arrière-plan de plusieurs textes de Paul (Ph 2, 1 Cor 15…), c'est une adamologie, c'est-à-dire une référence à Adam. Il y a chez lui une adamologie très subtile qui fait une différence fondamentale entre Adam de Gn 1 et Adam de Gn 2 et 3.
Et cela se rencontre de façon explicite chez un juif contemporain de Jésus, mais un juif hellénisé, Philon d'Alexandrie, qui a produit des commentaires magnifiques de l'Ancien Testament. Or quand il arrive au chapitre 2 de Genèse et qu'il fait mention d'Adam, il dit que celui-ci est “un autre”, ce qui suppose qu'il y ait deux Adam[26].
Voici les deux Adam en question :
- Gn 1, 26-27 « Dieu dit : “Faisons adam (un homme) à notre image, selon notre ressemblance...” Dieu créa l'adam à son image : il le créa à l'image de Dieu ; mâle et femelle il les créa.»
- Gn 2,7 « YHWH Dieu façonna l'adam, poussière de l'adama (argile, glaise), il insuffla en ses narines une haleine de vie : et c'est l'adam, une âme vivante ! »
● La lecture que Paul fait de Gn 2, 24 en Ep 5.
En Ep 5, c'est un verset de Gn 2 qui est pris et qui est transposé cette fois dans l'espace même de Gn 1 car c'est encore Adam de Gn 1 qui est en question. Les mêmes textes fondamentaux de l'Ancien Testament peuvent être lus ou adaptés à différentes étapes du récit christologique ou à différents étages de la construction de la pensée christologique.
Cette fois, le texte de Gn 2 est dit de Christos et de l'Ekklêsia, Paul le dit très clairement.
« 25Vous les hommes, aimez vos femmes selon que le Christ a aimé l'Ekklêsia…31Pour cela l'homme quittera son père et sa mère et s'accolera à sa femme et ils seront deux pour être une seule chair. 32Ce mustêrion est grand et moi je le dis du Christ et de l'Ekklêsia. 33Outre que, vous aussi, vous êtes selon l'unité, chacun de même aime sa propre femme comme soi-même, et que la femme craigne son mari. »
Paul cite le texte de Gn 2, 24 (l'homme quittera son père et sa mère…) et il faut comprendre le commentaire qu'il fait ensuite. To mustêrion touto méga estïn (ce mystère est grand) : nous trouvons ici mustêrion,, un mot très important chez Paul, il ne s'agit pas d'un mystère au sens usuel du terme. Le mot mustêrion, vous vous rappelez que nous l'avons pensé dans le rapport mustêrion/apocalupsis[27] (caché / dévoilé) ; cette structure fondamentale, nous l'avons abondamment trouvée – le vocabulaire est divers mais la structure constante – dans le 1er chapitre de cette épître aux Ephésiens.
C'est la structure caché / manifesté, qui est autre que la structure prévu / réalisé. Le meilleur symbole de cela, qui est commun à Paul et à Jean, c'est le symbole de la semence et du fruit : la semence est en caché ce que le fruit est en dévoilé, d'un dévoilement accomplissant.
Tout l'examen de la structure fondamentale de la pensée de Paul, qui va à dire que c'est une pensée de l'accomplissement et non pas une pensée du faire, se relie également à cela. Les conséquences en sont immenses ; il importe de l'avoir repéré et ensuite progressivement de tenter d'y pénétrer.
« 32Le sens secret (caché) – de cette parole de l'Ancien Testament – prend sa grandeur (sa dimension) quand je l'interprète (légô) du Christ et de l'Ekklêsia, c'est-à-dire du Christ et de l'humanité convoquée. » Il faut bien percevoir cela.
Le texte d'Ep 5 n'est pas un texte qui dirait : « Voyez comme c'est bien le mariage, on est deux et ça vous donne une idée de ce qu'est le rapport du Christ et de l'humanité ». C'est l'inverse ! J'allais presque dire : Dieu merci ; je ne suis pas trop au courant, mais quand même ! C'est l'insu, le secret qui se dévoile en Christ qui peut donner quelque lumière et éclairer la conduite, le mode de marcher. C'est toujours l'insu qui éclaire de nouveaux feux ce que nous croyions savoir. […]
2) Le rapport ambigu entre la femme et l'homme dans les Écritures[28].
La femme a une véritable ambiguïté à la mesure où :
– elle peut désigner l'état égal et complémentaire de l'homme – nous dirions cela aujourd'hui ;
– ou au contraire elle peut désigner la situation négative dans laquelle la semence de féminité est recouverte et non encore manifestée.
Chez saint Paul la femme est justement la manifestation de l'homme. Si on lit Paul (Ep 5 et 1Co 11), on apercevra quelque chose qui résonne à notre oreille de cette façon-là : « La femme est la gloire de l'homme » (1 Co 11, 7) c'est-à-dire l'accomplissement manifesté et plénier de ce qu'il en est d'être homme[29]. De même qu'il dit ensuite qu'il n'y a pas de femme sans homme puisqu'elle a été tirée d'Adam, mais il ajoute qu'il n'y a pas non plus d'homme sans femme (allusion à la maternité).
3) Ébauche de réflexion sur la mise en place des premières choses[30].
► On a l'habitude de parler de rapport Père-Fils en Dieu, et pourquoi pas Mère-Fils ?
J-M M : Aussi curieux que cela puisse paraître, Père et Fils, ce n'est pas sexué dans la perspective qui nous occupe ici, c'est-à-dire que ce n'est ni masculin ni féminin. Dans l'ordre trinitaire, vous n'avez pas un père, une mère, un fils. Père et Fils ne se posent pas à partir de notre masculinité même si, dans l'ordre de notre propre génération, père et fils sont tous les deux masculins. Nous avons indiqué que Père et Fils ne se pensaient pas à partir de notre expérience de père et fils. La conclusion c'est qu'il ne faut pas entendre Père au sens de notre paternité, et Fils au sens de notre filiation, dans un premier temps, pas dans le lieu ultime[31].
Nous sommes ici dans un type de distinction qui est antérieure à une distinction qui, par ailleurs, est archétypique, qui est le masculin et le féminin.
Ceci n'est pas propre à l'évangile. Je fréquente beaucoup Empédocle depuis deux ans, on a des fragments, c'est le Ve siècle av. J.-C. et c'est en dehors du champ sémitique. Or il y a des énigmes considérables à travers ses textes. Il y a l'unité et puis les quatre éléments, et on ne sait pas comment les poser. La solution est là, c'est tout à fait la même, c'est-à-dire c'est l'unité du simple et de la première complexité. C'est-à-dire que la première complexité n'est pas autre chose que la première simplicité.
Nous sommes dans ce champ. Seulement ce qui est très intéressant, c'est que néanmoins, d'un autre point de vue, l'Esprit, rouah en hébreu, est féminin (alors que pneuma en grec est neutre). Dans la perspective qui nous occupe ici, lorsqu'on le considère sous son aspect de féminité, nous sommes déjà entrés dans le moment où la différence symboliquement sexuée entre en jeu. C'est le moment où le rapport de mâle et de femelle qui est constitutif de tout ce qui est après – c'est la première chose que j'ai indiquée ici –, apparaît : "Dieu fait l'homme… mâle et femelle il les fit", ce qui signifie Christos et Ekklésia, c'est-à-dire Christos et la totalité de l'humanité convoquée. Et le Pneuma a à voir là, parce qu'il est l'élément diffusif et récapitulatif de cette multiplicité par rapport au Christos. Et c'est là que commence l'universel, mis à part la première chose que j'ai évoquée, problème de la multiplicité.
Dans la Trinité, en premier, on n'entend pas Père au sens masculin, ni Fils au sens masculin et Esprit au sens féminin. Non ! Mais ensuite, on a "mâle et femelle". Alors, dans la première grande perspective qui nous occupe ici, le Christos est la masculinité de la totalité de l'humanité qui est féminité, moi compris : les mâles de l'humanité sont féminins par rapport à la christité.
Ça relègue un bon nombre de questions que je ne méprise pas (si elles s'expriment, c'est qu'elles existent). Je n'ai pas le sentiment d'être femme, seulement, j'essaye de mettre en place ! Personne ne pense autant que moi à la distinction masculin/féminin comme élément structurant de toute la symbolique. Seulement cela apparaît au niveau que je viens de dire, et envahit tout beaucoup plus qu'on ne pense.
● Le manque régit l'Occident à cause de sa façon de penser par genre et espèce[32].
Celui qui ne pense pas l'importance de la distinction de mâle et femelle, c'est précisément l'Occident. Car la définition de l'homme, qui est commune pour le masculin et le féminin, est légitime dans le champ de la définition selon les espèces : les chattes ne sont pas d'une espèce différente des chats. Cependant c'est une différence essentielle autre que la différence spécifique. Or, dans la pensée de l'Occident, ce qui est important c'est la différence spécifique, et le reste est donc nécessairement une différence accessoire. C'est un manque considérable.
Les grandes difficultés des rapports entre hommes et femmes dans l'histoire de l'Occident – mais elles sont ailleurs aussi –, s'expriment, ou s'illustrent, pour une part, par le regard premier de distinction, de discernement, qui est "spécifique" (définition selon les espèces). Alors cette distinction, ensuite, est tellement prégnante qu'elle occupe la totalité et tous les niveaux.
Nous avons vu que la différence masculin-féminin est depuis l'extrême où elle est déjà la différence du ciel et de la terre, qui est également une différence dans un langage symbolique. Mais, ça n'a aucun sens chez nous. Pour un astronome, "ciel et terre" ça n'a pas de sens, cette distinction n'existe pas, en tout cas pas au sens où nous la posons, pas plus que la distinction du haut et du bas d'ailleurs : il n'y a rien en haut et rien en bas dans cette perspective.
Donc les différences les plus fondamentales naissent à partir d'un certain lieu et d'un certain regard.
Il y a donc cette différence universelle masculin-féminin dans tout le champ de la manifestation, et on la trouve également dans le champ du plus singulier, donc le plus grand et le plus petit. Le plus petit, c'est un "moi". Et les "moi" dispersés sont constitués de polarités masculine et féminine, ce que nous oublions totalement, d'autant plus que nous les considérons comme insécables, atomoï. Cette dualité est d'abord un couple heureux ou malheureux à l'intérieur de soi-même, et c'est cela qui rend possible un troisième lieu du rapport masculin et féminin, à savoir le rapport d'un homme et d'une femme.
Voilà à un niveau symbolique les choses que je peux dire. Je vous remercie de la question, mais la réponse est beaucoup trop courte. Ce sont des indications. C'est une réponse qui n'est pas une réponse de mode. On peut demander de prier au nom de la Mère et du Fils : c'est aberrant. Quand je dis aberrant, je veux dire que je ne le retiens pas, mais les requêtes ont bien droit de s'exprimer.
4) Haut et bas : ciel et terre ; mâle et femelle[33].
► Comment entendre « que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » du Notre Père ?
J-M M : La volonté appartient donc au moment du caché, à l'insu qui est lui-même une des significations du ciel. Donc « que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » signifie que le secret de mon être vienne à jour sur terre comme cela est dans le secret déjà au ciel, au ciel en tant qu'il est l'insu ». Il faut bien voir que le "comme" n'implique pas de soi que l'un soit le modèle de l'autre, nous reverrons ça à propos du pardon des péchés[34].
Par ailleurs il y a une sorte d'équivalence qui a été pensée entre d'une part le haut et le bas, et d'autre part l'intérieur (le centre) et la circonférence. Effectivement, ce sont des choses qui s'égalent en un certain sens. Souvent j'ai dit : si vous avez des difficultés à dire « Notre Père qui êtes aux cieux », dites « Notre Père qui êtes au creux ». Le ciel peut absolument se refléter dans le plus intime.
Mais attention, les mots de ciel et de terre ne sont pas univoques : il y a terre et terre comme il y a ciel et ciel, comme il y a bas et bas. Le bas peut être entendu comme vil mais il peut être l'égal du haut, c'est ce qu'on peut lire dans une des Odes de Salomon, l'Ode 34 que je cite dans la traduction de Marie-Joseph Pierre à laquelle j'ai participé.
« 3Où atourne de partout le Beau, rien là qui soit séparé.
4Sa semblance, c'est l'en bas, lui est en haut.
5Lors toute chose est en haut, en bas n'est rien sinon mécompte
pour tels en qui n'est pas la connaissance. »[35]
Autrement dit ce qui est en bas est semblance de ce qui est en haut, mais, pour celui qui connaît, tout est en haut. C'est magnifique.
Je vous ai souvent parlé des premières dualités. Or dans les premiers deux, il y a ciel et terre qui sont généralement traités comme mâle et femelle : le ciel est mâle et la terre et femelle,
- le mâle est la semence, la semence invisible,
- et la femelle est soit quelque chose qui comporte une déficience si elle est toute seule, soit la fécondité-même et d'une certaine façon quasiment le fils si elle est accomplie et vue à partir de la semence, à partir d'en haut.
En effet, dès qu'il y a deux, il y a quatre : si je vois la terre à partir du ciel, c'est une nouvelle terre, c'est la terre en haut ; et si je vois la terre à partir de la terre, c'est la terre en bas. De même pour voir le ciel. Nous sommes là dans les quatre premières choses. C'est le lieu le plus habituel de ma méditation, ciel et terre qui sont quatre.
N'ayez pas peur, ce n'est pas un principe mécanique qu'on fera fonctionner à la manivelle comme la dialectique hégélienne. Pas du tout. Une méditation de ces deux premières choses donne de l'ouverture sur l'ensemble, sur la totalité, sur l'Un et sur les multiples. Mais en même temps cela ne permet pas de tout résoudre par une formule. C'est une invitation à habiter les multiples dualités.
En guise de conclusion : la réconciliation[36]
Parmi les premières données fondamentales de la constitution d'un individu, il y a cette bi-polarité : bi-polarité du haut et du bas bien sûr, qui est la même que la bi-polarité du masculin et du féminin. En effet la déchirure dans laquelle nous sommes, c'est que ces deux pôles ne sont pas en accord.
De même le divorce fondamental, c'est le divorce ciel-terre. Ciel et terre ne se parlaient plus au temps de Jésus, et voici que le ciel s'ouvre et parle à la terre : « Tu es mon fils bien-aimé », c'est l'ouverture de l'Évangile. Désormais masculin et féminin se parlent, donc c'est la constitution d'un espace nouveau, qui est un espace dans lequel pôle masculin et pôle féminin ne sont plus déchirés.
Or cette chose-là qui vaut à l'intérieur de chacun, vaut également pour le rapport d'un à une autre, et singulièrement de ma masculinité à la féminité de mon interlocutrice par exemple. Je ne peux avoir de relation heureuse et bonne avec une femme que pour autant que, à l'intérieur de moi-même, ma masculinité et ma féminité sont dans un bon accord. Donc à la fois cette bipolarité est du plus intime, elle est de la proximité des relations, et enfin elle est l'égale de ciel-terre c'est-à-dire qu'elle a également une dimension cosmique, elle traverse toutes les dimensions.
ANNEXE
Une lecture de Gn 1, 27 au IIe siècle
(Marie-Louise Therel, Les symboles de l'Ecclesia, Roma 1973,
Edizioni di storia e letteratura p. 18)
Deux ouvrages du IIe siècle, la Deuxième épître aux Corinthiens dite de Clément[37] et le Pasteur d'Hermas nous ont conservé le témoignage de la plus ancienne prédication chrétienne.
Dans le premier, l'auteur utilise le texte de Gn 1, 27 : « Dieu créa mâle et femelle » pour symboliser l'union du Christ et de l'Église : « L'homme c'est le Christ, et la femme c'est l'Église ». L'auteur décrit cette Église comme une réalité primitivement spirituelle, invisible, existant avant la création du soleil et de la lune et qui s'est faite chair avec le Christ pour devenir son épouse. C'est dans cet écrit que l'on trouve pour la première fois une référence à la maternité de l'Église.
La même antériorité à la création est attribuée à la femme âgée qui figure l'Église sous les traits de la Sibylle, dans la deuxième vision du Pasteur d'Hermas. La prophétesse légendaire représente l'Église dans sa mission d'enseignement et de transmission de la vérité. La troisième vision affirme davantage son caractère maternel par l'exhortation qu'elle adresse aux croyants.
L'image de la vierge est présentée dans une série de témoignages pour signifier la pureté de la foi de l'Église. L'épitaphe d'Abercius en est un exemple : « Je suis disciple d'un saint pasteur… C'est lui qui m'a envoyé à Rome contempler la souveraine majesté et voir une reine habillée et chaussée d'or. Je vis là un peuple porteur d'un sceau brillant... La foi me conduisit partout, partout elle me servit en nourriture un poisson de source très grand, pur, péché par une vierge sainte ; elle donnait sans cesse à manger à ses amis » (traduction A Hamman, L'empire et la Croix, coll. Ictus, Paris 1957 p. 288)
[1] Cette partie I est extraite de la session sur la Résurrection (tag JEAN 20-21. RÉSURRECTION), surtout du chapitre II avec des ajouts de paragraphes venant d'autres chapitres.
[2] Sur ce point, voir Plus on est deux, plus on est un, 5ème rencontre : époux/épouse, la Trinité revisitée.
[3] Voir "L'Exégèse de l'âme", les figures féminines en st Jean, au II, "Les trois Marie chez Jean".
[4] Cf. La question « Où ? » chez Jean. La distinction intelligible/sensible interdit une vraie symbolique.
[5] Yeshoua en hébreu, souvent traduit par Josué en français, peut être rapporté au verbe hébreu qui signifie "sauver" ou bien être considéré comme la contraction d'un mot commençant par le nom de Dieu.
[7] Voir la transcription de La prière, 12ème rencontre : Première approche de la question du "nom" et 13ème rencontre : Nom, voix, appel. Extraits de Gn 1 et de l'évangile de Vérité.
[8] Dans une étude sur les Noces de Cana (Lecture valentinienne des Noces de CANA (Jn 2, 1-11)), J-M Martin disait : ce qui est en question ici ce sont deux âges :
– il y a l'âge-femelle qui est l'âge de la déficience, l'âge du manque,
– et puis il y a le "monde qui vient" comme disent les hébreux. Ce deuxième âge est indiqué comme : ou bien l'âge nuptial, c'est-à-dire "l'âge de l'homme et de la femme unis" ; ou bien, dans d'autres textes qui ne sont pas proprement néotestamentaires, on a une autre symbolique, celle du changement de la femme en homme. Par exemple L'évangile selon Thomas explique ce passage bien connu où la femme sera changée en homme. On pourrait penser que ce sont deux thèmes bien différents, mais en réalité c'est le même parce que la proximité unifiante de l'homme et de la femme, ou l'identité dénommée par le principe masculin, c'est exactement la même chose. [N B : Ce message contient beaucoup d'autres réflexions sur le masculin-féminin]
[9] Le a) et b) sont extraits de la retraite sur le Signe de Croix (tag CROIX-SIGNE).
[10] Sur la différence des deux Adam (Gn 1 et Gn 2) Cf. le début du III 1° ou plus longuement Les deux Adam : Christ de Gn 1 / Adam de Gn 2-3 ; Relecture de Image et ressemblance de Gn 1, 26 d'après Ph 2, 1Cor 15, Rm 5.
[11] C'est la question de la résurrection : « Jésus ne ressuscite pas juif, il ressuscite comme l'Israël des nations ; Jésus ne ressuscite pas comme un mâle, il ressuscite comme la masculinité de toute l'humanité ; Jésus ne ressuscite pas comme un "en plus", mais comme l'unité, le pardon, la réconciliation des tekna (des enfants), la réconciliation de l'humanité.» (J-M Martin, Symbolique des éléments)
[12] D'après le texte grec de la Septante de Gn 1, 26. Dans le texte hébreu, c'est : « Faisons l'homme à notre image, comme notre ressemblance ». Le Zohar et Rabbi Isaac Louria soulignent que tselem (image) se rapporte au masculin et à l’actif tandis que demut (ressemblance) se rapporte au féminin et au passif.
[13] Cette partie et la suivante sont extraites de Ep 5, 21-33 (subordination homme/femme) ; 1Cor 11, 7-11 (voile sur la tête de la femme).
[15] Ceci est longuement étudié dans Différents sens du mot Église (Ekklêsia) chez st Paul et au Concile Vatican II. Qu'est-ce que la "sainte Église catholique" ?
[17] On trouve une connumération des trois en 1 Co 12,4-6; 2 Co 13,13; Ep 4,4-6 et Mt 28,19-20.
[19] C'est ce que fait Thomas d'Aquin quand il parle en termes de relations subsistantes voir note suivante..
[20] Saint Augustin : « le Père n’est Père qu’autant qu’il a un Fils, et le Fils n’est Fils qu’autant qu’il a un Père : c’est pourquoi ces expressions, Père et Fils, n’expriment en elles qu’une relation de personne à personne » (Trin. V, 5, 6). Saint Thomas d'Aquin : « les Personnes sont les relations subsistantes mêmes » (S. Th. Ia Q. 40 a. 1 ad 1um). En raison des deux dualités Père/Fils et Christ/Esprit-Saint à quoi correspondent la génération du Fils à partir du Père et la procession de l'Esprit à partir du Père et du Fils, on a en Dieu quatre relations : la paternité (du Père par rapport au Fils), la filiation (du Fils par rapport au Père), la spiration (de l'Esprit par le Père et le Fils), et la procession (de l'Esprit à partir du Père et du Fils). Ceci est traité dans Penser la Trinité.
[21] « Être à la fois le Fils et l'épouse, voilà une situation qui est étrangère à nos représentations. Mais aucune importance ici. Ce qui est le deux fondamental est plus archaïque même que ces deux assez premiers que sont pour nous la paternité (la génération) d'une part, et la conjugalité d'autre part. Ces deux dyades (Père/Fils et époux/épouse) qui sont premières dans notre expérience usuelle, sont elles-mêmes précédées d'une dyade sans doute plus essentielle et commune. » (Extrait du cycle PLUS 2 PLUS 1 fin de la 4ème rencontre, sur la Gnose).
[23] Christos est la traduction du mot hébreu mashiah d'où vient notre mot "messie", ces mots signifient "celui qui est oint".
[24] J-M Martin a fait un cycle de conférences sur cela : "Plus on est deux, plus on est un" (tag PLUS 2 PLUS 1).
[25] Extrait deEp 5, 21-33 (subordination homme/femme) ; 1Cor 11, 7-11 (voile sur la tête de la femme)
[26] Dans le De opificio mundi §§ 134-135, Philon en arrive à Gn 2 (dont l'auteur est Moïse pour lui) : « Moïse dit ensuite “Dieu façonna l'homme en prenant une motte de terre et il souffla sur son visage un souffle de vie. ” Il montre par là très clairement la différence du tout au tout qui existe entre l'homme qui vient d'être façonné ici et celui qui avait été précédemment engendré à l'image de Dieu. »
[28] Extrait du cycle "Plus on est deux, pus on est un" (tag PLUS 2 PLUS 1).
[30] Ces réflexions ont été faites lors de la session sur la Symbolique des éléments, au moment des questions des groupes, ce n'est pas un enseignement. J-M Martin évoquait à demi-mots ses recherches personnelles. Il a semblé intéressant de proposer sa réflexion à ceux qui auraient envie de continuer sa recherche.
[31] Le mot Père est longuement étudié dans NOTRE PÈRE. Chapitre III. Notre Père qui es aux cieux….
[32] Une réflexion plus poussée se trouve dans La notion de "nature" en philosophie et en christianisme au cours des siècles ; retour à l'Évangile.
[33] Ceci vient d'une rencontre sur le Monogène à Saint-Bernard-de-Montparnasse. Cela a été ajouté au chapitre VI des rencontres sur le Notre Père (tag NOTRE PÈRE)
[34] Le mot "comme" ne s'emploie pas toujours au sens d'imitation ou de modèle, par exemple quand on dit « cette fille a les yeux bleus comme son père », le mot "comme" est génétique et générique, c'est une propriété commune qui s'est transmise par descendance.
[35] La traduction est de Marie-Joseph Pierre dans Les Odes de Salomon, éd Brépols 1994.
« Traduire “Sa semblance, c'est l'en bas, lui est en haut” suppose que c'est le bas qui est à la ressemblance du haut et non l'inverse. Étant plein de Grâce, l'en bas est attiré vers le haut et ne fait plus qu'un avec lui. Le tout (v. 3.5) est ainsi haussé, et il n'y a plus d'en bas (v. 5) ; mais se manifeste alors un second niveau de l'en bas. Alors que le premier était la bassesse en attente de la ressemblance, le second rien résiste et s'oppose : c'est la vaine voie du Malin, celle de la méprise ou du mécompte (v. 5). » (D'après M-J Pierre, http://www.persee.fr/doc/ephe_0000-0002_1997_num_110_106_12773)
[36] C'est la conclusion du cycle de conférence sur "Plus on est deux, plus on est un" (tag PLUS 2 PLUS 1)
[37] Cette lettre se trouve dans les Pères apostoliques t. II p 135-171