Adam et l'humanité nouvelle, 1ère moitié du ch. 2 du cours de J-M Martin sur le Mystère du Christ à l'ICP en1969-70
Lors de son cours à l'Institut Catholique de Paris en 1969-70, Jean-Marie Martin avait décrit au chapitre 1 l'eucharistie comme attitude, comme schème du comportement du chrétien ; dans le chapitre 2 il cherche ce que les premiers chrétiens ont dit, c'est-à-dire les thèmes à travers lesquels ils ont pris conscience d'eux-mêmes, de manière réfléchie et explicite. Cette réflexion s'est étalée sur plusieurs séances. Voici la première moitié qui correspond aux parties 1 et 2, le message suivant donne les deux autres parties[1].
Pour mener cette réflexion J-M Martin se base sur des textes de saint Paul (ici surtout 1 Cor 15 et Ph 2) et demande à ses étudiants de laisser de côté leurs manières habituelles de penser pour entrer dans la structure même de ce que disaient saint Paul et les premiers chrétiens.
PLAN du chapitre 2
I – Le Christ ressuscité
II – Le Christ nouvel Adam
III – Le mustêrion (message suivant)
IV – Mustêrion et mystères (message suivant)
- Lien vers le chapitre 1 : L'homme eucharistique, ch. 1 du cours de J-M Martin sur le Mystère du Christ.
- Lien vers la 2ème moitié du chapitre 2 : Adam et l'humanité nouvelle, 2ème moitié du ch. 2 du cours de J-M Martin sur le Mystère du Christ à l'ICP
- Lien vers le chapitre 3 : Image et ressemblance, ch. 3 du cours de J-M Martin sur le Mystère du Christ à l'ICP .
- Fichier pdf pour lire, télécharger, imprimer le chapitre 2 en entier : 69_70_Christ_Ressuscite__nouvel_Adam.
Nous avons décrit l'eucharistie comme attitude, comme schème du comportement du chrétien. Nous cherchons maintenant ce que le chrétien dit, c'est-à-dire les thèmes à travers lesquels il prend conscience de soi, de manière réfléchie et explicite. Remarquez bien que cette distinction que nous proposons ici entre une schématique déjà vue et une thématique à voir est approximative, car dans ce que nous avons étudié de la schématique, nous avons trouvé nécessairement des amorces de réflexions, des amorces de thèmes, tant il est vrai qu'il n'y a pas de vie humaine sans une certaine conscience ; et à rebours, nous verrons que la thématique n'est intelligible que si on la replace dans cette lumière ou dans cette schématique que nous avons dégagée dès l'abord.
Donc désormais des thèmes. Parmi ces thèmes, le titre du chapitre que nous abordons maintenant indique le premier : Adam et l'humanité nouvelle.
La considération de l'homme nouveau en Jésus-Christ nous replongera dans la théologie initiale, nous permettra de revoir les premières formulations de la foi. En tant que parlant de Jésus-Christ, elle dit quelque chose sur l'homme. Et nous ajoutons que ce thème d'adamologie, nous l'étudierons dans la littérature paulinienne.
L'étude de ce chapitre constituera le début d'un processus réflexif qui ne trouvera son achèvement que dans la considération de l'Église comme réalisation de l'humanité. Cet aspect ecclésiologique de l'adamologie est remis à un chapitre ultérieur. Il n'empêche que dans le mur de notre première étude de ce chapitre, nous laisserons un certain nombre de pierres d'attente pour la construction à venir.
L'ensemble de notre étude sera distribué en articles successifs (ce sont les 4 parties), dont chacun sera agrémenté d'un titre, formera un tout, mais dont l'ensemble tendra à mettre en évidence l'articulation de la pensée paulinienne. Donc là encore nous énonçons un certain nombre de thèmes successifs dont chacun est un peu un tout d'une certaine manière, mais peut être considéré d'un autre point de vue comme la partie de ce grand thème général qu'est l'adamologie, ou "le Christ nouvel Adam (ou nouvel homme)".
I – Le Christ ressuscité
Nous avons dit l'an dernier en christologie, et c'est une chose bien connue, que la résurrection du Christ est l'élément essentiel du kérygme, c'est-à-dire de l'annonce du christianisme : « Le Christ est ressuscité ».
Nous signalons que cela reste vrai dans la distribution de l'année liturgique par exemple, où Pâques est encore la plus grande fête. Et pourtant dans la spéculation théologique, si vous cherchiez la place qu'occupe la résurrection dans la Somme théologique de saint Thomas d'Aquin, vous verriez au contraire qu'elle extrêmement secondaire, minime : cette idée n'a pas commandé l'articulation du traité de théologie. Cela nous permet de faire une distinction entre la vie liturgique d'une part et la vie théologique d'autre part. Mais nous ne vous permettons pas à partir de là de juger négativement la Somme théologique de Saint Thomas d'Aquin parce qu'il importe bien de voir que, si le thème explicite de la résurrection n'y est pas central, une certaine équivalence, ou une certaine traduction en fonction des problèmes de son époque est bien centrale. De même, nous aurons à dire que si nous dégageons ici le thème de la résurrection comme centrale dans le kérygme primitif, il va sans dire que prononcer le mot "résurrection" n'est pas non plus le commencement de la catéchèse.
Donc nous disons que la résurrection du Christ est l'élément essentiel du kérygme ou de l'annonce du christianisme originel. Pour illustrer cette affirmation, nous pourrions recourir à l'étude des premiers discours apostoliques qui sont rapportés dans les Actes des apôtres par exemple, et vous verriez comment cette annonce est en effet tout à fait initiale.
Pour nous, nous allons centrer toute cette étude sur 1 Cor 15. Dans cette partie et dans la suivante, nous aurons ce chapitre de saint Paul comme point de repère.
« 1Je vous fais connaître, frères, l'Évangile que je vous ai annoncé et que vous avez reçu, dans lequel vous êtes établis fermement 2et par lequel vous êtes saufs…. 3Car je vous ai transmis en premier ce que j'ai moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures, 4 qu'il a été enseveli et qu'il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures, 5 et qu'il s'est donné à voir à Képhas, puis aux douze, 6 nsuite il s'est donné à voir à plus de 500 frères en une seule fois, parmi lesquels la plupart vivent encore maintenant, certains cependant sont morts ; 7Ensuite il s'est donné à voir à Jacques et à tous les apôtres ; 8et au dernier de tous comme à un avorton, il s'est donné à voir à moi aussi.».
Cette annonce, dans le texte que nous venons de lire, est reprise dans ce que vous avez reconnu, supposons-nous, comme l'embryon de notre Symbole de la foi (Credo). Vous avez sûrement reconnu les formulations tout à fait centrales et originelles de ce que deviendront les différents Symboles dans l'histoire de la symbolique de l'Église : « Il est mort pour nos péchés selon l'Écriture, a été enseveli, est ressuscité le troisième jour selon les Écritures. » Voilà un résumé extrêmement fondamental.
Ce symbole de la foi, Paul l'a reçu : « ce que j'ai moi-même reçu » et il le transmet : « j'ai transmis (parédoken) ». Nous vous signalons que le substantif correspondant à ce verbe est paradosis qui signifie "tradition" dans son sens fort : transmission. Paul dit même qu'il a transmis cela en premier (en protoïs) mais il est vrai que cette expression peut être traduite de deux façons différentes : soit "en premier lieu", c'est-à-dire comme la chose essentielle, soit "dans ma première rencontre avec vous", ce qui donnerait à ce mot moins de signification dans le sens de ce que nous cherchons, mais peu importe.
Or ce qui intéresse Paul dans ce symbole, et ce qu'il veut mettre en lumière pour autant que nous puissions le conjecturer d'après le contexte du chapitre dont nous allons prendre connaissance ensuite, c'est ceci : « Il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures ». Ici nous faisons appel au contexte car c'est la résurrection qu'il a en vue dans tout ce chapitre.
À propos du "selon les Écritures" nous rappellerons rapidement que l'attestation de la résurrection se fait selon trois schèmes principaux et inégalement importants :
- la référence à l'Écriture – c'est le cas ici ;
- le témoignage de la rencontre ;
- enfin le thème du tombeau vide dont on s'accorde à reconnaître qu'il est plus tardif.
Ce qui va nous intéresser ici, c'est très précisément cette expérience de rencontre. En effet, aussitôt après l'énoncé de cet embryon de Symbole, Paul développe une liste des apparitions du Christ ressuscité. Le mot qui revient à plusieurs reprises dans cette énumération, c'est le mot ôphthê (il fut vu, il apparut) : Céphas, les Douze, les 500 frères, Jacques… enfin – et c'est cela qui donnera pour nous valeur de témoignage à ce texte –, saint Paul provoque à sa propre expérience du Christ ressuscité.
Nous avons donc ici dans ce texte une sorte de croisement entre une chose reçue – saint Paul l'a reçue et il la transmet – et une chose expérimentée.
Il faudrait être très attentif à la notion d'expérience, pour elle-même d'abord, puis à la notion d'expérience apostolique avec sa signification pour l'Église et pour nous. Mais dans ce cas présent, nous ne pensons pas qu'il faille traiter séparément de la nature de l'expérience et de son contenu. C'est donc une expérience singulière et nous ne pouvons d'une certaine manière conjecturer la nature de cette expérience, et donc le sens qu'il convient que nous accordions au mot "expérience" dans ce cas, sans saisir ce qui est expérimenté.
Qu'est-ce donc que cette résurrection dont Paul a l'expérience ?
Pour acheminer notre esprit à la réponse à cette question, nous procéderons négativement en énumérant et en refusant successivement un certain nombre d'imaginations sommaires par lesquelles nous serions tentés de répondre.
1/ D'abord pour le christianisme primitif, la résurrection du Christ n'est pas un miracle entre autres. Il est bon de se reporter ici à la comparaison, toujours heureuse et utile, de la résurrection de Lazare et de la résurrection du Christ. Lazare vit d'une vie cosmique, il meurt, puis il est rendu à la vie cosmique avec la nécessité de mourir à nouveau, alors que, la résurrection du Christ est une trans-formation dans une vie autre que cosmique. Nous appelons "cosmique" ici ce qui est soumis aux conditions notamment spatio-temporelles de notre expérience, de notre vie de maintenant. Or le Christ ne meurt plus, il n'est plus soumis aux conditions spatio-temporelles qui caractérisent ce que nous appelons couramment la vie humaine. Donc vous voyez bien cette première réflexion déjà assez importante selon laquelle la résurrection n'est pas bien sûr l'anecdote d'une réanimation au sens biologique du terme, ni même philosophiquement, une résurrection pour le retour à la vie cosmique, mais cette résurrection est le passage à un type de vie autre que celui dont nous avons expérience.
C'était là, négativement, une des imaginations sommaire que nous voulions refuser.
2/ En voici une autre. La résurrection n'est pas une anecdote, elle n'est pas un fait nu. En effet son appréhension n'est pas à concevoir comme une rencontre d'entre nos rencontres, mais elle est au sens fort une "révélation", c'est-à-dire un dé-voilement donné dans une expérience spirituelle, difficile à définir quant à sa nature sans doute, souvent décrite comme une vision, comme une apparition. Mais là encore il faudra bien voir quelle est la fonction symbolique de l'énoncé sensoriel – soit sensoriel grossier, soit sensoriel psychique – par lequel les témoins de la résurrection rendent compte de leur expérience spirituelle.
La réflexion que nous venons de faire ne vise pas du tout à déréaliser ou à dés-historiciser la résurrection du Christ. Nous disons simplement positivement que ni la résurrection de Lazare, ni à plus forte raison une réanimation quelconque, ne peuvent donner le contenu positif de cette expérience de la résurrection.
Notre propos ici, tout positif, ne se situe pas au plan de l'hypothèse ou de la doctrine moderniste parue au début du XXe siècle, selon laquelle il fallait radicalement distinguer le Jésus de l'histoire et le Jésus ressuscité, ce dernier étant réduit à être le Jésus de la foi vivant dans le cœur de ses disciples. Vous voyez très bien cette problématique. Il n'y a pas ici de moyen terme entre deux solutions : ou bien c'est vrai, c'est de l'histoire, ou bien c'est du psychologique et donc du subjectif. D'une part : Jésus de l'histoire – d'autre part : la résurrection appartient au pur domaine du subjectif. Ce n'est pas ce que nous avons dit, bien que tout ne soit pas complètement faux dans cette recherche maladroite du début de siècle, il faut bien s'entendre. Et nous pensons que cette tentation est suffisamment vieillie, révolue, pour nous permettre de reprendre le problème avec sérénité, c'est-à-dire chercher comment la résurrection du Christ n'est pas un simple fait de l'histoire, mais qu'elle ne se réduit pas pour autant à une persuasion subjective individuelle.
C'est là que se situe notre notion d'expérience, et d'expérience apostolique. Nous savons bien que, pour avancer, nous délimitons des choses que nous refusons mais sans dire trop positivement quoi. Mais nous prétendons que c'est là qu'il faut chercher, et nous prétendons délimiter une voie. Autant il nous paraît absolument insuffisant et être l'évacuation du christianisme que de réduire la résurrection du Christ à être une condition subjective de la foi individuelle des chrétiens, autant il nous paraît, non pas difficile mais insuffisant - théologiquement insuffisant -, de réduire ce qui est visé par les premiers chrétiens par le terme de "résurrection" à un fait historique. Nous disons que ce n'est pas seulement un fait historique, non pas parce que cela nous paraîtrait être trop, mais parce que cela nous paraît fortement insuffisant : la résurrection est beaucoup plus qu'un fait historique.
Voilà des choses situées, nous allons cheminer encore et sans doute préciser cela.
Dans la liste des apparitions, saint Paul provoque à sa propre expérience de la résurrection du Christ : « 8et au dernier de tous, comme à un avorton, il parût à moi aussi. » Et il provoque à cette apparition comme à la source de son apostolat. Cela est une question très complexe dans notre exégèse de l'Écriture canonique : ici son apostolat est pensé et justifié en fonction de cette rencontre du Christ ressuscité dont il est appelé à témoigner. Nous avons donc ici l'emploi de la notion de témoignage entendu au sens fort : il est témoin parce qu'il a vu le Christ ressuscité.
« 9En effet je suis le plus petit des apôtres, [moi] qui ne suis pas digne d'être appelé apôtre, parce que j'ai persécuté l'Ekklesia de Dieu ; 10 par la grâce de Dieu je suis ce que je suis » : par ce don de la rencontre du Christ ressuscité, je suis envoyé, apôtre.
Cette remarque est intéressante pour caractériser les lignes constitutives de l'expérience chrétienne originelle dans laquelle une expérience est donnée à certains pour d'autres. Nous retrouvons ici l'intention collective de cette expérience.
Bien sûr, vous savez, et Paul le dit lui-même, qu'il n'a pas connu le Christ selon la chair, c'est-à-dire qu'il n'a pas participé à ce "vivre avec" des apôtres. Mais il provoque à une connaissance personnelle du Christ ressuscité. Et d'ailleurs saint Paul provoquera à cette expérience ailleurs, mais dans d'autres langages, par exemple dans le langage apocalyptique, lorsqu'il parle de ces paroles secrètes (arcana verba) qu'il lui fut donné d'entendre au troisième ciel[2]. Provocation à une expérience, mais exprimé ici dans un langage apocalyptique puisque le terme de "secret" d'une part et le terme de "troisième ciel" d'autre part sont caractéristiques du vocabulaire de l'apocalyptique.
Nous ne nous appesantirons donc jamais assez sur des textes comme celui-ci car le contact de Paul avec la révélation est pour nous la source, le fondement de notre foi et de tous les développements de notre foi, y compris la théologie.
3/ Autre correctif à apporter à l'imagination spontanée que provoque chez nous le mot "résurrection". La résurrection n'est pas un fait individuel, nous voulons dire qu'elle ne concerne pas uniquement la singularité de Jésus. Ce qui se dévoile dans l'expérience dont nous parlions tout à l'heure, c'est le secret de Dieu sur l'humanité. Cela ne concerne pas simplement la personne singulière de Jésus ; ce qui est perçu dans cette expérience, c'est quelque chose qui regarde l'humanité. Et vous voyez comment, partant de cette expérience fondamentale, nous allons nous acheminer vers notre projet d'anthropologie.
On pourrait dire : ce qui paraît, ce qui est expérimenté, c'est le secret de l'homme. C'est ce qui sera exprimé en particulier par le terme to mustêrion qui fera l'objet d'une des parties de ce chapitre au même titre que celle-ci. C'est un terme qui nous est très cher. Nous évitons cependant de dire "le mystère" à cause de la post-histoire de ce mot qui a pris des sens qui n'ont pratiquement rien à voir avec ce qui est visé ici. C'est pourquoi nous gardons de façon technique ce terme de mustêrion.
Et voyez-vous, la chose importante à mettre en évidence ici, c'est : ce qu'il y a de spécifique et d'originel dans la révélation du christianisme consiste moins à nous dire des choses sur Dieu qu'à nous montrer en Jésus-Christ ce qu'est l'homme, à nous faire voir en Jésus ressuscité comment Dieu voit l'homme.
Nous verrons ce point développé dès le chapitre 15 qui nous sert de base ici. Nous verrons que saint Paul n'a provoqué à cette résurrection du Christ qu'en fonction d'une question posée sur les hommes. Avant d'étudier plus avant cette question disons simplement pour l'instant que la résurrection du Christ fait apparaître un nouveau statut de l'humanité.
Une petite note – c'est un raffinement, mais prenez-le comme tel. Nous disons que dans cette expérience apparaît ce statut de l'homme. Autrement dit, nous ne nous bornons pas à prétendre que saint Paul aurait tiré du fait de la résurrection une conséquence anthropologie de la résurrection. Le contenu d'une expérience spirituelle n'est pas une proposition d'où l'on tirerait par raisonnement d'autres propositions. Cela aussi peut négativement nous aider à comprendre ce que nous appelons expérience spirituelle : cela ne tient pas dans une formule, dans la formule « Jésus est ressuscité » d'où nous tirerions « donc nous ressusciterons ». La résurrection du Christ, c'est la vue de la résurrection de l'humanité "dans la résurrection du Christ", et non pas "à partir de la résurrection du Christ", ce qui serait comme conséquence. C'est à ce titre-là et avec cette ampleur que la résurrection du Christ est l'expérience initiale du christianisme. Quand les chrétiens emploient le mot "résurrection", ils veulent dire cela. Le mot résurrection englobe cette visée globale de l'un dans l'autre.
Ce que nous disons là pourrait vous faire quelques difficultés à la mesure où apparemment saint Paul, dans ce chapitre, argumente dialectiquement. Dans l'ordre de l'exposition, nous avons en effet affaire ici à une sorte d'argumentation qui, positivement, a l'avantage de situer le contexte dans lequel le problème de la résurrection est posé :
« 12Si l'on proclame le Christ parce que (ce qui est que) il est ressuscité des morts, comment certains d'entre vous disent-ils qu'il n'y a pas de résurrection des morts ? – Il s'agit de la résurrection des hommes : c'est pour répondre à cette question que saint Paul poursuit – 13S'il n'y a pas de résurrection des morts ; le Christ non plus n'est pas ressuscité. 14Et si le Christ n'est pas ressuscité notre annonce est vide et votre foi est vide. 15Nous nous trouvons être de faux témoins de Dieu puisque nous avons témoigné à propos de Dieu qu'il a ressuscité le Christ alors qu'il ne l'a pas ressuscité, si donc les morts ne ressuscitent pas. 16En effet si les morts ne ressuscitent pas, le Christ n'est pas ressuscité... » (1 Cor 15)
L'argument de de Paul c'est donc de dire que « s'il n'y a pas de résurrection du Christ nous somme de faux témoins. Or le Christ est ressuscité, donc il y a résurrection des morts. » Nous avons bien ici une certaine forme d'argumentation, mais elle se trouve seulement dans l'ordre de l'exposition. En effet, dès l'instant que la parole s'exprime, elle devient discursive et dialectique. Mais nous prétendons que nous avons là, en discours, la traduction d'une intuition, ou plutôt d'une expérience originelle qui en soi ne comporte pas cette dialectique.
Nous aurons encore une autre imagination sommaire à dissoudre, et nous nous acheminons toujours ainsi à essayer de réaliser ce que peut être cette résurrection du Christ pour l'apôtre qui en témoigne.
4/ Voici une autre raison de nous méfier des résonances spontanées du terme de résurrection chez nous. Chez nous, souvent, le mot de résurrection n'évoque pas comme dans saint Paul la totalité de la destinée ou du sens de l'homme. En effet à la suite d'une longue histoire qui culmine peut-être chez Descartes, nous avons l'habitude de distinguer le corps et l'âme, et nous avons plus ou moins cette persuasion que l'âme est de toute manière immortelle, et que ce qui est important, c'est ce qui la concerne, et que la résurrection du corps n'étant qu'une sorte d'ajout qui peut en effet venir mais qui, dans nos préoccupations, prend une place très secondaire.
Il n'en va pas du tout ainsi dans notre texte, parce que cette façon d'entendre la distinction corps-âme n'appartient pas à la structure mentale de nos auteurs. La résurrection de l'homme désigne la totalité du destin.
Il ne faut sans doute pas s'appesantir très longtemps sur cette réflexion parce que, une fois dite, elle va de soi, mais c'est encore une des raisons pour lesquelles les textes originels, pris dans leur nudité ou dans leur traduction littérale, ne peuvent être parlants à n'importe quelle mentalité. Il est donc très important, pour nous ici en état de réflexion ou de recherche du sens originel, de bien reformer le concept de résurrection en fonction de la problématique originelle, mais il est important aussi de penser que, lorsque nous prononçons le mot "résurrection", il n'évoque pas du tout cela chez notre interlocuteur.
Vous voyez comment finalement le terme de résurrection se trouve élargi à partir de nos deux dernières réflexions, en intensité et en ampleur. En intensité en ce sens que cela ne concerne pas seulement le corps mais l'homme dans sa totalité, et en ampleur en ce sens que cela ne concerne pas seulement un individu mais l'humanité dans son ensemble. Voilà ce qui est évoqué par le mot "résurrection" lorsqu'il est employé dans nos sources.
Si la résurrection du Christ joue un rôle central dans le christianisme, c'est qu'en elle est contenue la résurrection des hommes. Et cela nous pouvons le résumer dans un terme provisoirement vague, en disant qu'il existe une relation "singulière" entre la résurrection du Christ et la résurrection des hommes. Nous ne voulons pas dire simplement une "singulière relation", mais, au sens originel du terme, un "rapport unique". Le Christ n'est pas intégralement à penser par rapport à un autre homme comme autre et autre. Il y a une relation entre le Christ et les autres qui n'est pas du type des relations que nous connaissons, une relation qui est unique, singulière, et qui est très fortement perçue par la première pensée chrétienne, que nous allons progressivement essayer de comprendre, ce qui nous conduira jusqu'à une certaine intelligence de l'expression selon laquelle le Christ est la tête de l'humanité qui est son corps. Mais là nous serons en pleine ecclésiologie.
Pour l'instant nous en sommes à ce point de considérer que pour Paul, dès le début de sa prédication – vous savez que 1 Cor remonte très loin dans le temps, peut-être vers les années 50, et qu'elle fait ici appel à une prédication antérieure de Paul à l'église de Corinthe, donc nous sommes vraiment dans les tous débuts du christianisme – il est dit qu'il existe une relation entre la résurrection du Christ et la résurrection de tous. Nous allons donc tenter ici désormais de saisir quelque chose de cette relation singulière.
Nous voulons prendre une précaution parce que le détour que nous allons prendre risque de vous paraître superflu à la mesure où vous imaginez peut être très bien savoir quels sont les rapports du Christ et de l'humanité. Vous avez appris : il a mérité le salut pour les hommes. Bien sûr. Mais ce que nous cherchons, c'est justement à éviter ces schèmes tardifs, ces schèmes théologisés qui courent vaguement dans notre esprit, pour nous remettra à neuf devant cette situation telle qu'elle est perçue pour la première pensée chrétienne. Quel est le rôle singulier, la place du Christ par rapport à l'humanité ? C'est ce que nous allons chercher en évitant d'imposer au texte des questions préjudicielles : est-il un exemple ? Est-il une cause ? Est-il une cause méritoire ? Etc.. Toutes ces questions ne sont pas suffisantes pour nous faire percevoir le nœud qui est perçu originellement entre le Christ et humanité. Et c'est cela que nous cherchons.
Nous allons procéder de manière très progressive et modeste. Déjà, à partir des données de ce même chapitre 1 Cor 15, nous pouvons rechercher comment s'exprime cette relation singulière.
Par exemple les versets 20-29 nous donnent déjà un certain nombre d'indications, à condition que nous les fouillions attentivement. Nous allons en donner une traduction sommaire. Ensuite nous étudierons les termes qui nous paraissent susceptibles d'éclairer la question que nous avons posée.
« 20Mais maintenant le Christ est ressuscité des morts, prémice de ceux qui se sont endormis (qui sont morts) 21Puisque par un homme [Adam], la mort, et par un homme [le Christ] la résurrection des morts – cela nous acheminera plus tard dans notre thème d'adamologie – 22Car de même que tous meurent en Adam, ainsi de même dans le Christ tous seront vivifiés. 23Mais chacun à son propre rang ; en prémice le Christ et ensuite ceux du Christ, tous, lors de sa parousie (son avènement), 24ensuite la fin lorsqu'il restituera le royaume au Dieu et Père, quand il aura détruit toute principauté, toute puissance, toute force – les différentes puissances qui régissent le monde-. 25Car il faut que lui règne jusqu'à ce qu'il place tous les ennemis sous ses pieds. – citation du psaume 110 - 26Dernier ennemi réfuté, la mort ; 27en effet il a subordonné la totalité sous ses pieds(panta hypotaxen upo tous podas autou) – citation du psaume 8 -. Quand il dit que la totalité a été subordonnée, il est évident que c'est mis à part (à l'exclusion de) celui qui se subordonne la totalité – c'est le Père -. 28Quand donc la totalité lui sera subordonnée, alors lui-même le Fils sera subordonné à celui qui lui a subordonné la totalité, afin que Dieu soit tout (complètement) en tous. »
Voilà ce passage capital dans la christologie et l'anthropologie primitives. Nous n'oublions pas notre question qui est de savoir quel lien il y a entre ce qui advient ainsi au Christ lorsqu'on annonce sa résurrection et le destin de l'humanité. C'est notre question, la question de la relation singulière entre le Christ et les hommes.
– Nous allons en fait détecter d'abord dans ce texte quelques expressions qui tendent à résoudre le problème mais de façon très sommaire et fort insuffisante.
– Nous verrons ensuite la notion de "prémice" : le rapport de la prémice à la masse.
– Enfin nous verrons le terme de "subordination" : « il a subordonné toutes choses… » La subordination de l'humanité au Christ. Ce dernier point sera d'ailleurs pour nous, bien que le mot en soi ne l'indique pas maintenant – mais nous allons voir le contenu – une occasion de voir des choses extrêmement importantes de la toute première christologie, et par ailleurs, cela nous conduira progressivement à la conception de la seigneurie du Christ, de son rôle de tête par rapport à l'humanité.
a) Donc en premier lieu, en partant du plus vague, notons quelques expressions qui tendent à marquer cette relation singulière entre le Christ et les hommes.
D'abord l'emploi de certaines prépositions :
– dia et le génitif : "par", "par le moyen de" : « par un homme la résurrection » (v. 21)
– en : "dans" : « en lui » (v. 22). Quand saint Paul dit « dans le Christ » c'est quelque chose qui pose constamment problème. Pour nous c'est difficile à comprendre, surtout à la mesure où le sujet en quoi tout est, c'est la personne individuelle. Qu'est-ce que cela veut dire : être dans le Christ ? C'est donc une aperception qui est ici simplement énoncée et que nous allons progressivement remplir par d'autres indications plus précises.
– Une autre façon, vague également, de marquer cette relation singulière c'est l'emploi du génitif de possession. On a ici une très belle expression : « ceux du Christ », littéralement « les du Christ (hoï tou Christou) ».
b) En plus de ces quelques indications sommaires, nous allons considérer quelques termes plus précis.
1/ D'abord le terme aparkhê (prémice). Dans le texte que nous avons lu, ce mot est employé deux fois, versets 20 et 23 probablement :
– au verset 20, c'est très clair : « prémice de ceux qui se sont endormis », donc de ceux qui sont morts.
– au verset 23 c'est moins certain et nous allons vous dire pourquoi. Nous avons traduit « prémice le Christ, ensuite ceux du Christ », et c'est vrai si on lit aparkhê en un seul mot, mais un certain nombre de manuscrits disent ap arkhêformé de arkhê (commencement, principe) et de la préposition ap, autrement dit le mot prémice ne serait pas repris ici. Mais il nous suffit qu'il soit énoncé une fois : de toute façon, l'antériorité est marquée.
Cependant, n'allez pas chercher dans le dictionnaire Larousse ce que signifie le mot "prémice". Il faut justement essayer de restituer ce qui est impliqué par Paul dans cette notion de prémice qui nous sera d'un grand secours sans doute pour marquer précisément ce rapport entre le Christ et l'humanité. Seulement ce terme de "prémice" fait pour nous difficulté par rapport à notre conception courante.
– Le mot de prémice comporte un sens chronologique, et cela ne nous est pas familier. Le Christ est le premier des ressuscités, le premier d'une série : d'abord le Christ, ensuite les autres.
– Mais nous soupçonnons déjà que ce mot marque non seulement une priorité dans le temps, mais aussi une influence, ce que nous appellerons une primauté, marquant par là que le premier joue un certain rôle par rapport à la série. Ce sens sera plus clairement dégagé, et avec plus de certitude encore, lorsque nous étudierons le second terme, celui de "subordination". Mais dès maintenant, nous voulons marquer qu'en mentalité ancienne – et cela est radical –, le début des choses n'est pas seulement ordinal, mais généralement considéré comme qualifié, c'est-à-dire comme ayant une certaine vigueur propre par rapport au reste, et cela est reconnu, à leur plan, par les historiens des religions. Vous liriez, dans Mircea Eliade par exemple, des considérations sur « en ce temps-là », le temps des commencements, considérations qui ne sont pas à dédaigner sur ce point.
Ces deux aspects – nous l'indiquons simplement car c'est un point que nous reverrons plus en détail – ces deux aspects de priorité chronologique et de primauté (d'influence, d'activité sur l'ensemble) correspondent aux deux sens constamment relevés dans les littératures anciennes du mot arkhê, mot que nous reverrons abondamment. Vous savez que le premier mot de la Bible c'est "en arkhê"que nous traduisons en général par "au commencement". Seulement cette traduction n'est pas satisfaisante, il y a peut-être beaucoup plus dans le mot lui-même. En effet vous savez que arkheïn c'est commander : les archontes, ce sont les princes.
Il nous faudra donc tenter de réaliser en nous cette idée simultanée d'antériorité et d'influence, c'est-à-dire d'antériorité qualifiée et pas simplement ordinale. On pourrait faire toute une christologie à partir de ce terme qui est un des noms du Christ dans la littérature chrétienne originelle : il est Arkhê, il est Principe.
– En outre ce mot aparkhê conserve, supposons-nous, dans le contexte, quelque chose de son sens rituel. Dans le grec classique, "prémice" comporte en effet un sens rituel : ce sont les prémices offertes aux dieux. La traduction de la Septante, – qui est la traduction grecque de la Bible faite quelques siècles avant notre ère – emploie ce même terme pour désigner également les prémices offertes, par exemple en Nb 18, 12 où Dieu s'adresse aux Lévites : «Toutes prémices (aparkhê) d'huile, toutes prémices de vin et de pain, toutes prémices qu'ils auront offertes au Seigneur, je vous les donne.»
Il y a donc un certain rapport entre les premiers fruits (les prémices) et la masse (le reste, tout l'ensemble). L'influence bienfaisante sur tout le reste (la récolte de l'année) de l'offrande, de la consécration des prémices est intelligible – devient même pour nous d'une certaine manière intelligible – si l'on comprend qu'il y a une relation singulière et une sorte d'influence entre le commencement et ce qui suit, entre les prémices et la masse de la récolte : la bénédiction du commencement retombe en bénédiction sur la masse.
Nous pensons qu'il y a là une conformation de structure mentale qui est liée d'ailleurs à la notion de principe. Et nous verrons que, lorsque Paul dira explicitement – ici ce sont encore des soupçons – que le Christ est arkhê par rapport à l'ensemble, il y a quelque chose de ce genre qui est très nettement envisagé par lui.
Par exemple en Rm 11, 16 Paul emploie encore le terme aparkhê dans un sens également rituel, mais la problématique du contexte est différente. L'idée est que le Christ ou le reste d'Israël – c'est-à-dire Israël réduit dans le Christ – devient prémice pour la masse des gentils (des nations). C'est là la problématique caractéristique de l'épître aux Romains – les rapports du judaïsme et de la gentilité –, mais ce n'est pas l'application qui nous intéresse pour l'instant.
Nous avons donc considéré cette question des prémices. Nous vous rappelons que ce que nous avons dit n'est pas absolument éclairant, d'autant plus que pour éclairer le rapport singulier du Christ aux hommes, nous avons fait appel à une autre notion qui ne nous est pas familière, la notion de prémice. Nous avons suggéré là une tentative d'analyse que nous allons reprendre sous d'autres termes et sous d'autres formes. Et l'ensemble de ces recherches pourra peut-être parvenir à nous faire apercevoir cette relation singulière dont nous cherchons la nature.
2/ Pour préciser cette relation singulière, nous rappelons que nous avons d'abord relevé un certain nombre d'expressions, de prépositions… puis étudié plus particulièrement le terme de "prémice" qui appartient à notre texte. Nous en venons maintenant au mot le plus important, le terme de hupotaxis dont le substantif hupotagma ne se trouve pas dans le texte : hupo (sous) et tagma (ordre), donc hupotagma c'est la subordination.
D'après Paul, entre le Christ et tous il y a un ordre qui fait que chacun a son rang propre : « chacun à son propre rang » (v. 23). Cette idée s'exprime d'une part dans un contexte de puissance ou de royauté : « quand il rendra le royaume au Dieu et Père », et d'autre part elle s'exprime avec références exégétiques, c'est-à-dire par recours aux psaumes 110 et 8 (v.7).
Nous ne voulons pas rappeler cette année – nous l'avons fait abondamment l'an dernier – comment le psaume 110 est un lieu majeur de la première christologie[3]. Il s'agit du psaume « Le Seigneur a dit à mon Seigneur (Dixit Dominus Domino meo) ».
Nous sommes ici dans les toutes premières articulations de la foi. Une des premières certitudes de la foi, c'est l'affirmation de la mort et de la résurrection : « Il est mort, il vit ». Mais "il vit", cela veut dire qu'il s'est rendu maître (ou seigneur) de la mort. Et comme être seigneur ou régner, c'est la même chose : « Il vit et règne ».
Et cela est très intéressant du point de vue de la structure originelle du christianisme, à la mesure où nous avons, pour la même chose : la provocation à un fait – la résurrection –, et un intitulé (un nom) – le nom de Kurios (Seigneur).
Nous avons étudié attentivement l'an dernier cette structure originelle qui exprime la même réalité par le fait et par l'intitulé, nous ne revenons pas sur le détail de cela. Nous disons simplement ici que la structure de la première persuasion de la foi s'exprime à la fois comme profession d'un titre de Jésus et comme reconnaissance d'un fait. Le titre de Kurios (Seigneur) n'a pas de sens sans la visée de la résurrection, mais la résurrection ne signifie absolument rien si elle n'est pas perçue précisément comme constituant Jésus Kurios (Jésus Seigneur).
Entre parenthèses, vous voyez bien quel est le sens profond et très riche de certaines formules que nous risquons d'avaler hâtivement : « par Jésus-Christ, ton Fils, notre Seigneur, qui vit et règne avec toi en l'unité… » Là il y a l'énoncé de la foi. Il faudrait voir tout le détail de ces titres[4] : Jésus, Fils (ce qui est bien autre chose que ce que nous imaginons), Seigneur, vit, règne…
Dieu donne au Christ ce titre de Seigneur : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : assieds-toi à ma droite » (Ps 110). D'ailleurs cette notion d'être assis à la droite est également une expression symbolique et un des articles de tout premier Credo, c'est resté d'ailleurs dans notre Credo d'aujourd'hui. Nous vous signalons par exemple que la notion de descente aux enfers et de session à la droite du Père sont d'origine judéo-chrétienne et appartiennent au tout premier Credo ; la réflexion plus hellénisée s'est exprimée de préférence dans la notion de mort et de résurrection. Il y a là un certain nombre d'équivalences.
Ceci est une petite digression à propos du Psaume 110 qui est introduite explicitement par notre texte.
Ce qui est cité de ce Psaume dans notre contexte, c'est un autre verset, celui-ci : « jusqu'à ce qu'il place tes ennemis sous tes pieds », c'est-à-dire jusqu'à ce que le Christ manifeste sa seigneurie (sa maîtrise, sa royauté) en l'emportant sur ses ennemis.
Quelles sont ses ennemis ? Vous auriez du mal à l'identifier aujourd'hui ; ils appartiennent aussi à une considération qui ne nous est pas familière. Ce sont les principautés, les puissances, c'est-à-dire – disons de façon simple – ces conditions qui règnent sur notre monde de façon provisoire. Et parmi ces conditions – le mot est très faible – il faut marquer surtout la mort, la mortalité : il n'y a pas d'homme qui évite cette maîtrise qu'a la mort, pas d'homme sinon Jésus. Et c'est là le sens de la résurrection. Nous verrons comment, par lui, les hommes que nous sommes avons maîtrise sur la mort. C'est là une des articulations fondamentales du christianisme originel.
Cette maîtrise sur les ennemis est appelée justement "subordination", un mot employé par le Psaume 110 : « jusqu'à ce qu'il subordonne toutes choses ».
Cependant la subordination comporte non seulement ce sens négatif de destruction des ennemis, mais aussi un autre sens, positif, que l'on traduirait mal par le terme de soumission – soumission des hommes au Christ – mais disons d'hupotaxis de l'humanité par rapport au Christ, comme dans le contexte. Nous verrons cette soumission de l'humanité en Christ explicitement dans la pensée de Paul. Mais ce qui est en question dans notre texte, c'est une autre étape, à savoir la soumission du Christ à son Père, c'est-à-dire la restitution du royaume à son Père.
Nous vous avouons préférer le terme de "subordination" au terme de "soumission", bien que "subordination" présente quelques difficultés. Dans la suite en effet, une hérésie, au IIe et IIIe siècle surtout, s'est manifestée en des tendances qui ont voulu marquer l'inégalité de la deuxième Personne par rapport à la première, ce qui est contraire aux principes élémentaires du concile de Nicée. Ces tendances sont habituellement caractérisées comme "subordinationistes", c'est-à-dire dans le sens de la marque d'une inégalité entre la deuxième personne et la première. Mais ce terme de subordination, nous l'employons dans le contexte du Nouveau Testament, donc en nous défaisant de la problématique des siècles ultérieurs, et en considérant strictement le terme de Paul. Cela ne nous gêne pas du tout de garder le terme de "subordination du Christ à son Père", étant donc bien entendu que nous ne l'entendons pas au sens subordinatiste qui se réfère à une problématique ultérieure.
Nous avons lu : « Le dernier ennemi pour le royaume du Christ, c'est la mort » (v. 26) et cela sera repris à la fin de notre chapitre 15, c'est la citation d'Isaïe : « 54Lorsque ce corruptible revêtira l'incorruptibilité, quand ce mortel revêtira l'immortalité, alors adviendra la parole qui a été écrite : “La mort a été absorbée par la victoire”. 55Où est, ô mort, ta victoire ? Où est, ô mort, ton aiguillon ? »
Nous voyons ici la mort d'une certaine façon évoquée comme une personne, personnifiée. La personnification de ces réalités que nous appelions tout à l'heure "les conditions qui affectent l'homme" – c'est-à-dire au fond l'expression des principes comme s'ils étaient des princes – est une des caractéristiques du langage apocalyptique.
Pour aujourd'hui nous avons laissé nos propres préoccupations et nous sommes en train de nous situer à l'intérieur de la mentalité de Paul. Nous prenons acte ici de ce langage qui est un langage de type apocalyptique.
Ceci se retrouve dans toute la littérature chrétienne originelle :
- les lieux sacrés qui sont traversés : la descente et la remontée à travers ces lieux ;
- le combat, l'ennemi personnifié, la victoire.
C'est une chose très étonnante du christianisme de l'histoire, ce fait que les premiers chrétiens n'ont pas éprouvé le besoin de filmer les anecdotes du Christ, et pas même de les exprimer en langage de reporters : ils les expriment à travers un langage apocalyptique. Voilà une donnée caractéristique.
Nous aurions pu à la rigueur traiter le fait de la résurrection comme un fait de l'histoire et nous en tenir là. Cependant nous ne le cherchons pas du tout. Bien que le christianisme soit foncièrement historique, le premier langage chrétien n'est pas un langage uniquement historique (au sens de ce que nous appelons "historique"). Ce qui intéresse nos auteurs, ce n'est pas le fait, c'est le sens. Or le sens celui qui est exprimé par le langage apocalyptique.
a) Nous avons relevé incidemment ce fait que la résurrection du Christ s'exprime dans un langage que nous pouvons qualifier de symbolique. Nous avons remarqué en effet qu'intervenait une sorte de personnification de la mort par exemple, et par suite la présentation des rapports entre le Christ et la mort dans les termes d'un conflit, d'une lutte armée. Nous avons remarqué par ailleurs que tout ceci se passait dans des lieux que nous appellerons "des lieux sacrés" qui sont traversés dans une descente puis dans une remontée – autant d'images. Tout ce langage spatial est un langage qui relève d'un certain imaginaire, et d'un imaginaire que nous savons identifier puisqu'il se réfère au langage apocalyptique.
Et il est remarquable que la réalité, même historique, de la passion et de la résurrection s'exprime non pas dans un langage proprement historique mais dans un langage apocalyptique : non pas d'abord dans un pur langage de fait ou d'histoire au sens moderne du terme, mais dans un langage symbolique apte justement à faire percevoir les dimensions ou les significations de ce que seraient ces simples faits historiques.
Nous avons vu aussi que le fait de la résurrection était affirmé dans une articulation :
- la reconnaissance de la seigneurie – Jésus est seigneur, il a le titre de seigneur ;
- et dans le témoignage d'une rencontre, d'une expérience : Jésus est vivant.
Nous avons vu que tout cela se référait à ce que l'on peut appeler un fait, le fait de la résurrection, mais ce qui est important, c'est de bien percevoir qu'à la base de ce langage nous n'avons ni un concept nu – le concept de seigneurie –, ni un fait nu – le fait de la résurrection. Le concept de seigneurie allude au fait, et la profession de la résurrection n'est pas un constat, un simple constat de fait mais c'est déjà une interprétation une lecture (une intelligence) du fait dans la reconnaissance de la seigneurie. Donc ne jamais séparer le fait et le sens.
b) D'autre part, toujours dans cette réflexion sur le langage, nous verrons que la symbolique spatiale et la symbolique temporelle se recouvrent. Nous expliquons.
Symbolique spatiale. Nous avons parlé de l'hypotaxe (la sub-ordination) : dessus/dessous, c'est un langage d'espace – Le haut / le bas, descendre / monter, tous ces termes sont vraiment des termes fondamentaux de notre langage chrétien qui ressortissent à une symbolique de l'espace –. Le Christ a été relevé (ou exalté), il est au-dessus de tout : hyper (au-dessus).
Nous verrons d'ailleurs plus tard que cela confère quelque chose à l'intelligence de la notion de tête, quand nous parlerons de la tête de son corps qui est l'Ekklêsia. Il y aura une part de symbologie spatiale dans cette notion de képhalê (tête), à la mesure où nous la voyons déjà là préformée d'une certaine manière dans la notion de "au-dessus (hyper) de tout". Nous le verrons partiellement car il y aura autre chose à dire est à voir d'ici là.
Symbolique temporelle. Ce qui est intéressant, c'est de remarquer qu'il y a là une équivalence avec ce que nous avons trouvé également en langage temporel. En effet nous avons vu que le Christ était commencement ou prémice, qu'il était avant toutes choses. Là nous sommes dans un langage de temps. Nous avons dit cependant que ce langage temporel devait être bien entendu car en fait il ne s'agit pas simplement d'une antériorité purement chronologique – ce que nous avons appelé une "priorité" – mais aussi d'une "primauté".
Et il est très intéressant de remarquer que cette primauté implique une certaine idée de supériorité, et que par suite, nous avons une sorte de recoupement entre les deux imageries :
- dans la ligne horizontale du temps nous considérons ce qui est premier ;
- dans la ligne verticale de l'espace nous considérons ce qui est au-dessus ;
et puisqu'il y a une certaine équivalence entre l'être au-dessus et l'être premier, il y a une équivalence entre la symbolique temporelle et la symbolique spatiale dans l'expression du mystère du Christ.
Vous voyez sans doute ce que nous sommes en train de faire, c'est d'essayer de vous dégager d'une certaine conception naïve du commencement ou du ciel : du commencement dans l'ordre du temps ; du ciel dans l'ordre de l'espace. Nous avons à situer le Christ, mais à bien voir que ces expressions spatio-temporelles constituent un langage allusif – et même, au sens fort, un langage symbolique – qui porte plus loin qu'ils n'ont l'air et qui supportent autre chose que nos concepts spontanés d'espace et de temps.
Nous vous avouerons que nous avons dit cela bien avant d'en comprendre ce que nous en comprenons aujourd'hui. La structure symbolique du langage chrétien est une considération très fructueuse d'emblée, qui permet de resituer des choses, mais qu'il faut encore approfondir. C'est là une première donnée que vous recevez. Nous pensons qu'on peut aller très loin et très fructueusement dans cette direction.
● Résumé.
Voilà terminée, par cette note sur le langage, la première partie de ce chapitre. Vous voyez comment elle fut constituée :
– Nous sommes partis de la résurrection du Christ comme donnée fondamentale, comme donnée originelle de l'annonce chrétienne. En essayant de saisir ce que cette notion de résurrection évoquait, nous avons notamment remarqué qu'elle était appréhendée par une expérience spirituelle qui est dévoilement de choses cachées, qui est donc "révélation", terme fondamental dans le langage du christianisme.
– Nous avons remarqué aussi que cette révélation n'était pas une proposition nous renseignant à propos simplement de l'individu Jésus, mais que le contenu de ce dévoilement concernait toute l'humanité : en Jésus paraissait un certain sens de l'homme. Ce sens de l'homme, nous avons encore à le préciser dans la seconde partie où nous ferons la comparaison entre Adam et le Christ, mais nous n'en sommes pas là pour l'instant.
– Ensuite nous avons commencé à rechercher ce lien, ce rapport singulier qui existe entre le Christ et tous (pantes). Ce lien, nous l'avons sommairement cherché à travers quelques expressions, mais plus particulièrement dans l'étude de deux notions, la notion de "prémice" et la notion d'hypotaxe (de subordination).
Tout cela nous prépare à la deuxième partie. Nous verrons en effet comment cette relation singulière s'exprime dans le thème qui fait le titre de notre chapitre, dans le thème de la comparaison du Christ avec Adam.
II – Le Christ, nouvel Adam
Qu'avec le Christ apparaisse un renouvellement de la condition de l'homme, cela est une idée absolument fondamentale et également initiale dans la pensée de saint Paul. Voyez la dimension de cette réflexion.
Si saint Paul avait voulu signifier que le Christ est le fondateur d'une nouvelle religion, il aurait pu dire : le Christ est un nouveau Moïse. Or il ne dit pas que "le Christ est un nouveau Moïse", mais il dit que "le Christ est un nouvel Adam". Ce n'est donc pas dans la zone de la structure religieuse que le christianisme apporte fondamentalement quelque chose, mais c'est le fond même de l'humanité qui est renouvelé par lui.
Nous tenons absolument à mettre en évidence cette notion précisément pour cette raison-là. Les ecclésiologies récentes se sont volontiers constituées – vous le savez et nous aurons en parler abondamment – autour de la notion de "peuple de Dieu", et notamment en référence à la constitution du peuple de Dieu dans le désert après l'Exode. C'est vrai et cela fut très important. Cependant une telle considération n'est pas la considération absolument première. Ce qui est renouvelé dans le Christ, ce n'est pas simplement le peuple comme tel, mais l'homme dans ce qu'il a de plus radical.
Remarquez que notre considération est encore provisoire parce que la notion originelle de "peuple" signifie tout autre chose que ce que nous pouvons penser sur le schème de notre notion de société par exemple. Pour les Anciens il n'y a pas d'anthropologie sans sociologie – pourrions-nous dire, quoi que le mot ne soit pas très bon pour ce qui nous concerne ici –, en effet la considération du peuple a une visée et une profondeur proprement anthropologiques. Nous verrons que la notion de "corps du Christ" – qui pour nous s'arc-boute sur cette étude d'adamologie paulinienne – et la notion de "peuple de Dieu" finalement se recouvrent. Nous disons bien "finalement". Mais il est intéressant, pour nous ici au départ, d'articuler l'anthropologie et aussi l'ecclésiologie au langage le plus fondamental qui est précisément le langage d'adamologie, c'est-à-dire ce par quoi le Christ concerne la zone de l'homme en tant qu'il est Adam, en tant qu'il est homme, dans la zone de son être homme profond.
Les textes de base pour cet article se trouvent aussi dans 1 Cor 15. Aussi bien c'est dans la suite de notre question sur la relation singulière qui existe entre le Christ et les hommes que nous verrons que les Anciens avaient une certaine conception de la relation singulière, unique, d'Adam par rapport au reste de l'humanité, d'un premier par rapport à la suite, de prémice par rapport à la masse, et que c'est sur le même schème que le rapport du Christ et de l'humanité sera compris. Donc nous ne perdons pas notre question initiale. Nous la trouvons seulement ici reformée dans le langage de d'adamologie.
1/ Le premier texte est une comparaison entre Adam et le Christ, qui est déjà indiquée aux versets 21 et 23 de 1 Cor 15 que nous avons déjà lus : « par un homme la mort – à savoir Adam par qui la mort fut introduite dans le monde – et par un homme la résurrection – le Christ –. Car de même que tous meurent en Adam, tous seront vivifiés dans le Christ. »
Pour illustrer plus attentivement ce texte, il faudrait recourir en particulier à Rm 5, 14 sq. C'est le passage classique sur ce sujet, un développement plus long que les deux petites phrases que nous avons relevées ici. Là Adam est appelé "le tupos (l'image) de celui qui devait venir".
Dans cette première série de textes (1 Cor 15 illustré par Rm 5) la comparaison entre Adam et le Christ est faite entre le péché qui introduit la mort d'une part, et la justification qui restitue la vie d'autre part.
2/ Dans notre second texte qui se trouve toujours dans 1 Cor 15, mais cette fois versets 44-49, nous rencontrons une autre perspective. La comparaison est faite entre Adam et le Christ, mais non pas en référence à Gn 3 c'est-à-dire au chapitre du péché originel (si l'on veut) mais par référence à Gn 2, c'est-à-dire au chapitre qui raconte la création d'Adam. Et la distinction est prise non plus du point de vue du péché, mais du point de vue de la condition du premier Adam (celui de Gn 2) qui est issu de la terre alors que le second (celui de Gn 1), le Christ, vient du ciel [les mots "premier Adam" et "second Adam" se réfèrent à l'ordre d'apparition]. Antithèse donc également, toujours dans l'adamologie, mais non pas axée cette fois sur l'épisode du péché en tant qu'introduisant la mortalité, mais appuyée sur le récit de la création marquant l'opposition entre l'origine terrestre du premier Adam et l'origine céleste du second qui est le Christ.
Avant de voir ce texte en détail, nous voudrions déjà faire quelques petites réflexions sur ce simple fait.
Première réflexion. L'idée de corruptibilité – être corruptible (phtartos) : c'est une des expériences fondamentales de l'homme, le sens de sa finitude qui s'exprime dans ce terme – cette idée de corruptibilité est tirée de la seconde série de textes de saint Paul que nous allons voir, du caractère terrestre et matériel d'Adam. Celle de mortalité est tirée du fait du péché d'Adam dans la première série de textes que nous avons vus, et non pas de sa formation. Or nous ne pensons pas qu'il nous faille constituer un système qui mettrait en accord artificiellement ces points de vue, par exemple en distinguant l'incorruptibilité et la mortalité. Ce que nous relevons ici est méthodologiquement l'indice d'une certaine attitude de nos auteurs par rapport à l'Ancien Testament. Nous expliquons.
Ils ne lisent pas dans la Bible une histoire, une historiette anecdotique conséquente. Et surtout, ils ne constituent pas ce que nous avons appelé ailleurs cet ensemble anecdotico-logique que nous connaissons bien :
Anecdote : Dieu décide de créer.
Or il crée une liberté. Une liberté implique une possibilité de choix, et cela c'est de la logique.
Anecdote : l'homme pèche.
Or le péché implique la mort : cela, c'est de la logique.
Anecdote : Dieu décide de sauver…
Vous connaissez bien cette petite historiette conséquente, conséquent à l'anecdotico-logique, cette chaîne mal partie qui récite le sens de l'homme !
Lorsqu'ils considèrent l'Ancien Testament, nos auteurs ne lisent pas ainsi. Ils décèlent un enseignement, un sens dans des lieux, dans des temps privilégiés, dans des systèmes symboliques de méditation, de réflexion. Or nous avons ici deux topoï, deux lieux différents qui recouvrent à peu près la même réflexion.
Est-ce que vous apercevez un peu l'importance méthodologique de cela, notamment par rapport à – nous ne disons pas par rapport à un sens authentique de l'histoire du salut, mais par rapport à une conception trop fréquente et fort grossière de cette histoire du salut.
Seconde réflexion. Nous allons essayer, vous le prévoyez, de penser le rapport du Christ à l'humanité sur le schème des rapports d'Adam à l'humanité. Mais ça risque de ne pas être tellement fructueux, d'abord par ce que le rapport d'Adam à l'humanité nous le pensons, nous, à un plan ordinal (l'un et les multiples), alors qu'en mentalité ancienne, comme nous l'avons dit, cela suppose une qualification. Et il nous est difficile de restituer cette mentalité. Mais justement, c'est en fait notre expérience d'être dans le Christ qui, rétrospectivement, peut éclairer pour nous cette consanguinité au sens fort avec Adam.
Et cela est occasion aussi d'une réflexion méthodologique générale importante. En effet c'est toujours le haut qui éclaire le bas : c'est le Christ qui éclaire Adam et non pas le contraire. Et il en allait ainsi également pour Paul. Autrement dit, c'est parce que Paul a vécu l'expérience du Christ ressuscité, découvrant la situation de l'humanité par rapport au Christ –, c'est pour cette raison qu'il ressaisit, comme ombre de cette lumière, la situation adamique de l'homme. C'est parce qu'un certain sens de la rédemption a été vécu, a été expérimenté, que la notion de péché originel a pu prendre un sens.
N'allez pas croire qu'il faut commencer par susciter chez quelqu'un le sentiment d'un manque ou d'un péché originel pour le pousser à appeler ensuite un éventuel salut. C'est la rencontre du salut qui fait mesurer rétrospectivement la profondeur du manque, la profondeur de la carence. Et c'est ainsi que la doctrine du péché originel, de la situation pécheresse de l'humanité en Adam n'a de sens qu'en fonction de la grâce et de la vie restituées à l'humanité en Jésus-Christ.
C'est là notre seconde remarque méthodologique.
Nous allons maintenant revenir au texte qui a provoqué ces remarques : 1 Cor 15, 44-49.
« 42Ainsi en est-il de la résurrection des morts… 44il est semé corps psychique, il ressuscite corps pneumatique. S'il est un corps psychique, il est aussi un pneumatique. 45C'est ainsi qu'il est écrit : le premier homme, Adam, – le premier à paraître et non pas véritablement le premier – fut pour [être] psyché vivante, le dernier Adam pour [être] Pneuma vivificateur (esprit donnant la vie). 46Pas d'abord le pneumatique mais le psychique, ensuite le pneumatique. 47Le premier homme [est tiré] de la terre, boueux (choïkos), le second homme [venu] du ciel. 48Ainsi le boueux, de même aussi les boueux ; ainsi le céleste, de même aussi les célestes ; 49et de même que nous avons porté l'image du boueux, nous porterons aussi l'image du céleste. »
Dans le texte que nous venons de lire, le rapport entre les deux Adam est exprimé à travers une série d'antithèses :
– Première antithèse. Le premier est psyché et le second est pneuma.
– Deuxième antithèse :
- le terme de psyché est emprunté à la Genèse : « il fut fait psyché vivante » (Gn 2)
- et le terme de pneuma appliqué au Christ est constant dans la première littérature chrétienne.
– Troisième antithèse :
- Le premier est psyché vivante (zôsa) c'est-à-dire recevant la vie, et ceci est tiré également du texte de Genèse
- par antithèse le pneuma est zôopoioun (vivificateur, actif), ce qui va très bien avec la notion de pneuma : il donne la vie.
– Quatrième antithèse :
- Le premier est tiré de la terre (ek gês)
- le second vient du ciel (ex ouranou)
psyché vivant de la terre boueux
-------- ------------ ------------ ---------
pneuma vivificateur du ciel céleste
Vous apercevez déjà ici l'opposition entre un certain statut de l'humanité, qui est au fond l'humanité empirique mais lue par le juif Paul dans le lieu de réflexion anthropologique et le début de la Genèse, et un autre type d'humanité qui, lui, est apparu en Jésus-Christ. Donc nous avons une sorte de comparaison entre deux statuts ou deux types d'humanité.
Nous remarquons cette notation d'un Christ céleste. Nous verrons plus tard, notamment dans les épîtres de la captivité, chez Paul[5], le sens également d'une Ekklêsia céleste (qui n'a rien à voir avec ce que nous appelons l'Église du ciel). Donc ici pour l'instant, il est question de "L'homme céleste", étant indiqué par ailleurs que les célestes sont comme "Le céleste", c'est dire que les hommes peuvent être célestes.
* *
Cette idée d'homme céleste, de même que la distinction entre deux Adam est un lieu classique de l'anthropologie juive. Dans Philon d'Alexandrie, un auteur juif hellénisé qui s'exprime en grec et avait un souci de contact avec la culture grecque, contemporains de Paul, nous trouvons un développement considérable sur cette question des deux Adam, notamment dans son ouvrage intitulé Les allégories des lois.
Notez bien que nous ne prétendons pas du tout que Paul ait emprunté à Philon ou Philon à Paul, nous ne prétendons pas du tout que le sens soit exactement le même chez l'un et chez l'autre, on trouverait en effet un certain nombre de différences d'emploi ou de signification. Mais nous voulons dire qu'il y a là un trait courant, un trait commun de la réflexion juive contemporaine de Paul, et que Paul assume cette réflexion pour exprimer sa christologie.
Chez Philon d'Alexandrie, l'opposition est faite entre :
- l'anthropos (l'homme) dont il est question en Gn 1 lorsque Dieu dit « Faisons l'homme à notre image », et celui-là est l'homme spirituel, l'homme céleste : il l'appellera toujours "l'homme à l'image" ou "l'homme selon l'image" ;
- et l'Adam de Gn 2 qui est dans son langage "l'Adam modelé".
– Le premier est frappé à l'image, le second est modelé comme par un artisan.
– De même le premier est comme fils, le second est comme un produit fait avec les mains.
Parenthèse. Lorsqu'aujourd'hui nous trouvons des choses qui ne coïncident pas parfaitement entre deux récits, nous nous hâtons de dire qu'il y a des documents différents, et nous référons cela à des sources diverses. Et finalement vous savez comment, de la littérature mosaïque, on a fait véritablement une "mosaïque" de documents ! Nous n'avons rien contre cela, mais il faut bien voir que ça n'a aucun sens pour nos auteurs. Chez nos auteurs, lorsqu'il y a un décalage quelconque, il faut en chercher le sens. Ils prennent la lettre, le livre, d'une certaine manière, et cette double notation sur Adam signifie deux visées sur l'homme. C'est ce qu'ils peuvent exprimer en disant qu'il y a deux types d'homme ou deux hommes. Fin de parenthèse.
L'homme céleste dont il est question chez Paul a une certaine similitude avec l'homme à l'image dans la doctrine de Philon d'Alexandrie où l'on trouve la même opposition entre céleste et terrestre. De même chez Philon d'Alexandrie, l'incorruptibilité est mise sur le compte de la constitution matérielle, terrestre, de l'Adam de Gn 2.
Parenthèse. Tout cela peut vous paraître très étrange. Mais si l'on voulait faire un tableau récapitulatif des positions de la première réflexion juive ou judéo-chrétienne, ou chrétienne, sur Adam, on aurait :
– à un extrême, cette idée qu'Adam est finalement le Verbe : il est l'Homme. Il y aurait alors cette idée ébionite – les Ébionites étant une secte judéo-chrétienne selon laquelle l'homme apparaît dans les différents prophètes, puis finalement en Jésus-Christ – cette idée d'une apparition constante, du moins périodique, d'Adam, de l'homme. Le Démiurge, c'est-à-dire le fabricateur de l'univers, a été très souvent lu sous les traits d'Adam. Vous savez en effet que Adam donne le nom aux animaux (Gn 2, 19-20), or donner le nom, c'est faire l'être intime de quelqu'un. Et il y a toute une littérature sur Adam créateur, donc qui n'a rien à voir avec ce que nous appellerions un homme.
– et à l'extrême opposé, nous trouverions l'idée d'un Adam purement déchu, d'un Adam qui ne peut plus recevoir de salut. Cela se trouve en particulier chez Tatien, un disciple de Justin de la deuxième moitié du IIe siècle. Les hérésiologues, c'est-à-dire les gens qui, au IIe et IIIe siècles, aiment bien collectionner les listes d'erreur, rappellent toujours cette idée de Tatien : Adam n'est pas capable de salut.
Au fond, on va du Verbe à ce que nous appellerions aujourd'hui les démons, c'est-à-dire l'incapacité radicale de salut.
Ce qu'il faut bien voir, c'est que, par rapport à ce qu'évoque la notion d'homme, il y a des visées, des jets de regard plus ou moins longs. Nous ne sommes pas ici dans un monde dans lequel on part d'une définition logique fait par genres et différence spécifique. Bientôt l'homme, l'anthropos, sera un animal raisonnable, –c'est la définition classique de l'homme qui en fait un être animé, donc un vivant, ce qui est une donnée générique dans laquelle il se spécifie, dans laquelle il se distingue des autres par la précision qu'il est "logikos" c'est-à-dire à la fois doué d'intellect et de parole – c'est le double sens du mot logos. Pour nous, pour qu'il y ait homme, il faut que ces deux données soient rigoureusement vérifiées, chacune à leur plan. Par exemple, ce qu'un naturaliste appelle l'homme, il peut le dire de façon très rigoureuse en comparant l'homme et l'animal et en distinguant un certain nombre de caractéristiques. Mais nous restons toujours dans le domaine de la zoologie.
Or, chez nos auteurs, la notion d'homme se réfère bien plus, comme toujours d'ailleurs, à une visée intérieure, à ce point que l'homme essentiel n'a rien à voir avec le corps, ce qui fait dire à certains : regardez ces angélistes… Et l'on rappelle Platon : le corps est un tombeau, une geôle etc. Mais non ! C'est un autre regard, ce n'est pas le même problème : nos auteurs ne cherchent pas à définir essentiellement l'homme. Lorsqu'ils disent homme (anthropos) ou lorsqu'ils disent intellect (noûs)… ils disent la même chose, et ils visent un certain regard, une certaine façon d'être. Donc pas de simplisme dans ces choses-là.
Cela est très important d'ailleurs au point de vue de la christologie. Dans la christologie originelle, on n'envisage pas que le Christ soit "Dieu + un animal logique" (Dieu + homme) – ce "plus" est d'ailleurs lui-même une dégradation du dogme de Chalcédoine en un peu plus subtil –, mais on a le sens de la parution du profond de l'homme en celui qui était de toujours homme, l'anthropos dans le grand sens. C'est pour cela qu'ils lisent très facilement le Christ partout dans Gn 1 : il est logos (parole), anthropos (homme), il a tous ces noms, il a tous ces titres. Alors évidemment la visée qui correspond à ces mots est tout à fait autre que celle de notre définition, de notre détermination logique à propos d'un concept.
Fin de parenthèse.
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Jusqu'ici nous avons fait référence à une réflexion de type de celle de Philon d'Alexandrie sur l'homme céleste, mais il faut dire que l'idée d'un homme céleste est courante à l'époque dans la mystique hellénistique, celle par exemple qui se retrouve dans l'hermétisme avec Hermès, donc toute une littérature d'époque et elle est peut-être de source iranienne.
Noter que la notion de Fils de l'homme qui se trouve en particulier en Daniel 7 et qui est reprise dans les évangiles, le Christ étant lui-même le Fils de l'homme, ce Fils de l'homme qui descend, qui paraît sur les nuées – ce Fils de l'homme qui donc préexiste et qui descend du ciel –, cette notion se réfère à un substrat de pensée assez semblable à celui que nous évoquons.
Notez bien que fils de l'homme, dans le cas du Christ, ne désigne pas du tout l'Incarnation ; comme si Fils de Dieu désignait la divinité et Fils de l'homme l'humanité, car c'est plutôt le contraire : Fils de l'homme désigne l'origine céleste, et d'une certaine façon la divinité, et nous savons par ailleurs que l'expression "fils de Dieu", à l'origine, peut très bien désigner les hommes. Nous nous plaisons à forcer l'antithèse, mais soyons prudents dans l'histoire de ces mots.
Évidemment cette idée d'un homme céleste préexistant et devant paraître en Jésus-Christ ne nous est pas du tout familière sous cette forme. En effet, elle s'exprime dans un contexte de pensée qui fait alterner une réalité cachée et une réalité qui paraît. C'est proprement le schème de pensée de ré-vélation ou de dé-voilement d'une réalité cachée. Nous ne faisons que signaler cela. Nous aurons bientôt occasion, dans notre prochaine partie, de reprendre ce schème de pensée pour lui-même, cette alternance du caché au manifesté, qui est très différent de notre façon spontanée d'interroger l'avènement ou l'événement.
■ Autres textes qui se réfèrent à l'homme nouveau.
Nous voudrions en outre signaler – mais signaler seulement – d'autres textes qui se réfèrent à cette idée d'homme nouveau[6].
C'est par exemple Ep 4, 13 où l'on trouve l'idée d'homme parfait. Ici ce n'est pas le mot anthropos (homme) mais anêr (homme mâle) étant donné ailleurs que dans la symbologie, la masculinité est toujours une perfection par rapport à la féminité, pensée qui sera très fortement développée. Il ne faut pas que cela vous inquiète parce que dans cette perspective, dans cette symbologie, ce que vous appelez une femme peut très bien être mâle ! Mais peu importe.
Donc nous avons cette expression : homme parfait (téléios), mais dans ce texte, nous sommes déjà dans une perspective où ce n'est pas purement et simplement le Christ qui est visé. Cette perfection d'un âge à atteindre, cet âge d'un homme parfait est une interprétation de l'humanité, elle se réfère non pas tant au Christ singulier qu'à l'humanité, c'est-à-dire à l'Ekklêsia. D'où une signification ecclésiologique de ce texte. Et pour cette raison, nous aurons sans doute l'occasion de le retrouver plus loin.
De même en Ep 4, 23-24 mon à l'expression d'homme nouveau, nouveau par rapport à l'humanité adamique.
Nous avions autrefois fait intervenir ici un développement sur le Christ préexistant, mais nous avons simplement dégagé un aspect de cette adamologie qui est notre sujet principal en rappelant à nouveau ce texte qui nous a servi tant et tant de fois, Ph 2.
Voici comment nous posons de façon rapide, sommaire, la question. Dans le texte de 1 Cor 15 que nous venons de lire, le Christ est "eschatos (le dernier) Adam" ou il est "deutéros (le second) Adam". Or, pour bien saisir la portée de ces expressions, il ne faut pas oublier qu'en un autre sens, le Christ est "le premier". D'où l'importance de marquer la préexistence du Christ par rapport à sa parution terrestre bien sûr, par rapport à l'histoire, par rapport à Adam lui-même, par rapport à la création même du monde. C'est le thème de la préexistence du Christ qu'il ne faut pas confondre avec le thème de sa divinité au sens où l'on posera le problème, notamment au IVe siècle, et qui sera définie au concile de Nicée.
Préexistence du Christ. Nous faisons allusion ici à une théologie archaïque où la question posée de la préexistence du Christ ne coïncide pas tout à fait avec la question qui se posera ultérieurement de la divinité du Christ.
Vous voyez comment ce dernier texte s'articule : le Christ est le second Adam, cependant il préexiste, et donc en un autre sens, il est le premier. Cela nous posera un problème, le problème précisément de résoudre cette apparente contradiction, et la nécessité de la résoudre justifiera notre troisième partie.
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Il y a un certain nombre de textes qui risqueraient d'être lus dans le sens d'une divinisation survenue à un certain moment à l'homme Jésus, notamment au moment de la résurrection, ce qui exclurait toute problématique de la préexistence.
Les protestants libéraux, du XIXe siècle notamment, ont beaucoup utilisé dans ce sens Rm 1, 4 où Paul dit : « à propos de son fils, né de la semence de David selon la chair, pré-destiné à être fils de Dieu selon l'esprit de sainteté, à partir de la résurrection d'entre les morts. » Autrement dit il est prédestiné à être fils de Dieu de par la résurrection des morts.
Et ceci correspond à ce que l'on peut lire par exemple en Ac 13 dans le discours de Paul : « (Dieu) l'ayant ressuscité selon qu'il est écrit dans le Psaume 2 : “Tu es mon fils, aujourd'hui je t'ai engendré.” »
Cela est d'ailleurs très intéressant pour détecter un sens du mot "fils de Dieu" chez les premiers auteurs.
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D'une première lecture grossière de ces textes, on pourrait tirer cette idée que, par sa résurrection, le Christ aurait été un homme divinisé après sa mort. Or la pensée de Paul est tout autre.
Dans un texte que nous avons déjà lu, commenté à plusieurs reprises, Ph 2, 6-11, il est dit :
« Ayez les mêmes sentiments entre vous comme ce qui est aussi en Christ Jésus. 6[lui] qui, tout en restant en forme de Dieu n'a pas voulu retenir comme une proie (harpagmon) l'égalité à Dieu [la sienne] 7Mais lui-même s'est vidé (ékénôsen) prenant la forme de serviteur, et devenant en similitude des hommes ; et quant à son aspect, trouvé comme un homme. 8Il s'est abaissé et dans son obéissance il est allé jusqu'à la mort et la mort de la croix 9Et c'est pourquoi Dieu l'a exalté et lui a donné gracieusement le nom qui surpasse tous les noms 10Afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux et sur la terre, dans l'abîme, et que toute langue confesse que Jésus [est] Seigneur Christ pour la gloire de Dieu le Père. »
Nous ne voudrions pas redire des choses déjà dites et très souvent dites à ce sujet. Nous citons ce texte à nouveau ici d'abord pour marquer que Paul a le sens d'une certaine préexistence "en forme de Dieu" de celui qui devient comme un homme, meurt, puis ressuscite. Autrement dit, bien que second par rapport à Adam, comme nous l'avons vu dans un texte antérieur, le Christ est en un certain sens préexistant.
D'autre part nous voudrions poser la question du sens de cette gloire qui lui advient de par son abaissement : l'abaissement dont il est question dans la première partie du texte suscite à rebours, par antithèse, le don gratuit de la gloire. En effet Adam, recherchant l'égalité avec Dieu, a trouvé la mortalité ; le Christ, en saisissant la mortalité, trouve à rebours la résurrection et la gloire, et le nom de Seigneur. Il lui advient donc quelque chose par rapport à son état antérieur. Qu'est-ce que cette gloire ? Qu'est-ce que cette seigneurie ? Est-ce que cela ajoute à cette "forme de Dieu" qu'il possédait originellement ?
Nous posons simplement la question pour laisser entrevoir une éventuelle réponse, à savoir que cette gloire a un sens anthropologique et ecclésiologique, c'est-à-dire que l'humanité est appelée à être cette gloire. Elle n'ajoute rien en ce sens à la gloire préexistence. Comme, par ailleurs, on peut parler de quelque chose qui lui advient au jour de sa résurrection, cela nous reconduit encore une fois au problème de cette apparente contradiction que nous avons déjà rencontrée, du premier et du second, de celui qui est la forme de Dieu et pourtant de celui à qui d'être fils de Dieu est donné au jour de la résurrection.
Et ces différentes énigmes, nous pensons qu'elles ne peuvent se dissoudre que par la considération d'une notion qui est plus qu'une notion, qui est un schème de pensée, une structure mentale, et que nous devrons aborder et élaborer dans notre prochaine partie, la notion de mustêrion, et ce sera notre prochaine partie qui nous permettra de saisir un peu mieux cette relation d'une existence cachée à une existence manifestée.
Évidemment ce dernier point de notre deuxième partie, qui marque la préexistence du Christ, demanderait à être poursuivi dans une certaine direction : voir comment chez saint Paul le Christ préexiste, comment il est premier-né de toute création, comment il est tête en ce sens. Mais ce développement, nous l'abandonnons maintenant, nous le ressaisirons à partir du point où nous en sommes lorsque nous chercherons à développer l'ecclésiologie, en étudiant comment le Christ est tête de l'humanité, la tête du corps qui est l'Ekklêsia.
[1] Les notes ont été ajoutées pour publication sur le blog La Christité dédié à Jean-Marie Martin.
[2] « Je connais un homme en Christ, qui, il y a quatorze ans, - si ce fut dans son corps je ne sais, si ce fut hors de son corps je ne sais, Dieu le sait – un tel homme fut enlevé jusqu’au troisième ciel. Et je sais que cet homme - si ce fut dans son corps ou sans son corps je ne sais, Dieu le sait – qui fut enlevé dans le paradis, et entendit des paroles secrètes (latin : arcana verba) qu’il n’est pas permis à un homme de dire. » (2 Cor 12, 2-4)
[3] Cf. Relectures du Psaume 110, 1-4 par le Nouveau Testament et les premiers chrétiens. Les titres seigneur, fils de Dieu....
[4] Voir note précédente.
[5] Épitre aux Colossiens et aux Éphésiens.