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La christité
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  • Ce blog contient les conférences et sessions animées par Jean-Marie Martin. Prêtre, théologien et philosophe, il connaît en profondeur les œuvres de saint Jean, de saint Paul et des gnostiques chrétiens du IIe siècle qu’il a passé sa vie à méditer.
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11 mars 2025

La figure de Nathanaël en st Jean, J-M MARTIN

Nathanaël a une place spéciale dans l'évangile de Jean, on le trouve au début et à la fin : d'abord en Jn 1, 47-51 où il est salué par l'expression « un Israélite dans lequel il n'y a pas de fraude », puis en Jn 21, 2 où il est l'une des sept personnes présentes. Dans les Synoptiques il est assimilé à Barthélemy. Son nom signifie "Dieu m'a donné".

Voici un mini dossier constitué de deux extraits de commentaires faits par Jean-Marie Martin à qui est dédié le présent blog, l'un vient du commentaire de Jn 1, l'autre vient de la session Jn 20-21 Résurrection, au 1) du I du Chapitre VII. Jean 21 ou les Actes des apôtres johanniques

Le message suivant complètera cette étude avec un commentaire de Joseph Pierron, un ami de J-M Martin. Joseph était spécialiste de la période du IIe siècle avt JC au IIe après, il a enseigné l'Écriture Sainte aux Missions étrangères de Paris. En privilégiant lui aussi la mention "Voici véritablement un Israélite", il suggère que la question traitée par le texte est celle de savoir qui est véritablement Israël, et pour cela il convoque entre autres Gn 32, 29-30. Ce message paraîtra dans quelques jours.

 

 

Quelques enjeux de la figure de Nathanaël en st Jean

Par Jean-Marie MARTIN

 

Nathanaël apparaît à la fin du premier chapitre :

« 43Le lendemain il (Jésus) voulut aller vers la Galilée et il trouve Philippe. Et Jésus lui dit : “Suis-moi”. 44Philippe était de Bethsaïde, de la ville d'André et de Pierre.

45Philippe trouve Nathanaël et lui dit : “Celui dont Moïse a écrit dans la Loi et les Prophètes, nous l'avons trouvé, Jésus le fils de Joseph de Nazareth.” 46Nathanaël lui dit : "De Nazareth peut-il être quelque chose de bon ?” Philippe lui dit : "Viens et vois”.

 47Jésus vit Nathanaël venant vers lui et dit à son sujet : "Voici véritablement un Israélite en qui il n'y a point de fraude". 48Nathanaël lui dit : "D'où me connais-tu ?" Jésus répondit et lui dit : "Avant que Philippe ne t'appelle, quand tu étais sous le figuier, je t'ai vu." 49Nathanaël répliqua et dit : “Rabbi, tu es le Fils de Dieu, tu es roi d'Israël”. 50Jésus lui répondit et dit : " Parce que je t'ai dit que je t'ai vu sous le figuier, tu crois ; tu verras des choses plus grandes. 51Et il lui dit : “Amen, amen, je vous dis, vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l'Homme". »

Puis au début du dernier chapitre :

« 2Étaient ensemble Simon-Pierre, Thomas – ce qui signifie Didumos (jumeau) – Nathanaël qui est de Cana de Galilée, et ceux de Zébédée, et deux autres d'entre ses disciples. »

 

1°) Nathanaël et la figure de Jacob au début de l'évangile

Nathanaël est salué par l'expression « Voici véritablement un Israélite dans lequel il n'y a pas de ruse. » (v. 47).

Il est qualifié d'Israélite, or vous savez qu'Israël est l'autre nom de Jacob dans la Genèse, donc ici cela fait signe vers Jacob. 

En lui "il n'y a pas de ruse". Ceci se réfère à un mot qui a été très souvent médité dans la littérature rabbinique, qui est : « Jacob était tam et il habitait sous les tentes. » (Gn 25, 27). Tam est un mot hébreu qui signifie « droit, parfait ». Il indique une certaine perfection d'attitude qui est le contraire de la ruse. C'est très étrange d'ailleurs parce que précisément Jacob est le bon témoin de la ruse. Mais justement ça confirme parce que les contraires ont à voir l'un avec l'autre.

« Jacob était tam et il habitait sous les tentes. » : il est tam c'est-à-dire pacifique, le contraire de la violence, et il "vit sous la tente", une expression qui a aussi la signification de "lire les Écritures". C'est-à-dire qu'il y a deux choses qui opposent Jacob à son frère Esaü, comme toujours : Jacob n'est pas le violent et n'est pas le chasseur.

Jacob est celui qui introduit la droite ruse à la place de la violence. Et ceci est un vieux thème qu'on trouve dans de multiples cultures, le moment où on s'aperçoit qu'il est plus intelligent d'être Ulysse que d'être Achille – c'est-à-dire d'être le rusé plutôt que le violent –, et dans la Bible, qu'il est plus important d'être Jacob qu'Ésaü. Remarquez que le mot ruse pour Jacob n'a pas un sens négatif puisque, curieusement, c'est le rusé qui est appelé le droit alors qu'il use du mensonge. C'est la valorisation de la réflexion et de la méditation, c'est la découverte d'une sagesse (d'une sophia). C'est un moment important sans doute dans l'histoire des peuples.

 Dans le monde biblique il y a une autre façon de dire « méditer les Écritures », c'est « s'asseoir sous le figuier ». Ici Jésus rencontre Nathanaël assis « sous le figuier » (v. 48). Donc c'est la figure de Jacob qui se poursuit.

C'est pourquoi nous ne nous étonnons pas lorsque, à la fin de ce passage, nous avons une référence à l'échelle de Jacob qui va de la terre au ciel, et sur laquelle montent et descendent les anges (cf. Genèse 28) : « Tu verras de plus grandes choses […] Amen, amen, je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l'homme » (v. 50-51). Les anges montent et descendent, mais ce n'est pas : tantôt montent et tantôt descendent, c'est plus ils montent et plus ils descendent, comme Jésus qui, plus il va vers le Père et plus il vient vers nous[1]. On n'a pas en français de mot pour dire le mouvement vertical sans préciser si c'est monter ou descendre, il y a ça en allemand où on a le même verbe avec un préverbe différent suivant qu'on monte ou qu'on descend.

Dans saint Jean, c'est le Fils de l'homme qui est la nouvelle échelle de Jacob, c'est-à-dire le nouveau lieu central. C'est la verticalité christique qui, des cieux ouverts à la terre porteuse, constitue l'aïôn nouveau (l'espace nouveau).

Ce qui tient le rapport du haut et du bas, du ciel et de la terre, la bi-polarité de toute chose et de tout être, c'est un axe, qui dans la Bible fut présenté sous la figure de l'échelle de Jacob, puis sous la figure du serpent d'airain exalté sur le bois, qui sera figuré par la croix du Christ. Seulement, ce qui est dit de cette axialité, de cette circulation, du rapport ciel-terre, du bon rapport de la bipolarité constitutive de toute chose, c'est très précisément que ça monte et ça descend, et que ça monte du même coup que ça descend.

 

2°) Nathanaël comme figure de la Loi au début de l'évangile de Jean

Par ailleurs, Nathanaël a à voir avec la Loi. On le voit à deux détails du chapitre 1 :

– D'une part il est vu "sous le figuier", or le figuier a la signification de l'arbre de la connaissance.

– D'autre part, quand on lui annonce Jésus comme celui dont parlent les prophètes, il répond : « De Nazareth peut-il sortir quelque chose de bon ? » (v.46). Cela en fait quelqu'un de formé dans la Loi.

 

3°) Nathanaël pêcheur à la fin de l'évangile  

On retrouve Nathanaël au chapitre 21 :

« 2Étaient ensemble Simon-Pierre, Thomas – ce qui signifie Didumos (jumeau) – Nathanaël qui est de Cana de Galilée, et ceux de Zébédée, et deux autres d'entre ses disciples. » (Jn 21,2)

Remarquez que nous avons ici une énumération de 7 disciples, et je vous signale que le mot "disciple" se trouve sept fois dans le texte (v. 1-14). On sait que le chiffre sept a une signification générale chez saint Jean.

Thomas vient d'être traité comme personnage central du passage précédent (fin du chapitre 20) et Nathanaël renvoie à la seule autre nomination qu'il ait dans l'évangile de Jean au chapitre 1 où il a droit à tout un développement.

Le Nathanaël du chapitre 1 et le Nathanaël qui est ici n'ont pas l'air d'avoir tout à fait la même identité puisque le chapitre 1 en fait quelqu'un de formé dans la Loi, alors qu'ici il est un pêcheur.

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