Rm 1, 18-32 : L'entrée du péché dans le monde ; la colère de Dieu
Voici une méditation de Mean-Marie Martin sur ce texte de Paul qui se situe au début de l'épître aux Romains. Il s'agit de la première façon dont Paul parle de l'entrée du péché dans le monde, il le fait ici dans un langage sapientiel. J-M Martin nous donne des clefs qui permettent d'entrer dans ce texte difficile.
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Rm 1, 18-32 :
L'entrée du péché dans le monde
Nous allons lire un passage du premier chapitre des Romains[1]. À partir du verset 18, saint Paul traite de l'entrée du péché dans le monde[2].
« 18En effet, la colère de Dieu se dévoile du haut du ciel sur toute impiété et tout désajustement des hommes qui détiennent la vérité dans le désajustement 19puisque le connaissable de Dieu est manifesté en eux car Dieu le leur a manifesté. 20 En effet ses invisibles [de Dieu] sont vus à partir de la création du monde par ses œuvres et son éternelle dunamis et sa divinité en sorte qu'ils (les hommes) soient inexcusables, 21parce que, connaissant Dieu, ils ne l'ont pas glorifié comme Dieu ni eucharistié, mais ils se sont évanouis dans leurs dialogismes (raisonnements), et leur cœur insensé s'est enténébré. 22Prétendant être sages ils sont devenus fous, 23et ils invertirent la gloire du Dieu incorruptible – en similitude d'une statue corruptible d'un homme, d'oiseaux, de quadrupèdes et de reptiles. 24C'est pourquoi le Dieu les a livrés aux désirs de leur cœur pour l'impureté [qui consiste] à déshonorer leurs corps en eux-mêmes, 25eux qui invertirent la vérité du Dieu dans le mensonge (pseudos, la falsification), et vénérèrent et adorèrent la créature (ktisis) en place du créateur, qui est béni pour les siècles. Amen. 26C'est pourquoi Dieu les a livrés aux passions déshonorantes, et leurs femelles invertirent l'usage habituel en celui qui est contre nature. 27Et de même les mâles, abandonnant aussi le rapport naturel de la femelle, s'enflammèrent de désir les uns pour les autres, mâles sur mâles, mettant en œuvre la honte et recevant le salaire de leur erreur en eux-mêmes. 28Et selon qu'ils n'éprouvèrent pas d'avoir Dieu en vraie connaissance, le Dieu les a livrés à l'intellect inéprouvé, à faire ce qui ne convient pas 29emplis de tout désajustement, perversité, cupidité, malfaisance, pleins de jalousie, de meurtre, de dispute, de tromperie, de malignité, délateurs, 30calomniateurs, ennemis de Dieu, insolents, orgueilleux, fanfarons, ingénieux au mal, rebelles à leurs parents, 31insensés, déloyaux, sans cœur, sans pitié. 32Ils connaissent bien pourtant le verdict de Dieu qui déclare dignes de mort ceux qui commettent de telles actions. Non seulement ils les font, mais encore ils approuvent ceux qui les commettent. »
Introduction
Lien avec ce qui précède (versets 14-17).
Ce passage a un premier rapport avec ce qui précède. Il est dit que l'Évangile s'adresse aux Grecs et aux barbares (v.14), c'est une distinction qui est faite du point de vue des Grecs. Ensuite on a la distinction des Grecs et des Juifs (v. 16), qui n'est ni du point de vue des Grecs, ni du point de vue des Juifs. Cette distinction est importante car il sera question d'abord des Grecs dans ce chapitre 1, et dans le chapitre 2 il sera dit que les Juifs, ce n'est pas mieux.
Une articulation plus immédiate, c'est le rapport entre le dévoilement de l'ajustement de toute chose par Dieu, et le dévoilement de la colère de Dieu : « 17car la justice de Dieu se dévoile (apokaluptétaï) en lui de foi en foi… 18En effet, la colère de Dieu se dévoile (apokaluptétaï) du haut du ciel sur toute impiété et tout désajustement des hommes… » En général Paul considère la relation mystêrion / apocalupsis[3], mais dans les deux cas ici, le mot est employé sans que le rapport soit explicite.
La question de l'entrée du péché dans le monde.
Ce texte récite l'entrée du péché en langage sapientiel. Je vous invite, par exemple, à lire les chapitres 13 à 15 du livre de la Sagesse (qui date du 1er siècle avant JC). Vous y retrouverez un grand nombre de similitudes, avec notamment l'explication de l'idolâtrie et l'explication des mauvaises mœurs. On constate que saint Paul relève de la littérature sapientielle, non pas du tout qu'il s'agisse d'une autre entrée du péché que celle qui est traitée à travers la figure adamique en Rm 5, mais parce que ce texte s'adresse plus particulièrement aux nations, et que la littérature sapientielle représente le lieu, dans la littérature vétéro-testamentaire, où le contact entre Israël et les nations s'exprime le plus fortement.
Le verset décisif du passage est le verset 21 : « ils n'ont pas eucharistié », c'est-à-dire que l'entrée du péché est ici désignée comme « non-eucharistie ». Ce trait décisif partage le texte entre un "avant" et un "ensuite". L'ensuite de ce texte décrit le découlement à partir de ce point initial. Le mot découlement", je l'emprunte à Paul[4].
Il faut bien voir que nous avons notre disposition deux types de développement au niveau de la pensée : il y a la conséquence, c'est-à-dire un développement de type logique ; et il y a la séquence qui est un découlement de type anecdotique. Autrement dit il y a l'histoire et la logique : l'histoire part d'un début suivi d'une séquence, une suite ; tandis qu'en logique la conséquence est une déduction à partir d'un principe. C'est la grande répartition de l'Occident : ou nous sommes dans la logique, ou nous sommes dans l'histoire, la ratio ou la factualité. Or ce que je dis, c'est que dans les Écritures ce n'est ni l'un ni l'autre. Et ne pas l'entendre fausse à la fois la lecture d'Adam en Genèse, et la lecture d'un texte comme le nôtre, tous les textes qui sont des découlements, des enchaînements.
Comme je viens de le dire, la question de l'entrée du péché dans le monde intervient à plusieurs reprises chez saint Paul, la plus connue étant l'entrée du péché par la faute d'Adam qui se trouve en Rm 5, et qui est reprise également en Rm 7. Au chapitre 5 il s'agit de Adam "il" et au chapitre 7, c'est Adam "je" puisque Paul dit « Je vivais jadis sans la loi » (Rm 7, 9)[5]. Or Paul n'a jamais vécu sans la loi, il a de toujours été juif, donc il s'agit du je adamique (Adam de Gn 2) antérieur au précepte « Tu ne mangeras pas ». La lecture que nous faisons ici est une lecture en ils au pluriel, c'est-à-dire les hommes : l'entrée du péché – la même – se récite dans un autre langage. Je dis cela pour qu'on ne se crispe pas sur une anecdote initiale. C'est une des façons de dire l'entrée et donc la signification du péché.
I – Lecture de Rm 1, 18-21
1°) Versets 18-20 : ce qui précède le verset 21.
« 18En effet, la colère de Dieu se dévoile (apokaluptétaï) du haut du ciel… » Dans le texte on a donc l'indication de deux espaces. Au verset 17 le dévoilement est celui de l'ajustement (du juste), et c'est la même chose que le dévoilement de la grâce, le dévoilement du sauf, de la vie, de la foi, du vivre à, et puis il y a l'espace antithétique qui a pour l'instant le nom de colère, et on trouvera ensuite les noms de désajustement, de péché. Alors écoutez une chose importante : il faut que nous nous habituions à répartir les mots dans l'un ou l'autre de ces espaces. Les différents mots, chez saint Paul, ne dénotent jamais quelque chose qui soit autre que ce qu'un autre mot du même espace dévoile. Ce sont des dénominations de la même réalité à chaque fois, étant entendu cependant qu'il y a un certain découlement des dénominations : il y a des dénominations prioritaires, et puis d'autres qui découlent dans l'un et l'autre espace.
« La colère de Dieu se dévoile… sur toute impiété et tout désajustement (adikia) des hommes qui détiennent (katekhontôn) la vérité dans le désajustement – le terme a-dikia est souvent traduit par "péché", mais notre notion moralisée de péché est inapte à nous introduire à la bonne appréhension de ce terme. Il faut essayer de voir, à partir de ce qui est en cause dans le texte, quelle est cette adikia. Et ici il ne s'agit pas de petit péché, il s'agit de l'adikia fondamentale qui ressortit à l'être-homme que nous expérimentons, ou que, du moins, nous pouvons expérimenter à la lumière du dévoilement : l'adikia fondamentale se dévoile dans le fait de retenir la vérité, c'est-à-dire, comme il est dit juste après, de contenir ou de refuser la manifestation de Dieu. Quelque chose comme la vérité était donc perceptible, était donné, et néanmoins les hommes ne le reçoivent pas comme tel, ils détiennent cela dans un désajustement qui est à la fois une falsification de cette donation[6], et l'ouverture de ce qui caractérise la servitude humaine au titre de la naissance.
Le mot "détenir" employé ici est celui qui se trouve chez Jean : « La lumière luit dans les ténèbres et la ténèbre ne l'a pas détenue (katélaben) » (Jn 1, 5). Il s'agit bien de la même référence fondamentale puisque le rapport lumière-ténèbre a pour équivalent ici le rapport de cosmos (dans le sens grec du terme, pas dans le sens johannique) et d'a-cosmia, donc le désajustement puisque cosmos signifie "bien ordonné". Et comme le dit Jean dans sa première lettre, c'est ceci la nouvelle que la ténèbre est en train de passer et que la ténèbre déjà luit. Nous sommes dans une entre-appartenance entre ce qui s'en va et ce qui vient. Ce n'est pas un changement d'époque comme le début du christianisme, c'est maintenant. L'écoute de l'Évangile c'est cela, à chaque fois. C'est de cela que Paul parle. Il décrit à nouveaux frais le manque par rapport à cette lumière, il décrit cet espace qui se désigne comme espace de colère.
Ici c'est la vérité qui est détenue. Quelle est cette vérité ? Eh bien chez saint Paul, et dans l'ensemble du Nouveau Testament, le mot de vérité ne désigne pas quelque vérité minimale. Je dis souvent que pneuma, royaume et vérité disent le même chez saint Jean : vérité égale royaume, égale seigneurie. Dans saint Jean la vérité c'est le trait de l'espace de christité qui s'oppose à la région du mensonge, de la falsification. Il n'y a pas d'autre vérité que la christité. Et en disant que « les hommes détiennent la vérité dans le désajustement » Paul nous indique qu'il y a en tout homme une christité, mais une christité détenue, prisonnière. Le poids de la résurrection c'est que justement se libère la christité au cœur de tout homme.
… 19puisque le connaissable de Dieu (gnôston tou Théou) est manifesté en eux car [c'est-à-dire] Dieu le leur a manifesté – Ici Paul fait allusion à une première théophanie fondamentale qui est diffuse dans toute l'humanité, donc ce n'est pas une connaissance naturelle, c'est une connaissance manifestée, une connaissance de dévoilement. Il pourrait s'agir d'une référence à la révélation noachique, la révélation faite à Noé. Les Hébreux relèvent plusieurs révélations dans le cours de l'histoire, et la révélation noachique a pour caractéristique d'être révélation, non pas au peuple particulier d'Israël, mais déjà à la totalité de l'humanité. C'est ce texte qui est cité dans le dogme qui dit que la raison naturelle peut connaître l'existence de Dieu, mais c'est une mauvaise lecture[7].
… 20en effet ses invisibles [de Dieu] sont vus par la pensée à partir de la création du monde – cela peut s'entendre dans un sens temporel : depuis la création du monde ; ou dans un sens logique : par un raisonnement qui part des choses créées. Je pense que c'est le sens temporel ici – par les œuvres – rien ne dit ici qu'il y a une distinction faite entre les œuvres de création et les œuvres de salut. En tout cas il n'est jamais question de la problématique d'une connaissance purement naturelle. En effet la notion de pure nature contre distinguée de la grâce est très postérieure dans l'histoire de la pensée chrétienne – et l'éternelle dunamis (activité), et la divinité – ses "invisibles qui sont vus" sont sa dunamis éternelle et sa divinité, c'est-à-dire, au fond, cette présence qui court tout au long de la création – en sorte qu'ils (les hommes) soient inexcusables, – on traduit souvent : "pour qu'ils soient inexcusables", mais le "pour que" n'est pas à entendre au sens de quelqu'un qui calcule des moyens pour des fins. L'apologie c'est la défense, et "ils sont inexcusables (anapologêtous)"est à entendre au sens où ils ont besoin d'un défenseur, il leur manque un avocat ; et la thèse de Paul dans sa lettre aux Romains est que le Christ est l'avocat des nations comme des Juifs.
Pourquoi faut-il manifester ici leur inexcusabilité ? C'est pour montrer qu'aucune justification ne provient des œuvres humaines, pour montrer que ce n'est pas à partir de l'œuvre, mais dans la reconnaissance du don comme don que se fait l'ajustement (la justification)[8]. Et c'est pourquoi ils sont inexcusables en ce qu'ils n'ont pas reconnu le don comme don, c'est ce que dit le verset suivant.
2°) Versets 21-22 : principe et caractéristiques fondamentales du péché.
« … 21parce que, connaissant Dieu, ils ne l'ont pas glorifié comme Dieu, ni eucharistié – Quelle est la première faute ici ? C'est « ils ne l'ont pas eucharistié » ce qui ne veut pas dire qu'ils ne sont pas allés à la messe ! Ça veut dire qu'ils ne lui ont pas rendu grâce, autrement dit qu'ils ne sont pas entrés dans l'intelligence du don qui est attesté par l'action de grâces : ils n'ont pas eu une connaissance eucharistiante. Ils sont au monde en rencontrant des choses qui se trouvent là, mais non pas des choses qu'ils considèrent comme données, comme donnant lieu à eucharistie. Donc c'est une posture de l'humanité, une posture préhensive, la même que nous trouvions dans le texte de Philippiens 2[9].
Il faut bien entendre ce que dit Paul. En effet on pourrait traduire : « bien qu'ils aient connu Dieu, cependant ensuite, ils n'ont pas eu la bonne volonté de dire merci ». Eh bien non. En fait ils n'ont pas connu comme il convient, ils n'ont pas véritablement connu, parce que "eucharistie" dit quelque chose comme le fondamental de toute connaissance, comme le tonos premier, tonos qui correspond un peu au stimmung dont parlent les Allemands et que l'on traduit par "disposition". Ce tonos précède une répartition du sentiment et du rationnel, du sensible et de l'intelligible. Il est le point premier mais aussi le plus intelligible, même s'il se dit en un langage qui est pour nous celui du sentiment.
« … mais ils se sont évanouis (émataiôthêsan, ils sont devenus vains ou vides) dans leurs dialogismes (raisonnements), et leur cœur insensé (asunétos, privé de sens) – le terme de cœur n'est pas ici à entendre au sens sentimental, mais il désigne précisément lev, le cœur hébraïque, c'est-à-dire ce qui, dans l'homme, connaît – s'est enténébré, 22prétendant être sages ils sont devenus fous. »
Il y a là trois façons de dire la déficience : le vide, la ténèbre et la folie. Autrement dit ce qui résulte de cette méprise, donc de ce non-recevoir, c'est :
– d'ouvrir un espace de vide : « Ils se sont évanouis (évidés) dans leurs dialogismes », il s'agit du mauvais vide ; et les dialogismes concernent la pseudo-sagesse
– de plonger dans la ténèbre : « leur cœur insensé (asunétos, privé de sens)s'est enténébré », c'est l'opposition ténèbre / lumière, l'insensé étant le contraire de la véritable sagesse ;
– de mener à la folie : « se disant sages (sophoi) ils sont devenus fous ».
Ce sont donc trois façons de dire la même chose, et on aperçoit que les mots dialogismes, sunésis (qui dit un certain mode de l'intelligence) et surtout sophos (qui dit la sagesse) traitent ici du découlement manqué dans le monde de la philosophie, c'est-à-dire dans le monde grec. Il y a une critique radicale de la suffisance de la sophia (de la sagesse) c'est-à-dire de la philosophie des nations. Au chapitre suivant Paul parlera du même manque dans le monde juif, mais ici nous sommes premièrement dans le monde grec[10].
Le texte parle donc de trois régions : la région de la folie, la région de la ténèbre et la région du sans fond (la région du vide). On retrouve cette énumération ternaire dans d'autres lieux, ce n'est pas une chose dite une fois. Tout ceci est la suite de la non-eucharistie : être au monde de cette manière mène à la pensée pseudo-sage, plonge dans la région de la ténèbre et dans la région de la folie et du mauvais vide.
3°) Versets 22-24 : Une énumération ternaire.
Après avoir eu le principe au verset 21 (« ils n'ont pas eucharistié »), nous avons eu les caractéristiques fondamentales (vide, ténèbre, folie) au verset 22, et, à partir du verset 23, nous entrons dans une énumération ternaire. Il s'agit d'inversions, tout est inversion c'est-à-dire que ne pas eucharistier c'est recevoir le monde à l'envers.
Première inversion.
« 23Et ils invertirent (êllaxan) la gloire (tên doxan) du Dieu incorruptible en similitude (en homoiômati) d'une statue (eikôn) corruptible d'un homme, d'oiseaux, de quadrupèdes et de reptiles. » Ici c'est un trait traditionnel de la critique du paganisme, surtout sur mode égyptien, qui a déjà lieu à l'intérieur du judaïsme.
La première inversion qui est notée, c'est invertir la gloire de Dieu dans la statue – le mot eikôn ici est pris au sens grec, donc au sens de figure, de représentation, de statue – c'est la critique classique de l'idolâtrie. L'idolâtrie consiste à ne pas connaître Dieu comme Dieu, ne pas connaître le don comme don, tomber dans l'adoration des choses créées et non pas du créateur.
Paul prend le thème de l'inversion au Psaume 105 (106) qui fait allusion à l'épisode du veau d'or : « Ils invertirent (êllaxanto) leur gloire (tên doxan)en similitude (en homoiômati)d'un veau qui mange l'herbe. » (v. 20 dans la traduction de la Septante). Il ne fait ensuite que déployer dans différentes zones du comportement ce qu'il a trouvé dans le psaume, et qui est "prendre le monde à l'envers". Ce thème sera repris dans la seconde inversion où il donnera lieu au développement sur les "invertis", c'est-à-dire sur l'homosexualité. Cela aussi nous permettra d'entendre les textes "moralisants" de Paul dans une lumière différente de celle dans laquelle nous sommes tentés spontanément de les lire.
« 24C'est pourquoi le Dieu les a livrés aux désirs de leur cœur pour l'impureté [qui consiste] à déshonorer leurs corps en eux-mêmes.
« C'est pourquoi Dieu les a livrés à l'épithumia de leur cœur. » L'épithumia c'est le désir. Autrement dit le cœur ténébreux, comme ténébreux, a son propre désir, son propre élan, termes que nous connaissons[11]. Dans le langage de Paul, ce qui commence par le désir, progressivement se corporifie, advient dans le corps propre. C'est pourquoi, en fonction de la continuité de ce langage stoïcien, il faut se garder de lire « c'est pourquoi Dieu les a livrés » dans le sens d'une sanction, d'une punition. En effet, la qualité du cœur étant telle, il ne peut y avoir que ce découlement. Je fais référence ici à des structures pauliniennes que nous avons déjà relevées.
Deuxième inversion.
« 25Ils invertirent la vérité du Dieu dans le mensonge (la falsification), ils vénérèrent et adorèrent la créature (ktisis) en place du créateur, qui est béni pour les siècles. Amen.
26C'est pourquoi Dieu les a livrés aux passions déshonorantes, et leurs femelles invertirent l'usage habituel en celui qui est contre nature. 27Et de même les mâles, abandonnant aussi le rapport naturel de la femelle, s'enflammèrent de désir les uns pour les autres, mâles sur mâles, mettant en œuvre la honte et recevant le salaire de leur erreur en eux-mêmes. »
Il s'agit ici de l'inversion qui va de la vérité de Dieu à sa falsification : « ils ont inverti la vérité de Dieu dans la falsification ». Or ce qui est falsifié s'exprime en premier comme méprise sur les deux grandes polarités du monde. On comprend par là qu'il y va d'une façon d'être au monde et, simultanément, sur une façon d'être à son corps.
Dans ces versets il y a une trace qui est sans équivoque, c'est l'emploi de mots crus. En effet, si je suis un moraliste et que je décris des mœurs, je ne dis pas « le mâle et la femelle », je dis « l'homme et la femme ». Pourquoi dit-il « mâle et femelle » ? Parce que c'est la citation de l'Écriture : « mâle et femelle il les fit » (Gn 1, 28). Ce ne sont pas les mots d'usage pour dire l'homosexualité. Donc, à l'oreille de celui qui écoute, il y a une référence à la Genèse qui est un lieu fondamental de réflexion des premiers chrétiens.
D'autre part celui qui écoute a à l'oreille la symbolique fondamentale qui est celle du ciel et de la terre. La Genèse commence par cette symbolique : « Dans l'arkhê Dieu fit ciel et terre » puis « En image, mâle et femelle il les fit », et à l'époque, ces deux symboliques sont liées.
Troisième inversion.
Et voici le troisième terme de l'énumération. « 28Et selon qu'ils n'éprouvèrent pas d'avoir Dieu en vraie connaissance (épignôseï), le Dieu les a livrés à l'intellect inéprouvé, à faire ce qui ne convient pas 29emplis de tout désajustement, perversité, cupidité, malfaisance, pleins de jalousie, de meurtre, de dispute, de tromperie, de malignité, délateurs, 30calomniateurs, ennemis de Dieu, insolents, orgueilleux, fanfarons, ingénieux au mal, rebelles à leurs parents, 31insensés, déloyaux, sans cœur, sans pitié. 32Ils connaissent bien pourtant le verdict de Dieu qui déclare dignes de mort ceux qui commettent de telles actions. Non seulement ils les font, mais encore ils approuvent ceux qui les commettent. »
Le premier péché est repris ici comme absence d'épignose. Autrement dit, « ils n'ont pas eucharistié » se dit ici : « ils n'ont pas eu la connaissance pertinente ». Ensuite nous retrouvons « Dieu les a livrés », et nous avons l'extrême pléonasme. Cette idée de prolifération, de débordement, se manifeste dans le mot « emplis de (péplêrôménous)…» Il se manifeste également dans l'accumulation de termes qui donnent un effet rapidement pléonastique.
Les trois inversions.
Les trois inversions relevées successivement par Paul sont : premièrement l'idolâtrie, deuxièmement l'homosexualité et troisièmement tous les autres crimes (meurtre…). J'ai trouvé quelque chose d'intéressant à ce sujet dans Bereshit Rabba, un des plus anciens traités talmudiques sur la Genèse. Il est sans doute postérieur à l'écrit de Paul, mais il est difficile de dater ces textes, parce qu'ils ont été prononcés longtemps avant d'être écrits dans la tradition juive. J'ai repéré un élément de répartition qui n'intervient pas une fois par hasard, mais qui a un côté un peu structurel, c'est la distinction de ce qu'ils appellent les trois générations :
– la génération d'Hénoch qui est la génération de l'avènement de l'idolâtrie ;
– la génération de Noé où on trouve la sexualité indue sous une double forme, puisque les géants éjaculent sur les rochers c'est-à-dire sur le stérile, façon de dire l'onanisme, et qu'il y a les relations indues des filles des hommes avec les anges de Dieu. Il y a même des mythes très curieux dans les traités talmudiques à ce sujet-là, qui ont peut-être rapport avec cela, à savoir que Noé était le gardien des semences de l'animalité et de l'humanité future dans l'arche.
– La génération de Babel, c'est-à-dire la génération de la dispersion, de la multiplicité, des différents crimes etc. C'est tout ce qui disperse, à commencer par la langue. Et si on lit les caractéristiques données dans la troisième partie de notre texte, il y en a beaucoup qui se réfèrent au langage, à tout ce que cette dispersion a d'excluant et de meurtrier.
Pour nous cette énumération peut paraître étrange, en particulier l'homosexualité. Or c'est une chose de toute première importance pour Paul. Vous n'avez pas là une page utile pour la pastorale de l'homosexualité, mais vous avez quelque chose de beaucoup plus important qui est l'inversion fondamentale, même si elle vient en second. En effet la symbolique du masculin / féminin comme principe de la fécondité, donc de l'existence, est une chose essentielle. Vous avez bien remarqué que chez Paul le rapport masculin / féminin revient constamment. Mais si vous croyez que Paul est en train de régir les mœurs familiales, vous êtes hors champ.
Quand Paul parle de cela, il parle de choses aussi importantes que yin et yang. Autrement dit on a d'abord la dimension cosmique, puisque ciel et terre sont dans un rapport de mâle et de femelle ; on a ensuite une dimension très intime puisque chaque personne est une bipolarité de masculinité et de féminité ; et enfin cette bi-polarité se joue extérieurement dans le rapport d'un homme et d'une femme au niveau que nous entendons, nous, en premier. Nous avons ici une symbolique qui traverse tout l'être, qui est de première importance, et qui ne prétend pas apporter des réponses à des problèmes individuels. C'est d'une tout autre ampleur.
4°) Retour sur le parcours fait.
Première constatation.
Qu'est-ce que nous avons vu dans ces versets ?
– D'abord nous avons montré que la lecture de l'entrée du péché dans le monde sous la figure d'Adam ne doit pas être une lecture anecdotiquement crispée, c'est un mode de lire, et il y en a d'autres.
– Ensuite nous avons retrouvé une chose que nous avions rencontrée sous d'autres formes : le principe du péché, c'est-à-dire l'entrée dans le meurtre et la mort, c'est essentiellement ne pas appartenir, ne pas émerger à l'espace du don : « Ils n'eucharistièrent pas. »
– Et enfin nous avons noté une prise de position par rapport à la sophia (la sagesse) de ce monde qui n'est pas la sophia de Dieu puisque la sophia de Dieu est folie pour la sophia de ce monde, et que la sophia de ce monde est considérée par Paul comme folie.
Autres regards sur l'entrée du péché.
► Peut-on mettre en rapport cette entrée-là du péché et ce qui arrive à Adam et Êve en Gn 3 ?
J-M M : La geste d'Adam est essentiellement une prise et non pas un recevoir le don comme don, et c'est cela qui est récité par Paul dans le texte très connu de Ph 2 : « Lui qui, préexistant en image de Dieu – Adam de Gn 1 – n'a pas jugé prenable l'égalité à Dieu – c'est-à-dire que c'est le contraire de ce que dit le serpent : « si vous en mangez, vous serez comme Dieu » – mais il s'est vidé – ici il s'agit du bon vide, du vide qui est la condition de la plénitude – Il s'est abaissé lui-même devenu obéissant (hupêkoos) – l'obéissance ici c'est bien-entendre –[…] c'est pourquoi il lui a été donné gracieusement… » Donc c'est fondamentalement la même chose que ce que nous avons dans notre texte.
Et la question c'est toujours celle d'entendre : entendre l'Écriture, entendre autrui ou s'entendre soi-même (ou avec soi-même), c'est la même question fondamentale. C'est bien quelque chose de ce genre qui est indiqué dans notre texte. Ce texte, je l'ai décrit comme l'entrée du péché. C'est vrai, mais j'aurais dû dire aussi que le péché se nomme autrement ici : c'est l'entrée du désajustement. L'ajustement, c'est la bonne tension entre le pôle ciel / terre (ou mâle / femelle). Et de toute façon c'est une polarité qui dit à la fois le cosmos, surtout sous sa forme ciel / terre, mais aussi l'individu, un indivisible. Mais c'est un individu bi-polaire, et le mauvais accord entre ce qu'il y a de mâle et de femelle en chacun de nous se manifeste sans doute dans la difficile relation d'un homme et d'une femme. La relation à autrui est esquissée à l'intérieur de nous-mêmes avant de se jouer effectivement dans la rencontre et la bonne qualité de cette tension.
Par ailleurs ce texte est remarquable pour deux raisons :
1) tout d'abord il révèle la profondeur insoupçonnée du manque, mais il révèle aussi ce qui la surmonte. En effet le découlement des aspects divers impliqués dans le principe de mort (qui est la roue de la colère de Dieu) est mis en pièces par l'annonce, par le dévoilement du véritable ajustement, qui est donc un réajustement (mais le mot n'est pas bon).
2) la deuxième raison réside dans l'identification des trois pronoms" qui dénoncent la même réalité : le "ils" de Rm 1, le "il" de Rm 5 et le "je" de Rm 7. Chez Paul les pronoms sont fluides, ce qui est solide ce sont les deux princes.
Ce qui est en question ici, c'est la pensée du rapport absolument singulier qui existe entre le Christ dans sa dimension ressuscitée et nous-mêmes, c'est-à-dire entre Adam (de Gn 1) et nous-même. La question n'est pas "Comment le Christ nous sauve-t-il ?" parce que le Christ n'est pas un autre qui vient nous sauver. Sa Résurrection est l'éveil en nous du sauf, et cette solidarité révèle en ombre portée la complicité que nous avons, que nous ne reconnaissons pas et que nous appelons Péché originel. Et ce n'est qu'en ce sens-là que le Péché Originel peut être annoncé.
Ce que je veux indiquer, c'est l'entre-appartenance de ces deux aspects qui sont majeurs dans toute l'épître aux Romains :
– la révélation que ne pas avoir le sens du don est le péché premier ;
– le découvrement d'une appartenance inouïe à la christité qui est un autre mode pour moi de dire "je", et un "je" non crispé, non revendiquant pour moi-même. Les pages les plus éclairantes sur cela sont dans les chapitres 7 et 8.
II – Approfondissement
Les questions suivantes posées par des participants font reprendre des points obscurs du texte. Elles ne viennent pas toutes de la même séance. Il y a donc des redites, et, dans certains cas, un chemin est indiqué comme étant à parcourir alors qu'il a été ouvert en partie précédemment.
1°) Dieu laisse faire ?
► Comment entendre que « Dieu les a livrés », leitmotiv répété à chaque inversion ?
J-M M : Les trois inversions que nous avons mises en évidence sont marquées par apparemment une intervention de Dieu : « Dieu les a livrés ». Mais ce mouvement est pensé comme le développement successif de ce qui commence par être épithumia c'est-à-dire un désir qui prend consistance en devenant passion au sens stoïcien du terme pathê, puis qui vient à corps. Le mot corps ici ne désigne pas le corps en tant que distingué de l'âme, mais désigne la venue à corps de ce qui est semence, de ce qui est désir. C'est une structure absolue du développement des diverses appellations d'un règne, soit de l'épithumia du mal soit de la volonté de Dieu. Par ailleurs le verbe employé est paredôken (il livra). C'est un mot très compliqué parce qu'il dit la tradition, ce par quoi on livre quelque chose à un suivant, mais il dit aussi l'acte de Judas qui livre le Seigneur, donc les choses les plus diverses. Il signifie ici que Dieu laisse aller le découlement. Parédôken (il livra), c'est le verbe para-didômi : didômi c'est donner, mais para désigne ce qui est en marge de ce qui se donne. Ce mouvement a une signification fondamentale chez Saint Paul, qui va nous heurter profondément quand nous allons l'apercevoir de face, à savoir que la prolifération même de cela est la condition qui permet l'émergence de la donation gratuite[12].
Alors d'un point de vue métaphysique, on peut s'interroger : qu'est-ce que cela veut dire que Dieu laisse faire ? En fait ce laisser-faire relève de la miséricorde, et peut-être plus exactement de ce qui sera appelé la "patience" de Dieu. En effet, en tout cela, l'important c'est que Dieu même ne pâtit pas moins ce développement. Qu'il en pâtisse, c'est cela qui se manifeste dans le Christ. Autrement dit la passion du Christ est la présence du pâtir divin. Et penser le pardon en deçà du manque, ou penser la résurrection en ne pensant pas à la mort ou à la passion, cela relève de l'utopie.
Disant cela je ne fais que donner des lignes de pensée fort anticipées et d'autant plus dangereuses que, au premier chef, elles peuvent être pour nous irrecevables. Donc notre lecture reste en suspens. Nous n'allons pas évacuer l'apparent irrecevable de cela ; évacuer, je veux dire omettre de le considérer. Simplement, cela relance la tâche qui est la nôtre. Dans notre lecture de Paul, comme presque toujours, quand une réponse délivre d'une mauvaise intelligence, elle ouvre une question nouvelle qui souvent n'est pas moindre. Et c'est ce que nous rencontrons ici.
2°) Salaire ou punition (verset 27).
► Comment entendre la fin du verset 27 : « les mâles, abandonnant aussi le rapport naturel de la femelle, s'enflammèrent de désir les uns pour les autres, mâles sur mâles, mettant en œuvre la honte et recevant le salaire (antimisthian) de leur erreur en eux-mêmes » ?
J-M M : Effectivement, on est tenté de lire ici l'horrible, à savoir que cette homosexualité, en leur propre corps, recevrait sa punition en elle-même. Mais ce qui est en question ici n'a rien à voir avec ce sens-là. Dans le champ ainsi ouvert, ce qui arrive est perçu comme salaire. S'ouvre ici la question de la rétribution qui a partie liée avec la mauvaise posture, avec la mauvaise position.
Le mot salaire est un mot important, c'est antimisthos et nous trouverons la racine misthos au chapitre 4, un chapitre où la donation est précisément caractérisée comme ce qui n'est pas dû, comme ce qui n'est pas donné à titre de salaire, à titre de rétribution. C'est le cœur même de la pensée de Paul qui est ici en question. Je vous rappelle que la pensée fondamentale de Paul ne cherche pas la cause, mais désigne le principe ou le prince, et, à ce niveau radical, il n'y a pas de différence entre ce que nous appelons le péché et la peine, ce sont deux aspects de la même réalité fondamentale.
Ceci coupe radicalement toutes les questions des rapports immédiats de causalité, dans cette vie, entre telle faute et tel malheur interprété aussitôt comme une conséquence punitive. Voilà qui est clair puisque l'Évangile lui-même récuse une pareille lecture. Nous nous interrogerons aussi sur ce qu'il en est du point de vue eschatologique : résoudre la question de l'inadéquation entre le péché et le malheur en ce bas monde par l'espoir d'une juste rétribution dans l'autre monde, est-ce la bonne réponse ? Je ne répondrai pas tout de suite à cette question, mais déjà de la voir posée ouvre un espace, parce que je crois bien que cela est réputé aller de soi. Il faudrait voir si c'est l'Évangile de Paul.
Une autre chose à voir, c'est qu'il y a là incitation à penser quelque chose de fondamental, qui se trouve à la fois dans saint Jean mais aussi dans saint Paul, et qui s'exprime dans la position unique de la christité en Christ par rapport à la totalité de l'humanité. Il n'est pas question des hommes en tant que singuliers. Ce qui est en question ici, c'est l'humanité, mais pas l'humanité comme collection, comme addition de singuliers. Et il faut bien voir aussi que le Christ n'est pas seulement un sage qui dit comment il faut faire, qu'il n'est pas quelqu'un qui cause sur le salut, il sauve.
3°) Questions sur le "dévoilement de la colère" (verset 18).
a) Colère et jugement.
► Est-ce que la colère a rapport avec le jugement ?
J-M M : Oui si on prend le mot jugement négativement comme en Jn 3 : « Je ne suis pas venu pour juger le monde mais pour le sauver » mais cela ne nous éclaire pas. C'est une autre chose que je voudrais mettre en évidence ici. La connaissance, l'action de grâces, sont pour nous des actes opérés par un sujet. Dans la pensée qui nous occupe, les mots qui disent le rapport entre les êtres, qu'ils soient cognitifs ou affectifs pour nous, nomment précisément "l'entre les êtres", et non pas une caractéristique attribuée à un sujet. Dieu n'est pas un sujet qui se met en colère, pas plus qu'il n'est un sujet qui se met à aimer. La colère comme l'agapê sont des espaces, c'est-à-dire des noms de relations, des noms de mi-lieu, des noms de ce dans quoi on se tient. C'est la même chose qu'un espace. Dieu n'est pas un bonhomme qui se met en colère, mais l'homme qui est en colère contre Dieu se fait un Dieu de colère. Autrement dit on a le Dieu selon l'être-à-Dieu que l'on est. Or cette relation est une relation pacifique ou une relation conflictuelle.
Et ceci d'ailleurs, d'une certaine manière, justifie les gestes prophétiques en tant qu'ils sont des gestes révélateurs. La violence du Christ dans l'espace du temple (Jn 2, 15-16), est la révélation de ce qu'il y a de profondément violent, parce qu'on confond le lieu de donation et le lieu de marché. Ce sont des gestes prophétiques, en ce qu'ils ne dénoncent pas un caractère individuel de Jésus qui aurait été colérique. Ce n'est pas cela qui est en question, mais la qualité d'espace où les choses sont désajustées : faire de la maison de Dieu, la maison du don, une maison de commerce. C'est le désajustement suprême, c'est la méprise première.
La colère n'est donc pas la sanction, mais la colère désigne tout l'espace.
b) La distinction sens propre / sens figuré.
► C'est quand même dur d'entendre parler de colère de Dieu.
J-M M : Il faut bien voir que je n'entendrai rien à la grâce de Dieu si je n'entends pas ce que veut dire colère de Dieu. Les deux sont dans l'Écriture. Le grand risque dans la lecture, c'est de trier parmi les mots et les textes. C'est ce que fait le Moyen Âge. Il introduit la différence entre le sens propre et le sens figuré d'un mot, parce que la métaphysique régit notre Occident en distinguant le monde intelligible, qui est le sens propre, et le monde des images, des figures. Quand il s'agit de savoir si "Fils de Dieu" est à prendre au sens propre ou au sens figuré, ils sont forcés de dire que "Fils de Dieu" est au sens propre, alors que la filiation est un peu du côté de l'image. Mais "la colère de Dieu", pour eux, est à entendre au sens figuré. Or je n'entends pas l'Écriture si j'introduis un principe de répartition du vocabulaire qui vient de mes humeurs et de ma culture. L'Écriture ne connaît pas la distinction d'un sens propre et d'un sens figuré ; c'est du même mouvement et dans le même sens qu'elle dit l'un et l'autre.
c) Raisonner en termes de causalité / en termes de découlements.
Par ailleurs, spontanément nous entendons plus ou moins la colère comme le châtiment du désajustement. Spontanément nous introduisons dans ces choses-là une intelligibilité, c'est-à-dire une relation. Et cette relation nous avons tendance à la penser dans un rapport de cause à effet car nous sommes ainsi constitués, spécialement nous autres occidentaux : chercher la cause et l'effet. Et dans le domaine moral, cause et effet, c'est bonne action et récompense, ou crime et châtiment. En particulier la théologie médiévale a lu ces choses-là dans le registre de la causalité.
La difficulté pour nous tient à ce que nous avons à apprendre quelque chose qui n'est ni la conséquence logique ni la séquence chronologique, qui sont pourtant les deux modes de découlement que nous connaissons. Tout le problème est donc d'entendre cela autrement que dans le rapport d'une cause à un effet, d'un début à une suite. C'est le même problème que nous avons à propos de l'arkhê qui n'est pas la cause, et qui n'est pas seulement le début. Nous trouvons exactement ici le même problème d'un développement, découlement, qui ne se laisse pas entendre et réduire selon la façon dont nous autres occidentaux nous apercevons des enchaînements, des concaténations. Quand c'est logique, on dit qu'il y a des conséquences ; et quand il s'agit d'histoire, on dit qu'il y a des séquences : donc c'est toujours bien l'idée de suite qui est dans sequere.
Cependant ce qui est en question ici, pour l'instant nous le laissons ouvert. Ceci enlève de notre texte tout anthropomorphisme de type « châtiment mérité par une faute », d'autant plus que l'archétype de cela puisqu'il y a la faute, dans un autre langage c'est Adam : « Le jour où vous en mangerez, vous mourrez » dit Dieu. Manger c'est la faute, faute de désobéissance, dit-on – ce n'est pas vrai d'ailleurs, mais c'est ce qu'on entend – et la conséquence c'est la mort. Seulement la faute, nous la pensons dans le champ de la morale, puisque précisément, nous l'appelons désobéissance, et la mort, nous la pensons dans le domaine de la physique. Comment ces deux choses-là sont-elles réunies ? Précisément comme nous les réunissons, c'est-à-dire : si tu fais ceci, je te menace de telle conséquence. C'est une sorte de causalité morale par mode de punition que nous entendons implicitement dans ce texte. C'est probablement toute cette structure sous-jacente, plus que le mot colère à lui tout seul, qui nous gêne dans ce texte.
C'est une première chose qui est encore très fragile, qui n'est pas bien habitée par nous, parce que nous n'avons pas bien identifié les deux espaces, les deux régimes. Nous n'avons pas a fortiori identifié comment le discours s'articule à l'un ou à l'autre, et comment il fonctionne à l'intérieur de chacun des espaces.
► Vous avez dit qu'ici il faut penser en termes de découlement et non pas en termes de séquence ou de conséquence, est-ce que ça pourrait nous aider à comprendre le mot "se révèle" que vous avez traduit par "se dévoile" ?
J-M M : Ce qui est en question ici c'est précisément l'intelligence d'un découlement. Ce mot découlement, on l'entend d'abord d'une oreille occidentale, bien sûr. Tout notre travail sera de l'entendre autrement en montrant que c'est bien cela l'écriture de Paul. On a ce processus qui va, disons, du mauvais cœur à ce qui nous apparaît comme une conséquence punitive de la pratique d'actes répréhensibles et dignes de mort. Il faut bien voir que c'est tout ce processus qui est appelé colère de Dieu. La colère de Dieu ne réside pas dans ce que ce serait une punition ultime. La colère de Dieu c'est que déjà nous péchions, dans le texte de Paul.
d) "Du haut du ciel" ; introduction dans la symbolique ciel / terre.
► Un peu dans le même sens je me disais que c'était le désajustement qui engendrait la colère. Mais en même temps, c'est à travers le désajustement que l'on peut observer cette colère en tout ce qui ne va pas chez les uns et chez les autres. Et alors, bizarrement, je me dis : il y a le mot ciel qui m'embête. Pourquoi « du ciel » ? Est-ce un mot important ?
J-M M : Il est certainement important puisqu'il est là. Le mot de ciel fait problème, et je comprends bien cela parce que cela introduit dans un espace d'imaginaire qui n'est pas intégré à notre pensée, et qui, comme tel, peut être facilement rejeté en tant qu'incroyable. En fait cela nous introduit non pas dans un imaginaire mais dans une symbolique.
Nous avons vu qu'une des manifestations fondamentales du désajustement se manifeste dans le désajustement de la bi-polarité première qui est celle du ciel et de la terre. Or la colère est au ciel quand le désajustement est sur la terre, de même que la gloire est dans les hauteurs quand la paix est sur la terre. En effet, c'est ce qui est dit à Noël : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre… » : "gloire dans les hauteurs" et 'paix sur la terre' sont deux façons de dire la même chose, c'est-à-dire l'unique ajustement où le ciel est ciel et la terre est terre. De même dire colère à partir du ciel, et désajustement ou impiété sur terre, ce sont deux façons de dire la même chose, deux façons de dire le désordre premier, ce désajustement premier par rapport à la première axialité. Là comme toujours, il y a quatre termes. Quand il y a ciel et terre : il y a le ciel du point de vue de la terre, et le ciel du point de vue du ciel ; il y a la terre du point de vue de la terre et la terre du point de vue du ciel. J'aurais dû commencer par les points de vue parce qu'ils sont premiers. Mais je ne pense pas qu'il faille trop insister.
e) Les deux espaces.
► Le mot dévoilement au verset 17 est celui de la justice de Dieu, et au verset 18 c'est le dévoilement de la colère, quel est ce lien mis entre les deux qui est indiqué par le "en effet" ?
J-M M : Ces deux dévoilements ont certainement un rapport. Pour l'instant nous sommes tentés de les penser comme deux choses essentiellement contraires. Et la question sera de savoir s'ils sont des contraires, si c'est l'ultime relation, la plus haute façon de les penser dans leur rapport. Alors je dis tout de suite que non. Ce n'est pas le mode paulinien. Comment fonctionnent-ils ? Paul le dit : ils fonctionnent comme ennemis. Les deux sont ennemis l'un de l'autre. Mais c'est seulement un début.
f) La tonalité des mots.
► Vous avez dit que le dieu que l'on a est comme l'être à dieu que l'on est. Qu'est-ce que vous entendez par là ?
J-M M : C'est une proposition de méditation. Par exemple le mot même de colère est un mot qui peut être habité ou être entendu dans une tonalité de miséricorde, alors que le mot même de grâce peut être entendu dans une tonalité meurtrière. Le mot a un double sens nécessairement puisqu'il nomme justement l'espace intermédiaire entre deux. Il peut être entendu d'une oreille meurtrière ou d'une oreille vive de par le lieu qu'il désigne et qui est un être-à. Ça c'est un point important.
4°) Histoire des nations en termes de dévoilement (apocalupsis).
► À première lecture j'avais l'impression que Paul faisait de l'histoire, mais avec ce que je viens d'entendre, je vois les choses autrement.
J-M M : Nous avons ici une lecture de l'histoire des nations par rapport au dévoilement de Dieu. Et ceci ne correspond ni à notre notion positiviste d'histoire, ni à des utilisations de type hégélien ou phénoménologique de la notion d'historique ou d'historial. Pour parler simplement, dans la compréhension positiviste de l'histoire, nous distinguons d'abord les faits pour rechercher ensuite les causes. Dans vos études vous avez eu sans doute à disserter un jour sur les causes de la Révolution française ou quelque chose de ce genre. En d'autres termes, il y a le constat d'un fait interprété comme un effet dont il convient de conjecturer la cause. Tel est le processus fondamental de la science historique. À cela se substitue ici un autre rapport, le rapport d'un sens qui se dévoile dans une expérience, comme un sens se lit dans un texte. Et la notion de lecture est ici très intéressante pour comprendre le rapport des Anciens à ce que nous appelons la nature. En effet chez eux le monde est plus ou moins considéré comme un texte qui a un sens, alors qu'à l'inverse, pour nous, les textes tendent à être considérés comme la nature, c'est-à-dire comme des choses. Là aussi il y a une sorte d'inversion, dans un autre sens, qui est assez caractéristique, même si l'on veut simplement donner de l'importance à la notion originelle du discours de Dieu ou de parole de Dieu. En effet cela se situe dans un monde où la parole et le texte, le discours, jouent un autre rôle que dans notre façon de voir. Il importe de prendre fortement conscience de cela : jadis le monde était conçu comme un texte, aujourd'hui le texte est conçu comme une nature, comme une chose naturelle qu'il faut analyser. Nous savons bien que c'est une forte simplification par rapport à des recherches actuelles qui sont des plus intéressantes, mais cela traduit assez bien cependant la compréhension banale du texte dans le monde moderne.
Nous avons là un exemple de lecture de ce que nous appelons l'histoire à partir d'un certain schème de dévoilement, d'apocalupsis. Or cela nous aide beaucoup à comprendre comment le Christ a été accueilli, car justement c'est sur ce présupposé que, en opposition à ce dévoilement de la colère, le Christ a été compris comme dévoilement de la justice, de la grâce, du don de Dieu. Et cela du reste implique une compréhension très différente du temps, parce que l'histoire banale se situe dans un temps homogène, alors qu'ici intervient la notion de saison, de kaïros, la saison du dévoilement, c'est-à-dire ce moment privilégié, ce bel été où le Christ paraît dans l'histoire du monde. C'est une compréhension très différente de la compréhension banale du temps.
Ceci nous permet de montrer comment un certain nombre de choses par rapport à la compréhension du temps, par rapport à la compréhension du fait, par rapport à la spéculation sur le sens du fait se situent d'une manière différente dans la contexture même d'un texte, si on prend au sérieux la notion d'apocalupsis, de dévoilement, qui est la notion à partir de quoi le Christ a été accueilli dans le premier discours.
5°) Rétribution et grâce paulinienne. Rétribution et karma bouddhiste.
Le mot colère est donc très loin de notre capacité d'écoute immédiate, spontanée. En plus il y a une chose : peut-être avons-nous l'impression que les deux espaces dont nous avons parlé sont pratiquement le bien et le mal. Eh bien non. La première distinction n'est pas celle-là. La première distinction est celle de la grâce et de la rétribution (la rétribution en bien ou en mal). C'est le dévoilement que Dieu n'est pas essentiellement rétributif. C'est la thèse fondamentale de Paul.
Concevoir la rétribution comme une négation punitive, comme un mauvais sentiment humain de vengeance, on arrive à s'en défaire, mais on le reporte en général sur une certaine idée de justice qui comporte sa propre rétribution, et qui exige cette rétribution car alors Dieu est lavé au moins de l'apparence passionnelle de la colère et de la vengeance. Mais ce n'est pas encore le cœur de l'épître aux Romains. En effet ce qui se dévoile en Christ est grâce et non pas rétribution. Et parce que la grâce est gratuite, la grâce est au cœur de l'Évangile ; pour cette raison-là, le mode d'être à cette venue se nomme eucharistie, le mot que nous avons pointé comme central dans ce texte. Seule la posture d'eucharistie donne à entendre l'annonce de l'Évangile ; elle seule est valide. Ne pas entendre, ne pas recevoir et ne pas eucharistier, c'est la même chose.
► L'Évangile est donc la révélation qu'en rester à la rétribution ce n'est pas entendre l'Évangile. Chez les bouddhistes aussi on parle de rétribution à propos du karma.
J-M M : D'une certaine manière, chez les bouddhistes, la roue de la rétribution, cette roue du destin, est ce qui gère le samsâra[13] : que le karma soit bon ou mauvais, cela a des conséquences, mais en aucune façon le bon karma ne constitue l'éveil. Je ne sais si ce que je dis vous éclaire. Nous avons là une espèce de proximité fondamentale des deux traditions, même si, par ailleurs, tout est différent. Et c'est peut-être la "même" chose, mais ce n'est pas "pareil". Par exemple, dans l'idée de samsâra est impliquée l'idée de réincarnation, mais c'est secondaire parce que la réincarnation pour les orientaux ne coïncide pas avec ce qu'on laisse croire aux occidentaux.
Et ce qui est important ici, c'est que, pour les bouddhistes, le circuit de la rétribution est cassé par l'éveil. Or éveil et libération sont deux mots qu'on trouve dans l'Évangile. Egeireïn veut dire s'éveiller, et c'est un des mots qui disent ressusciter ; littéralement c'est se réveiller. Et là, mon propos n'est pas de faire un parallélisme facile et hasardeux. Mais voyez pourquoi j'indique cela, parce que quelquefois, prendre ne fut-ce qu'un ou deux pas de distance par rapport à sa propre tradition, cela peut être une excellente façon pour la revoir autrement que dans les ornières habituelles. Rien n'est pareil mais on aperçoit toutefois des analogies de configuration, un bon mode d'approche, mais sans plus.
[1] J- M Martin se réfère souvent à ce passage. Il a commenté Rm 1, 18-32 lors de la session sur le Prologue de Jean en septembre 2000 à Saint-Jean-de Sixt, c'est ce qui forme la trame de ce message. Par ailleurs des extraits de deux cours de Christologie qui ont eu lieu à l'Institut Catholique de Paris en 1972-73 et 1983-84 ont été ajoutés. Les questions qui sont posées par des auditeurs viennent de séances à Saint-Bernard de Montparnasse. Ce message fait suite à la lecture des versets 16-17 où beaucoup de choses ont été précisées : Rm 1, 16-17 : Évangile, énergie, dévoilement, foi, justification, salut… Thèse fondamentale de l'épître aux Romains..
Au cours de sa méditation sur les versets 21-22, J- M Martin a évoqué la lecture que les Valentiniens font de ce texte de Paul. Cela rentre dans ce qu'on peut appeler les aventures de Sophie, la Sagesse qui n'est pas sage ! Ceci se trouve dans un autre message :Les aventures de Sophie la Sagesse. Extraits de la Grande Notice d'Irénée .
[2] « Pourquoi je dis 'entrée du péché" ? J'ai pris le mot à saint Paul lui-même parce que je préfère, quand je dis quelque chose, le prendre à l'auteur que je lis. En Rm 5 le péché fait son entrée, il entre. » (J-M Martin).
[3] Voir le message Caché/dévoilé, semence/fruit, sperma/corps, volonté/œuvre....
[4] Paul emploie le mot "découlement" en Rm 5, 17 : « Si par le trébuchement d'un seul la mort a régné à travers un seul, d'autant plus ceux qui reçoivent le découlement (périsseïan) de la grâce et le don de la justification régneront en vie par le moyen d'un seul Jésus-Christ. ». Il emploie également le verbe découler.
[5] Ce texte est commenté dans le message Rm 7, 7-25. La distinction du "je" qui veut et du "je" qui fait. Les différents sens du mot loi chez Paul.
[6] Falsification de la donation : en Gn 3 la parole qui arrive à l'oreille d'Adam est falsifiée par le serpent. D'une parole donnante il a fait une parole de loi. Voir le deuxième partie du message : La parole de Dieu est une parole œuvrante (Rm 1, 16) qui nous arrive désœuvrée (Rm 7 et Gn 3).
[7] « Le concile de Vatican 1 a défini comme dogme le fait que la raison naturelle peut connaître l'existence de Dieu. Les dogmes ont un sens pour autant que la problématique qui les a promus est une problématique qui dure. Comme le concept de raison naturelle est aujourd'hui un concept en perdition, l'impact de ce dogme n'est pas considérable, puisqu'il n'est valable que pour autant que ce concept fonctionne. De plus ce concile prétend trouver dans Rm 1, 19 la preuve de ce dogme, et là je dis que c'est une fausse lecture. Vous vous rappelez les principes que je vous ai donnés, qui sont les principes mêmes de la dogmatique romaine, à savoir que, dans un dogme, la proposition principale est définie, mais que les raisons apportées et les textes allégués ne sont pas définis. Je veux dire par là que je ne suis pas hérétique en disant : « la citation sur laquelle s'appuie Vatican 1 n'est pas pertinente pour attester cela. » A priori on devrait le savoir pour la bonne raison que le concept de nature et, à plus forte raison, de raison naturelle, est un concept qui n'a pas cours dans l'écriture du Nouveau Testament, ni explicitement ni sous une autre forme. » (J-M Martin, session sur le Prologue, septembre 2000).
[8] Sur ce mot "ajustement" que J-M Martin met à la place de "justification" voir le message sur Rm 1, 16-17.
[9] Voir le message Ph 2, 6-11 : Vide et plénitude, kénose et exaltation .
[10] J- M Martin a évoqué la lecture que les Valentiniens font de ces versets. Cela rentre dans ce qu'on peut appeler les aventures de Sophie, la Sagesse. Voir Les aventures de Sophie la Sagesse. Extraits de la Grande Notice d'Irénée.
[11] Voir le message Rm 7, 7-25. La distinction du "je" qui veut et du "je" qui fait. Les différents sens du mot loi chez Paul. Dans ce qui suit la lecture du verset 7 b vous avez "Le mouvement qui va de la semence au fruit" : « Le mot désir, comme le mot de volonté, disent le moment séminal d'un être. Le désir produit la semence, pour aller de la semence à l'accomplissement il y a une progression qui s'appelle élan (hormê) » (p. 4 du fichier pdf).
[12] Paul traite de cela en Rm 5-6 : « Là où le péché a abondé (epleonasen), la grâce a surabondé (upereperisseusen),. 21afin que, de même que le péché a régné par la mort, ainsi la grâce règne (basileusê) par le moyen de la justification (dikaiosunê) pour la vie éternelle, par Jésus le Christ Notre Seigneur. 1 Que dirons-nous donc? Demeurerons-nous dans le péché, en sorte que la grâce abonde? 2 Pas du tout ! »
[13] Samsâra est un terme du bouddhisme qui désigne le flux de la vie, le flux des vies successives. En général on l'oppose au nirvâna, quoique certains disent que le samsâra n'est autre que le nirvâna. En 1992 J-M Martin a co-animé une session sur "Christ et lotus" à l'Institut Catholique de Paris avec Dennis Gira, un chrétien spécialiste du bouddhisme. Et D. Gira a participé à des sessions de J-M Martin.