Témoignage de sœur Paule Farabollini en fin de retraite sur le signe de croix
Parole de sœur Paule Farabollini adressée à J-M Martin
en fin de retraite à Nevers sur "Le signe de croix, signe de la foi".
À plusieurs reprises cette semaine tu nous as parlé de témoins, de témoignages. Il me semble avoir entendu que le témoin, c'est celui qui peut dire « Voici », montrer un chemin, parce qu'il a lui-même vu, entendu, contemplé, touché, approché quelque chose de ce qui est en question. En ce sens tu es pour nous un témoin qui nous montre que fréquenter l'Écriture de manière approfondie, c'est fréquenter quelqu'un qui est Père, Christ, Pneuma, quelqu'un qui a déposé sa semence au plus intime de chaque homme et dont le désir est de voir cette semence prendre corps, grandir jusqu'à porter du fruit.
Voir dans la croix, c'est-à-dire dans la mort / Résurrection du Christ, le signe de ce désir du Père de sortir l'humanité de l'espace de servitude pour la faire entrer dans l'espace du Royaume, n'est-ce pas entendre la parole qui dit à chacun : veux-tu être guéri de ta servitude ?
Se signer de la croix du Christ c'est se laisser configurer par la christité, c'est se laisser revêtir de la mort pour la vie du Christ, c'est se laisser configurer au Fils de Dieu. C'est consentir à nous vider de ce qui nous retient prisonnier, gisant, passif, paralysé, dans l'espace de servitude, pour nous laisser remettre debout, assumer de ne pas maîtriser notre vie, et marcher dans Celui qui nous dit qu'il est le chemin, ce chemin qui nous conduit vers le Père et qui nous dit à chacune, à chacun, comme à Marie-Madeleine : « Ne me retiens pas, va vers tes frères et dis-leur… ». Se signer de la croix c'est consentir à ce que l'Esprit du Ressuscité fasse son œuvre en nous. Se signer de la croix c'est consentir à laisser la Résurrection advenir en nous, pour que ce qui est du prince des ténèbres continue à s'en aller et que le Prince de lumière déjà là prenne toujours davantage sa place en nous ; et qu'ainsi les fruits de vie que le Père a semés en nous, donnent ce qu'il y a de meilleur.
Et comme tu nous l'as redit tout à l'heure, cela est donné à l'heure où c'est donné ; cela est donné gratuitement sans aucun mérite de notre part ; et parce que cela est donné, ça se demande, et demander c'est acquiescer à ce que cela nous advienne.
Et puis il me semble que se signer de la croix du Christ, ça a du poids. J'en arrivais même à certains moments à me dire : je ne sais pas si je ferai encore mon signe de croix parce que si ça veut dire tout ça ! Et je pense que la première rencontre de Bernadette quand elle n'a pas pu lever son bras[1], c'est parce qu'il y avait probablement quelque chose de ce poids, et qu'il a fallu que Marie lui enseigne comment lever le bras pour tracer sur elle ce signe.
Alors merci de nous avoir ouvert un chemin vers la vie nouvelle.
J-M M : Pour le merci…. Je n'ai jamais vu quelqu'un rassembler dans une cohérence tout un ensemble de choses que nous avons méditées les unes après les autres. Ça m'enchante. Merci.
[1] La retraite avait lieu à l'espace sainte Bernadette à Nevers. Sœur Paule fait allusion à l'épisode suivant : « En 1858, à l'âge de 14 ans, Bernadette Soubirous ramasse du bois près d'un ruisseau de Lourdes, quand elle entend "un grand bruit comme celui d'une tempête". Elle regarde autour d'elle : ni les arbres, ni l'eau ne bougent. Elle entend à nouveau le bruit de tempête. Effrayée, elle lève la tête et perd "tout pouvoir de parole et de pensée". Un nuage doré émerge d'une grotte voisine, suivi d'une entité, qu'elle décrira comme une "belle dame". Lorsque la "dame" regarde Bernadette toute peur quitte cette dernière, mais aussi toute conscience de l'endroit où elle peut se trouver. Elle veut prier mais, lorsqu'elle tente de lever la main vers son front, son bras reste paralysé. Ce n'est qu'après que la dame ait fait le signe de croix que Bernadette peut en faire autant. ».