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La christité
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  • Ce blog contient les conférences et sessions animées par Jean-Marie Martin. Prêtre, théologien et philosophe, il connaît en profondeur les œuvres de saint Jean, de saint Paul et des gnostiques chrétiens du IIe siècle qu’il a passé sa vie à méditer.
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22 novembre 2020

Dossier : L'itinéraire géographique de Jésus et la symbolique du monter-descendre dans l'évangile de Jean

Chez saint Jean le lieu, pas plus que le temps ne sont de simples circonstances, ils sont de l'intention profonde du texte. Dans les sessions qu'il a animées, Jean-Marie Martin a souvent souligné l'importance du lieu et du temps. Voici un premier dossier sur la symbolique du monter-descendre (monter à Jérusalem et descendre en Galilée ; monter au ciel et descendre vers nous…) et sur l'itinéraire suivi par Jésus au long des chapitres. Il est composé de quatre parties tirées de sessions différentes d'où des redites. J-M Martin n'a pas relu ces transcriptions et les notes ne sont pas de lui.

 

Par Jean-Marie Martin :

L'itinéraire géographique de Jésus

et la symbolique du monter-descendre

dans l'évangile de Jean

 

1) Monter à Jérusalem et descendre en Galilée.

Chez saint Jean tout est essentiellement aller et venir, monter et descendre, entrer et sortir, marcher et courir etc. Il faut faire très attention à ces mots-là. Parce que, voyez-vous, quand nous lisons : « Il (Jésus) descendit à Capharnaüm » (Jn 2, 12) nous voyons bien ce que signifie "descendre" ; mais quand nous lisons que Jésus « est descendu du ciel » (Jn 3, 13), là il ne s’agit pas du même "descendre" pour nous. Mais c'est le même ! Ah bon, parce qu'on aurait une image enfantine de Jésus en cosmonaute ou en parachutiste ? Pas du tout… C'est parce que nous ne savons pas que Jésus, quand il descend de Cana à Capharnaüm, il va à la résurrection.

Chez saint Jean le lieu, pas plus que le temps ou le moment ne sont de simples circonstances, ils sont de l'intention profonde du texte. Descendre en Galilée et monter à Jérusalem, voilà deux expressions qui structurent peut-être de la meilleure façon qui soit le texte de Jean.

  1. "monter à Jérusalem" signifie monter à la mort car Jérusalem c'est la ville qui tue les prophètes, c'est le lieu du grand conflit de Jésus avec des Judéens.  
  2. "descendre en Galilée" signifie aller à la résurrection, car c'est la diffusion aux confins, à l'univers entier. D'ailleurs, galil a cette signification de cercle. La Galilée c'est la Galilée des goïm (des nations), ça n'est pas les Judéens stricts, c'est un peu plus mêlé, c'est un peuple méprisé. La Galilée dit l'universalité par opposition au singularisme judéen. Ceci n'est pas nouveau d'ailleurs, c'est tout au long de notre Nouveau Testament.
  • Parenthèse à propos de deux mentions qui sont en Jn 6, 1 "mer (lac)[1] de Galilée de Tibériade" et en 21,1 "mer de Tibériade". Le lac est appelé ici "lac de Tibériade" et non pas "lac de Génésareth" (expression que seul Luc utilise), mais il s'agit du même lac. Le nom de Tibériade redouble la signification de la Galilée. En effet la Galilée s'appelle la Galilée des nations : c'est un lieu de passage, un lieu de métissage, de dispersion à côté de la pureté de Jérusalem qui est aussi le centre. Tibériade est une colonie romaine construite sur un cimetière juif ; c'est donc une ville polluée, une ville de prostituées. Cela renforce la signification péjorative de la Galilée. La signification de Génésareth est au contraire positive.

Cette distinction entre monter à Jérusalem et descendre en Galilée demande à être plus réfléchie encore, puisque nous savons par ailleurs que chez Jean il n'y a pas de différence entre la mort et la résurrection du Christ – fondamentalement bien sûr –, et néanmoins l'aspect de la mort se gestue par la montée à Jérusalem, l'aspect de résurrection et de diffusion de la résurrection se déploie dans la descente en Galilée.

Même dans les Synoptiques, les apparitions du Ressuscité sont situées en Galilée puisque Jésus annonce : « une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée » (Mt 26,31) et qu'il est dit aux disciples d'aller en Galilée où « c'est là que vous le verrez » (Mt 28, 7). Il s'agit d'aller dans l'expansion universelle et non plus à Jérusalem. Donc ces lieux-là sont qualifiés. Jérusalem est tueuse parce qu'elle exclut.

Ainsi une simple notation qui a l'air d'être fortuite – ça s'est passé là parce que ça s'est passé là – n'est pas du tout énoncée comme telle, mais comme disant la qualité même de ce qui est à lire dans le texte, la qualité de l'espace du texte. Jean ne s'occupe pas de géographie au sens des géographes pour le simple plaisir géographique. En même temps ces choses-là, qui pourraient paraître circonstancielles, c'est-à-dire secondaires, sont en fait de la signification même de ce qui se passe.

Par ailleurs un refrain rythme le temps : La Pâque est proche se trouve en 2, 13, en 6, 4 et en 10, et en 11, 55…

 

2) Parcours géographique dans l'évangile de Jean.[2]

géographie des évangélistesRegardons de plus près ce mouvement dans l'ensemble de l'évangile de Jean :

Au début, Jésus est « au-delà du Jourdain » (1,28) où Jean baptise, donc du côté de la Judée.

1/ Jésus annonce son intention de se rendre en Galilée : « Le lendemain il voulut sortir vers la Galilée et il rencontre Philippe... 44 Philippe était de Bethsaïde » (1, 43-45). C'est le 1er parcours de Judée en Galilée. Au chapitre 2 on est à Cana de Galilée (v. 1) où Jésus fait ce qui est nommé “l'archê (le début, le principe) des signes”. Après les Noces, « il descendit à Capharnaüm, lui et sa mère, ses frères et ses disciples. Ils restèrent là quelques jours »(2, 12). C'est un moment de manifestation de la gloire : c'est la résurrection qui est célébrée dans cette descente.

2/ Ensuite, toujours au chapitre 2, subitement, alors que la Pâque est proche, Jésus monte à Jérusalem (Jn 2, 13), et c'est au contraire le lieu d'un conflit, parce que c'est le premier conflit avec les vendeurs du Temple. C'est le lieu de la mort. En 2, 23 on est “à Jérusalem pendant la fête de la Pâque”. Au chapitre 3 avec Nicodème on est en Samarie ou en Galilée puisqu'à la fin : « Jésus vint, ses disciples aussi, dans la terre de Judée » (3, 22) où Jésus baptise ; puis « au-delà du Jourdain » (3, 26) où Jean baptise

3/ Au début du chapitre 4, « Jésus quitta la Judée et partit à revers vers la Galilée et il lui fallait traverser par la Samarie » (4, 3-4). Il rencontre là cette merveilleuse Samaritaine puis « Il demeura là deux jours » (4, 40) donc avec les Samaritains, puis « 46il vint de nouveau à Cana de Galilée là où il avait changé l'eau en vin  et il y avait un officier royal dont le fils était malade à Capharnaüm (…) 51Alors qu'il descend – et c'est le miracle de la guérison. 54C'est là, à nouveau, le second signe que Jésus fit, venant de Judée en Galilée. C'est donc explicitement relié au chapitre 2. Nous avons ici un deuxième parcours de Judée en Galilée.

4/ Au verset 1 du chapitre 5 « il y eut la fête des Juifs, et Jésus monta à Jérusalem », et c'est le conflit : il y a une guérison suivie d'un débat, non plus sur le Temple, mais sur le shabbat. Or Temple et shabbat sont deux éléments foncièrement symboliques, le Temple étant de la symbolique du lieu, et le shabbat de la symbolique du temps, lieu et temps étant les deux paramètres.

5/ Au chapitre 6 nous sommes près de "la mer de Galilée de Tibériade", à nouveau en Galilée – c'est le 3ème parcours de Judée en Galilée – et la Pâque est proche (6, 4). Les noms des disciples qui  figurent au début, c'est Philippe, André et Pierre dont la caractéristique est d'être de Galilée, de la ville de Bethsaïde. Tous ces noms-là sont des figures qui ont à chaque fois une signification. Que les questions soient posées à (ou par) Philippe ou à (par) tel autre a une signification. C'est le miracle des pains près de la mer de Galilée, la traversée du lac…, le long discours avec une 1ère mention de Capharnaüm (6, 24) et aussi : « Il dit cela dans la synagogue, enseignant à Capharnaüm.» (6, 59)

6/ Au chapitre 7 : « 2Etait proche la fête des Judéens, celle des Tentes 3 Ses frères lui dirent donc : "Monte d'ici et va vers la Judée» (7, 2-3). Tout le débat est de savoir si Jésus monte à Jérusalem, car monter à Jérusalem c'est aller à la mort. Jésus ne tient pas à monter, mais ses frères, qui sont à nouveau présents, multiplient les arguments pour qu’il monte et se manifeste, et ils font cela, dit saint Jean, « parce qu'ils ne croyaient pas en lui ». Alors Jésus monte, mais secrètement. Au début du chapitre 8 il est sur le mont des Oliviers avec la femme adultère, et en fin de chapitre, après l'altercation il est dit qu'il sort du Temple. Au chapitre 9 il envoie l'aveugle-né à la piscine de Siloé donc dans Jérusalem. Le chapitre 10 commence par la parabole du bon berger, et le violent débat qui suit se passe à Jérusalem avec mention d'une autre fête : « Ce fut la fête de la Dédicace à Jérusalem» (10, 22).

Ensuite « Il s'éloigna de nouveau au-delà du Jourdain à l'endroit où Jean d'abord avait baptisé » (Jn 10, 40) et tout reste hors de Galilée. Il y a de petits allers et retours au lieu où Jean baptisait à Béthanie du Jourdain (1, 28).

Et au chapitre 11 il y a l'autre Béthanie : celle des sœurs de Lazare proche de Jérusalem d'environ 15 stades (11,18). D'après 11, 55 la Pâque est proche et on cherche Jésus dans Jérusalem pour l'arrêter mais on ne le trouve pas,. Au début du chapitre 12 il retourne à Béthanie.

En Jn 12, 12 Jésus va à Jérusalem sur un ânon, c'est les Rameaux. Ensuite au chapitre 13 il y a le repas du lavement des pieds, puis le long discours des chapitres 14-16 et la prière du chapitre 17. Au début du chapitre 18 il est arrêté dans un jardin de Jérusalem "de l'autre côté du torrent du Cédron"… puis c'est le procès et la mort à Jérusalem au chapitre 19. Ensuite au chapitre 20, les premiers éléments de résurrection sont à Jérusalem,

7/ Au chapitre 21 on est à nouveau en Galilée.

Le 4ème parcours de Judée en Galilée est donc après la Résurrection.

 

Résumé.

Jésus est « au-delà du Jourdain » (1,28) et annonce qu'il va aller en Galilée (1, 43)
1/ Il est allé à Cana de Galilée (2, 1) puis descend vers Capharnaüm
2/ Il monte à Jérusalem (2, 13). Chapitre 3 début : pas de lieu indiqué pour Nicodème ; puis on est en Judée.
3/ Il s'arrête au passage en Samarie en allant à Cana de Galilée.
4/ Il est à Jérusalem (chapitre 5)
5/ Il est près de la mer de Galilée de Tibériade (chapitre 6) puis à Capharnaüm.
6/ Jésus monte secrètement à Jérusalem (7, 10). Ensuite il est soit à Jérusalem, soit au-delà du Jourdain, soit dans les environs de Jérusalem (Béthanie des sœurs de Lazare), en tout cas pas en Galilée. Mort (chapitre 19) et premières apparitions (chapitre 20) ont lieu à Jérusalem
7/ Il est en Galilée près de la mer de Tibériade (chapitre 21)

 

3)  Remarques sur descendre et monter.[3]

Descendre et monter a toujours à la fois un sens symbolique et une signification authentique par rapport à la posture humaine.

Descendre et monter chez saint Jean : plus ça descend et plus ça monte, c'est-à-dire que ça descend quand ça monte :

- À la fin du chapitre premier de Jean c'est la descente et la montée des anges sur l'échelle de Jacob qui est évoquée.

- Au chapitre 3 c'est l'exaltation du serpent sur le bois (Jn 3, 14). C'est la symbolique fondamentale de la croix. La croix est l'extrême descente mais en même temps c'est dit dans le langage de l'exaltation, c'est-à-dire de la montée. Le premier sens de la montée est de monter aux cieux. Vous trouvez le sens de la montée dans les premières significations de la résurrection. Mais chez saint Jean, plus ça dit la résurrection, plus ça dit la crucifixion. Et c'est pourquoi « Quand j'aurai été élevé de terre (donc sur le bois), je tirerai tout à moi…. Il parlait du mode dont il allait mourir » (Jn 12, 32-33) : la montée c'est en même temps la verticale de la crucifixion et la verticale de l'exaltation. La montée est d'abord une façon de dire la Résurrection.

Chez saint Jean la montée dit simultanément la crucifixion et la Résurrection, et chez saint Luc la montée devient un épisode qui suit la Résurrection et qui est célébré à part comme Ascension. Saint Jean voit toujours tout ensemble, tout dans le même.

La mort du Christ est déjà résurrection car son mode de mourir, étant un mode donné, est un mode imprenable : « Ma vie personne ne la prend, je la donne » (Jn 10, 17). Elle n'est pas prenable parce qu'elle est donnée. Ce qui résiste à la mort pour la mort, dans sa façon de mourir, c'est déjà la présence de la résurrection.

En plus pour saint Jean il y a la Pentecôte à la croix. En effet saint Jean dit : « Il remit le pneuma » (Jn 19, 30), et simultanément du corps mort de Jésus coulent les principes de vie que sont l'eau et le sang. Et cela (eau, sang et pneuma) sont les trois façons de dire l'Esprit.

Dans le dictionnaire rabbinique de Jastrow, au mot rouah, le premier sens qui est noté, c'est l'eau (il y a aussi le souffle et le feu). Donc c'est le principe fluide, c'est le principe de ce qui découle. La Résurrection découle par l'Esprit Saint sur la totalité de l'humanité à partir de l'arbre central de la croix.

► Peux-tu développer l'importance de monter-descendre par rapport à la posture humaine ?

J-M M : Il y a aujourd'hui une incroyable ignorance à propos de ce qu'il en est de l'être au monde véritable tel qu'on le penserait à partir, ne serait-ce que d'une phénoménologie élémentaire. Quand "haut et bas" n'a pas de sens pour un cosmologue, cela en a pour l'homme qui monte et qui descend les escaliers. Le haut / le bas, la droite / la gauche, devant / derrière sont des choses fondamentales pour la stature humaine qui est ce à partir de quoi se pense l'espace de vie humaine. Or c'est ça qui m'intéresse. Vous pensez qu'il y a un espace géométrique peut-être, ou plus subtil que géométrique, calculable, et que vous vivez dans une portion de cet espace ? Pas du tout. L'espace de vie est tout autre chose que cet espace imaginaire. Vous vivez dans un lieu, vous essayez d'y avoir une place, d'y être placé. La place c'est le travail : lors de l'exode rural, les gens disaient « on va monter à Paris pour y avoir une bonne place ». La place c'est aussi l'habiter, ce qui est tout autre chose que d'être posé dans un espace. Et d'ailleurs aujourd'hui, avec la crise du travail et la crise du logement, chacun n'a pas toujours sa place. Nous sommes aliénés des choses les plus usuelles par des représentations issues d'un certain mode de science. Ce n'est pas le sujet ? En fait c'est le sujet car il s'agit d'apprendre à lire un texte dans sa contexture propre et non pas dans nos préjugés, dans nos pré-écoutes natives.

 

4) Questions-réponses à propos de Judée/Galilée, de descendre/monter[4].

 

a) Jésus est-il de Galilée ou de Judée ?

► Jésus est-il de Galilée ?

J-M M : Ceci ouvre la question : Jésus est-il identifié plutôt comme judéen ou comme galiléen ? C'est une question difficile. Bien sûr les évangiles résolvent la question en disant : il est né à Bethléem en Judée mais il a vécu toute son enfance à Nazareth en Galilée. Et alors beaucoup de gens le prennent plutôt pour un Galiléen, alors que chez Jean il est plutôt considéré comme un Judéen. En effet dire qu'il est judéen ne dit pas l'identité profonde de Jésus ressuscité, puisqu'il n'est pas ressuscité judéen, bien sûr, néanmoins il est probablement pensé plutôt comme judéen. À quoi nous voyons cela ?

► Il est appelé "fils de David".

J-M M : L'expression « fils de David » est une expression très ambigüe parce que saint Paul dit au début de l'épître aux Romains : « il est fils de David selon la chair – c'est-à-dire d'un point de vue charnel –, et il est Fils de Dieu de par la résurrection d'entre les morts qui détecte sa véritable identité. » "Fils de David" est donc récusé dans ce passage de Paul, mais c'est attesté et mis en bonne position dans la bouche de Paul dans les Actes des apôtres. Donc les deux se trouvent dans nos Écritures. L'acclamation « Hosanna au fils de David » de Jn 12 est assumée probablement comme une méprise signifiante, parce que « fils de David » dit et ne dit pas ce qu'est le Christ.

► Nazareth est dit être le lieu où on ne croit pas en lui.

J-M M : Justement, c'est là le problème. En effet les Synoptiques utilisent la formule « aucun prophète n'est reconnu dans son pays » (Lc 4, 24) à propos de Nazareth qui est en Galilée, alors que la même phrase est utilisée par Jean à propos de la Judée. C'est ce qui est dit au chapitre 4 où il s'est arrêté en Samarie, étant parti de Judée avec l'idée d'aller en Galilée : « Il sortit de là pour aller vers la Galilée, car Jésus lui-même avait témoigné de ce qu'un prophète ne reçoit pas honneur dans sa propre patrie» (Jn 4, 43-44) ; la Judée serait donc sa patrie. Et de fait, les Galiléens reçoivent bien Jésus en général chez Jean, et les Judéens sont ceux qui le mettent à mort.

Nous avons donc ici des méditations sur des thèmes qui sont à la fois traditionnels, fondamentaux, qui appartiennent à la première parole chrétienne, mais qui travaillent sur cette parole, et qui travaillent de façon différente.

► J'ai entendu dire qu'il y avait dans la tradition juive, à l'époque, deux courants messianiques, l'un qui voyait le Messie comme fils de David, venant de Jérusalem, judéen ; et l'autre comme fils de Joseph, dans la Galilée des Nations.

J-M M : Cela se comprend très bien. Les Judéens attendent essentiellement le roi Messie. Mais les Samaritains attendent un prophète : ils ne lisent que le Pentateuque (les cinq premiers livres) et se réfèrent préférentiellement aux patriarches, et à l'Exode, et non pas à l'époque des rois.

►  Justement, au début on a : «  Philippe trouve Nathanaël et lui dit : "Celui dont Moïse a écrit dans la Loi et les Prophètes, nous l'avons trouvé, Jésus le fils de Joseph de Nazareth. » (1, 45), Nazareth est un village de la Galilée des nations.

J-M M : Oui, mais Nazareth peut avoir une autre référence, la référence au nazirat… Mais laissons tomber cela parce que c'est complexe.

 

b) Précisions sur descendre et monter.

Est-ce que vous pourriez revenir sur "monter à Jérusalem" et "monter au ciel" ? ?

J-M M : Juste en quelques mots. Monter et descendre sont des mots fondamentaux chez Jean et même dans tout le Nouveau Testament. On monte à Jérusalem, et on descend toujours en Galilée. Monter, chez Jean, signifie "aller à la mort" et descendre en Galilée, c'est la résurrection, car Jérusalem est la ville qui tue les prophètes. Mais la source la plus fondamentale de ces expressions, c'est monter au ciel et en descendre.

  • Il y a d'abord la descente[5] – mais attention, ce n'est pas ce que nous appelons l'incarnation, que nous nous représentons comme étant une descente ; en effet le mot "incarnation" n'est pas un mot de l'Écriture.
  • Il y a la belle image de l'Ascension : l'Ascension, ça monte…

Sans compter qu'il y a "descendre aux enfers" : « …a été enseveli, est descendu aux enfers… », voilà des mots que nous ne méditons plus du tout.

Ces mots-là ont une grande importance dans la première écriture chrétienne.

Pour nous, "monter à Jérusalem" c'est réel, et "monter au ciel" c'est une métaphore puisqu'il ne s'agit pas d'un astronaute. Mais c'est beaucoup trop vite dit ! Il n'y a rien de métaphorique dans le Nouveau Testament. Il n'y a métaphore que dans le cas où on distingue un sens propre d'un sens métaphorique (ou figuré). C'est la distinction purement occidentale du concept et de l'image. Or tant que vous gardez la distinction du concept et de l'image, vous ne pouvez pas entendre saint Jean. Il en est de même pour la distinction de l'intelligible et du sensible qui régit toute notre pensée, même si parfois elle est inversée par rapport à ce qu'elle fut à l'origine : elle n'est pas de mise pour la lecture de Jean.

 

Vous avez dit une fois que “plus ça monte et plus ça descend”, pourquoi ?

J-M M : Nous venons de voir que "descendre en Galilée" c'est venir vers la totalité du monde, venir vers nous, et que "monter à Jérusalem", c'est aller à la mort. Or "aller à la mort" c'est aller vers le Père ; et il ne faut pas oublier que la mort est intérieurement la résurrection, et donc "monter vers le Père" c'est la même chose que "descendre vers nous".



[1]  (D'après Jean-Louis d'Aragon, sj., sur le site Interbible.org) : L'hébreu yam, comme le grec thalassa, peut signifier une « mer » ou un « vaste lac ». Au cours de l'histoire d'Israël, ce lac ou cette mer de Tibériade  reçut différents noms. Le plus ancien (XVe siècle av. JC) est "mer de Kinnereth" d'après une localité au nord-ouest du lac. Au IIe siècle de notre ère, la cité de Tibériade, à cause de son importance, donna son nom au lac, désignation qui a persisté jusqu'à nos jours avec le mot arabe Tabariyeh. Cette vaste étendue d'eau forme un bassin profond, entouré de montagnes à l'est et à l'ouest, avec une ouverture au nord-ouest sur la plaine fertile de Génésareth. Ayant la forme d'une lyre - d'où le nom de Kinnéreth, venant de l'hébreu kinôr, lyre - le lac atteint 12 km de largeur et environ 20 de longueur. Les hautes montagnes autour descendent brusquement, surtout du côté est, laissant soupçonner la profondeur considérable du lac, environ 60 mètres. La surface du lac se situe à près de 200 mètres au-dessous du niveau de la mer.

[2] Cette partie vient de la session des Noces de Cana avec des ajouts venant de la session sur la Symbolique des éléments.

[3] Extrait de la session sur Credo et joie.

[4] Extraits de diverses sessions.

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