Par Joseph Pierron : Lecture commentée de Rm 9, 1-5 précédée d'un regard sur Rm 9-11 (Israël et les nations)
Joseph Pierron (1922-1999) était un ami de Jean-Marie Martin. Lui-même était prêtre, spécialiste d'Écritures saintes. Voir Qui est Joseph Pierron ? Présentation suivie d'un psaume et de deux prières pour Noël. Pendant plusieurs années il a commenté des textes de saint Paul à Saint-Merri à Paris. Voici l'une des séances[1]. En août paraît son commentaire du chapitre 11 des Romains : Par Joseph Pierron, lecture de Romains 11 : Tout Israël sera sauvé.
- Pour lire, télécharger, imprimer, c'est ici en fichier pdf : Rm_9__1_5.
Regard sur Rm 9-11 : Israël et les nations
Lecture commentée de Rm 9, 1-5
1) Indications préalables sur Rm 9-11.
Dans la première partie des chapitres 9 à 11 de l'épître aux Romains, Paul traite des rapports d'Israël et des Nations. C'est un sujet épineux !
Ces textes ont été très souvent utilisés dans la polémique chrétienne contre les juifs. Ils sont peut-être difficiles à lire après l'holocauste, et ce n'est pas plus facile de les lire maintenant qu'Israël est reconstitué en état.
Mais la question préalable – c'est là qu'il faut apprendre à lire – c'est de savoir si c'est bien Israël qui est au centre de ces chapitres, ce dont je ne suis pas persuadé. Je me demande si, ce qui est au centre de ces chapitres, ce n'est pas Dieu et non pas Israël, et donc la mise en cause faite dans ces chapitres ne concernerait pas immédiatement le peuple d'Israël mais peut-être bien l'image que l'on porte de Dieu.
L'effort de lecture que nous faisons ici vise à démolir des présupposés. On a tous des présupposés : on a une culture, on a eu une éducation ; il y a des idées qui sont dans l'air du temps ; et c'est tout cela qu'on a tendance à projeter derrière un langage qui nous précède de partout.
Essayer de dépasser nos présupposés, c'est essayer de trouver les présupposés de Paul.. D'une part il faut bien voir que sa parole à lui est aussi située, posée dans un temps, dans une culture. Et c'est là qu'est une première difficulté : il ne faut pas penser que la culture d'Israël a été une culture homogène, d'un seul tenant, qu'il n'y aurait eu que le rabbinisme. La culture d'Israël était très riche, très vivante, très diversifiée, et c'est peut-être sur cette richesse que se fonde la richesse même de Paul. Il faut donc faire un effort pour voir ce qu'il y avait avant Paul. Mais, deuxième chose, il faut aussi essayer de voir ce qui pour lui est fondamental derrière les mots qu'il prononce. Si je me fige sur les mots qu'il dit, j'aboutis à des doctrines et à des théories. Or Paul ne fait jamais de théorie ou de doctrine, bien au contraire. Par exemple, quand il parle de la loi il y a toujours chez lui l'ambiguïté de savoir si c'est la loi en tant qu'elle est commandement ou la loi en tant qu'elle est promesse. Paul joue sur les mots, et l'ambiguïté est peut-être nécessaire pour que l'on puisse penser juste dans le christianisme, dans le judéo-christianisme, c'est-à-dire être renvoyé toujours vers plus grand. Si je prétends, moi, dans l'Église, avoir aujourd'hui la vérité, c'est que je n'ai pas conscience de ce qu'est la nouveauté du Christ. La vérité, c'est un horizon, ce n'est pas quelque chose que l'on possède. Si je lis Paul aujourd'hui, ce n'est pas pour enfermer ma lecture dans une doctrine paulinienne, c'est pour qu'au contraire, en lisant, le christianisme soit plus ouvert, soit neuf, continuellement neuf. Ça c'est fondamental du point de vue de la lecture, et une lecture qui se veut traditionnelle en étant traditionaliste est une trahison. La lecture est traditionnelle quand elle crée du neuf.
Vous allez voir comment saint Paul manœuvre là-dedans, il ne fait que lire l'Ancien Testament, et vous allez voir comment il le lit. C'est tout autre chose que ce que nous avons appris. En tout cas, il ne faudra certainement pas y chercher des preuves. Paul ne démontre pas, il essaie de se couler dans un mouvement qui va vers un au-delà. Voilà un premier principe.
Une deuxième remarque sur ces chapitres 9-11. J'ai indiqué la dernière fois qu'ils n'avaient pas de lien avec ce qui précède. Le texte démarre sur une magnifique déclaration de principe, et il se termine par une formule de prière, si bien qu'on peut se demander si c'est un écrit de Paul. Si c'est de Paul, on peut alors se demander si cela faisait partie de la lettre authentique aux Romains, ou bien si c'était un autre morceau que Paul avait composé et qu'on a raccroché dans cette épître – ce n'est pas pour nous étonner, nous avons vu que la deuxième épître aux Corinthiens était le mélange de deux lettres de Paul. Si ce texte n'est pas de Paul, c'est qu'il est de ses disciples, et qu'il aurait été introduit après. Là-dessus les avis sont partagés : pour certains c'est un ajout, pour d'autres c'est le sommet de l'épître aux Romains. Je ne traiterai pas la question maintenant, ce serait probablement une erreur de lecture. Je pense qu'il nous faut partir du texte tel qu'il nous est donné, et on verra s'il s'explique mieux dans le contexte global de l'épître ou si c'est un ajout. On laisse la question ouverte.
Troisième remarque préalable. C'est un texte magnifiquement composé. On a déjà vu le génie de Paul pour composer, mais cette partie est particulièrement soignée. Pour le mode de composition, il faut se rappeler que Paul n'écrit pas comme nous, il ne se met pas à sa table de travail et il ne se met pas à rédiger avec un plan qu'il aurait mis au point. Paul écrit de sa main, mais, quand il écrit de sa main, généralement c'est simplement une salutation et il dit « j'ai signé de ma main ». On en déduit que Paul travaille avec un tachygraphe[2], un de ces scribes qui écrivent très vite et qui prennent à la volée ce que le maître dit oralement. Cela veut dire qu'il nous faudra être extrêmement sensibles au rythme, parce que, quand quelqu'un parle, c'est sur la question du rythme et de la répétition que peut se faire une lecture. Je ne peux pas diviser cette section selon des règles grammaticales aristotéliciennes, je ne peux le faire qu'à partir d'autres procédés de composition. Ce sera à nous de voir quels sont les moyens de composition qu'utilise Paul. D'où l'importance, dans l'effort de lecture, de tenir compte des structures, à savoir la structure sémantique (la structure basée sur les mots, le langage), et la structure basée sur la rhétorique. Il y a longtemps qu'on s'est aperçu que le langage paulinien relevait de l'ordre de la rhétorique stoïcienne. À l'époque de Paul il y a des prédicants dans toutes les villes hellénistiques, des gens qui passent pour exposer leurs idées. Ils ont l'habitude de faire des discours et d'entrer en controverse, c'est le style de la diatribe. Il faudra en tenir compte pour essayer de bien voir où Paul met l'accent.
Je rappelle la structure générale de ce morceau parce que c'est admis à l'heure actuelle par tous les exégètes.
En 9, 1-5 il y a une grande ouverture, une sorte d'introduction déclamatoire, sentimentalement très forte, apparemment fondée uniquement sur la psychologie paulinienne, mais peut-être engageant tout le destin de sa vie et de la vie d'Israël. Ce sont des versets soignés, structurés, qui sont extrêmement importants par le côté affirmatif, mais qui sont encore plus importants par l'aspect d'omission, l'aspect négatif.
Après cette ouverture il y a trois parties :
1/ En 9, 6-29 on a un texte apparemment centré sur le destin d'Israël.
2/ De 9, 30 à 10, 21 c'est une sorte de réflexion théologique à partir de citations bibliques sur la double justice : la justice par la loi et la justice par la foi.
3/ En 11, 1-32 Paul revient à Israël.
On a ainsi ce qu'on appelle une construction concentrique : une thèse a, une thèse b et on revient à une thèse a'. Mais est-ce que a' est la répétition de a ou bien est-ce au contraire un outrepassement, c'est ce qu'il nous faudra voir. Dans de nombreux cas, cela peut être purement et simplement une répétition, ce qui voudrait dire que le point central serait b. Tandis que si on a le parcours a – b – a' et que a' n'est pas la répétition de a, c'est que a conduit jusqu'à une impasse, b de même et que a' conduit à un outrepassement. Cette façon de raisonner n'est pas du tout notre façon à nous de comprendre un texte.
Enfin 11, 33-36 : c'est la conclusion et la reprise du début, mais sous forme d'inclusion. C'est une manière de dire qu'il en a fini de traiter cette question.
Ce qui me fait distinguer la structure concentrique, ce sont les nombreux parallélismes qu'il y a entre a et a' : par exemple en 9,4 Paul parle de la gloire et en 11,36 aussi ; en 9,5 il dit « pour les siècles, amen » il le dit également en 11,36 ; en 9,7 il parle d'Abraham et également en 11,1 ; il parlera de Jacob, de l'appel, de l'élection dans les deux côtés. Il y a donc tout un réseau sémantique qui permet de justifier cette division, et cette division est basée sur l'emploi de mots donnés.
2) Lecture commentée de Rm 9, 1-5.
« 1Je dis la vérité en Christ, je ne mens pas, ma conscience est témoin pour moi dans l'Esprit Saint – ensuite on a oti qu'on peut traduire par "parce que", "que", ou bien mettre simplement deux points ; ça désigne donc ou bien l'objet de son attestation ou bien le motif (parce que), là il y a une ambiguïté qui est de taille – 2parce que le chagrin est grand pour moi, et continuelle est la peine [que je porte] en mon cœur. 3En effet je souhaiterais être anathème moi-même loin du Christ – donc exclu du Christ – en faveur de mes frères, ceux [qui sont] de ma race selon la chair – voilà un mot important dans sa distribution – 4eux qui sont des Israélites à qui sont la filiation, et la gloire, et les alliances, et le don de la loi, et le culte, et les promesses, 5eux dont sont les pères, eux de qui est le Christ selon la chair, à lui [qui est] Dieu par-dessus tout, béni [soit-il] pour les siècles. Amen. » [3]
Dans les versets 1 à 3 il y a une formulation qui comporte deux mots très importants : le thème du mensonge opposé au thème de la vérité, et puis le thème de l'anathème. Il y a là une prise de position douloureuse.
Ensuite les versets 4 et 5 sont bâtis d'une façon assez extraordinaire : neuf privilèges (ou mentions) vont se suivre.
Il y a d'abord le fait qu'ils sont des Israélites et cela va être la grande thèse de Paul. Il dira au verset 6 : « car tous ceux qui sont d'Israël ne sont pas Israël ». Derrière cette formulation qu'il nous faudra revoir il y a ce pour quoi Paul va se battre, à savoir le passage de l'élection du peuple au peuple d'élection où tout le monde est appelé[4].
Il faut remarquer que dans les privilèges qui sont nommés, un seul ne figure pas : le thème de l'élection et de ce que peut signifier l'élection. C'est sur ce point-là – parce que ce thème est absent –, qu'est la force et le raisonnement de Paul. Qu'est-ce qu'être élu ? Derrière ce que dit Paul il y a évidemment le modèle d'Abraham et de la promesse faite par Dieu : « en toi seront bénies toutes les nations de la terre » (Gn 12, 3).
Quant aux privilèges, ils vont être encadrés par deux kata sarka (selon la chair) : le premier indique l'appartenance de Paul, l'autre indique l'appartenance du Christ. Dans une mentalité grecque, la chair serait quelque chose de vicié, de mauvais, quelque chose d'inférieur à rejeter tandis qu'ici le "selon la chair" est placé pour indiquer l'importance de la réalité humaine : on ne s'évade pas dans un spiritualisme, on est dans une histoire et dans un événement.
Il y a donc les privilèges. Le premier c'est donc Israël et après il y a deux séries de trois mots qu'on voit bien en grec en prenant à la suite les mots deux à deux :
huiothésia et nomothésia – terminaisons en thésia ;
doxa et latréia – terminaisons en a ;
haï diathêkaï et haï épangeliaï.
On sent bien que c'est du langage parlé, mais en même temps, il faut pouvoir ne rien oublier, on doit avoir deux séries de trois mots qui se correspondent :
- d'une part huiothésia (filiation), doxa (gloire), diathêkaï (testaments),
- d'autre part nomothésia (don de la loi), latréia (culte), épangéliaï (promesses).
Puis, au verset 5, il y a "les pères".
Paul met ensuite celui qui est l'origine des pères, celui qui les a fondés, celui qui est au cœur de la promesse à Abraham comme il est au cœur de la promesse à Moïse, comme il est au cœur de la promesse à David, c'est-à-dire le Christ : c'est le dernier nommé.
Puis cela se termine par une doxologie, ce qui est normal.
Ce paragraphe a certainement été très soigné, et il nous invite à nous dire : de quoi s'agit-il ?
« 1Je dis la vérité en Christ, je ne mens pas, ma conscience (suneidésis) – on peut traduire par "mon intelligence", "ma compréhension", parfois on traduit par "mon cœur" – est témoin (témoignage) pour moi dans l'Esprit Saint. » Dans ce passage, Paul ne fait-il allusion qu'à la sincérité de ses sentiments, au fait qu'il ne veut pas dire de mensonge ? Personnellement j'en doute fort. En effet, quand Paul parle de lui – ce n'est pas un homme qui a peur de s'engager –, il ne le fait jamais pour exprimer ses propres sentiments. À partir de sa conversion, Paul s'est toujours compris dans l'histoire du salut, il ne s'est pas vu comme apportant quelque chose d'extérieur : c'est dans son destin à lui que se jouent aussi la mort et la résurrection du Christ. Donc, quand il va parler de mensonge et de vérité, il ne va pas faire allusion simplement à sa sincérité, mais il va s'opposer à ce qui est le menteur, à ce qui est le mensonge. C'est là qu'est la force de la position paulinienne, c'est de se mettre dans le processus de dévoilement de la vérité.
Il ne faut pas oublier que, pour un sémite, la vérité n'est pas de l'ordre de l'adaptation de l'intelligence avec l'objet que l'on voit – ceci est aristotélicien, c'est repris magnifiquement par saint Thomas d'Aquin, mais cela ne se trouve ni dans le langage de Paul ni dans celui de Jean. Quand ils utilisent le mot alêtheia (vérité) ils se rapprochent de ce qu'était le sens premier de ce mot : a-lethê, c'est ce qui sort de l'oubli (Léthé est le fleuve de l'oubli, le fleuve qui est au fond des enfers : une fois qu’on l'a passé, il n'y a plus de passé, plus d'origine, on est complètement paumé). Or ici, c'est pareil.
Pour Paul il s'agit de dire la vérité, de reconnaître où est le dessein de Dieu, c'est-à-dire de faire resurgir ce qu'il en était aussi bien d'Adam que d'Abraham et des suivants. Le drame que Paul vit, c'est qu'il est juif, qu'il l'est authentiquement, il prétend même l'être encore plus que les autres. Il ne va surtout pas dénier la valeur du judaïsme, il va essayer de saisir au contraire ce qu'il en est. Il dit donc « je ne suis pas un menteur ».
Quel est le menteur ? Dans la pensée paulinienne et johannique, le menteur c'est le diable (diabolos), celui qui divise, celui qui n'est pas le sumbolos, c'est-à-dire qui n'est pas celui qui rassemble.
Et pour Paul, en quoi consiste le mensonge ? Là il se réfère certainement à la lecture qu'il a faite en Rm 5, la lecture de ce qu'on a appelé le péché originel. Il dit : il y avait une donnée, une orientation, une indication, une invitation de Dieu : « Mangez de tous les arbres, mais celui qui est au milieu, n'en mangez pas. » Ce n'est donc pas un commandement, c'est une narration, une indication. Et l'autre, le serpent, va venir et il va mentir : de ce qui est une orientation et une indication, il va faire un commandement. « Il vous a dit… C'est parce qu'il est jaloux, parce qu'il ne veut pas que vous soyez comme des dieux ». Donc pour Paul, il y a mensonge quand on transforme une narration en un commandement. Et cela va commander profondément tout le développement des chapitres 9-11. C'est la thèse fondamentale. Paul dit : « il faudra qu'il y ait un autre type de lecture de ce que Dieu dit ».
Et cela vaut pour nous : si on annonce l'Évangile en le transformant en commandement, on a toutes les chances d'être en dehors de ce que révèle l'Évangile. L'éthique chrétienne ne peut pas être enfermée dans des commandements, cela ne peut être qu'un mouvement et qu'une dynamique.
« Je dis la vérité dans le Christ… ma conscience est témoin pour moi dans l'Esprit Saint. » C'est dans le Christ et dans l'Esprit Saint, vous remarquez que les deux sont juxtaposés. Le Christ et l'Esprit Saint c'est le même domaine, le domaine de la lumière, le domaine de ce qui fait sortir de l'oubli. Il s'agit évidemment là de la lecture de la résurrection du Christ. C'est là que Paul a été surpris, qu'il a été réveillé de lui-même, et qu'au moins pendant trois ans, il a essayé de relire l'Écriture, de la comprendre à partir de cet événement.
Voyez tout de suite que dans des formules de Paul comme celle-là, le Christ et l'Esprit Saint ne sont pas ce qu'on appelle en théologie post-nicéenne, deux personnes. Paul ne les voit pas comme des espèces d'interlocuteurs qui seraient séparés de nous. Quand il dit en christo (dans le Christ) et en pneumati hagio (dans l'Esprit Saint), il veut dire que c'est au cœur même de nous que se trouve le Ressuscité. La résurrection pour lui n'est pas une reviviscence, c'est le mode de nous être présent et de rester véritablement celui qui vient. Il ne faut pas oublier que son Dieu est un Dieu qui n'en finit pas d'advenir.
Quand nous, nous pensons à Dieu, à cause de l'éducation reçue, on a tendance à le mettre dans un au-delà : ou un au-delà temporel ou un au-delà spatial. Mais au-delà de ce monde, il n'y a rien du tout, et au-delà du temps, il n'y a rien d'autre. C'est-à-dire que l'être de Dieu est saisi dans ce monde-ci ou sinon il n'est pas. Le domaine de Dieu c'est bien celui-ci mais sous un autre mode : c'est un autre mode d'exister que l'on peut de temps en temps entre-apercevoir. Ce mode d'exister c'est celui qui est dans le passage ; on peut l'apercevoir dans l'amour, mais l'amour ce n'est pas l'un qui possède et l'autre qui ne le posséderait pas, cela se joue entre deux. C'est toujours dans l'entre-deux, dans l'intervalle que se trouvent et le Christ ressuscité et l'Esprit.
Donc ici, une première réalité, il est bien certain que Paul ne ment pas. Il ne cherche pas à défendre une thèse, il essaie simplement d'approcher ce qui est le plus grand de Dieu.
Alors, évidemment, parce qu'il en est ainsi, « 2le chagrin est grand pour moi, et continuelle est la peine (edunê) en mon cœur – au pluriel édunaï est le mot typique pour indiquer les souffrances de l'accouchement. C'est utilisé pour la mort et la résurrection du Christ dans le livre des Actes.
En tout cas, Paul apporte une double donnée, c'est-à-dire d'une part ce qu'il en est du peuple juif (la distance avec le peuple tel que lui l'a rêvé), d'autre part ce qu'il en est de son Dieu, ce Dieu qu'il cherchait à servir profondément : il a fallu qu'il apprenne que c'est lui qui était servi, et que celui qui servait c'était Dieu.
C'est là qu'est mise en bonne position la proposition "pour moi" : « car pour moi c'est un grand chagrin… une souffrance pour mon cœur ». Et quand il parle de la peine en son cœur ce n'est pas du sentiment. En effet, pour un sémite le cœur n'est pas le lieu du petit sentiment. Le lieu du petit sentiment c'est le ventre tandis que le cœur est le lieu de la pensée, le lieu de la connaissance, le lieu de la proximité parce qu'en hébreu on ne connaît qu'en s'approchant. Un grec connaît en mettant à distance, un hébreu connaît en s'approchant. C'est tout le thème du prochain, comme le thème d'ailleurs du nouveau.
Il dit « je souhaiterais (je prierais, je supplierais de) être anathème moi-même – mais c'est un conditionnel irréel parce que tout ce qu'il peut souhaiter, c'est que lui-même se trompe et donc qu'il soit exclu : il serait anathème.
L'anathème, originellement, du point de vue du sens, concerne ce qui est tabou, ce qui est remis à la divinité pour être consommé et ne jamais revenir entre les mains de l'homme. Le sacré, dans la mentalité primitive est tout près ou de la bénédiction la plus grande ou de la malédiction, c'est le côté terrible du sacré. Si bien que le mot "anathème" va indiquer ce qui est maudit, voué à la destruction, à l'exclusion. On trouve cette formulation dans le talmud : « puis-je être un anathème pour ceci ou pour cela ? » En fait la réponse est toujours « non » parce qu'on ne peut pas accepter d'être exclu, parce que s'il y a exclusion il y a mort, et donc ici il y aurait la mort de Paul mais ce serait aussi la mort des autres.
Et justement, tout le drame de Paul consiste en ce qu'il devra exprimer à la fois ce qui justifie le choix de vie qu'il a fait en croyant au Christ ressuscité, mais en même temps le fait qu'il n'est pas exclu du peuple juif et que le peuple juif n'est pas exclu.
Là nous avons une grosse donnée que l'Église a souvent oubliée, c'est que nous n'avons pas de sens si Israël est détruit. Il nous faut absolument continuer de vivre "en appartenant à" (au Christ), "en dépendant de" mais en ne transformant jamais notre foi au Christ comme une supériorité : c'est une quête de vérité mais je n'ai pas le droit d'en faire une supériorité. Pourquoi ? Tout simplement parce que je ne sais pas si j'exprime justement ce qu'il en est du Christ. Je suis dans une aventure telle que je suis certain du mouvement, je suis certain de la démarche que je fais ; je ne mets pas en doute ma foi, mais la formulation de ma foi ne représente pas ce qu'il en est vraiment d'être appartenant au Christ et à Dieu. Je suis sûr que si ma mère était ici aujourd'hui, elle dirait : « qu'est-ce qu'il raconte, le Joseph ? » Cela n'a rien à voir avec ce qu'elle pensait, et pourtant elle avait autant la foi – et peut-être plus – que moi parce qu'elle était dans le même mouvement. Ne jamais prendre la vérité chrétienne comme une vérité doctrinale établie. Les dogmes ne sont que des repères et des indications, mais aussitôt qu'ils sont formulés, ils sont déjà dépassés.
Paul profère là quelque chose qui ne peut pas se réaliser, mais, par ce biais-là, il souligne ce qu'il en est de lui par rapport à ceux qui sont ses frères. Le grand problème, c'est celui de la fratrie, de la fraternité : il est important chez Jean mais aussi chez Paul.
Quand nous disons "péché originel", nous pensons tout de suite au paradis, à la pomme et à ces histoires-là. Quand Paul et Jean pensent au péché originel, ils pensent aux 11 premiers chapitres de la Genèse, ils pensent aux origines. Par exemple le déluge peut être une source d'explication pour eux, de modèle archétypique.
Or, dans la Genèse, la première mort est celle d'Abel, et donc la toute première mort (avant celle d'Adam, avant d'Êve), c'est un meurtre, c'est même un fratricide. Donc, pour un hébreu toute mort est une forme d'exclusion et une forme de fratricide. En raison de cela il faut arriver à ce que soit dépassée la mort qui est toujours exclusion[5]. Dans la mort il y en a un qui s'absente et qui devient par le fait même celui qui s'exclut et qui nous laisse une blessure, qui nous renvoie à la mortalité. Or, pour Paul, c'est justement cela qu'est le Christ. Le Dieu pascal en Jésus-Christ, ce n'est pas celui qui efface les péchés, c'est celui qui les balaie parce qu'il fait une trouée. C'est en effet celui qui va être soumis au meurtre, soumis à un fratricide – ce sont ses frères qui vont le tuer – mais en même temps c'est celui qui se donne (« ma vie, nul ne la prend, c'est moi qui la donne »). Et, parce qu'il est le frère qui donne sa vie, alors de nouveau la fratrie est possible.
« Je souhaiterais être anathème moi-même, loin du Christ, en faveur de mes frères, ceux [qui sont] de ma race selon la chair. » On voit que, quand Paul dit « mes frères », il pense bien que ce sont ceux de sa race, ceux de son appartenance charnelle, ceux qui vivent avec lui, mais, en même temps, c'est ceux qui sont appelés à la véritable "filiation", un mot qu'on va trouver dans les privilèges. D'où il est "selon la chair", c'est là qu'il se situe, dans cette réalité historique.
« 4Eux qui sont des Israélites à qui sont la filiation, et la gloire, et les alliances, et le don de la loi, et le culte, et les promesses, 5eux dont sont les pères, eux de qui est le Christ selon la chair, à lui qui est Dieu par-dessus tout, béni soit-il pour les siècles. Amen. »
On aborde maintenant les privilèges.
Israël est un mot difficile, un mot qui nous apparaît comme étant un désignatif ethnique, à savoir la désignation d'un peuple. On a essayé de trouver une racine à ce mot : el est certainement le dénominatif divin, c'est donc Dieu, cela ne pose pas de problème ; pour isra on trouve deux racines sârâh : 1/ l'une veut dire "dominer" et Israël ce serait donc "Dieu domine" : le lieu de la seigneurie de Dieu serait ce peuple-là, 2/ l'autre racine veut dire "briller" et on aurait "Dieu brille" : la révélation est incarnée dans l'expérience et l'histoire de ce peuple. Je n'ai aucune raison d'opter plus pour l'une que pour l'autre.
Quand je trouve le mot dans un des textes certainement les plus anciens, Josué 24 – c'est un texte bien antérieur à l'application à Jacob[7] qui est un récit plus tardif, un récit pour expliquer l'origine par le père – en Josué 24[8] le nom est donné non pas à un lieu, non pas à un individu, mais à une alliance sacrale, au fait qu'il y a amphictyonie[9], à savoir qu'il y a 12 tribus et que ce qui les réunit ce n'est pas d'abord la race, mais c'est la fidélité à un credo. Cela a été le coup de génie de Josué.
==> Le double exode d'une dizaine de tribus avant la formation d'Israël.
Vous savez que la conquête d'Israël ne s'est pas faite comme on le raconte dans le livre de Josué, ce n'est pas des tribus qui passent comme un seul chef, non ! D'abord il y en a qui ne sont jamais descendus en Égypte, par exemple Issachar dont le nom signifie "l'homme du salaire", c'est une tribu qui était au service des Cananéens, elle était là et elle n'a pas bougé ; de même, Zabulon n'a probablement pas bougé. Par contre, il y a eu non pas un exode mais au moins deux à partir de l'Égypte[10] :
1/ il y a eu des tribus qui sont éjectées – ils sont tellement intenables qu'on les renvoie – et alors ils passent directement le long de la mer pour arriver jusqu'à Cadès (Qadosh en hébreu) dans le sud, ce sont ces tribus qui donneront Juda ; c'est de là que sortiront des prophètes tels qu'Amos ;
2/ puis il y a eu le groupe de Moïse. Ce second exode est une entreprise de libération : ce sont eux qui se libèrent et qui passent de l'autre côté
Dans le premier exode c'est par exemple le miracle des cailles ; des cailles qui tombent, on peut être certain que ce n'est pas dans le fond du désert, elles tombent quand elles ont traversé la Méditerranée et qu'elles n'en peuvent plus, donc ça ne peut être que le long de la route directe, cela ne peut pas être dans le désert !
==> L'Israël des douze tribus ; la séparation entre l'Israël du Nord et Juda.
Ces gens-là vont se retrouver ensemble et c'est le coup de génie de Josué : ce qui peut les unir ce n'est pas seulement l'origine ethnique, mais c'est le lien sacral, c'est le fait qu'il aient la même foi en YHWH le Dieu du Sinaï, le fait qu'ils aient la même jurisprudence, le même code qui se met en place, le fait qu'ils aient trois pèlerinages par an au sanctuaire qui sera le sanctuaire amphictyonique, et le fait qu'ils se mobilisent tous quand une des tribus est menacée, c'est le thème de "la guerre sainte".
On voit donc qu'à l'époque le mot Israël indique cela. Il est fondé profondément du point de vue de l'acceptation d'une foi et d'une foi collective. Mais ce mot subit malheureusement une éclipse assez grande après le grand règne de Salomon, par le fait de la séparation de Roboam et de Jéroboam : le nom d'Israël est réservé à l'Israël du Nord, et l'Israël du Sud porte le nom de Juda[11]. Voilà donc le nom d'Israël qui éclate, et là encore ce n'est pas par hasard.
- Dans Juda, ce qui est mis en œuvre, ce qui est souligné, c'est la continuité généalogique de la royauté ; c'est donc la continuité de l'attente messianique : c'est au sein de ce courant royal que l'on attend le Messie.
- Tandis que, dans l'Israël du Nord, le chef, le roi, c'est celui qui est d'ordre prophétique ; il n'est pas roi par succession, il est le roi parce qu'il est appelé, parce qu'il est le guide inspiré comme l'était Moïse, comme l'étaient les Juges.
On voit que l'ensemble porte une double direction :
- d'une part une promesse qui ne peut pas ne pas se réaliser, le Messie,
- d'autre part une autre affirmation, c'est que l'appel de Dieu est toujours premier, c'est lui qui garde toujours l'initiative.
Après l'expérience de l'exil, après l'échec, et devant le recul de Juda, c'est Israël qui prend le nom religieux du peuple.
Il y a un autre nom qui apparaît c'est Ioudaïos, celui qui est de la Judée (le Judéen), mais cela devient un appellatif (le juif)[12].
==> Comment le Nouveau Testament emploie-t-il le mot "Israël" ?
Vous vous rappelez ce grand récit de la Genèse destiné à faire de Jacob le père des 12 tribus et à lui attribuer le nom d'Israël à la fin de sa lutte avec l'ange. C'est un récit assez tardif du point de vue légende, mais d'une immense portée pour la constitution d'Israël[13]. Par contre, dans le Nouveau Testament le mot "Israël" n'est jamais le nom du patriarche Jacob.
Dans le Nouveau Testament on trouve l'expression "la race d'Israël", c'est la race de la promesse à Abraham, la race des patriarches mais aussi celle qui reste la race de la fin des temps portant la promesse et l'élection.
Dans les synoptiques, le mot Israël est surtout utilisé pour indiquer la terre d'Israël, et ce n'est pas mal trouvé. Il ne faut pas oublier que, pour le peuple d'Israël, la terre ce n'est pas simplement un territoire où l'on est, mais la terre d'Israël c'est le sacrement de la bénédiction de Dieu : la possession de la terre c'est vraiment le signe efficace et réaliste que Dieu est avec eux. La terre d'Israël, ce n'est pas simplement de l'ordre de la puissance, c'est de l'ordre de la bénédiction. On parle aussi du roi d'Israël mais pour indiquer plus ou moins le Messie.
Dans les lettres de Paul, le mot Israël est utilisé, mais nous allons voir que c'est pensé d'une façon assez étonnante. Il y a certainement dans la visée de Paul le fait que tout Israël sera sauvé, c'est la grande affirmation de Rm 11, 28. Pour lui c'est certainement le plérôme, la plénitude. Mais Paul pense que l'Israël historique, sociologique, religieux qui était le sien, cet Israël-là n'est Israël que s'il rejoint toutes les nations, s'il remplit la promesse faite à Abraham. Israël n'a pas de sens s'il n'est pas universel.
Paul a saisi cela, seulement il va se trouver dans un contexte politico-religieux qui n'est pas facile. Il ne faut pas oublier qu'Israël c'est le nom de lutte contre les Romains : au début (jusqu'en -150 avant J.-C.) les Romains sont accueillis comme des alliés[14], comme des amis, mais ils deviennent brutalement des ennemis, le symbole du mal, si bien qu'Israël est obligé lui aussi de se couper, il y a une césure, une opposition. Et donc Paul qui écrit aux Romains, n'est pas dans une position facile pour faire comprendre le passage de l'élection du peuple au peuple d'élection où tout le monde est appelé ! C'est pour cela que le mot "élection" ne va pas apparaître au début.
Voilà donc ce premier privilège d'être israélites.
C'est là encore un très grand thème dans la pensée juive. Le mot filiation (huiothésia) se trouve dans le grec pour indiquer l'adoption[15]. Il y avait déjà dans le monde grec et romain des séries de règles ; il y avait le fait que c'était lié à la transmission du nom et en même temps au testament. Curieusement on ne trouve pas le mot huiothésia dans la Septante, la traduction grecque de l'Ancien Testament, mais on le trouve dans le Nouveau Testament.
En fait, dans l'Ancien Testament, ce qui correspond le mieux à l'idée de l'adoption filiale, ce sont des expressions où Israël est désigné comme fils premier-né [cf Ex 4, 22], c'est l'unigenitus, le prôtotokos. Ce terme est attribué à Isaac qui est aussi le "fils unique" ; c'est même sur "le premier-né" que jouera le sacrifice d'Isaac[16]. Il ne faut pas oublier que c'est ce mot qui va être attribué à Jésus-Christ et que c'est la même chose que "le bien-aimé", c'est celui qui est le lieu de la médiation divine, le lieu de la présence de Dieu. Dans les textes de l'Ancien Testament (Ex 4, 22 ; Dt 14, 1 ; Os 11, 1 ; Jr 31, 9) la filiation c'est le fait que Dieu ait désigné quelqu'un pour être en relation spécifique avec lui, c'est toujours vu dans un contexte de salut, c'est toujours vu dans une direction salvifique. À l'époque de Paul on trouve ce mot dans les textes juifs apocryphes. Par exemple dans le 4e Esdras au ch. 6 on trouvera "le fils unique".
Paul va beaucoup jouer sur ce thème de la filiation. Il va se lier pour cela à ce qui semble bien quelque chose de constitué dans l'Évangile, à savoir la déclaration « Celui-ci est mon fils bien-aimé, en lui est mon plaisir »[17]. Il s'agissait de montrer que Dieu était satisfait. On a beaucoup parlé de "satisfaction", mais quand on en parlait c'était pour dire qu'il fallait faire quelque chose pour plaire à Dieu, qu'il fallait absolument produire des bonnes œuvres pour être du côté de celui qui mérite ; on aurait mérité le titre de fils de Dieu ! Tandis que, dans la révélation qui est faite au baptême ou la transfiguration, ou à la mort du Christ, la déclaration de la satisfaction ne vient pas d'une œuvre qui aurait été faite, elle vient de la reconnaissance de Dieu : on est fils de Dieu par l'initiative gratuite de Dieu. La filiation n'est pas quelque chose de naturel, c'est Dieu qui y trouve son plaisir ; ce n'est pas nous qui faisons plaisir à Dieu, c'est lui qui déclare que cela lui fait plaisir.
En lisant le chapitre 8 nous avions vu que pour Paul être fils c'est ne plus être esclave, c'est être libéré du commandement, c'est être là où l'Esprit (v. 25). On avait vu comment le pouvoir de pécher n'était pas une liberté, que ce n'était pas du tout une autonomie mais au contraire un esclavage. Pour Paul, l'idée de liberté ne peut pas être du côté du négatif, elle ne peut être que du côté du plus grand. Quand on parle de huiothésia, de filiation, c'est pour bien souligner ce qu'il en est de la liberté : la liberté, ce n'est pas d'être indépendant de Dieu, c'est au contraire entrer le plus possible dans la communion avec Dieu pour qu'il y ait de moins en moins la possibilité de pécher. Et cela ne vient pas de notre initiative, cela vient de celle de Dieu. C'est ce qu'il y a derrière ce mot de "fils". Le mot de "fils" n'est pas un titre juridique, c'est une réalité vécue, savoir qu'il nous est possible de sortir du mortel et du mortifère.
► Est-ce qu'il n'y a pas une monstruosité à reconnaître que le premier-né qui est Jésus est aussi le sacrifié, celui qui se sacrifie volontairement ?
J P : La révélation ne se fait jamais que sur fond d'ambiguïté, et il va y avoir en effet "celui qui est sacrifié", autrement dit le meurtre. On peut dire : « Dieu le tue », et à ce moment-là on dit « ce n'est pas vrai, qu'est-ce que ce Dieu sadique qui tuerait son fils ? » On a donc une première proposition qu'on est obligé de nier. Il y a eu une deuxième proposition que l'Église a souvent pratiquée, et qui à mon avis est aussi fausse que la première, c'est de dire que c'était les hommes qui l'avaient tué, en particulier on disait que c'était les juifs. Or Paul affirme que non : il y a meurtre, mais l'attribuer à des hommes, c'est faux. De fait, il y a situation de meurtre, mais la solution c'est que c'est le Christ qui s'est donné (« ma vie, nul ne la prend, c'est moi qui la donne »). La seule solution c'est que cela se fait par un dépassement. Ce qui est premier, c'est le désir de Dieu, la volonté de Dieu. Or quand Dieu crée l'homme il est obligé d'attester le plus grand que l'homme, il devra se montrer, de plus en plus, le plus grand. Or il ne peut démontrer le plus grand ni par la force ni par la justice, il ne peut le démontrer que par ce qu'il est, c'est-à-dire par l'amour. Et pour le démontrer par l'amour, ça ne peut être que par un don, et c'est pour cela que Dieu ne sera jamais aussi Dieu que quand il devient un homme qui s'offre.
C'est pour cela que tous ces chapitres sont importants, parce que ça bouleverse toute la conception de Dieu qu'on peut traîner. Si je considère toujours Dieu comme un être qui est au-delà, qui est immobile, qui ne change pas, si je mets la perfection dans une somme de qualités – on empile : il est infini, il est pur, il est parfait etc. ; tous les mots qui ne signifient rien, on peut les mettre ensemble, on peut les lui attribuer mais ça sert à quoi ? –, je ne comprendrai jamais ce qu'il en est du Dieu de l'Ancien et du Nouveau Testament.
Le Dieu de l'Ancien et du Nouveau Testament n'est que dans la plénitude du venir. Dieu ne peut être qu'un dieu pascal, Dieu ne peut être que dans celui qui passe. C'est pour cela que Dieu, maintenant, éternellement, sera un homme comme nous. Mais qu'est-ce qu'être un homme ? C'est ce que je ne sais pas, c'est ce que je suis en train d'attendre. Mais je sais en tout cas que ce n'est pas ce que je vis maintenant, ou plutôt, c'est ce que je vis maintenant mais qui va advenir. C'est là que la mort, au lieu d'être vécue comme absurde, va être vécue comme ouverture. Mais c'est déjà maintenant qu'il faut le vivre, dès maintenant.
C'est là que Paul est très fort. Il donne une première affirmation qui semble évidente, et dit : « c'est impossible ». Il donne une deuxième affirmation aussi évidente et dit : « c'est une impasse ». Il n'y a de possibilité qu'en découvrant une logique qui est au-delà de notre logique. Jamais je n'aurais inventé que, pour être Dieu, il fallait être un homme ! Jamais vous ne trouverez cela. Or c'est en devenant un homme qu'il se manifeste le plus réellement Dieu, et ce "se manifester" n'est pas simplement une simple apparition : se manifester, c'est être. C'est un peu scandaleux ce que je dis là mais…
Si j'enferme le thème de la filiation dans une question de généalogie ou bien si je l'interprète de façon métaphorique en disant « je suis fils d'Abraham parce qu'il a la même foi que moi », je suis perdu. Je ne peux me mettre que dans le symbole, c'est-à-dire dans une réalité qui est une réalité vécue et à laquelle il m'est demandé de participer. Je ne suis pas juif en esprit au sens que ce serait quelque chose que je me figurerais, une idée que je me ferais. En réalité, c'est dans mon appartenance à Jésus-Christ qu'il m'est donné d'appartenir à Israël.
Là encore c'est un très beau thème. Le terme grec doxa (gloire) a pour racine dokeïn (sembler, paraître, se donner une renommée), la gloire c'est ce qui apparaît. Et comme se donner une renommée c'est avoir un renom, il faut se faire un nom, briquer son auréole. Ça c'est la gloire au sens grec, au sens de la renommée, au sens de paraître. Tandis que la gloire, kavod en hébreu, a pour racine kabed qui veut dire "être lourd", "peser", "être pesant". Par exemple kebed c'est le foie parce que le foie est un organe extrêmement lourd ; et c'était d'ailleurs par le foie[18] que l'on pouvait connaître le destin en jetant les sorts (on a retrouvé des séries de foies en terre cuite qui permettaient de discerner le destin). Donc la kavod c'est quelque chose de lourd[19]. Par exemple la gloire d'Abraham c'est qu'il a une belle femme, des serviteurs, des troupeaux, c'est qu'il a du poids : il existe vraiment.
Donc la gloire de Dieu ce n'est pas la petite louange que je peux apporter au Seigneur : qu'en a-t-il à faire ? La gloire de Dieu c'est le poids que Dieu a, c'est la potentialité qu'il a de se renouveler, de s'affirmer, d'exister. Et la gloire d'Israël c'est qu'en effet ils ont Dieu et qu'ils peuvent le rencontrer dans la tente de réunion, dans le Temple, dans les fêtes et dans la Loi. Ils ne peuvent qu'attendre que la gloire de Dieu se manifeste. Par exemple le très beau texte d'Isaïe 40, 5 qui se retrouve dans le Livre de la Règle, un manuscrit de Qumran : « Alors la gloire de YHWH se révélera, et toute chair, d'un coup, la verra, car la bouche de YHWH a parlé. » C'est véritablement la présence efficace de Dieu qui leur permet de tenir debout, qui leur permet en particulier de lire la Loi, de lire sa volonté.
On trouve déjà ce mot en Ga 3, 15 sq : « Frères, partons des usages humains : un simple testament humain, s'il est en règle, personne ne l'annule ni ne le complète. » On voit tout de suite que le mot de "testament" dans saint Paul peut désigner les dernières volontés juridiquement exprimées, valables selon le droit juif ou le droit hellénistique.
Le mot diathêkê a été utilisé par les juifs d'origine grecque pour traduire le mot hébreu berît lors de la traduction de l'Ancien Testament[20]. C'est quand même bizarre que le mot qui indique le testament, donc la fin et la mort – diathêkaï ce sont les dernières volontés –, traduise un mot qui indique le début (l'alliance) ! Pour le mot berît, il ne faut pas oublier que cela indique ce qui est originaire, ce qui est radical, ce dont on ne peut pas se couper[21] et donc, ce qu'on va trouver aussi bien au début qu'à la fin. Ainsi, c'est dans ce qui va rester parce que cela fait tenir, perdurer, qu'il y aura la diathêkê.
Ce thème "des" alliances – c'est un pluriel qui est utilisé – est fait pour indiquer non pas une pluralité d'alliances, mais pour indiquer que cela se déroule au travers de séries d'événements[22]. Or dans un événement, il n'y a pas simplement un acteur, il faut qu'il y ait des spectateurs, des témoins qui participent[23]. Et donc le testament (berît) suppose que la présence de Dieu soit au travers d'un peuple. C'est là qu'on trouve une des sources de dialectique chez saint Paul.
J'ai pris un commentaire de l'Exode qui a été mis par écrit vers le IIIe siècle après Jésus-Christ mais qui rapporte des traditions qui remontent à avant J.-C. Ces traditions étaient rédigées en araméen (il ne faut pas oublier que l'araméen était la langue parlée mais que l'hébreu était la langue sacrée jusqu'à la destruction du Temple). Or il est dit : « il n'y a pas de berît en dehors de la loi » ce qui peut être compris comme le fait que la berît est la loi. Or Paul dira : « il n'y a pas de loi qui ne soit berît » c'est-à-dire il n'y a pas de loi qui ne soit promesse, autrement dit qui ne se réalise.
Et donc Paul va inverser des mots : pour lui, ce qui va subsister, c'est la loi en tant qu'elle est indication, en tant qu'elle n'est pas close. Bien sûr, même pour les pieux (les Hassidim) la loi n'est jamais close, c'est une recherche, peut-être une recherche de sagesse. Si je reprends une parole que mon maître a dite, qu'il disait lui-même au nom de son maître, ça ne va pas, je dois ajouter quelque chose, autrement je ne suis pas dans la bonne direction. Donc la loi n'était pas close, pour eux la loi se faisait par une complétion, par une totalisation, ce qui n'est pas la conception de Paul.
En effet, pour Paul l'origine n'est pas dans le temps car, au cœur de la promesse, dans la filiation d'Abraham, il y a déjà Jésus. C'est une autre conception du temps qu'il apporte, nous le reverrons. C'est quelque chose de très important du point de vue de Paul.
Comme privilège il y a le don de la Loi que je ne vais pas étudier.
On a vu l'an dernier ce qu'il en est, je n'y reviens pas beaucoup pour le moment. Ce qui fonde le culte juif, et qui d'ailleurs nécessite le calcul des jours sacrés, c'est que le culte est un mémorial, il est forcément souvenir : c'est dans la mesure où je me souviens que Dieu se souvient, et le souvenir de Dieu (comme sa parole) est efficace. Pour un juif, la pâque ce n'est pas il y a 3500 ans, la pâque c'est aujourd'hui, c'est maintenant. C'est ce que dit la Haggadah pascale : c'est maintenant parce que, dans la mesure où je me souviens du Dieu qui libère, il me libère aujourd'hui. C'est le thème même du culte.
Il faudra qu'un jour on traite des fêtes juives et de ce qu'elles représentaient à l'époque du Christ, comment tout était combiné. Et il y a des séries de connexions qui sont valables pour nous. « Faites ceci en mémoire de moi » : si vous ne rappelez pas l'Exode, si vous ne rappelez pas la Pâque… ça n'a pas de sens !
Le mot lui-même est choisi parce qu'il est voisin de angélia et de évangélion. Il s'agit de savoir où est la source de la nouveauté. La promesse n'est pas conçue comme le maintien d'une parole fixe, figée, la promesse est dans le fait que cela crée forcément une nouveauté. C'est pour cela que, quand Jésus parle de "commandement nouveau", il s'agit d'un ancien commandement mais qui reste toujours nouveau parce qu'on n'en a jamais fini d'en approcher la profondeur. Il parle du "nouveau" surtout à propos du commandement d'amour. Mais si je maintiens "commandement", c'est faux ; et si je maintiens "nouveau" comme si c'est un contenu que je détermine et non pas comme une source de dynamisme, je fausse complètement la nouveauté.
Avec la mention des pères, c'est le retour parce que Paul boucle ainsi la filiation. Il s'agit certainement des patriarches (Cf. Ex 3, 13 ; 13, 5). Est-ce que cette filiation des pères doit être comprise comme une filiation de génération humaine, ou autrement ? Quelle est-elle ? Nous y reviendrons bientôt.
Une des bases du raisonnement de Paul concernant Israël est la relecture des prophètes, en particulier d'Osée. Quand Osée a des enfants avec une prostituée, il appelle le dernier "pas mon peuple"[25], et donc le thème de la filiation c'est la rupture. Le raisonnement de Paul est de dire "pas mon peuple", donc tous ceux qui sont d'Israël ne sont pas Israël. En fait, que pense Osée quand il nomme ainsi son fils ? Il pense certainement à Israël, il espère qu'il va y avoir un retournement et qu'Israël sera celui qui est appelé quand même à être le fils et à être le fils bien-aimé. Or Paul dira : Non, il ne devient "mon peuple" que parce que tous sont appelés – la plénitude va toujours vers un au-delà – et il dit – ce qui en est forcément le sommet, mais qui est la source de la rupture qu'il voit se produire – c'est le Christ selon la chair.
On peut se demander si la doxologie qui suit se rapporte au Père : « à lui qui est au-dessus tout, Dieu (théos), [qu'il soit] béni dans les siècles. Amen. » C'est possible parce que c'est souvent le cas : vous construisez une affirmation et vous terminez par une doxologie à Dieu. Par exemple on fait une doxologie à Dieu devant la richesse de ce qui est une histoire… Cependant on peut se demander s'il ne s'agit pas d'une doxologie qui se rapporterait au Christ. Ce serait la première fois que le titre de Dieu (théos) serait donné au Christ. C'est possible mais ce n'est ni probable ni probant. En tout cas ce n'est pas par ce biais-là que je chercherais à atteindre le rapport qu'il y a entre Dieu et Jésus car le mot théos est trop vague, trop lointain pour indiquer la proximité de rapport entre Dieu et le Fils. Il y a beaucoup plus de force dans le rapport que Jésus établit avec son Père que dans le fait qu'on affirme que Jésus est Dieu.
[1] Ceci est la transcription de la séance du 20 octobre 1991, transcription faite en juin 2017 à partir de l'enregistrement audio, tous les titres et toutes les notes ayant été ajoutées par Christiane Marmèche. Une des difficultés a été le choix de mettre ou non une majuscule au mot "loi", cela a été fait en fonction du contexte mais aucune règle n'a pu être appliquée !
[2] Le sténographe ou tachygraphe – du grec stenόs (étroit, court) ou takhús (rapide) et graphế (écriture) – est quelqu'un qui se sert de signes conventionnels pour écrire d’une manière aussi rapide que la parole.
[3] Cette traduction faite par Joseph Pierron est proche de la traduction courante : «1En Christ je dis la vérité, je ne mens pas, par l’Esprit Saint ma conscience m’en rend témoignage : 2j’ai au cœur une grande tristesse et une douleur incessante. 3Oui, je souhaiterais être anathème, être moi-même séparé du Christ pour mes frères, ceux de ma race selon la chair, 4eux qui sont les Israélites, à qui appartiennent l’adoption, la gloire, les alliances, la loi, le culte, les promesses 5et les pères, eux enfin de qui, selon la chair, est issu le Christ qui est au-dessus de tout, Dieu béni éternellement. Amen. » (TOB)
[4] C'est le passage de l'Israël comme peuple restreint à l'Israël de Dieu qui concerne toute l'humanité.
[6] Il faut distinguer Israélite et Israélien : "Israélite" désigne les descendants de Jacob/Israël aux temps bibliques alors qu’"Israélien" désigne les habitants du pays d’Israël créé en 1948.
[7] Dans le cycle de Jacob (Gn 25-35) les douze tribus sont vues comme ayant leur origine dans les douze enfants de Jacob, le nom d'Israël est attribué à Jacob lors de la lutte de Jacob avec l'ange.
[8] « 1Et Josué assembla toutes les tribus d'Israël à Sichem, et il appela les anciens d'Israël, et ses chefs, et ses juges, et ses magistrats; et ils se tinrent devant Dieu…. 14Et maintenant, craignez YHWH, et servez-le en intégrité et en vérité ; éloignez les dieux que servirent vos pères au-delà du Fleuve et en Égypte, et servez Yahvé. 15S'il ne vous paraît pas bon de servir YHWH, choisissez aujourd'hui qui vous voulez servir, soit les dieux que servaient vos pères au-delà du Fleuve, soit les dieux des Amorites dont vous habitez maintenant le pays. Quant à moi et ma famille, nous servirons YHWH. 16Le peuple répondit : « Loin de nous d'abandonner YHWH pour servir d'autres dieux !...» (Josué 24)
[9] Dans l'antiquité grecque une amphictyonie est une ligue religieuse rassemblant plusieurs états, et ayant en charge l'administration d'un sanctuaire.
[10] Cette façon de considérer divers récits a été « induite déjà par Robert de Vaux dans sa magistrale ''Histoire Ancienne d’Israël '' : le texte fusionne, sans chercher à les harmoniser, divers exodes israélites, distants dans le temps et l’espace ; il y aurait, d’une part, une expulsion consécutive à la fin de la domination Hyksos dans le Delta (route du nord) et une fuite conduite par Moïse (route du sud). Sans résoudre toutes les contradictions, cela respecte mieux le texte, qui incorpore nombre de traditions originairement indépendantes et constitue ainsi un récit fondateur autour d’un unique '' ledearship '', Moïse. » (https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/571)
[11] Au milieu du Xe siècle division du royaume de Salomon entre le royaume de Juda au sud (tribus de Juda et Benjamin) et le royaume d'Israël au nord (10 autres tribus). Le royaume d'Israël est aussi appelé « royaume de Samarie », du fait que Samarie devint sa capitale au IXe siècle av. J.-C.
[12] Le mot Ioudaïos : « Dans l'Ancien Testament, ce terme est plutôt rare et d'usage récent. Il désigne d'abord les citoyens du Royaume de Juda (Royaume du Sud); il a alors une connotation sociologique et politique (2 R 16,6; 25,25; Jr 32,12; 38,19; 40,11-12). L'accent peut aussi porter sur la valeur ethnique du mot, par exemple, les Judéens exilés volontaires en Égypte (Jr 43,9; 44,1). Après l'exil, le peuple élu n'a aucune institution politique propre à laquelle s'identifier. Yehudi prend le sens actuel du mot juif, à savoir un membre du peuple élu, peu importe sa citoyenneté ou son lieu de résidence. On trouve déjà ce sens dans le livre de Néhémie (1,2; 2,16; 3,33-34) et surtout dans le livre d'Esther (2,5; 3,4.6.10.13).» (Site Interbible.org)
[13] « La geste de Jacob est évidemment l'histoire d'une belle aventure, mais elle est en même temps une histoire qui a valeur fondatrice, car l'histoire de l'ancêtre fonde l'existence du groupe qui descend et se réclame de lui. Le cycle de Jacob débouche, aux chapitres 29-31, sur l'histoire de la naissance d'un clan : accueilli dans un clan étranger, le héros se marie (29,1–30), il a des enfants qui sont les ancêtres éponymes des tribus d'Israël (29,31–30,24), il se constitue un patrimoine (30,25–43), et enfin – épreuve décisive – il parvient à se séparer du clan-mère et à faire reconnaître son propre groupe embryonnaire comme clan autonome (31,1–32,1). A…] Pour ses détenteurs, c'est légende permet d'ailleurs de fixer une fois pour toutes toute une série de "doctrines" et de revendications dont la légende est l'expression : elle définit le degré de parenté et de relations avec les principaux groupes voisins…, elle détermine les revendications territoriales du groupe, elle proclame l'identité du Dieu responsable du bien-être du groupe et désigne ses lieux de culte attitrés, enfin, elle fixe la hiérarchie généalogique à l'intérieur du groupe. […] La seule vraie question est de savoir quel est le groupe qui s'estime défini par cette légende d'origine. Au stade final, il s'agit évidemment du peuple d'Israël dans son ensemble (cf. Gn 29,31–30,24). » (Albert de Pury, Les patriarches et le document sacerdotal)
[14] Au IIe siècle av. J.-C., les royaumes hellénistiques s'affaiblissent tandis que l'emprise de Rome se renforce. Les Juifs utilisent cette situation pour rejeter les rois hellénistiques et retrouver un royaume indépendant, le royaume israélite, dans l'ombre de Rome qui est alors amie. Le territoire sera ensuite divisé en trois parties : Judée, Galilée et Samarie.
[15] Les avis des commentateurs du N T sur le mot huiothésia sont partagés : Joseph Pierron traduit d'emblée par "filiation" (le met même en titre) puis signale que le sens est "adoption" ; J-M Martin traduit par "filiation" car la filiation ne se base pas sur la généalogie comme chez nous mais dépend de la reconnaissance du père, ce que confirment des professeurs de grec (avoir été enfanté n'implique pas qu'on soit accepté par le groupe). Charles Perrot dit que huiothésia dépasse le sens d'une simple adoption : « c’est Dieu d’abord qui accorde le don de la paternité et celui aussi de la filiation... Ainsi Paul déclare aux siens : Vous avez reçu un Esprit de filiation (Rm 8,15.23) - non pas un esprit d’adoption comme on le traduit souvent… C’est l’action de Dieu qui compte. C’est Lui qui attribue la paternité et la filiation » ce qui correspond à ce que dit Joseph juste après pour l'A T. (Cf. (http://www.sfem.free.fr/docs/conferences/conferences_2005/2005Nevers_Perrot__paternite_de_joseph.html))
[16] Cf. les commentaires du Poème des quatre nuits par Joseph (Par J Pierron : lecture de Rm 1, 8-17 et du Poème des 4 nuits ; sens du mot "justification" d'après Ps 143 et Règle de Qumran), en particulier la note 9.
[17] Parole du Père à la Transfiguration.
[18] Il pouvait s'agir du foie de victimes animales.
[19] Rendre gloire à quelqu'un, c'est reconnaître son importance, son poids (au sens de l'autorité).
[20] Lors de la traduction de la Bible en latin, ce choix a continué : berît a été traduit par testamentum qui a le même sens juridique que diathèkè. C'est pour cela que les deux parties de la Bible se nomment Ancien Testament et Nouveau Testament. Une tendance a lieu aujourd'hui, chez certains, à leur préférer les noms d'Ancienne Alliance (ou Première Alliance) et de Nouvelle Alliance.
[21] « Le mot hébreu berît, que l’on traduit presque automatiquement par "alliance", a sans doute pour sens premier "obligation" ou "engagement", ce qui n’inclut pas de soi la perspective d’une réciprocité. C’est ce qu’indique notamment l’expression classique karat berît, qu’on traduit par "sceller (ou conclure) une alliance". L’expression signifie littéralement "couper une berît". Elle fait référence à un rituel d’engagement solennel dont nous avons encore trace en Jr 34,18-20 : « Et ces hommes qui ont trahi ma berît, qui n’ont pas observé les termes de la berît conclue par eux en ma présence, je vais les rendre pareils au veau qu’ils ont coupé en deux pour passer entre les morceaux. Les princes de Juda et ceux de Jérusalem, les eunuques, les prêtres et tout le peuple du pays, qui sont passés entre les morceaux du veau, je les livrerai aux mains de leurs ennemis... Ces exemples le démontrent : « couper la berît » évoque un rite symbolique auto-imprécatoire et non l’engagement de deux partenaires dans une alliance bilatérale… En somme, lorsque nous lisons dans notre traduction favorite de la Bible le mot "Alliance", nous devrions toujours nous demander s’il s’agit bien d’un engagement mutuel ou s’il ne faut pas plutôt comprendre le terme comme une pure promesse.» (Jacques Vermeylen, L'Alliance et les alliances dans la Bible)
[22] « La Bible parle d’une série d’Alliances qui paraissent se succéder. Ainsi, la galerie des grands ancêtres d’Israël en Si 44-47 fait état de sept « alliances » avec Noé (44,18), Abraham (44,20), Isaac (44,23), Moïse (45,1-6 ; le terme n’est pas utilisé comme tel), Aaron (45,7.15), Pinéas (45,24) et David (45,25 ; 47,11). D’un autre côté, on peut dire qu’il n’y a qu’une seule Alliance, qui est renouvelée, revitalisée ou précisée en diverses circonstances historiques. C’est toujours la relation privilégiée que YHWH veut entretenir avec son peuple, relation obscurcie ou "refroidie" par l’infidélité des hommes mais toujours re-proposée et approfondie. C’est en ce sens qu’il faut comprendre le thème de la "nouvelle Alliance" tant en Jr 31,31 que dans divers textes du Nouveau Testament. Jésus vient revivifier, dévoiler pleinement, élargir et porter à son accomplissement dernier l’Alliance éternelle, la seule Alliance de Dieu. Et cette Alliance concerne en définitive toute la famille humaine.» (Jacques Vermeylen, op. cité)
[23] En cela J Pierron est proche de J-M Martin. Cf. Fait et événement. La fonction du témoignage chez saint Jean.
[24] Avodah signifie « rendre un culte » mais aussi « cultiver ».
[25] Osée à trois enfants avec Gomer, une prostituée. Dieu lui demande d'appeler son premier fils Yizréel, (Dieu sème), et sa fille Lo-Ruhamah (non aimée) et pour son dernier fils, Dieu lui dit : « Appelle-le du nom de Lo-Ammi ("pas mon peuple"), car vous n'êtes pas mon peuple, et moi je n'existe pas pour vous. Cependant le nombre des enfants d'Israël sera comme le sable de la mer, qui ne peut ni se mesurer ni se compter; et au lieu qu'on leur disait: Vous n'êtes pas mon peuple! on leur dira: Fils du Dieu vivant! » (Osée 1, 9-10).