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La christité
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  • Ce blog contient les conférences et sessions animées par Jean-Marie Martin. Prêtre, théologien et philosophe, il connaît en profondeur les œuvres de saint Jean, de saint Paul et des gnostiques chrétiens du IIe siècle qu’il a passé sa vie à méditer.
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21 septembre 2013

Plus on est deux Plus on est un, 4ème rencontre : Père/Fils

La 4ème rencontre concerne la relation Père-Fils. D'autres thèmes sont abordés comme la question de la Trinité.  Il médite aussi plusieurs textes de saint Jean : une petite partie du Prologue de l'évangile de Jean ; Jn 14, 6-11 (l'unité du Père et du Fils); Jn 8, 44 (fils du diable). Jean-Marie Martin  cite aussi un très court texte gnostique auquel il se réfère souvent : « Moi et toi un ; avant moi toi, après toi moi », et fait une courte introduction à la lecture du Prologue par les premiers gnostiques chrétiens.

 

Le thème Père / Fils

 

Nous avons entrepris notre étude du deux comme une étude des grandes décisions qui articulent les discours. Quand je parle de décisions ici, je ne parle pas des décisions que nous prendrions mais que l'on prend pour nous, c'est-à-dire que notre moment de culture, le contexte qui se propose à nous, a pris pour nous avant tout examen. Donc nous revenons sur cela. Un bref rappel de ce que nous avons étudié jusqu'ici.

 

  • Les deux déjà vus. Les deux qui vont être médités.

La distinction olam habah (le monde qui vient) / olam hazeh (ce monde-ci).

D'abord nous avons vu l'Évangile et son autre, c'est-à-dire l'abord de l'Évangile. L'Évangile se rencontre, il s'aborde, et c'est cet abord que nous avons médité en premier. Je vous rappelle que le contenu majeur de cette séance était la distinction entre les deux éons, les deux âges : ce monde-ci et un monde nouveau en train de venir. Ceci était fondé sur la distinction hébraïque des deux olam : olam habah, le monde qui vient, et olam hazeh, ce monde-ci. Autrement dit, nous avions ici l'abord par lequel l'Évangile nous aborde. Nous, par exemple, nous sommes tentés de l'aborder de tout autre biais. Par exemple, par le concept de religion qui est un concept qui n'existe pas dans le Nouveau Testament, qui est tardif, qui se développe progressivement et qui en vient à envahir totalement nos présupposés lorsque nous abordons une chose comme l'Évangile. La différence est grande. Donc nous avions étudié dans un premier temps comment l'Évangile s'approche et comment il veut être reconnu, comment il se présente.

La structure caché/dévoilé (semence/fruit) n'est pas de l'ordre du fabriquer.

Dans un deuxième moment nous avons fait un pas supplémentaire. De l'intérieur de l'Évangile nous avons mis en évidence une décision, une coupure, une césure, fondamentale, articulante, qui est celle que je vais résumer comme la distinction de la semence et du fruit, ce qui recoupe une distinction de ce qui est tenu en caché et en réserve, et de ce qui se dévoile. Le premier terme est mustêrion et le second apocalupsis, dévoilement, un dévoilement accomplissant. C'est ce qui nous a fait prendre conscience d'une grande différence entre notre culture actuelle et la structure essentielle de l'Évangile. Premièrement, nous sommes dans un monde du faire ; cela suppose donc que ce qui est fait ne soit pas avant d'être fait, sinon d'être projeté. Le second élément de la différence est   que nous avons là une structure du caché et du dévoilé accompli ; une pensée de l'accomplissement et non pas une pensée de la fabrication. Quand on commence par dire que Dieu est incréé, on est dans la pensée de la fabrication, suivant notre idée que nous avons de la création comme fabrication du monde. Nous avons vu que cela n'était pas ce par quoi s'articulait notre Évangile.

Programme à venir.

Il nous reste deux séances. Nous allons entrer plus profondément, plus intimement dans les éléments structurants qui vont s'énoncer d'une façon qui vous paraîtra peut-être insolite mais qui sont tout à fait premiers – enfin, c'est toujours difficile de dire premiers – mais qui sont deux thèmes essentiels. Aujourd'hui le rapport Père / Fils et la prochaine fois le rapport époux / épouse. Ce sont des thèmes majeurs de la structuration du discours évangélique. La prochaine fois nous verrons que le thème époux / épouse est une des variantes d'un thème qui est, on pourrait dire, quasi universel dans les symboliques, qui est le thème du masculin et du féminin. C'est un thème très subtil, très délicat à traiter.

 

 I – Six préalables à propos du thème Père/Fils      

 

Aujourd'hui donc, le thème Père / Fils. Avant d'ouvrir les textes je voudrais énoncer un certain nombre de préalables, un peu dans le désordre, qui sont des réflexions préparatoires, qui sans doute pourront donner lieu à échange entre nous à la fin de cette séance s'il nous reste du temps.

1. Père et fils sont corrélatifs.  Fils se pense par opposition à esclave (Jn 8).

Père et fils sont des corrélatifs propres, c'est-à-dire deux termes qui s'appellent en propre, tels que il n'y a pas de fils sans père, mais il n'y a pas non plus de père sans fils. Corrélatif ne dit rien sur la nature de la corrélation. Rappelez-vous, nous avons dit qu'un mot ne détermine son sens que par son rapport relatif, sa relation, à un autre mot.

Pour prendre l'exemple du mot père – je le dis en passant parce que nous n'allons pas développer cela ici – le mot de père ne dégage pas les mêmes puissances de signification s'il est mis en rapport avec fils ou s'il est mis en rapport avec esclave. Je dis cela parce que ce sont des thèmes de notre Nouveau Testament. Au chapitre 8 de saint Jean il y a un très beau passage que je signale, verset 35, où être fils, être de la maison du Père, fait qu'on y demeure, qu'on est à son propre, alors que l'esclave ne demeure pas toujours dans la maison, on peut le vendre etc. Ce thème de la servitude est un thème très important dans le Nouveau Testament sous des aspects très divers, très subtils aussi.

Donc le mot de Père signifie le libre dans cette perspective, alors qu'on pourrait croire, à lire l'évangile, que la filiation est justement pensée comme une sorte de servitude. Par exemple, quand nous lisons : « Le Fils ne fait rien qu'il ne voit faire au Père », nous voyons là l'attestation d'une espèce d'attitude qui nous paraît servile. Il n'en est rien. Cependant ce n'est pas l'aspect de liberté qui est dégagée par le rapport père / fils dans une phrase comme celle-là, alors que dans l'opposition à l'esclave, c'est la fonction de liberté qui se dégage.

2. Quand des deux sont en rapport, c'est la relation qui compte.

Des deux dans l'écriture johannique, souvent nous en avons rencontrés que nous avons appelés hendiadys ou même oxymores. Un hendiadys, c'est deux mots pour dire une seule chose. Pourquoi deux mots alors ? C'est qu'il y a, comme dit Jean, un micron de différence. Il y a donc déjà du deux dans la mêmeté. Ces hendiadys sont très nombreuses. « Plein de grâce et vérité », nous allons le rencontrer : ces deux mots disent la même chose, pas dans notre langage à nous, mais dans le langage de Jean, parce que nous avons affaire à un hendiadys. L'oxymore est un hendiadys encore plus forte puisque c'est la jonction de deux choses apparemment contraires, comme une ténébreuse clarté, une sobre ivresse, un homme divin. Pour de nombreuses cultures un homme divin est quelque chose d'impossible. Les dieux ont leur lieu, leur registre. Les dieux sont au ciel, les hommes sont sur la terre. Alors comment un homme divin peut-il avoir un sens ?

Ici nous en parlons comme de figures de style et même comme des figures de la rhétorique occidentale. Autrement dit ce n'est pas très bien nommé, c'est une approche que nous pouvons faire par là. Et d'autre part ce qui est concerné ici, ce n'est pas simplement une affaire de discours, c'est la chose même dont on parle qui est en question. Notre étude du deux n'est pas seulement une étude de la façon de dire le deux. Est impliqué par là notre rapport à l'effective dualité. Donc nous aurons à repréciser ces points-là.

Le rapport, la ré-férence, la re-lation, c'est pratiquement les mêmes mots français ou latins pour dire la même chose, seulement nous les comprenons mal tant que nous les entendons comme la mise en voisinage de choses probablement bien constituées et distinctes. Ce qui est très important, c'est de voir que c'est la relation qui constitue l'identité des relatés (des mis en relation).

3. La structure père/fils peut être vue comme une structure semence/fruit.

La structure père / fils nous met en continuité avec ce que nous avons étudié la dernière fois car c'est un des exemples de la relation semence / fruit : le père est semence, le fils est le fruit, c'est-à-dire la manifestation de ce qui était secrètement en attente dans le père. Voilà la perspective qui nous occupe ici.

Le mot sperma qui dit semence prend sens en référence à cela : « Nous sommes sperma d'Abraham » disent les Judéens au chapitre 8 à Jésus en revendiquant leur identité. « Nous sommes semence d'Abraham ». Et la descendance peut s'appeler aussi patria. La paternité n'est pas ce que nous appelons la paternité, c'est-à-dire le fait d'être père ou la caractéristique d'être père, mais c'est la descendance. « Le Père de qui toute patria reçoit son nom » (Ep 3, 14-15) : c'est une formule qui se trouve dans l'épître aux Éphésiens de Paul et qui a à voir avec le thème de la maison. Il y a un rapport très étroit entre le thème de la maison et le thème de la paternité. La descendance s'appelle aussi la maison : la “Maison de France”, ce sont les descendants de…  par exemple dans l'ancien français.

4. Dans l'Évangile père ne se pense ni psychologiquement ni biologiquement.

bapteme catacombe des saints Pierre et Marcellin IVe s

 

 

Ce thème est pour nous plus difficile à entendre qu'il n'y paraît parce que nous sommes tentés d'entendre ce qu'il en est de la paternité – en employant le mot dans notre sens courant aujourd'hui – nous sommes tentés de le penser psychologiquement ou biologiquement. L'aspect biologique, c'est le test de paternité, l'ADN etc. Et l'aspect psychologique, c'est Œdipe et la psychologie des profondeurs qui est fondée sur les rapports de paternité.

Et l'usage que nous avons de façon courante des rapports père / fils laisse mal entendre qu'un adolescent puisse dire : « Je ne fais rien que je ne voie faire au père » comme le dit Jésus d'après Jn 5, 19. C'est plutôt la lutte, la revendication de différence, dans le champ psychologique.

Seulement notre Écriture ne parle ni psychologiquement ni biologiquement, ni même juridiquement – parce que la paternité est importante aussi chez le notaire pour les questions d'héritage par exemple. Voilà les lieux où la génération est traitée chez nous.

Ce point très important : à partir d'où entendre les thèmes corrélatifs de paternité et de filiation si on ne le fait pas à partir du sens qui nous est donné nativement dans l'emploi de ces mots-là ?

J'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de conduire des sessions et même des retraites sur le texte du Notre Père. La prière la plus courante, la plus basique, la plus quotidienne pour certains, la prière qui est en bonne place dans la célébration dominicale, le Notre Père est en fait une prière très difficile à entendre, tout y est compliqué, et ceci dès la première invocation : « Notre Père qui es aux cieux ». Père est difficile à entendre parce qu'on risque de l'entendre psychologiquement ; les cieux sont difficiles à entendre parce qu'on risque de les entendre cosmologiquement au sens moderne du terme. Autrement dit ces mots-là sont déjà pris dans des ensembles dans telle ou telle culture, et ces ensembles-là ne sont pas innocents. Et si je voulais énumérer la suite du Notre Père on verrait que les difficultés s'accumulent à toutes les phrases. La prière la plus simple, la plus fondamentale, la plus élémentaire est très difficile d'écoute et d'articulation pour nous-mêmes. C'est assez curieux, mais c'est ainsi. Elle a une simplicité intérieure qui est difficile à découvrir pour nous.

5. Père/fils ouvre la question de la temporalité.

Père / fils ouvre l'idée de génération au sens des générations qui se suivent, autrement dit ouvre d'une certaine façon la question de la temporalité. Bien sûr on sait en catéchisme que Père et Fils sont co-éternels, qu'il n'y en a pas un qui est avant l'autre etc. : en un sens, oui ; en un autre sens…

Il faut prendre les choses à l'envers : s'il y a de la temporalité, c'est parce qu'il y a dans l'éternité du rapport Père / Fils, et non pas considérer l'inverse.

Parenthèse : Lecture d'un court texte gnostique.

On trouve un précieux petit texte dans un ouvrage gnostique du IIe siècle dont il est difficile de donner la référence[1] parce que c'est un texte écrit par un auteur dont on n'est pas sûr qu'il en soit bien l'auteur. De plus, ce texte est le résumé d'un ouvrage qui est mis au compte de celui qui probablement ne l'a jamais écrit – il est mis au compte du mage Simon de Samarie dont il est question dans les Actes des Apôtres. C'est sans doute pour décrier la doctrine qui est contenue dans ce merveilleux petit libellé qu'on l'a mis au compte de celui que les apôtres déclarent comme un imposteur. Mais on a fait de même pour Paul : on a présenté la doctrine de Paul sous le nom du même Simon, dans un autre registre. Ce n'est pas la même calomnie, mais c'est quelque chose de semblable.

Ce petit texte a peut-être connu plusieurs rédactions successives. Il a ensuite été résumé par un autre dont on ne sait pas exactement qui il est. C'est magnifique comme travail. Ce que je veux citer, c'est ceci : « Ego kaï su én, pro émou su, to méta sé, égo : Moi et toi un ; avant moi toi, après toi moi ». C'est ici quelque chose qui a toutes chances d'être authentique et authentiquement pris à un ouvrage de sagesse de type gnostique. C'est une phrase difficile à méditer. On serait tenté de dire : “après toi moi” : laisse ta place que je la prenne. Non, pas du tout. Mais ce qui est très étrange, c'est qu'avant et après sont en même temps l'unité : “moi et toi un”. Et cet avant et après, donc ce qui ouvre le temps d'une certaine manière, ce sont des mots dans le temps ; ils sont donc à entendre ici autrement que dans le sens qu'ils ont à l'intérieur du temps. C'est dans ce sens-là que je dis que cela qui n'est pas proprement temporel est cependant ce qui rend possible qu'il y ait du temps, donne sens au temps.

6. La théologie classique trinitaire. Nature et personne.

Les choses dont nous allons traiter, aussi bien cette fois-ci que la fois suivante, touchent à des questions qui ont déjà été traitées ailleurs dans la théologie classique trinitaire. Or nous n'allons pas lire la même chose que la théologie classique trinitaire en nous approchant des textes de Jean et de Paul. “Pas lire la même chose”, je ne devrais peut-être pas dire ainsi, mais en tout cas, ce n'est pas "pareil". En effet la théologie va se développer à partir des grands conciles qui sont amenés à prendre des décisions dogmatiques, le premier étant le concile de Nicée en 325, les conciles étant préparés d'une certaine manière par les écrivains du IIe siècle. Les conciles servent à régler les questions de concepts qui sont proprement occidentaux : ceux de nature et de personne. Vous avez entendu dire qu'il y a deux natures en Jésus-Christ (nature humaine et nature divine) en une seule personne, alors que dans la Trinité il y a une seule nature et trois personnes. Nature et personne sont des mots qui n'appartiennent pas à notre Nouveau Testament.

Nature est un beau mot dans son origine, un beau mot grec, phusis, qui n'a pas grand-chose à voir avec ce qu'on appelle aujourd'hui la physique. Phusis dit la floraison, l'épanouissement : toute chose qui vient, vient s'épanouissant en se dévoilant. Dans ce sens-là il n'appartient pas à notre Nouveau Testament, et il appartient encore moins à notre époque où la nature d'une chose correspond à ce qu'est la chose, c'est le concept qui dit ce que c'est. Dire ce que c'est, c'est donner la définition, ce qui se fait par genre et différences spécifiques, toutes les procédures de la logique qui concernent le terme de nature.

Quant à la personne, c'est un mot proprement latin et d'origine juridique – une origine qui persiste d'ailleurs dans l'expression de personne morale qui peut être une collectivité – qui n'a pas grand-chose à voir avec ce que l'Occident ensuite a médité dans le champ du personnalisme par exemple.

Alors il faut mettre de côté tout cela si on veut aborder saint Jean. Il faut provisoirement l'oublier. Est-ce à dire que je suis en train de contredire la dogmatique ? Pas du tout. Simplement le langage de Jean et le langage de la dogmatique ne constituent pas un discours cohérent, car ils ne sont pas fondés l'un et l'autre sur les mêmes structures distributives du discours. Ce qui justifie les conciles, c'est qu'ils sont là comme gardiens pour répondre à des questions que l'interlocuteur se pose. Les questions de celui à qui j'annonce l'Évangile, les questions qu'il se pose ne sont pas issues de la structuration de l'Évangile, mais de sa propre structuration. Ici c'est tout à fait normal que ce soit des structures d'Occident qui questionnent l'Évangile et ces questions méritent une réponse. Ces questions sont généralement soulevées par suite d'une interprétation erronée de l'Écriture et ce qu'il y a dans l'Église comme service de garde, service de vigilance, charisme de vigilance – les conciles, le pape – exerce cette garde. Ils ne sont pas la source de la Parole, ils ne révèlent rien, mais ils ont la garde de la Parole. Autrement dit, nous sommes ici dans un ordre judiciaire qui n'est pas l'ordre premier du connaître, mais qui est nécessaire en son lieu. La plupart des traditions connaissent un service de garde, ici aussi.

Ces décisions sont très précieuses, non pas du tout pour que nous les répétions, mais parce qu'elles fournissent par avance des protections contre des risques de méprise au sujet de l'Écriture. “Du bon usage des dogmes”, c'est un thème important. Malheureusement on en amplifie la signification, on ne les pose pas là exactement où ils ont sens et on pense qu'il faut lire l'Écriture à partir de la dogmatique. Pas du tout ! Pour la bonne raison que le jugement discerne du correct du non-correct : correct a la même racine que orthodoxie ; il ne faudrait pas confondre l'orthodoxie (ou la correction, y compris la correction grammaticale mais aussi la correction de pensée) avec la vérité. Du reste jamais l'Église n'a prétendu substituer un discours au discours évangélique. Elle parle en tenant compte des possibilités de l'oreille de son interlocuteur, mais en même temps elle garde dans sa main le Livre lui-même, l'Écriture elle-même. Elle n'a jamais prétendu que son discours épuisait les possibilités de sens qui sont dans l'Écriture. Donc il peut se faire que vous soyez parfois étonnés si je dis des choses qui n'ont pas l'air d'être celles qu'on a apprises au catéchisme. C'est pour cela que je prends soin de bien préciser cette méthodologie, cette articulation, la différence qu'il y a entre le discours du service de garde et la parole elle-même.

► Qui décide ce qu'on garde ?

J-M M : Le service de garde n'est pas ce qui “garde la parole”. Garder la parole, têreïn ton logon, c'est une expression du Nouveau Testament qui ne vise pas ce que je suis en train de dire. Garde la parole celui qui l'entend et qui l'entend dans son plus propre. Le service de garde est un service de vigilance qui a le souci de dénoncer les erreurs de lecture, ce qui serait errant. Mais la correction d'une erreur, ou la négation d'une erreur, ne me reconduit pas à la vérité première dont c'était l'erreur. Peut-être que la formule peut paraître compliquée.

Par exemple si je dis que Jésus n'est pas Dieu au sens propre du terme, c'est une erreur et il faut la dénier, mais cela ne me reconduit pas à l'authentique signification de « Dans l'Arkhê était le Logos… et le Logos était Dieu » ; ça n'épuise pas pour autant, ça me met en garde. C'est “garde” au sens de mise en garde, garde-fou. Il y a même des traditions qui appellent cela des haies de protection ou des choses comme ça. Il ne faut pas confondre d'ailleurs ce que veut dire le mot vérité dans l'Évangile et les questions d'orthodoxie ou de correction du discours ou du langage – orthos, droit, en grec ; et rectus, droit, en latin, qui donne correction… Cette rectitude ou cette orthodoxie ne me conduit pas à l'avènement de la vérité. Le mot vérité ne signifie pas chez saint Jean ce que nous appelons la vérité de façon courante, c'est-à-dire la proposition correcte, l'affirmation correcte. Vérité, c'est un des noms du Christ : « Je suis la Vérité ». Il n'est pas une affirmation correcte.

C'était donc des préalables. Nous allons ouvrir maintenant quelques textes.

 

IIQuatre textes de Jean

 

1) Versets 1 et 14 du début de l'évangile de Jean. 

Je vais ouvrir le Prologue de Jean en mettant en rapport le verset 1 et le verset 14.

« 1En Arkhê était le Logos, et le Logos était auprès de Dieu, et le Logos était Dieu. »

« 14Et le Logos fut chair, il a habité en nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire comme du Fils Monogène auprès du Père,  plein de grâce et vérité. »

Quelle différence entre ces deux versets ? Le même est appelé dans le premier verset Logos, dans le verset 14 il est appelé Fils Monogène, Fils Un, on dit parfois Fils unique. Dans le premier verset “le Logos est auprès de Dieu” et dans le verset 14 il est “Fils Un auprès du Père”, donc Fils / Père au verset 14 et Logos / Dieu au verset premier.

              Verset 1                                               Verset 14

   Le Logos est auprès de Dieu                    Fils Un auprès du Père
               Logos /Dieu                                 Monogène (Fils Un)/Père

À la source du texte.

En réalité tout le texte est tendu vers le verset 14 car ce verset fait intervenir pour la première fois le mot nous alors que tout est en il auparavant : “Nous avons contemplé sa gloire”. Ici le texte révèle sa source qui est une expérience de la dimension ressuscitée de Jésus. Doxa, la gloire, désigne ce mode de présence qui n'est plus le mode de présence d'un vivant parmi les vivants – ceux que nous appelons les vivants du moins – mais qui est cette expérience de la dimension neuve de vie (zoê cette fois) qui constitue l'expérience constitutive du Nouveau Testament.

L'âge de la nouveauté christique.

Je ne vais pas redire que la Résurrection est le premier mot de l'Évangile, que tout l'Évangile parle à partir de là et veut retourner à faire entendre cela ; c'est-à-dire que la Résurrection est la manifestation de l'aïôn, de l'âge nouveau de la nouveauté christique et non pas un âge historique. Vous vous rappelez la première chose que nous avons examinée : c'est la différence entre ce monde-ci et le monde qui vient, monde qui se dévoile, qui se découvre. Donc ce verset 14 est ce à partir de quoi tout le texte demande à être éclairé, c'est le foyer ardent de l'ensemble du texte.

Que signifie Fils de Dieu ?

Or ici Jésus est appelé Fils. Il est appelé Fils dans la dénomination de Monogène, Fils Un. Qu'est-ce que cela signifie ? Le rapport de la Résurrection et de la filiation est constant dans l'articulation de nos premières Écritures, pas dans notre esprit aujourd'hui, mais chez saint Jean comme chez saint Paul. Saint Paul dit : « Déterminé Fils de Dieu de par la Résurrection d'entre les morts » (Rm 1, 4), c'est un des multiples textes que je pourrais citer de Paul. Et quand on découvre des textes de ce genre, il ne faut pas les examiner comme cela en passant. On a repéré qu'ils sont constitutifs de l'essentiel, que le mot de Fils ne prend son sens ici qu'à partir de la Résurrection. Il faut garder la note : il ne s'agit pas d'une remarque curieuse due au fait que ce n'est pas le sens que nous accordons au mot de Fils. Non, il faut que cela devienne chez nous ce à partir de quoi tout le reste va s'entendre. Lire, c'est cela.

Lire c'est garder la note.

Lire est une affaire de mémoire, car la mémoire consiste à tenir ensemble le début de la phrase et la fin de la phrase, le début de la symphonie et la fin de la symphonie.

La mémoire n'est pas la capacité de se souvenir, c'est la capacité de tenir ensemble ce qui se déploie dans l'espace et dans le temps. Le déploiement est quelque chose d'essentiel. Tant qu'il est tenu, il constitue la fleur, par exemple, mais lorsque les éléments tenus ensemble par cette mémoire ne sont plus reliés à cette mémoire, c'est comme des pétales qui tombent et la fleur est morte ; c'est le démembrement et non plus le déploiement. Nous avons insisté à plusieurs reprises sur ces mouvements-là qui sont essentiels à penser.

Entendre l'évangile c'est se laisser configurer, c'est naître.

Dans ce que nous faisons ici il y a invitation à s'exercer. On ne pourra entendre le texte de l'Évangile que si on fait tout pour se laisser configurer l'esprit par quelque chose de tout autre que ce par quoi nous sommes configurés nativement. C'est ce que l'Évangile dit aussi quand il dit que croire, c'est-à-dire entendre la parole, c'est naître ; c'est naître de plus originaire, et de plus loin que notre naissance civile – notre naissance biologique d'une part, psychologique d'autre part – ce qui est défini par notre carte d'identité. L'Évangile déploie une capacité d'identité à l'intérieur de nous-mêmes autre que notre identité psychique, ouvre l'espace du pneuma qui est autre chose que la psukhê.

Organique, psychique, spirituel se répartissent différemment dans l'évangile.

Chez nous, ce qui est très important, c'est la distinction entre l'organique et le psychique (ou le spirituel) : si je souffre, la question est de savoir si c'est organique ou si c'est psychique ; et psychique et spirituel sont confondus en une seule chose par opposition à organique ou corporel. Chez nos Anciens, dans l'Écriture, la distinction n'est pas là. Chez eux la grande distinction c'est celle entre la psukhê (psyché qui inclut la chair au sens où nous l'avons vu lors de la deuxième rencontre) et le pneuma (l'esprit). Nous confondons allègrement l'âme et l'esprit alors que ce sont deux choses qui se distinguent avec rigueur dans nos Écritures à tel point qu'on ne passe pas de l'un à l'autre par un développement continu : ce n'est pas de même semence si on veut employer la symbolique de la semence, ou ce n'est pas de même racine si on veut employer l'image spatiale de l'arbre.

                 Chez nous                                                Dans l'évangile

   Organique / psychique ou spirituel       charnel (au sens biblique) ou psychique / spirituel

          corps / âme ou esprit                                   chair ou psukhê / pneuma

Comment penser le monos de Mono-gène (Fils un) ?

Donc le Monogène… Très curieusement il y a le mot monos seul, avec cette solité et même cette solitude que suggère la notion de fils unique chez nous. Or justement, il est monos dans un tout autre sens. Ça ne veut pas dire qu'il est un parmi d'autres et à l'exclusion d'autres. Il est l'un unifiant la totalité des enfants de Dieu (les tekna tou théou).

Le monos est d'autant plus monos qu'il est plus plein de multiples. Ce n'est pas moi qui le dis : le monos est “plêrês (plein) de grâce et vérité”. Que veut dire “grâce et vérité” ici ? Il y a encore tout un travail à faire pour répondre à cette question.

Isaac, le "fils un" d'Abraham.

Mais peut-être comprendrez-vous mieux en faisant référence à l'Ancien Testament et non pas simplement à ce qui pourrait paraître une sorte de spéculation. Fils Un (ou fils unique), c'est le nom d'un patriarche, c'est le nom d'Isaac, le fils d'Abraham : « Dieu dit : "Prends ton fils un, celui que tu aimes, Isaac" » (Gn 22, 2). Il est le fils un en ce sens qu'Abraham n'a pas d'autre fils de Sara, et qu'Ismaël est le fils de l'esclave Hagar et non pas le fils du libre. Il est le fils de la promesse, c'est-à-dire le fils à propos duquel il est dit à Abraham qu'en lui sont contenues toutes les semences de la descendance, toutes les semences de l'humanité – semences encore une fois. Il contient en lui séminalement toute la descendance des enfants de Dieu.

Le Fils Un est un par rapport aux enfants.

Les enfants de Dieu sont un pluriel. Nous ne sommes plus ici dans le duel (dans le deux) parce que les Anciens font une nette distinction, même au point de vue grammatical, entre le duel et le pluriel ; le deux n'est pas un pluriel chez les Anciens.

Nous vivons en fait dans un pluriel non pas simplement déployé mais démembré : les enfants de Dieu ta dieskorpisména (les démembrés, les déchirés). Les enfants de Dieu, c'est l'humanité tout entière qui vit sur mode déchiré, fragmenté, démembré, et non pas simplement écarté comme une fleur qui s'écarte, mais écartelé, c'est-à-dire déchiré.

Or le Fils Un est le principe unifiant de la totalité des fils qui constitue l'humanité, il est plein de cela mais plus exactement il est plein de ce qui emplira et réunira cette totalité : “plein de grâce et vérité”.

Il est « plein de grâce et vérité ».

Dans “plein de grâce et vérité” on a un hendiadys, donc grâce et vérité, ça dit la même chose. Or la vérité (a-lêthéïa  en grec) signifie le dévoilement puisque a-lêthéïa c'est ce qui sort de l'oubli. Ce dévoilement est donc une donation gratuite, une grâce : “plein de grâce et vérité” signifie “plein de cette donation qu'est le dévoilement”. Le dévoilement est le grand don que Dieu nous fait, le dévoilement qui, montrant, accomplit : dévoilement accomplissant.

Quel sens a la filiation ici ?

La filiation ici est le dévoilement de ce qui est tenu en semence (on a l'équivalent dans le désir ou la volonté : la semence ou la volonté du Père). Et que le Christ vienne et qu'il ne cesse de venir – car plus il est parti, plus il vient –, c'est précisément cela : faire de l'humanité démembrée un fils unique dans le Fils unique, dans le Fils Un. L'important c'est que cette unité n'est pas une unité qui se fait au détriment du déploiement, autrement dit au détriment de la multiple différence des êtres. Ici encore il s'agit d'une unité pleine et non pas de l'unité par raréfaction.

Autres noms de Dieu-Père chez les gnostiques.

Nous avons vu qu'au verset 1 le Logos (la Parole) était appelé Dieu, puisque il est la parole de Dieu : « Dieu dit : "Lumière soit" ». Au verset 14 ce Logos est appelé Fils par rapport à ce qui peut maintenant être appelé Père.

Chez les gnostiques du reste, celui qui est appelé Dieu ici a d'autres noms antérieurement, ils les résument dans les noms d'Abîme ou de Silence. Ce Silence, qui est le lieu du “tu ne sais”, n'est pas susceptible d'être pris de préhension ou de compréhension, mais il advient en ce que je l'entends : « Tu ne sais (de savoir) d'où il vient ni où il va, tu entends sa voix » (Jn 3).

Entendre sa voix ?

Entendre la voix, c'est entendre cette parole en tant qu'elle me dit : « Tu es mon fils».

Baptême du Christ, Arménie vers 1330

L'expression « Tu es mon Fils » est l'expression inaugurale de l'Évangile dans la scénographie du Baptême. C'est l'ouverture des cieux : les cieux s'ouvrent à la terre, ils ne se parlaient plus, disaient les Juifs, depuis la mort du dernier des prophètes. Voici que le ciel s'ouvre et qu'une voix s'entend qui dit à Jésus : « Tu es mon Fils », et les premiers chrétiens entendent que cette salutation s'adresse à l'humanité tout entière en Jésus Christ.

Comme dit Paul : « Béni soit le Dieu et Père de Notre Seigneur Jésus-Christ qui nous a bénis » (Ep 1, 3). Bénir ici c'est la bénédiction patriarcale. Ce qui fait que quelqu'un est père, c'est que le nouveau-né est posé sur ses genoux et qu'il lui dit : « Tu es mon fils ». C'est la reconnaissance de l'enfant qui constitue la paternité. Les premiers chrétiens pouvaient entendre cela très bien de la totalité de l'humanité.

 Et ce thème est constamment chez Jean sous d'autres formes, d'autres dénominations : « Le Père lui a remis la totalité entre les mains » ; « De tous ceux que tu m'as donnés, je n'en ai perdu aucun » ; il est plein de cela, il en a plein les mains, plein des épaules etc.

Comment entendre l'unité dont il est question ?

L'expression “Tu es mon fils”, les premiers chrétiens étaient fondés à l'entendre ainsi parce que l'expression Fils de Dieu existait déjà dans l'Ancien Testament où elle désignait le peuple d'Israël. Elle avait un sens que nous appelons aujourd'hui un sens collectif, signifiant une unité qui inclut en elle une pluralité. Autrement dit, Jésus est le dévoilement au cœur de l'humanité, au profond, à l'intérieur de l'humanité, de ce point mémoriel, de ce point focal qui retient la totalité dans une unité attendue. L'unité en question ici n'est pas l'uniformisation des cultures, n'est pas un gouvernement mondialiste. Je ne dis pas que ces choses sont exclues, mais ce n'est pas cela qui est en question ici, c'est la visée de l'extrême intériorité dans laquelle tout cela déjà séminalement se tient. C'est prodigieux.

Le verset 14 glosé.

« Et nous avons contemplé sa gloire – l'expérience fondatrice de Résurrection – gloire comme du Fils un et unifiant de la totalité, car il est plein de ce qui est destïné à emplir et à accomplir l'humanité, c'est-à-dire la donation de ce dévoilement qui est un dévoilement accomplissant. »

Voyez que pour lire un simple verset comme celui-là, il faut travailler chaque mot et surtout les articulations entre les mots telles qu'elles sont signifiantes dans la structure d'écriture du texte que nous abordons. Je crois que ça se met à dire, ça se met à chanter. Voilà un texte qui se met à ouvrir des horizons, des perspectives.

 

2) Jn 5, 16-21 : l'unité du Père et du Fils.  

Je prends maintenant un texte dans le chapitre 5 de Jean. Ce chapitre récite d'abord la guérison d'un paralysé à la piscine de Bethesda. Mais la suite du chapitre est tout entière occupée par ce qui peut nous paraître une circonstance secondaire, qui ne l'est pas dans le texte d'ailleurs, à savoir que cette guérison a eu lieu un jour de shabbat ; ce qui ouvre le dialogue entre les Judéens et le guéri, et ensuite entre les Judéens et Jésus lui-même.

Que veut dire que Dieu œuvre le jour du shabbat ?

« 16Et pour cela les Judéens poursuivaient (persécutaient) Jésus parce qu'il avait fait ces choses un jour de shabbat. 17Mais Jésus leur répondit : “Mon Père œuvre jusqu'à maintenant et moi j'œuvre aussi.” ». L'œuvre a un grand sens dans l'évangile de Jean, œuvre qui justement va conduire l'humanité à cette unité que nous avons évoquée.

Cela pourrait paraître étonnant puisqu'un jour de shabbat, “Dieu se repose” (Gn 2, 2). Mais en fait nous avons ici affaire à une autre interprétation de ce verset de la Genèse qu'on rencontre par exemple chez Philon d'Alexandrie, un contemporain de Jésus, un Juif vivant en milieu hellénistique, et qui a écrit en grec de nombreux commentaires sur la loi de Moïse. La distinction est faite entre les six jours qui sont les jours où Dieu dépose les semences et le septième jour où cette œuvre-là cesse – anapausis est la cessation et pas simplement le repos après la fatigue – et commence l'œuvre du septième jour. C'est pour cela que le Père continûment œuvre. Il œuvre dans ce septième jour qui est l'ensemble de ce que nous appelons l'histoire de l'humanité. Nous sommes dans le septième jour c'est-à-dire dans ce temps où se déploient les semences semées avant le “lancement du monde (pro katabolês kosmou)”.

Cependant ce n'est pas ce point qui donnera la suite du dialogue – nous aurions été éventuellement arrêtés, nous, par cette réflexion – mais ce sont les paroles de Jésus : « Mon Père œuvre et moi aussi ».

Quel est le rapport du Père et du Fils ?

« 18Pour cela les Judéens cherchaient d'autant plus à le mettre à mort, que non seulement il détruisait le shabbat, mais aussi qu'il disait Dieu son propre Père en se faisant lui-même égal à Dieu ». Il est vrai que se faire égal à Dieu est le pire blasphème. Et c'est à cela que Jésus va répondre.

« 19 Jésus répondit et leur dit : Amen, amen, je vous dis, le Fils ne peut rien faire de lui-même qu'il ne voit faire au Père – c'est la phrase que je citais tout à l'heure – car ce que celui-ci fait, cela aussi le Fils le fait semblablement (homoïos). 20Car le Père aime le Fils, et lui montre tout ce qu'il faitl'expression “montrer ce qu'il fait” se retrouve à une autre reprise chez saint Jean, au chapitre 15, pour marquer l'intimité de Jésus, cette fois avec ses disciples – et il montrera des œuvres plus grandes en sorte que vous serez étonnés. »  

L'expression “plus grand” est une expression constante chez Jean pour ne pas désigner simplement ce qui se voit, c'est-à-dire ce qui appartient au champ de notre expérience native, mais pour désigner ce qui appartient au champ de la Résurrection, c'est-à-dire au champ de l'espace nouveau ouvert par l'Évangile. Il l'avait déjà dit au chapitre 1er, à Nathanaël : «  50 Jésus lui répondit et dit : Parce que je t'ai dit que je t'ai vu sous le figuier, tu crois ; tu verras de plus grandes choses.” », c'est l'annonce de l'ouverture de cet autre espace intérieur.

Le Je christique.

► C'est la même chose que lorsque le Fils dit : « Le Père est plus grand que moi » ?

J-M M : C'est cela, parce que Jésus dit je ou moi à plusieurs dimensions, soit à partir du Je proprement christique, le Je de Résurrection qui n'est pas le je empirique, psychique ; mais il peut aussi dire je de façon empirique, psychique. Ce Je christique est le Je d'identité profonde de Jésus, et en chacun de nous il y a un je pneumatique (un je spirituel, un je christique) que nous ne connaissons pas, et qui est notre véritable identité. C'est ce qui est dit à Nicodème : « Le pneuma, tu ne sais d'où il vient ni où il va, tu entends sa voix. Ainsi en est-il de tout ce qui est né du pneuma ». Naître de cette eau-là qui est pneuma, d'une naissance nouvelle mais qui est la manifestation de ce qui est de nous plus originaire que notre naissance. C'est la révélation de l'intimité ultime de l'humanité.

La résurrection comme sortie du sommeil, comme venue à "corps".

Les œuvres, c'est quoi ? « 21Car comme le Père réveille les morts et les vivifie… » Éveiller les morts peut désigner la résurrection de façon générale et aussi la Résurrection du Christ. Le sens profond de la résurrection, c'est que je sorte d'un sommeil, c'est-à-dire que se dévoile à moi cela que je ne savais pas.

« …Ainsi le Fils vivifie qui il veut ». “Qui il veut” ne signifie pas ici “comme ça lui chante”. Nous avons dit l'autre jour que volonté (thélêma) ou désir désigne la semence secrète des choses.

Par exemple, en 1 Cor 15, à quelqu'un qui lui demandait « 35Mais avec quel corps les morts ressusciteront-ils ? », Paul répond : « 36Insensé, (…) 37tu sèmes un grain de blé par exemple 38et le Dieu lui donne le corps selon qu'il l'a voulu » c'est-à-dire qu'il y a le moment de la semence et le moment de la croissance, la venue à corps donc à accomplissement. Le mot corps ne désigne pas ici une partie de l'homme, mais désigne la totalité de l'homme accompli. “Selon qu'il l'a voulu”, c'est-à-dire selon la déposition des semences.

L'unité du Père et du Fils.

Il faudrait poursuivre la lecture, mais nous avons ici plusieurs indications intéressantes qui vont se traduire ailleurs par « Mon œuvre n'est pas mon œuvre, mais c'est l'œuvre du Père » ; « Les paroles que je dis ne sont pas mes paroles, mais ce sont les paroles du Père » ; « Le Père est en moi » ; « Le Père et moi nous sommes un ». Donc nous avons là cette unité qui n'est pas une unité de solitude, de solité, mais une unité de proximité. La proximité est une façon d'être un qui est plus éminente que l'autosuffisance. C'est un point, ceci, qui est à méditer.

Je répète souvent cela à peu près sous la même forme, mais ce point vient au terme de discours divers ou dans le courant de discours divers et il faut que ce soit un lieu que nous ayons passé et repassé dans notre esprit. Car c'est le secret de ce que je vise quand je dis que deux et un, ici, ne sont pas des contraires mais que le un le plus élevé est l'union de deux, autrement dit que l'homme, même l'homme singulier, s'accomplit en son propre à la mesure où il est proche.

L'homme est d'autant plus lui-même qu'il est plus "ouvert à".

C'est ce que désignait chez les Anciens le nom. Le nom dit l'identité propre, mais le nom dit l'identité précisément parce que le nom est reçu – on me donne un nom – et qu'il est ce par quoi on peut m'appeler. C'est la raison pour laquelle, selon les Pères de l'Église, le Père n'a pas de nom, car il n'y avait personne pour lui donner un nom, ce qui a un sens profond.

Donc mon plus propre est mon plus ouvert. Plus c'est ouvert et plus c'est propre. L'homme a en propre d'être ouvert. Il est d'autant plus lui-même qu'il est "plus à" (être à, être ouvert à) alors que chez nous ça s'oppose : l'homme est d'autant plus dans son propre qu'il est dans la solitude d'un recueillement, et c'est cela que nous appelons la vie intérieure en pensant intérieur plus ou moins à partir de la psychologie, de même que nous pensons la profondeur à partir de la psychologie des profondeurs, mais il n'y a rien de plus extérieur à l'identité profonde de l'homme que la psychologie des profondeurs.

L'homme intérieur est une expression de Paul, elle est récurrente, elle intervient à plusieurs reprises. L'homme intérieur n'est pas l'homme qui s'isole pour méditer. L'homme intérieur est l'homme qui est d'autant plus dans son propre qu'il est plus ouvert à. Autrement dit, l'homme extérieur est l'homme qui est en guerre avec lui-même et avec autrui, l'homme intérieur est l'homme qui est en paix avec lui-même et avec autrui.

 

3) Jn 14, 6-11. Voir le Fils. Christité et filiation.

Nous sommes au chapitre14 et c'est Jésus qui parle.

1/ Versets 6-9a. Voir le Fils c'est voir le Père.

« 6Je suis le chemin et la vérité et la vie. Personne ne vient vers le Père sinon par moi. » Ceci est une tautologie : il faut être au Fils pour reconnaître le Père comme Père.

« 7Si vous m'aviez connu, vous eussiez connu mon Père également. Et dès maintenant, vous le connaissez et vous l'avez vu8Philippe lui dit : Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit.” 9Alors Jésus lui dit : Tout ce temps je suis avec vous et tu ne m'as pas connu, Philippe ? Celui qui m'a vu a vu le Père. »

Voir Jésus dans son identité profonde, c'est le voir comme Fils ; voir le Fils, c'est voir le Père puisque le Fils est la manifestation de ce qui est en semence dans le Père. Voyez le chemin.

Le Christ est le visible de l'invisible, c'est Paul qu'il le dit : « Il est l'image visible du Dieu invisible (eïkôn tou Theou aoratou) » (Col 1, 15). L'image en question ici n'est pas, comme chez nous, prise au sens dégradé où l'image s'oppose à la réalité des choses, mais c'est au contraire l'image au sens de la visibilité accomplie. Le Christ est la visibilité de l'invisible, comme le Fils est la manifestation du secret du Père, de ce qui est séminalement dans le Père avant d'être visible. Donc c'est bien l'expérience du dévoilement au cœur de chacun qui est en question ici dans l'être même de la christité comme filiation.

2/ Versets 9b-11. L'être-dans.

« Comment dis-tu : Montre-nous le Père?10Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et le Père est en moi ? » “Être dans” chez Jean signifie être. C'est le co-relatif propre, le propre dont nous parlions tout à fait au début.

Le mot dans a une signification double, équivoque : être dans peut signifier ce que je viens de dire ici, c'est-à-dire être en son propre, ou alors signifier être comme en exil ou à l'étranger : « Vous n'êtes pas du monde mais vous êtes dans le monde ». Être dans le monde, ce n'est pas être dans son propre milieu, c'est être dans un milieu impropre, étranger. Donc double usage de l'être dans chez saint Jean. Ce sont de petites indications que je vous donne car c'est important ensuite pour la lecture. Ça ne vaut pas simplement pour le texte que nous sommes en train de lire. Les prépositions, les tout petits mots, sont les mots les plus importants dans ces textes-là parce que c'est aussi ceux sur lesquels on peut se méprendre le plus aisément parce qu'ils ne sont apparemment pas explicites.

Et ensuite, pour illustrer cela : « Les paroles que je dis, je ne les dis pas de moi-même, mais c'est le Père demeurant en moi qui fait ses œuvres. » C'est une phrase étrange où sont jointes les paroles dites et les œuvres faites. Si on déploie cela, on trouve ce qu'on lit ailleurs : « Mes paroles ne sont pas mes paroles, ce sont les paroles du Père » ; « Mes œuvres ne sont pas mes œuvres ce sont les œuvres du Père. » Ici les deux choses sont télescopées.

« 11Croyez que moi je suis dans le Père et que le Père est en moi. »

Un peu plus loin (versets 15-16) intervient la fameuse phrase qui est le leitmotiv de tout l'ensemble des chapitres 14-15-16, le grand discours sur lequel nous avons, en son lieu, en son temps, médité.[2]

 

4) Jn 8, 44. Fils du diabolos et fils du Père.

J'avais pensé, en plus de ce chapitre 14, voir le chapitre 8 parce qu'il y a une sorte de contre-épreuve : la même chose se dit à l'envers, se dit du diabolos. « Vous êtes semence de diabolos (vous avez pour père le diabolos) et vous voulez faire les désirs (epithumias) de votre père » (v. 44) dit-il à ses interlocuteurs, c'est-à-dire que la semence à partir de quoi vous déployez votre activité, c'est le diabolos.

Encore une fois, que ces mots très durs ne vous effraient pas car tout homme est la conjonction dans cette vie de fils du diabolos et de fils du Père. Et quand le Christ dit : « Vous êtes fils du diabolos », il ne dit pas le tout de ses interlocuteurs, mais il s'adresse à eux par rapport à l'acte qu'ils sont en train d'accomplir, puisque la situation de deux éons (des deux mondes) réside en ceci que toujours la ténèbre est là et la lumière est là : la ténèbre est en train de partir et la lumière en train de venir, mais elles sont là simultanément en chacun d'entre nous.

Et le jugement dernier ne sépare pas un individu d'un autre individu, mais le discernement ultime passe à l'intérieur de chacun de nous pour éjecter ce qu'il y a de filiation diabolique et conforter ce qu'il y a de filiation christique en tout homme.

Il y aurait également d'autres textes. J'avais envisagé des choses autour du chapitre 17, la grande prière de Jésus où se manifeste l'unité du Père et du Fils. Mais je veux garder le temps qui reste pour répondre à vos questions car ce serait un peu vain de vouloir être complet ; de toute façon on ne le sera pas, et il est préférable d'essayer de mettre au point des difficultés plutôt que de vouloir être complet.

 

QUESTIONS

► Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Tu as dit : le mot de Fils ne prend sens qu'à partir de la Résurrection, et tu as parlé du moment du Baptême : c'est là qu'on a « Tu es mon Fils. »

J-M M : Ah oui. Ça ne veut pas dire que Jésus n'était pas Fils avant la Résurrection. Il est dévoilé Fils à la Résurrection : « Déterminé Fils de Dieu – donc déterminé à notre regard, manifesté comme Fils – par la Résurrection d'entre les morts » (Rm 1, 4). Ça ne veut pas dire qu'avant il n'était pas Fils et que tout d'un coup il est Fils. Jésus est Fils de Dieu mais de façon non dévoilée avant la Résurrection d'entre les morts. Quand il est dit « Tu es mon Fils bien-aimé. » c'est un dévoilement anticipé.

Il y a deux dévoilements anticipés qui font des échancrures dans la vie de Jésus, c'est-à-dire des ouvertures sur ce qu'il est secrètement mais qu'il soit pleinement manifesté : c'est la manifestation au Baptême, la manifestation de la Transfiguration. Et ultimement c'est la manifestation de la Résurrection. Les Pères de l'Église parlent des épiphanies (mot qui signifie manifestation) sur le fleuve (au Baptême), sur la montagne, et au jardin. Les deux premières sont des manifestations anticipées, c'est pourquoi Jésus dit de se taire, de ne pas en parler.

Et d'autre part il faut que nous apprenions à faire la différence entre la matérialité des choses qui ont été vécues dans ce que relate l'Évangile, et la lecture qu'en font les disciples à la lumière de la Résurrection. Il y a beaucoup de discours du Christ qui sont des déploiements de ce qu'était le Christ et qui n'était pas visible auparavant, mais que les apôtres savent par l'expérience de Résurrection. Ce mode d'écriture est caractéristique de l'évangile.

Par exemple, nous avons mis cela en œuvre quand nous avons voulu lire le Prologue : nous avons commencé par le verset 14 pour comprendre le verset premier. Tout ce qui précède nous conduit au verset 14, mais le verset 14 est ce qui rétrospectivement éclaire ce qui était déjà dit, lui donne sens.

Écrire c'est cela. Je n'ai pas la capacité de dire sans approche l'essentiel, autrement je dirais une phrase et je m'arrêterais, ce serait dit. J'ouvre un chemin pour dire ce vers quoi je vais, mais ce vers quoi je vais, je le sais sourdement de telle sorte que cela éclaire rétrospectivement le chemin. De toute façon je sais qu'il y avait chemin quand je suis arrivé : je sais qu'il y avait chemin et non pas errance. Un chemin a sa valeur de chemin au terme, il est lisible comme chemin au terme. Je peux évidemment dessiner des itinéraires, mais le chemin n'est pas un itinéraire sur carte, le chemin est de marcher le chemin.

► Et le terme de notre chemin, c'est quoi ?

J-M M : C'est toujours un terme relatif, c'est le terme d'une étape du chemin.

► C'est à la fin d'une vie qu'on peut voir comment le Seigneur nous a conduits ?

J-M M : C'est cela, et encore on le voit…

► On peut éventuellement ne plus rien voir du tout !

J-M M : Non, précisément, on voit tout, mais là nous tombons dans les problèmes de la signification de l'eschatologie (les dernières choses), de l'eskhaton, du terme et de la fin des choses. Et nous avons une idée très simpliste de l'eschatologie si nous pensons que c'est l'autre bout du monde. Surtout chez saint Jean, l'eschatologie n'est pas cela.

► L'eschatologie, c'est ce qui se vit maintenant ?

J-M M : Oui… et non. Justement, l'eschaton (eskhaton) a une certaine simultanéité avec maintenant, mais il n'est pas de l'essence du maintenant qui fluctue. Tout ce qui touche au temps est une des choses les plus difficiles, philosophiquement…

► Pour entendre l'Évangile il faut que notre esprit soit configuré de façon nouvelle, donc il faut se convertir. Comment cela se fait-il ?

J-M M : Se convertir est une tâche jamais accomplie, qui est toujours à accomplir.

► Est-ce qui il y a un lien avec naître de plus haut ?

J-M M : Dans la mesure oùje continue à avoir ma première naissance – mais elle n'est pas mon identité profonde – je me convertis à chaque fois que, délaissant un agir qui serait simplement le déploiement de mon natif, j'agis selon la donation de Dieu. Là encore, quand je dis : « j'agis selon la donation de Dieu », j'aborde la question de mon autonomie par rapport à l'accomplissement de mon identité spirituelle. Mais ceci ouvrirait un tout autre chapitre.

Je viens d'entendre que je ne peux développer mon identité spirituelle qu'à la mesure où “le Dieu lui donne le corps selon qu'il l'a voulu” (selon la semence ou selon mon nom). Le problème est : est-ce c'est Dieu qui fait ou est-ce que c'est moi ? C'est une question capitale qui est le rapport de la liberté et de la grâce. Eh bien il faudrait cesser de penser mon rapport à Dieu sur le mode d'un rapport à autrui selon mon expérience native. Dans mon rapport à autrui selon mon expérience native, "c'est ou moi ou toi". Mais dans le champ de l'évangile, le rapport à l'autre est l'attestation du même, c'est-à-dire : "c'est d'autant plus moi que c'est plus Dieu et d'autant plus Dieu que c'est plus moi", ce n'est pas “ou bien… ou bien...” Il y a altérité, mais pas une altérité sur le mode de l'altérité excluante qui est nativement la nôtre ; ce qui demanderait à être médité aussi.

► Je suppose que, dans l'Ancien Testament, la méditation sur les rapports du Père et du Fils n'avait pas été aussi loin dans la mesure où le Fils de Dieu était le peuple juif. Cela ne permettait peut-être pas…

J-M M : Bien sûr, même l'épître aux Hébreux dit cela : « Après avoir autrefois, à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé à nos pères par les prophètes, Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils, qu’il a établi héritier de toutes choses… » (He 1, 1 et 2) c'est-à-dire que ce qui a été dit fragmentairement et de façon variée chez nos Pères, cela se réalise dans le Fils.

► Comme Père, Dieu intervient dans l'Ancien Testament, aussi comme mère mais ce n'est pas la même orientation…

J-M M : Oui, justement le problème du rapport père / mère est un rapport qui n'est pas tellement développé sous cette forme-là. Mais l'aspect maternel de Dieu se déploiera comme Esprit Saint[3].

 

La lecture de saint Jean et saint Paul par des gnostiques valentiniens.

Plus exactement, on trouve cela chez les gnostiques du IIe siècle qui ont médité ces choses-là avec beaucoup de soin. Il y a débat entre eux, mais est-ce vraiment un débat, c'est plutôt plusieurs perspectives, plusieurs points de vue qui sont développés.

Pour eux ce qui précède l'avènement du Fils s'appelle d'abord Abîme et pour certains il a une compagne. (voir le tableau plus loin).

Il faut dire que, dans le déploiement qu'ils font, ils respectent totalement les rapports des noms de Dieu en génération et épousailles : les noms masculins et féminins s'épousent. J'ai expliqué cela ailleurs, c'est fondamental dans les méditations valentiniennes au cours du IIe siècle – elles sont surtout valides au cours du IIe siècle, elles deviendront hérétiques par la suite – et ce sont des indications les plus précieuses pour lire saint Jean.

Justement la compagne de l'Abîme s'appelle Silence ou Grâce :

le Silence c'est ce qui précède la Parole, donc précède l'apparition du Logos ; et le vrai Logos garde le silence en lui, n'exclut pas le silence : le silence et la parole ne sont pas des contraires, la parole authentique est gorgée de son silence propre ;

– la Grâce, Charis (Kharis) : « Plein de grâce et vérité ». Grâce est la compagne du Père, compagne c'est-à-dire l'identité, car l'homme et la femme sont un, mais de cette identité qui suppose le deux, suppose et conforte le deux. C'est la chose que nous allons voir la prochaine fois, ce sera le thème masculin / féminin, thème nuptial.

Or je vous le dis de façon rapide, c'est à l'origine de ce que deviendra la pensée théologique de la Trinité. Elle prendra d'autres voies pour l'exprimer, mais, originellement dans notre Écriture, ce qui est développé c'est le rapport Père / Fils et le rapport Christos / Pneuma. Ce sont donc deux dyades qui font une trinité parce que le Fils et le Christ, c'est le même, mais il est Christos par rapport au Pneuma, c'est-à-dire qu'il est oint de Pneuma et c'est dit dans un rapport nuptial, et il est Fils par rapport au Père.

Il y a une affinité entre les noms féminins :

– la Grâce qui est l'épouse du Père ;
– la Vérité qui est l'épouse du Fils Un (du Monogène) ;
– la Vie qui est l'épouse du Logos (de la Parole) ;
– Ekklêsia qui est l'épouse de Anthropos (l'Homme primordial qui est un des noms de Dieu). « Faisons l'homme à notre image. Mâle et femelle il le fit », saint Paul développe ce point : l'homme à l'image, l'homme accompli c'est le Christ, et l'épouse c'est l'Ekklêsia, l'Ekklêsia étant le Pneuma (l'Esprit) répandu qui collecte la totalité des dispersés.

Vous avez une espèce de table des dénominations que ces gnostiques ont établie dès le second siècle et qui est très précieuse pour entendre les mots essentiels de saint Jean.

 

 

Arbre généalogique dans la Gnose chrétienne

Pour compléter cette lecture : Gnose valentinienne : Lieux fondamentaux, angélologie, chambre nuptiale. Citations d'Extraits de Théodote.



[1] Philosophumena ou Réfutation de toutes les hérésies, attribué à Hippolyte de Rome, la phrase se trouve au livre VI.

[2] J-M Martin fait allusion à la session 2007 : Présence et/ou absence de Dieu.

[3] Rouah (esprit) est féminin en hébreu.

 

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