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La christité
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  • Ce blog contient les conférences et sessions animées par Jean-Marie Martin. Prêtre, théologien et philosophe, il connaît en profondeur les œuvres de saint Jean, de saint Paul et des gnostiques chrétiens du IIe siècle qu’il a passé sa vie à méditer.
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14 juillet 2023

Critique de st Paul vis-à-vis de la loi et nouveauté christique, d'après Rm 7-8

Le thème du chapitre 7 de l'épître aux Romains c'est que la Loi ne sauve pas car elle est évacuée de sa puissance. La Loi comme parole est affaiblie, c'est l'asthénie. L'analyse de Paul s'appuie sur la distinction des deux "je" de Rm 7,15, et sur la distinction de vouloir le bien et le faire, car vouloir et faire dépendent de deux donations, tout en étant reliés entre eux (par une structure que Jean-Marie Martin met en évidence). Faire la Loi est devenu impossible, mais ce qui était impossible, Dieu l'a rendu possible en envoyant son Fils. Ce que dit Paul en Rm 8 précise le rôle de l'Esprit que J-M Martin préfère appeler Pneuma en gardant le terme grec.

Dans les années 1994-1996, Jean-Marie Martin a lu une partie de l'épître aux Romains à Saint-Bernard-de-Montparnasse. Ce qui est mis ici est extrait de ce qu'il a dit en janvier 1996. C'est dans la ligne de ce qu'il disait lorsqu'il était professeur de théologie à l'Institut Catholique de Paris.

Ici figure un survol de quelques versets de Rm 7-8. Pour une lecture suivie et plus d'explications, voir Rm 7, 7-25. La distinction du "je" qui veut et du "je" qui fait. Les différents sens du mot loi chez Paul et Le pneuma d'après saint Paul ; Lecture glosée de Rm 5, 1-5 et Rm 8, 3-30.

En début figure une traduction de Rm 7, 7-23 au plus près du texte grec.

 

Critique de st Paul vis-à-vis de la loi et nouveauté christique,

d'après Rm 7-8

 

  • 7Que dirons-nous ? La loi [est-elle] péché ? Loin de là ! Mais je n'ai pas connu le péché sans la loi. Car je n'eusse point connu la convoitise, si la loi n'avait pas dit : "Tu ne convoiteras pas. 8Le péché, prenant élan par le moyen du précepte, a totalement mis en œuvre en moi la totalité de la convoitise; car en dehors de la loi le péché est mort.
    9Moi je vivais jadis sans loi; survenant le précepte, le péché se mit à vivre, 10et moi je mourus et le précepte [qui était] pour la vie est devenu précepte pour la mort. 11Car le péché prenant élan par le précepte m'a trompé et par lui je mourus. 12En sorte que la loi est sacrée, et le précepte est sacré et juste et bon.13Ce qui est bon s'est-il fait pour moi mort ? Pas du tout ! Mais [c'est] le péché, afin que parut le péché, qui, par le moyen du bon a mis en œuvre en moi la mort, en sorte que le péché par le devienne hyperboliquement pécheur. 14Car nous savons que la loi est [d'essence] spirituelle ; mais moi, je suis charnel, en tant qu'acheté par le péché. 15Car je ne reconnais pas ce que je mets en œuvre : en effet, ce que je veux, je ne le pratique point, et ce que je hais, je le fais (poiein).16Or, si je fais ce que je ne veux pas, je suis en accord [pour dire] que la loi est bonne. 17Mais maintenant ce n'est plus moi qui le met en œuvre, mais [c'est] le péché qui habite en moi. 18Car je sais que n'habite pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair, le bien : car vouloir est à ma portée mais mettre en œuvre le bien, non. 19Car le bien que je veux, je ne fais pas ; et le mal que je ne veux pas, je fais. 20Et si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est pas moi qui mets en œuvre, mais le péché qui habite en moi. 21Car je rencontre la loi pour moi qui veut faire le bien, en sorte que c'est le mal qui m'est loisible. 22Car je consonne à la loi de Dieu, selon l'homme intérieur 23mais je constate dans mes membres une autre loiqui combat contre la loi de mon noûs (mon homme intérieur), et qui me tient en servitude sous la loi du péché qui est dans mes membres. 24Malheureux homme que moi-même ! Qui m'arrachera de ce corps de mort ? 25[ce qui m'en retirera c'est la] grâce de Dieu par Jésus Christ notre Seigneur, [ou bien : Grâce soit rendue à Dieu par le Christ Jésus notre Seigneur].

 

Ce qui ouvre le chapitre 7 de l'épître aux Romains, c'est la question de la Loi : la Loi est-elle péché ? (v. 7). Saint Paul répond que non. Mais si la question se pose, c'est ce que ce qu'il a dit auparavant pouvait le laisser penser. Dans sa réponse, on peut considérer deux moments importants, un moment qui est une relecture de la condition humaine en langage de "je" mais qui est simultanément une exégèse du chapitre 3 de la Genèse : « Moi je vivais jadis sans loi » (v. 9),ce "je" est celui d'Adam de Gn 3. Après cet exposé exégétique – exégèse implicite où on a par exemple le verbe "tromper" de Gn 3 – ce qui intervient c'est une sorte de distinction dans l'homme qui s'exprime en particulier dans la distinction du "je qui veut" et du "je qui fait". Ce qui nous intéresse, c'est comment nous pouvons comprendre cette distinction dans le contexte de Paul. Et cela nous amène à penser que le "je veux" est d'avance accordé à la Loi. En effet, c'est cela qui lui permet de dire qu'il confesse que la Loi est bonne puisqu'il la veut, et que pourtant cela ne lui donne pas de "faire", cela ne donne pas qu'il fasse. C'est donc que la justification par autre chose que la Loi est requise.

Cette distinction entre le vouloir et le faire lui permet à la fois de dire que la Loi est bonne, et que cependant elle ne sauve pas, elle n'est pas ce qui permet à l'homme d'accéder à ce vers quoi il est…

Tout le problème est de bien entendre le double "je" et de penser chez Paul le rapport du vouloir au faire.

 

La question du contenu de la Loi : que garde Paul ?

► Dans la façon dont on parle de la Loi en ce moment, ce qui est en cause c'est le rapport à la Loi plus que le contenu de la Loi.

J-M M : Oui, c'est la Loi comme loi.

► Mais la question du contenu est-elle indifférente ? En effet par rapport au contenu de la Loi, l'attitude de Paul est différente selon certains aspects. Par exemple il finit par dire que la circoncision n'est pas nécessaire, mais il ne remet pas du tout en cause le Décalogue. Donc quand il dit "la Loi", est-ce que ce sont toutes les observances ou est-ce que c'est le Décalogue, ou est-ce que ce sont les observances mais pas le Décalogue ? Personnellement je pense que la question du contenu n'est pas essentielle pour ce qu'il a à dire.

J-M M : Tout à fait.

► La distinction que j'ai énoncée entre ce qui va demeurer, c'est-à-dire le Décalogue, et ce qui va disparaître, par exemple la circoncision, est fondée par l'attitude qu'il a envers la Loi comme loi, mais avec cette conséquence que le Décalogue lui-même changera de statut. C'est-à-dire que d'une certaine manière le commandement « Aimez-vous les uns les autres » sera moins finalement le fait qu'on retrouve la loi, mais c'est ce qui nous est donné.

J-M M : Tout à fait, mais je ne vois pas pourquoi tu éprouves le besoin de faire le détour par une distinction entre différentes sections de la Loi pour dire ce que tu dis à la fin.

► Il y a bien une partie de ce qui était reconnu par les juifs du temps du Christ comme faisant partie de la Loi qu'il laisse tomber, par exemple la circoncision et ce n'est pas rien, mais, par exemple « tu ne tueras pas », Paul ne dit pas : Maintenant, vous savez, tout ça c'est fini.

J-M M : Néanmoins il le laisse tomber comme loi. Je pense qu'il était nécessaire de dire ce que tu dis, mais je ne vois pas la nécessité de faire le détour par une distinction entre différentes sections de la Loi.

Le détour était très important au second siècle. En effet, à l'époque le problème était de mettre en rapport l'Ancien et le Nouveau Testament, naturellement d'une façon autre que l'Évangile ne le fait puisqu'on ne se tenait pas dans le site même de l'Évangile. Et c'est là qu'on faisait des répartitions.

Les répartitions dont tu parles, elles sont trois en général, il y a dans la Loi :

  • ce qui est prophétique
  • ce qui est permanent
  • ce qui est radicalement caduc.

On a ça dans la Lettre de Flora qui est d'ailleurs une lettre gnostique, une lettre de Ptolémée[1], disciple de Valentin comme c'est courant à l'époque. Cela se retrouve chez Tertullien, etc. mais ce n'est pas la problématique de Paul. Sa problématique est plutôt ce dont tu parles à la fin, qui est tout à fait pertinent c'est-à-dire que « tu ne tueras pas » ou bien « aimez-vous les uns les autres » c'est une parole qui, sous la même formulation, parle à partir d'ailleurs et doit s'entendre autrement que la façon dont le judaïsme contemporain de Paul entend cela. Cela ne juge rien de l'intelligence de cette phrase dans l'histoire biblique du monde biblique qui n'est pas du judaïsme contemporain, et cela ne dit rien non plus par rapport au judaïsme post-chrétien, il ne faut pas mélanger tous les problèmes. Il s'agit de quelque chose qui est en situation.

Pour Paul nous ne sommes pas sauvés par la Loi comme nomos (loi) puisque celle-ci est inerte.

Au sein du christianisme il y a des glissements sur de nombreux points. Et ceci du reste n'est pas du tout étonnant, et pas du tout non plus absolument critiquable. En effet il se produit ce phénomène au second siècle que ceux qui gardent le mieux la proximité avec la structure constitutive de la parole du Nouveau Testament en manquent parfois la visée, du fait que ce qui est dit dans le Nouveau Testament est désormais entendu de façon diffuse aussi bien à Alexandrie qu'à Carthage, à Rome, dans une autre répartition. Se fait jour la nécessité de ne pas purement et simplement répéter ce qui est dit dans la structure néotestamentaire. Et c'est pourquoi s'ouvre un processus de pensée où ce sont paradoxalement ceux qui s'écartent le plus de la lettre évangélique qui sont orthodoxes. Ce n'est pas du tout étonnant.

En effet, il faut bien que l'Évangile parle à la culture à laquelle s'adresse, donc qu'il dit ait quelque chose qui gauchisse en fait les structures porteuses de son discours, mais alors ses questionnements ne sont plus les mêmes, et les présupposés d'écoute ne sont plus les mêmes. Mais en même temps, à distance, on peut dire que cette adaptation comporte avec elle une énorme déperdition de sens.

On accuse toujours l'Église de ne pas s'adapter, moi je pense qu'elle s'adapte toujours trop…. Mais "trop", qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu'il est bien nécessaire, en un certain sens qu'elle s'adapte, mais ce faisant elle doit toujours avoir la conscience de ce que son discours ainsi adapté n'égale pas les possibilités de sens de sa source.

► C'est ça. Je crois que sa traduction retentit sur la situation actuelle de façon tout à fait intéressante. Est-ce qu'on peut accepter qu'un discours chrétien adapté à aujourd'hui n'égale pas sa source ? autrement dit, il s'agit de reconnaître qu'il respecte sa source comme plus riche que ce qu'il peut en dire… Or ça, je crois que c'est une perspective méconnue et par les gens qui défendent la tradition, et par les gens qui veulent du moderne et de l'adapté.

J-M M : Tout à fait. Cependant le service de garde qu'on appelle le magistère parfois n'a pas du tout à se substituer pour enseigner, il n'y a qu'un maître pour cela, un didascale. Et si on regarde comment l'Église est figurée dans les représentations de l'art plastique, l'Église c'est une femme – et d'ailleurs la synagogue aussi – une femme qui porte le Livre, et en même temps qui a le geste de l'enseignement, c'est-à-dire qu'elle parle. Autrement dit son discours ne supprime pas le Livre, ce qui veut dire que son discours n'égale pas les possibilités de sens du Livre.

Ce que je dis là est tout à fait conforme à la théologie même la plus classique, la plus romaine. Néanmoins, dans la pratique, il y a toujours eu le risque d'entendre la parole de garde comme une parole qui épuise le sens de la source et qui pourrait la remplacer.

Le catéchisme a été longtemps la vulgarisation de la théologie savante alors que la catéchèse a peut-être tout autre chose à faire qu'à vulgariser la théologie savante. Il est vrai que parfois on a pu s'égarer. Par exemple le Moyen Âge pense qu'Aristote c'est la nature humaine, donc c'est l'universel et que le discours qui est conforme à son questionnement a vocation d'être universel. Mais aujourd'hui, ne serait-ce que parce qu'on est ethnologue même de l'extérieur, on sait bien que ce n'est pas comme ça, que l'universel aristotélicien est finalement le cantonal du monde grec.

J'ai parlé de la présence d'Aristote qui informe notre questionnement en Occident, mais cela va même jusqu'à la technologie et ses instruments qui sont finalement des moyens énormes de propagation d'une certaine structure de pensée. Cependant il y en a peu qui osent regarder la structure de pensée occidentale… elle est tellement convaincante, pense-t-on ! Il y en a peu qui peuvent ou qui osent, ou pensent qu'il faille tenter de se mettre tant soit peu en retrait pour l'apprécier autrement que comme la vérité acquise ou le progrès décisif. Ceci dit, il faut parler de cela avec beaucoup de précaution sous peine de paraître très vite une sorte de nostalgique.

 

● La distinction du vouloir et du faire (le bien) en Rm 7 et la structure semence/fruit.

► J'aimerais que vous reveniez sur la distinction du vouloir et du faire.

J-M M : Paul nous dit que c'est Dieu qui donne le vouloir et le faire, pourquoi cette césure ?

Paul dit en Rm 7 : « Je consonne à la Loi de Dieu, selon l'homme intérieur – ceci se rattache au fait que saint Paul veut montrer que la loi est bonne : pour ce qui est du vouloir, je consonne à la loi, et du coup je montre que je la tiens pour bonne ; mais ici il s'agit de la Loi qui n'est entendue comme loi au sens où elle dirait "tu dois" – mais je constate dans mes membresce ne sont pas des organes, mais des opérations, des manières de faire, ici c'est ce qui est de l'ordre du développement effectif d'une autre semence que celle de l'homme intérieur – une autre loi – quelque chose d'autre me régit» (v. 22-23): à tout homme adamique, il est donné de vouloir le bien, mais que le fait qu'il fasse ce bien, qu'il le mette en œuvre, relève d'autre chose.

Vouloir le bien est donc une donation de Dieu, c'est le mode de présence de Dieu séminal en tout homme qui se trouve indiqué ici. Et dans la question du passage du vouloir au faire, nous sommes dans la structure de semence à fruit, de semence à corps accompli, de thélêma (vouloir) à œuvre – ces structures disent la même chose –, ce sont des mots fondamentaux du vocabulaire paulinien qui jouent dans cette forme de structure.

Quand je parle de la structure de semence à fruit, il ne faut pas se tromper parce qu'il y a à la fois la différence fondamentale entre la semence et le fruit, et néanmoins à un autre niveau de regard, c'est la même chose. En effet, à un niveau aigu du regard, le fruit est dans la semence comme la semence est dans le fruit. Toute cette symbolique n'est pas du tout approximative et c'est une chose prodigieuse à méditer.

 

La structure de semence à corps accompli, Paul en parle en 1 Cor 15 quand on lui pose la question de savoir comment ressusciteront les corps. « Insensé, dit-il, ne sais-tu pas que tu sèmes un grain nu, et le Dieu lui donne le corps selon qu'il l'a voulu. » Ne pas traduire "le corps qu'il veut" au sens de "comme ça lui chante". Pour Paul il y a eu une semence, et cette semence correspond au vouloir de Dieu (à sa volonté) ; "lui donner le corps", cela signifie "lui donner l'accomplissement", ce qui est une nouvelle donation de Dieu.

Il y a donc une double fonction de Dieu : le Dieu qui sème et le Dieu qui fait croître.

Cette distinction-là est profondément johannique puisque nous la trouvons au chapitre 5 de son évangile, et elle se trouve chez Philon d'Alexandrie aussi. D'après Gn 1, la création a lieu en sept jours, mais il y a la différence entre l'œuvre des six jours et l'œuvre du septième jour.

  • L'œuvre des six jours c'est l'œuvre de déposition des semences, œuvre qui s'arrête au septième jour ("Dieu cesse", ou "Dieu se repose", Gn 2, 2).
  • Et d'après Jésus, le septième jour (le jour du sabbat), “Mon Père œuvre jusqu'à maintenant et moi j'œuvre aussi.” (v. 17) ; là il ne s'agit plus de l'œuvre de déposition des semences mais de l'œuvre de croissance des semences jusqu'à l'accomplissement. Le septième jour est une pause, un repos par rapport à l'ensemencement, et néanmoins c'est le moment de la croissance. Pour l'Évangile cette œuvre de croissance est donnée au Fils.

La distinction entre l'œuvre des six jours et l'œuvre du septième jour se trouve aussi chez Philon d'Alexandrie de façon plus claire : il distingue entre l'œuvre créatrice et l'œuvre royale (ou judiciaire), l'œuvre royale étant la croissance.

 

● Que nous apprend Rm 8 sur l'œuvre du Fils (ou de l'Esprit) ?

En Rm 7 Paul analyse pour quelle raison le vouloir est privé de la capacité de mise en œuvre.

Paul dit : « Vouloir est à ma portée mais mettre en œuvre le bien, non » (v. 18). La donation par laquelle je peux accéder au vouloir ne me donne pas encore d'accéder à la mise en œuvre. D'après Paul, c'est le fait d'entendre la Loi comme loi c'est-à-dire comme volonté rivale et non comme parole donnante qui rend ce vouloir effectif mais stérile, privé de la capacité de mise en œuvre.

Paule a dit juste avant : « Je sais que n'habite pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair, le bien » (v. 17). Nous avons ici le verbe "habiter". Ce qui est dit c'est qu'un autre prince ou un autre principe que celui du bien habite en moi…. Mais attention, tout cela n'est intelligible que dans la révélation d'un autre qui habite (ou qui habitera) en moi et qui est "le Pneuma de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts", ce que Paul dit au chapitre suivant : c'est là qu'il est question d'un autre habitant, le Pneuma (l'Esprit).

« 3Ce qui était impossible à la loi - car la chair la vouait à l'impuissance, Dieu [l'a fait] en envoyant son propre Fils dans la similitude d'une chair de péché. […] 9Vous, vous n'êtes pas dans la chair, mais dans le Pneuma, puisque le Pneuma de Dieu habite en vous.[…]  11Et si le Pneuma de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Christ d'entre les morts vivifiera aussi vos corps mortels vos corps spirituels soumis à la mort christique c'est-à-dire à une mort qui est pour la vie – à cause de son Pneuma qui habite en vous » (Rm 8). Si je fais, ce n'est pas moi en tant que dans la chair qui fait, mais c'est le Pneuma de Dieu.

Reconnaître que mes œuvres sont œuvrées en Dieu, c'est dit en saint Jean, au chapitre 3.

L'Évangile est contre le principe même de la loi : l'essentiel n'est pas dans le "tu dois" mais dans l'acte de donner que je puisse faire et que je fasse effectivement. C'est la notion même de grâce, de donation gratuite.

Ce qui est très curieux, c'est que dans le dogme cette doctrine de la grâce est conforme à ce que dit Paul. Malheureusement la pratique pastorale a été la proclamation de la loi et de la loi sous la menace de sanctions, la loi au sens où nous la vivons – loi / infraction / sanction – donc dans la gestion de la peur.

 

► Pour en revenir au texte de Paul est-ce que ça veut dire que le "je qui ne fait pas" le bien devient "celui qui le fait" ?

J-M M : Oui et non. C'est là qu'il faut bien comprendre. Dans le texte de Rm 7, le "je qui ne fait pas" est selon la chair, et par principe, la chair ne peut pas faire le bien. Mais ce que Paul développe en Rm 8, c'est que le "je qui le fait" est pneumatique. Il faut voir que tout le début du chapitre 8 est sur la distinction de la chair et du pneuma. C'est donc le Pneuma qui fait : il éveille et rend accompli le "je qui veut" (le bien)…

 

► À la limite on pourrait entendre qu'il s'agit de deux parties qui sont en combat en moi… et que le Pneuma intervient. Je caricature !

J-M M : Justement, en un sens ce n'est pas du tout ça. On est loin d'être au clair ! En un sens, quand c'est le "je qui veut", c'est justement pas moi, c'est le Pneuma de Dieu ; et quand c'est le "je qui ne fait pas", c'est justement pas moi, mais c'est le péché, c'est-à-dire le serpent qui agit en moi.

Il y a, en chaque homme, semence de diabolos et, du moins je crois qu'on peut l'escompter, semence de christité. Ces deux semences sont en nous. Il y a en chacun ces deux semences, donc deux mondes dont l'un est appelé à expulser l'autre ; mais nous sommes dans le temps où ces deux mondes coexistent. Saint Jean le dit explicitement « Je vous écris une disposition nouvelle qui est vraie, en lui et en vous, à savoir que la ténèbre est en train de passer et que la lumière véridique déjà luit » (1 Jn 2, 8) c'est-à-dire que nous sommes dans un constant débat : les deux "je" dont parle saint Paul ne composent pas.

Le combat est entre le prince de la vie et le prince de la mort. Ce combat a eu lieu et le prince de la mort a été jeté dehors, l'exclusion a été exclue, la mort est morte. La victoire est acquise dans son principe et cependant toute la vie continue à être un combat. En effet cette situation-là est celle de toute l'histoire humaine, elle n'a pas eu lieu un beau jour à partir duquel tout commencerait, c'est le chiffre de chaque instant. Et c'est pour cela qu'indirectement cela parle de moi quand je dis : « Jésus est mort et ressuscité ».

Les questions les plus urgentes dans la foi, on a l'air de les dire dans un langage de "il" : il est arrivé quelque chose à quelqu'un un jour. Mais le "il" de « il est mort et ressuscité » est plus intime à moi-même que les "je" que je prononce toute la journée.

Saint Paul, mosaïque



[1] Ptolémée, chef de l’école valentinienne d’Italie, écrivit à une certaine Flora, qui cherchait à se renseigner auprès de lui sur la vérité de la foi. Le problème de Flora, c’est la signification de la loi juive pour la religion chrétienne. On peut la trouver dans la traduction de Gilles Quispel, Sources chrétiennes 24 bis.

 

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