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La christité
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  • Ce blog contient les conférences et sessions animées par Jean-Marie Martin. Prêtre, théologien et philosophe, il connaît en profondeur les œuvres de saint Jean, de saint Paul et des gnostiques chrétiens du IIe siècle qu’il a passé sa vie à méditer.
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10 août 2022

L'éternité dès maintenant, article de Jean Repusseau en hommage à Jean Sulivan

Le temps johannique n'est pas le temps chronologique, et Jean-Marie Martin à qui ce blog est dédié en a souvent parlé. Des messages paraîtront là-dessus ultérieurement. En attendant voici un texte qui rapproche le temps johannique et le temps sulivanien (de Jean Sulivan). Cet article est paru dans Le sacrement de l'instant, présence de Jean Sulivan, Question de/ Albin Michel n° 80, 1990. La liste des livres de J. Sulivan corrrespondante est en fin de message.

Ce qui est en question en particulier dans l'article est exprimé d'une façon qui n'est pas étrangère à Jean-Marie Matin qui a parlé lui aussi de "tangence" : « Ainsi Sulivan exaltait-il l'aujourd'hui dans sa tangence originale avec le fil du temps vécu, ce qui le conduisait à éterniser des événements-clés (que trop de gens ont relégués et figés dans leur propre histoire) pour en faire autant d'épiphanies d'hommes et de femmes bien vivants et participant ipso facto à la vie même de Dieu, c'est-à-dire la Vie éternelle. »

Deux messages du blog sont déjà parus sur Jean Sulivan : : Jean SULIVAN nous aide à retrouver une sagesse et un souffle, l’esprit qui ressuscite les mots. ; Regards sur la vie et l'œuvre de Jean Sulivan ; livre-hommage "Dans l'espérance d'une parole".

 

L'éternité dès maintenant

par Jean Repusseau[1]

 

Au début de ce cours exposé, je dois vous prier d'excuser une introduction que d'aucuns jugeront par trop existentielle, mais qui explique la structure de mon propos et essaie d'en justifier le plan.

J'ai lu la plupart des livres de notre ami au moment où ils ont été publiés, et cette lecture m'a donné un goût de l'instant que j'étais sans doute prédisposé à acquérir en dépit de mes études d'historien-géographe. Il m'a semblé d'entrée de jeu que Jean Sulivan remettait en question l'importance du facteur-temps dans l'existence de chacun et dans la mienne en particulier. J'avais déjà été attiré par ces problèmes au moment où je rédigeais une thèse très technique sur le thème : "Concentration et imprégnation dans la pédagogie du français". Mais Sulivan produisait une tout autre musique, et il me semble qu'il se détachait singulièrement de la durée telle que je l'avais perçue chez Montaigne, et de l'instant tel que le célébrait Bergson – deux auteurs dont j'avais repris les idées à des fins d'enseignement très pragmatiques et même très utilitaires.

Ainsi, Sulivan exaltait-il l'aujourd'hui dans sa tangence originale avec le fil du temps vécu, ce qui le conduisait à éterniser des événements-clés (que trop de gens ont relégués et figés dans leur propre histoire) pour en faire autant d'épiphanies d'hommes et de femmes bien vivants et participant ipso facto à la vie même de Dieu, c'est-à-dire la Vie éternelle. Du même chant, Sulivan invitait son lecteur à se réjouir de la précarité de son équilibre, de l'inconfort de sa condition. Il pourfendait sa volonté d'installation, le poussait à choisir et à assumer le risque comme une grâce d'état, la grâce de l'état de chrétien, et plus généralement de l'homme qui passe, qui va passer, trépasser, et qui pourtant demeure vif malgré la mort – à cause de la mort – singulièrement acceptée, assumée et finalement détruite grâce à un Mort majuscule, sorti de là le premier et faisant vivre avec lui ceux qui le reconnaîtraient Dieu. Je déclare sur l'honneur que j'étais loin d'admettre tout cela lorsque mes yeux le lurent.

Vinrent l'épreuve et la mort offerte, trois fois consécutives, dans ma propre histoire ; et moi y consentant, avec je ne sais quelle découverte de la joie de survivre encore, à chaque fois. Jean Sulivan ne m'aida guère à l'époque, mais plutôt une certaine notion de la Vie éternelle grâce à laquelle je sus Dieu me tiendrait quitte, malgré l'exiguïté de mon cœur, parce qu'il connaissait celui-ci et qu'il était infiniment plus grand que lui (Jn 3, 20). Je survécus et, par une suite de hasards, pris conscience que la Vie éternelle était tout à fait autre chose que ce qu'on m'avait jadis appris et qui m'était resté. Je me plongeais alors dans l'Évangile de Jean et sa première épître et prétendit montrer, précisément, qu'il y avait eu, quelque part, erreur ou du moins insuffisance d'interprétation – et qu'il importait de savoir pourquoi et de le dire. Après quatre ans d'étude et de réflexion le livre que j'ai voulu produire est écrit. Et voici qu'un ami – qui le sait – m'engage à vous entretenir de Jean Sulivan et de l'éternité. Ainsi suis-je amené à reprendre les œuvres que j'ai globalement évoquées tout à l'heure, ainsi que quelques autres.

C'est clair : l'exigence du bonheur qui m'avait en partie échappée, sourd, jaillit même de toutes ces pages que je relis maintenant. Tout imprégné des textes de saint Jean, c'est au cours de cette deuxième lecture que je découvre enfin l'étonnante coïncidence entre la spiritualité de Sulivan et ce que j'appellerai hardiment la spiritualité johannique : j'y regarde de très près et plus je regarde, plus je trouve que le doute n'est pas possible. Sulivan a été la discrétion même à cet égard, mais on peut donner à la plupart de ses assertions une référence johannique quant à leur contenu et quant au souffle qui, constamment, les porte. En vérité, le vin de Cana était bien le meilleur, et Nicodème posait les bonnes questions ; si le grain ne meurt, il ne porte pas de fruit ; non seulement il faut retrouver le royaume en soi mais il faut s'y préparer par la redécouverte de l'intériorité et de la contemplation ; l'aujourd'hui de l'homme coïncide avec l'éternité de Dieu ; tout cela est moins l'œuvre d'une formation close, que d'une lente éducation, attentive aux signes et symboles et au don de Dieu et à jamais ouverte. Bref, « il faut consentir au paradoxe chrétien de naître à un âge avancé » (L'écart et l'alliance, p. 32). Sulivan prolonge, là et en bien d'autres endroits, la réponse, jamais tout à fait achevée, à Nicodème. Et nous y voici.

 

1

 

Dans une étude publiée dans le numéro 1 de Rencontres avec Jean Sulivan, Michel Brossolette a, sous le titre de "L'instant vertical", rassemblé en un minimum de place et avec un rare bonheur, la plupart des passages où notre auteur célèbre à la fois la magnificence et la fragilité de l'instant qui nous est donné – « pas de manne à chaque aube » écrit Sulivan dans Matinales (p. 247-258) – pour arriver à retrouver l'esprit d'enfance qu'il faut toute une vie pour conquérir, par-delà cette éducation qui nous pousse tellement à accumuler des réserves et qui nous rend si susceptibles de les défendre. Or, chaque instant est neuf, ne serait-ce que du fait de sa découverte ; chaque instant invite à l'invention et, dans son éclat, est révélateur de la présence de Dieu ; mais peut-être plus encore à cause de sa vulnérabilité, oasis incertaine entre des déserts éprouvés, étincelle de joie entre des ténèbres trop connues. Non seulement il faut laisser les morts ensevelir les morts (Mt 8,22), et demain se soucier de lui-même (Mt 6, 34), mais il faudrait encore restreindre le champ du présent, à la façon dont le serviteur s'apprête à l'écoute de Celui qui l'appelle, en toute fidélité. C'est là que jaillit la vie éternelle, toujours appelante, toujours recommencée ; rien à voir, au contraire, avec celle qui effraie et dont on n'oublie jamais de rappeler la durée, dans l'angoisse et l'horreur. « Cessez donc de tant parler de la vie éternelle ! Vous avez une peur affreuse de vous y voir précipité. » (Miroir brisé, p. 113).

Sulivan a parfaitement saisi que « l'instant donne et arrache en même temps » (La traversée des illusions, p. 194), mais que la fin des temps est déjà là et que les événements-clés de l'Histoire Sainte se métamorphosent et s'éternisent par un miracle permanent. Ainsi écrit-il (encore dans Matinales) :

  • « Les serviteurs du message […] ne connaissent pas la frénésie des désirs immédiats et des refoulements. Leur vie est une vie avec la mort, l'autre nom de Dieu. Elle rend libre parce qu'elle relativise et conduit à la sérénité dans l'action » (p. 116).

Et il ajoute (p. 212-213) :

  • « Pour les petits chrétiens de ce temps (avec la conscience aiguë de ne l'être pas encore) la fin des temps arrive sans cesse. Le levain est mêlé à la vie pour une crucifixion et résurrection incessantes. »

Ainsi à l'aspect d'une liturgie qui insiste beaucoup sur la commémoration et le retour annuel des Événements que j'évoquais tout à l'heure, Sulivan joint l'autre aspect (sur lequel on n'insiste guère que dans l'anamnèse et le rosaire) tout aussi réel et qu'il est plus difficile de dire parce que le langage est fait de mots et de phrases qui se succèdent : c'est tous les jours que Dieu est créateur, c'est tous les jours que Marie répète le Fiat de l'incarnation et le Magnificat. C'est tous les jours et à chaque heure que Jésus naît, meurt et ressuscite, à tel point qu'il n'y a plus que la Parousie à attendre. Et j'ajouterai : ce n'est pas parce que la Vie éternelle est proclamée à la fin des divers Symboles de foi qu'il faut l'attendre après la résurrection de la chair et la reléguer post-mortem. Qui se met à penser cela et à le vivre est certes bien loin de rencontrer l'accord unanime ! Jean Sulivan le répète, dans Matinales là encore.

  • « Ils parlent d'amour de Dieu, d'absolu, de Vie éternelle : mais si quelqu'un passe à l'acte, ils s'insurgent. C'est trop terrible d'entrer tout vivant dans l'éternité ! »

On comprend alors pourquoi notre ami peut affirmer avec force et obstination que la vie chrétienne doit assumer la précarité, l'inconfort et le risque. Que dis-je : "assumer" ? Bien plutôt se réjouir, tant ils en constituent l'essence même. C'est dans L'Exode, sans doute, qu'il trouve les accents les plus convaincants pour célébrer l'intranquillité inhérente à notre condition singulière. Cela va du risque spirituel exalté comme un saint devoir opposé à la morale fonctionnelle impuissante à régler la vraie vie des hommes (pp. 173-174), redoutable idole par son formalisme même – jusqu'à la terrible acceptation du "petit nombre" avec tous les dangers, y compris celui de la provocation (“On ne peut pas être totalement dans le christianisme et marcher la tête haute”, p. 70) – au mépris de toute garantie (Matinales, p. 114 : « Tout se passe comme si le refoulement de l'éternité et de l'espérance conduisait à l'incessante et frénétique recherche de la sécurité pour tenter de mettre l'éternité dans le temps »). Sulivan a senti mieux que quiconque la tentation de puissance qui émanait presque fatalement de toute installation, dans le confort, dans l'écriture, dans le style – même dans le style de vie – et jusque dans une foi figée. Il faut aller plus loin, il faut passer sans attendre qu'on vous quitte ou, plus pernicieusement, qu'on s'installe. « Devance tout adieu ! » Et dans La traversée des illusions, Sulivan va jusqu'à écrire, en poète qu'il est :

  • « Vivre un réel qui a partie lié à l'imaginaire, là où la compétition est seconde, où le désir de paraître est insignifiant, à cause d'une expérience, c'est accéder au royaume. » (p. 84).

 

2

 

À toute religion doloriste, la véhémence de Sulivan oppose l'exigence du bonheur, ici et maintenant, au nom de sa foi et de cette expérience sur l'évidence de laquelle il ne craint pas de s'appuyer (cf. la même référence que ci-dessus dans La traversée des illusions) :

  • « La volonté la plus profonde d'un homme, quelle est-elle, sinon d'être présent à l'instant, de vivre selon son rythme, de trouver plaisir dans les sensations simples de la vie, de mettre le bonheur de communion avec la terre, les saisons et les êtres, bien avant les plaisirs de domination […] Détends-toi, cesse de t'enfermer dans la forteresse de ton projet, tu n'as pas tant besoin d'avoir ni d'être considéré. Vois comme nous sommes bien ensemble. […] Vous ferez retour à la parole, l'humour dansera parmi les mots. Vie entière transsubstantiée […] »

Lorsque quelques mois avant la mort de notre ami, Alain Saury lui demandera ce qu'est le bonheur dans la vie (cf. Rencontres 1, pp. 19-21), Sulivan n'aura pas d'autres accents, sauf, toutefois ces deux remarques précieuses :

  1. « [Le bonheur] c'est ne pas trop savoir qu'on est heureux […]. Penser au bonheur […] c'est déjà en être absent. Je dirai qu'il est dans une sorte d'indifférence active ; il est dans une présence à soi qui est aussi en même temps présence à autrui. Il est dans l'instant […] ce grésillement que font la vie et la mort en se rencontrant… etc. »
  2. « La dimension spirituelle commence dans le corps. Si elle n'est pas dans le corps, si elle n'est pas liée au souffle, à la respiration, aux gestes, à un rythme de vie, elle n'existe pas. […] Tout est prière. »

Certes, tout cela requiert la confrontation avec le temps. Mais "l'instant vertical" ne cessera plus (!) Ce qui exige déjà la révélation de la mort et de la résurrection d'un Autre, avant même qu'elles soient advenues, et nous revoilà dans saint Jean.

 

 

3

 

Sulivan, dans toute son œuvre, en prend à son aise avec le temps des moments successifs qui est le temps même des historiens. Mais sans doute s'est-il aperçu qu'il avait eu un illustre prédécesseur dans le bouleversement du calendrier. Saint Jean, dont on peut penser qu'il a lu les Synoptiques (parmi lesquels on se retrouve à peu près selon la "chronologie" des événements) résume dans son prologue l'ensemble de son message, en insistant toutefois sur l'impact de l'avènement de la miséricorde de Dieu, tombant enfin au milieu des hommes. Quant à l'épisode de Cana – le premier signe – il est accolé à dessein à la purification du Temple que les Synoptiques situent en fin de parcours : la totalité est donnée d'entrée de jeu. Ainsi le joyeux achèvement du repas de noce est déjà un scandale : les jarres de pierre destinées aux purifications rituelles se sont remplies miraculeusement du meilleur vin. Dès que les vendeurs ont été chassés du Temple, la résurrection est annoncée, et Jésus enseigne déjà que la foi dans les miracles n'est pas celle qui suffit au salut. Arrive Nicodème (dont une tradition simplette a fait le paradigme de la sottise) à qui Jésus enjoint de naître une seconde fois, à qui Jésus révèle la nécessité de sa mort sur la Croix pour que les croyants aient la Vie éternelle. Mais celle-ci est advenue comme le Christ le dit à la Samaritaine après l'annonce de l'eau vive : « L'heure vient et elle est déjà là où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. » Le voilà bien le triomphe de l'intériorité sur le ritualisme ! « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit en celui qui m'a envoyé a la Vie éternelle » – et il ajoute cette phrase sur laquelle on n'a pas assez médité : « Il ne vient pas en jugement mais il est passé de la mort à la vie » (5, 24). Qu'est-ce à dire, sinon qu'il ne faut pas avoir peur et qu'il ne faut pas affecter d'exister en cultivant la volupté masochiste de la crainte et du tremblement. Il nous semble que Sulivan s'est nourri de ces paroles-là dans maints passages de Matinales et de L'Exode soit ouvertement, soit en se dissimulant derrière Maître Eckhart. Nous l'avons déjà dit tout à l'heure, quand Sulivan réclame le passage à l'acte, n'est-il pas inspiré par le Saint-Jean qui écrit le discours sur le Pain de Vie et qui fait – ô surprise ! – l'ellipse de l'institution de l'Eucharistie (dont les autres évangélistes ont déjà parlé – alors qu'on a toute raison de penser que c'est lui qui occupait la meilleure place) … en proposant, en revanche, un geste identique : celui du lavement des pieds (Jésus expliquant à Pierre : « Ce que je fais, tu ne peux le savoir à présent, mais par la suite tu comprendras » ? Ainsi Sulivan écrit-il dans La traversée des illusions :

  • « Si tu consens du fond de l'âme, la mort cesse de t'attendre au bout de la route. Elle est ta compagne, la "bien-aimée du Bien-aimé" » (p. 194).

et p. 204 : « Il n'est de spiritualité que celle de l'instant » – car c'est dans l'instant qu'on renonce à soi pour accueillir l'Autre, le tout Autre, tous les autres ; c'est dans l'instant qu'en acceptant la vie et la mort, on opte pour la Vie ou pour la Mort, selon le choix offert par Dieu à Moïse en Deutéronome (30, 19 : « C'est la vie et la mort que j'ai mises devant vous, c'est la bénédiction et la malédiction : Tu choisiras la vie… »).

Jean Sulivan, inspiré par la mort de sa mère, écrit dans Devance tout adieu :

  • « Je crois que le chrétien peut trouver quelque chose de la vie bienheureuse sur ce versant s'il paie le prix ; tout comme mère, il me semble, se tenait dans une paix profonde à travers ses petites peurs. Ses mots étaient pauvres, naïve sa pensée. Mais on ne prend pas Dieu au piège des dissertations. Nous baignons dans l'éternel et la béatitude. Il suffirait de moins accumuler d'obstacles et de moins jouer sur les deux tableaux. Moi qui ai si souvent regimbé contre ses idées, ses petites dévotions, je voudrais lui dire maintenant qu'elle est plus sage que les sages qui, après avoir fait le tour de tous les biens voudraient nous faire croire qu'il faut se contenter de peu ou attendre d'être en terre pour être heureux, je veux lui dire qu'elle est plus savante que les philosophes qui tiennent aujourd'hui le haut du pavé et qui s'en vont enseignant et proclamant que le salut est dans l'absence de salut. »

Et c'est dans Car je t'aime, ô éternité, titre nietzschéen, qu'il commente simplement Saint Jean 3 pour satisfaire tous les Nicodèmes du monde – des gens pour lesquels j'ai d'ailleurs beaucoup d'estime – (je cite trois phrases intégralement) :

  • « La vraie naissance d'un homme commence au moment qu'il vient à l'esprit, je ne dis pas à la pensée, aux idées, mais à l'esprit, quand les préjugés tombent de lui comme des fruits secs sous le vent d'une liberté – (vous savez, celui qui souffle où il veut et dont on entend la voix sans savoir ni d'où il vient, ni où il va) – car les attachements du mental sont pires que ceux de la chair… Et la mort ne vient pas toujours à la fin : il y a un tas de morts vivants qui ne marchent que pour faire nombre, des figurants dans la pièce. Un homme qui ne s'est pas réveillé, pétrifié dans les valeurs, les principes, les vices ou les vertus, acharné à se croire, fût-il sacré grand défenseur du bien, honoré, béni, il a trahi son nom de baptême, il n'est pas encore né. » (pp. 219-220).

Jean (l'évangéliste) fait dire au Christ : « Celui qui fait vérité vient à la lumière pour que ses œuvres soient manifestées, elles qui ont été accomplies en Dieu » (Jn 3, 21). Je n'arrive pas à penser que Jean (celui qui nous réunit ici) puisse ne pas être de ceux-là.

Le sacrement de l'instant, présence de Jean Sulivan

LIVRES de Jean Sulivan
    • Matinales I : Itinéraire spirituel, Gallimard, 1976; Folio essais no 367, 2000, (Prix Bretagne 1976)
    • Matinales II : La Traversée des illusions, Gallimard, 1977. « Passez les passants », postface à Henri Guillemin, Sulivan ou la parole libératrice, Gallimard, 1977 (existe en PDF et epub)
    • Devance tout adieu, Gallimard, 1966; collection Folio no 1451, 1983.
    • L'Exode, Desclée de Brouwer, 1980; réédition avec une préface de Jacques de Bourbon Busset, Cerf, 1988
    • Car je t'aime, ô Éternité !, Gallimard, 1966

[1] Ancien inspecteur général, il est mort le 17 juillet 2000.

 

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