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La christité
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  • Ce blog contient les conférences et sessions animées par Jean-Marie Martin. Prêtre, théologien et philosophe, il connaît en profondeur les œuvres de saint Jean, de saint Paul et des gnostiques chrétiens du IIe siècle qu’il a passé sa vie à méditer.
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1 juin 2022

La foi comme entendre, un entendre qui est acte pascal ; la foi comme recueil de la Résurrection

Un des meilleurs moyens pour approcher le mot "croire" (ou le mot "foi"), c'est de le remplacer par le verbe "entendre"., car les mots croire (ou foi) tels qu'employés aujourd'hui trahissent le sens originel. Mais le mot "entendre lui-même a besoin de retrouver un autre sens que le double sens courant ! C'est là la proposition que Jean-Marie Martin a faite tout au long de ses années d'enseignement et ensuite jusqu'à sa mort en 2021.

Voici un extrait de son cours de théologie à l'Institut Catholique de Paris en 1973-74 où l'auditoire est composé surtout de catéchistes envoyés par leur diocèse pour se former et de gens venus spécialement pour l'entendre car il dit des choses que peu de monde dit. Le chapitre lui-même était précédé d'une séance d'introduction dont voici des extraits.

PLAN du chapitre lui-même :
   Introduction
   I – Exercices préliminaires : 1/ Métaphore ; 2/ Accidents ; 3/ Ouïe-dire ; 4/ Sécurité.
   II – La foi comme entendre. 1/ Résurrection ; 2/ Nouveauté ; 3/ Dans Exode et Genèse 1

 

Extraits de la séance d'introduction au chapitre

 

Le mot "foi" est une des dénominations de l'être-chrétien. Dans une première étape nous emploierons des mots du discours banal comme entendre, dire, vivre, être-ensemble. "Banal" est un mot que nous emploierons très souvent, mais au sens ancien de ce qui sert à la communauté. Cette première étape utilisera les mots de notre discours banal mais elle visera à mettre en cause, à critiquer leur sens banal.

 Nous essaierons d'abord de traduire de façon approchée le mot pistis qui est un des noms fondamentaux de l'être-chrétien. On traduit couramment pistis par "foi". Mais nous pensons que le mot de foi trahit ce que veut dire le mot originel. Le mot de foi a une histoire. Nous aurons occasion d'esquisser cette histoire tout au long de l'année, qu'il s'agisse de la foi au sens opinionel (que crois-tu, toi ?), ou qu'il s'agisse de la foi au sens de : je te donne ma foi, c'est-à-dire au sens de fidélité fiducielle, fiance. Suivant ses variantes au cours de l'histoire, le mot de foi, tel qu'il nous arrive, n'est pas le bon moyen d'entendre ce qui est en cause originellement quand le mot de pistis est prononcé. Et c'est pourquoi, nous qui tentons de parler à partir de ce que nous avons entendu dans le mot pistis, nous prendrons une traduction approchée à partir du mot "entendre". Vous voyez le statut et l'importance de ce premier chapitre.

Cela provoquera à un examen de ce qu'il en est d'entendre, et donc peut-être à une certaine critique de notre appréhension spontanée du mot "entendre". Du reste cette critique recoupe des critiques qui sont adressées à ce mot à partir de questionnements philosophiques. Si vous lisez ce que Heidegger dit de hören (entendre)[1], vous trouverez là sûrement quelque chose d'assez proche de ce que nous aurons à dire. Mais c'est une simple rencontre, notre départ n'est pas une philosophie. Nous aurons à remettre en question ce que nous entendons spontanément quand nous employons le mot "entendre", et par suite, à esquisser une mise en question de notre vocabulaire de la connaissance, ce qui est très important. En effet, entendre, concerne aussi l'entendement : je vous entends, je vous comprends. Et qu'en est-il de connaître ?

Donc nous choisissons un mot qui sera le lieu d'une mise en question de son emploi spontané, et par lequel nous essaierons de traduire une appréhension qui nous paraît fondamentale dans ce que nous avons entendu du discours chrétien originel.

 

La "foi" comme "entendre"

 

INTRODUCTION

Nous rappelons d'abord le statut de ce chapitre. Nous examinons le verbe "entendre" qui appartient à notre vocabulaire quotidien. Mais nous serons amenés à prendre des distances par rapport à l'usage de ce que nous avons appelé le discours banal. Ce moment de critique de l'usage banal du mot entendre ne dit pas toute notre attitude à l'égard du discours banal. Le rapport de la foi et du discours quotidien font la préoccupation de toute notre année. Nous envisageons maintenant un aspect, seulement un moment, et le moment négatif de prise de distance, moment dont il ne faut tirer aucune conclusion hâtive pour conduire vos essais de catéchèse ou de dialogue chrétien. Ce n'est qu'une étape, une pièce de l'ensemble, un moment de prise de distance. Nous voulons que cela soit bien entendu et que vous n'en tiriez aucune conclusion ou application trop rapide.

Prendre des distances. Cela suppose un espace de jeu, une certaine liberté ou une certaine aisance par rapport à l'usage spontané du mot. Or cet espace de jeu, certains se le reconnaissent aujourd'hui au titre déjà de la philosophie ou de la pensée. Autrement dit notre exercice recoupe pour une part des préoccupations de philosophes contemporains. Nous pourrions ici donner des noms et des références, mais nous choisissons de ne pas vous introduire dans une telle technicité ou une telle érudition, préférant vous inviter à ce que nous appellerons des exercices préliminaires – Exercices préliminaires, ce sera la première partie de ce chapitre – d'autant que, dès cette première partie, nous nous mouvons déjà dans un espace de jeu, dans une liberté – liberté par rapport à l'usage – qui nous vient de la foi.

Ceci implique qu'on considère la foi comme étant la mise en cause, la mise en péril, ou la réfutation du discours banal. Nous parlons donc de la foi comme mise en cause du discours banal, mais n'entendez pas qu'il s'agisse d'un conflit d'opinions qui auraient à se combattre à coups d'arguments : il y aurait le discours banal d'une part, et le discours de la foi d'autre part ; il y aurait celui qui croyait au premier, et celui qui croyait au second. Non pas. De quoi s'agit-il ? Nous allons essayer de l'élucider dans la seconde partie. Mettre au jour, expliciter la foi comme "entendre nouveau", montrer sa liberté à l'égard du discours banal, ce sera là l'objet de notre seconde partie : la foi comme entendre.

Voici donc notre chapitre introduit. D'abord nous avons bien marqué que ce que nous faisons aujourd'hui n'est qu'un moment qui s'inscrit dans un ensemble, puis nous avons indiqué les deux parties de ce moment : une série d'exercices préliminaires, et ensuite l'examen de la foi comme entendre.

 

I – Exercices préliminaires

 

Entendre, nous savons, ou nous croyons savoir ce que cela veut dire. Or il y a un bloc de présupposés toujours impliqués par l'usage du mot "entendre". Et ce bloc de présupposés, nous allons l'attaquer par une série de harcèlements, autant d'opérations ponctuelles auxquelles nous donnons, comme il convient, un nom de code. Autrement dit les petits titres que nous allons maintenant indiquer pour chacun des paragraphes ne s'enchaînent pas entre eux, ne sont rien d'autre qu'un nom de code pour marquer un exercice que nous faisons.

1) Métaphore

D'emblée nous distinguons deux sens dans l'usage du mot entendre :

  • celui qui se réfère à l'acoustique, au sens ordinaire du terme : entendre des sons, des bruits, éventuellement de la musique ;
  • celui qui se réfère à l'intelligence : « M'entendez-vous ? » En disant cela nous indiquons que votre oreille perçoit bien les sons des mots que nous prononçons, mais aussi que vous nous comprenez.

D'emblée nous distinguons ces deux sens, et cette distinction règne très fortement, non seulement sur notre esprit, mais sur les structures mêmes de notre société. Cela contribue à distinguer des structures comme par exemple la fonction d'un auto-rhino-laryngologiste et la fonction du psychologue ou du philosophe d'autre part. Qui voudrait mettre en cause le bien-fondé de ces professions et de leur distinction ? C'est pourtant ce que nous allons essayer de faire.

En vérité la distinction des deux sens que nous avons commémorés en premier lieu, puis de la distinction des deux fonctions, sont l'une et l'autre fondées sur quelque chose qui structure avant tout égard, c'est-à-dire comme par mégarde, notre première compréhension des choses. Ce présupposé a une longue histoire dans la pensée d'Occident, et l'on n'en finirait pas de dénombrer ses variantes. Un des derniers témoins – car nous ne voulons pas en faire l'histoire ici – est la distinction de l'esprit et du corps. Et cette distinction de l'esprit et du corps est une distinction que personne ne met en cause. Nous voulons dire que celui qui croit qu'il y a le corps et l'esprit, et celui qui croit qu'il n'y a que le corps, ont des opinions différentes, mais le contenu de la question est en fait le même ; autrement dit le concept, ou plutôt l'appréhension qui est évoquée par le mot de corps et par le mot d'esprit reste absolument inchangée, que l'on soit pour ou que l'on soit contre l'esprit. Nous voulons dire que cette distinction de corps et d'esprit est quelque chose d'apparemment évident, qui n'est pas remise en question comme distinction. Or c'est bien ce qui est sournoisement sous la distinction des deux sens du mot "entendre", sous la distinction de l'acoustique et du psychologique, etc.

Cela joue sans doute au niveau du banal, mais cela s'infiltre également dans des distinctions techniques. Regardez comment l'objet "parole" est étudié techniquement dans deux registres : le registre de la phonétique, et le registre de la sémantique ; c'est-à-dire ce qui concerne le son et ce qui concerne le sens ou la signification. Nous avons pris conscience de quelque chose qui est toujours déjà impliqué lorsque nous employons un mot comme le mot entendre. Et nous avons vu le poids de ce présupposé. Faut-il penser que nous pourrions nous mouvoir dans d'autres perspectives ? La question reste ouverte.

Un moment important de l'histoire à laquelle nous venons de faire allusion, en tout cas un moment pour nous remarquable, c'est la distinction médiévale du sens propre et du sens métaphorique qui sont les deux sens d'entendre : au sens propre entendre est une opération de la sensation de l'ouïe qui a pour organe l'oreille ; et puis le sens propre est utilisé métaphoriquement pour désigner une opération de l'intellect. Autrement dit, d'une part le concept qui a une définition propre, et d'autre part l'image.

Cela structure aussi très fortement des distinctions comme celle de la philosophie qui se réfère au concept, et de la poésie à quoi l'on prête le domaine approximatif de l'image.

Or il est intéressant de voir que : « Cela s'entend-il au sens propre ou au sens métaphorique ? » est la première question adressée par la théologie médiévale à des textes que cette question ne structure pas. Expliquons. Les textes auquel nous venons de faire allusion, sont les textes de l'Écriture. Dans l'Écriture la distinction entre sens propre et sens métaphorique est une distinction qui ne joue aucune fonction. L'Écriture dit de façon égale que Dieu a un Fils, que Dieu se met en colère, etc. Or la question du théologien médiéval est : faut-il entendre cela au sens propre ou au sens métaphorique ? Il serait intéressant de rechercher pourquoi cette question devient prioritaire, et nous aurons occasion d'y revenir. Cette question oblige le théologien à faire un tri, un discernement, donc à mettre des césures, des coupures dans le texte original, des coupures que ce texte ne comportait pas en lui-même, mais qui lui sont surimposées de par le questionnement qui s'adresse à lui. C'est ainsi par exemple, au prix d'énormes difficultés, que la théologie médiévale s'est crue obligée de répondre que Dieu a un Fils au sens propre, mais qu'il se met en colère au sens métaphorique.

Ce que nous venons de dire explique que, lorsque nous aborderons nos lectures, notre premier soin sera de les aborder comme unité structurée. En d'autres termes, nous essaierons de voir comment le texte de l'Écriture délivre sa propre structure, qui est une structure distincte de ce qui commande et tient ensemble le discours de la théologie médiévale, ou d'autres discours éventuellement.

Or cette distinction du sens propre et du sens métaphorique continue à jouer très fortement en nous spontanément. Elle trouve des échos divers, par exemple dans la distinction entre ce qui est de l'histoire et ce qui est de la poésie. Eh bien, c'est cette même distinction qu'il s'agira pour nous de mettre en cause si nous voulons entendre ce qui est dit dans l'origine chrétienne.

Cette mise en cause s'atteste dans l'intérêt nouveau pour la notion de métaphore dans le champ de certaines philosophies récentes ; une remise en question de la notion de métaphore se manifeste actuellement, et nous intéresse, recoupe partiellement ce qui est de notre projet ici.

Plus radicalement, depuis plusieurs années ici, nous tentons une étude de ce que nous appelons le symbole comme principe structurant du discours originel. Ce que nous voulons marquer simplement ici, c'est la raison d'être d'une étude de ce genre. En effet, il nous faudra progressivement apprendre comment se structure différemment le discours originel, celui de la théologie moyenne issue du Moyen Âge, comme aussi celui de l'exégèse contemporaine issue des temps modernes.[2]

C'était notre première incursion, notre premier harcèlement, sous le nom de métaphore. Évidemment c'est un exercice à faire et à reprendre, que de découvrir ce qui toujours déjà, d'une façon inconsciente, ou plus exactement sans égard, par mégarde, structure notre façon de poser les yeux sur quelque chose.

2) Accidents

Nous voudrions essayer d'être aussi peu technique que possible pour bien nous faire entendre, car nous croyons que l'on peut entendre cela sans passer par une technicité philosophique excessive.

Dans le langage banal, entendre nomme l'activité éventuelle d'un sujet qui est par ailleurs déjà constitué. Plusieurs structures complexes sont déjà à l'œuvre de par cette simple remarque. La plus simple la structure grammaticale de la phrase « Pierre entend ». Pierre est un sujet toujours déjà constitué qui, éventuellement, entend, à qui il arrive éventuellement d'entendre.

"Il arrive" se dit accidit en latin, et c'est pourquoi cette structure grammaticale est toujours plus ou moins comprise à travers ce que les logiciens ont détecté comme structure logique : la distinction de la substance et de l'accident ; le stable et ce qui lui arrive (ce qui lui accidit).

À cela se mêle par ailleurs une distinction qui n'est pas complètement recouverte par la première, mais qui est également opérante, la distinction entre être, qui se réfère spontanément au sujet stable, et puis agir, qui est éventuel.

Nous vous signalons en passant, et nous le reverrons dans notre lecture de la pensée médiévale, que la foi – non pas telle qu'elle est là inconsciente comme dans le banal, mais telle qu'elle est là de façon tout à fait explicite –, est déjà interprétée en fonction de la structure logique dominante que nous venons d'évoquer. En d'autres termes, la foi est une vertu, c'est-à-dire une aptitude qui arrive, qui se surajoute à l'être de l'homme. Et vertu (ou aptitude) est dans ce domaine un des modes de la qualité, la qualité étant un "accident" de la substance. Techniquement, cela se situe ainsi.

Nous ne voulons pas insister sur cette logique qui structure le discours chrétien du Moyen Âge, et qui survient sous une autre forme, même dans le discours banal d'une certaine façon. Vous voyez ce qui est en cause ici.

●   Entendre nomme l'être-chrétien. Être ?

Or tout cela rend inaudible une phrase comme celle que nous vous proposons : “Entendre nomme l'être-chrétien”. Nous voulons dire que, pour que cette phrase ait un sens, il faut que soit mis en péril tout l'appareil logico-ontologique qui structure de façon inconsciente ce que vous entendez couramment. En effet, "être" est un mot qui ne dit plus grand-chose. On a tenté – et c'est un point de regroupement avec des démarches philosophiques contemporaines – on a tenté de réentendre ce qu'il disait à l'origine, avant qu'il soit devenu le mot le plus banal du discours banal, le mot le plus usé. Et l'on a pensé que son sens premier était "présence" : être, c'est se présenter. Donc être est toujours « être à »[3].

Nous avouons que ce que nous faisons en ce moment est très insuffisant par rapport à des exigences rigoureuses, par rapport aux choses qui sont en cause dans un discours de ce genre, mais nous essayons de vous faire participer de façon relativement simple. Dans cette affaire, il faut mettre en cause l'emploi courant du mot "être".

Il faut voir que lorsque nous disons "entendre", nous ne nommons pas simplement quelque chose qui éventuellement arrive, nous nommons vraiment ce qui constitue[4].

●   La parole dans l'Écriture.

Nous avons fait allusion ici à des approches, à des rencontres avec des préoccupations de philosophes contemporains. Mais plus radicalement, dans le champ de l'Écriture, la parole nomme ce qui constitue. « Dieu dit : “Que la lumière soit”. » Oh, bien sûr, quand nous lisons cela, nous disons : métaphore ! Nous savons que Dieu est créateur, c'est-à-dire qu'il fait ! Il faudrait déjà voir d'où vient cette idée de Dieu, la première qui nous assaille et qui a une longue histoire, pas brillante : « Celui qui a fait tout ça », c'est la première chose qu'évoque le mot Dieu. Voire ! Bien sûr que Dieu est créateur, nous ne le contestons pas dans tous les sens du terme. Nous voulons dire que le verbe "faire" dans le langage banal est aussi loin que possible de ce que peut être le rapport de Dieu au monde, parce que le mot "faire" a subi une histoire. Si l'on vit à l'ère de la production industrielle des choses, le mot "faire" prend un sens dont nous ne pouvons pas nous défaire. Nous imaginons que nous avons compris Dieu quand nous disons que c'est "celui qui a fait tout cela". Puis nous lisons dans la Bible : « Dieu dit » : alors c'est une façon de parler, c'est une métaphore pour dire ce que nous croyons avoir compris comme concept ; la métaphore c'est "dire", et le concept, c'est la notion de cause efficiente sournoisement entendue dans le sens de l'effectivité industrielle.

Or ce à quoi nous provoquons, c'est à entendre le texte qui choisit de dire : « Dieu dit ». Et un texte qui ne parle pas à partir d'un endroit où l'on a préalablement distingué un sens métaphorique et un sens propre. Et cela nous provoque à une remise en cause de l'idée que nous avons de la parole, et par suite de l'idée que nous avons de l'entente, de l'audition.

C'est cette même parole, toujours dans le champ de l'Écriture, qui appelle à l'être, et qui appelle chacun par son nom : « Mes brebis entendent ma voix » (Jn 10). Qui dit cela ? Celui que saint Jean a appelé dans le premier chapitre : la Parole. Quelle Parole ? La Parole créatrice, car le mot Logos (Parole) au début de l'évangile de Jean, se réfère explicitement au moment de la première parole de Dieu : « Dieu dit ». C'est cette parole qui délibère le « Faisons l'homme ». C'est cette parole qui appelle – appel (klêsis), vocatio – et qui appelle l'humanité tout entière : ekklêsia, ek-klêsis. Le sens le plus profond du mot Église lui-même s'entend à partir de la notion de parole et d'entendre.

Tous cela ce ne sont que prélibations, apéritifs. Nous apprendrons à nous tenir devant le texte, à nous tenir devant la parole, à entendre ; seulement nous voulons marquer à quelle mise en question cela engage si l'on veut prendre au sérieux l'expression « parole de Dieu ».

3) Ouï-dire

Le christianisme apparemment nous vient par ouï-dire. Et c'est ce qui fait sa situation si précaire dans notre mentalité spontanée. Nous croyons même que le christianisme dit de lui-même qu'il vient par ouï-dire : « La foi vient par ouï-dire (fides ex auditu) » (Rm 10). Et ce qui rend l'expression si difficile, et par suite la situation du christianisme si précaire, c'est que l'ouï-dire a pour nous pris un sens bien déterminé par opposition à l'expérimenté : il y a ce que je vois, et puis il y a l'ouï-dire. Et en tout cas l'ouï-dire, s'il est retenu provisoirement, doit être soumis à vérification, c'est-à-dire que ce qui le juge, c'est l'expérience. C'est bien là le statut du ouï-dire dans notre monde, spontanément.

Il y a là un primat de la chose ou du fait. Nous aurons à parler de l'expression : « C'est un fait ». Nous pensons même que c'est la seule expression qui traduise encore quelque chose du verbe être dont nous parlions. (Nous ne critiquons pas, nous constatons, nous prenons acte de ce qui nous constitue, nous-mêmes aussi, en tant que nous participons à ce toujours entendu spontané dans lequel nous vivons et qui nous constitue). Donc un primat du fait à quoi se subordonne la parole. Autrement dit, la parole est réduite à être le commentaire de ce qui est déjà constitué.

Sur les rapports entre fait et parole nous en avons parlé longuement l'an dernier en christologie : faut-il articuler la christologie à un entendre du discours apostolique ou faut-il l'articuler au fait historique de Jésus-Christ ? Voilà comment se pose la question méthodologique de la christologie aujourd'hui, chez les théologiens mêmes : il faut choisir ! Cette question, nous l'avons déjà évoquée, elle retrouve sa place ici et nous aurons forcément occasion d'y revenir. Mais de toute façon, disons que la christologie nous arrive aujourd'hui comme ouï-dire qui renvoie à un fait éloigné du passé et à une interprétation de ce fait, interprétation entendue comme doctrine, c'est-à-dire comme discours "sur" les choses, discours sur le fait. La dissociation du christianisme en histoire et doctrine, qui commente à sa manière la distinction fondamentale du fait et du sens, cette distinction ne le laisse subsister que médiocrement. Et c'est la longue histoire de l'Occident qui parle là, et qui parle même chez les théologiens, plus fort que l'origine chrétienne.

Nous verrons comment on est passé d'un premier dire chrétien que nous allons étudier la prochaine fois, qui s'exprime par exemple dans le mot profession (exhomologèse), comment on est passé de là à la foi entendue comme "jugement sur" (comme assertion), puis comme "catalogue d'assertions", puis comme "opinion sur" quelque chose.

Et le verbe "croire" a subi les mêmes vicissitudes que le mot même de "foi", si bien que l'usage banal du mot croire, rend ce mot absolument inutilisable pour dire ce qui est en cause dans le mot originel pistis (foi). Et c'est pourquoi, délibérément, nous n'avons pas intitulé ce chapitre "Croire", mais nous avons cherché ailleurs un mot moins compromis, le mot "entendre". Mais il va sans dire que ce mot même, pour traduire ce qui est en cause, a besoin de sérieuses mises en péril, ce que nous essayons justement aujourd'hui de tenter dans cette série de harcèlements.

●   La distinction entre le vécu et l'appris.

Il n'est pas question ici d'envisager sous tous ses aspects la question : comment le christianisme nous survient-il ? Nous avons toute l'année pour cela. Mais il nous faudra mettre en cause une fois encore cette distinction tenace, entre le vécu et l'appris, c'est-à-dire entre ce qui est de nous, bien à nous, et ce qui s'entend dire à partir d'ailleurs. Il y a déjà là du reste une confusion entre ce que nous appelons l'appris et l'entendu, mais nous reviendrons sur cette question. Un mot seulement sur le caractère illusoire de cette problématique.

En fait, nous sommes intégralement constitués par de l'entendu. Notre être est un entendre et un avoir entendu. Les choses les plus évidentes sont les "choses entendues" que nous ne mettons pas en cause. Et la parole de Dieu vient comme un entendu parmi les entendus, et pour nous, c'est une affaire de discernement parmi les multiples voix qui font ce que nous sommes. C'est ainsi que se pose la question, et non pas dans une position radicale et insurmontable du voir et de l'entendre.

4) Sécurité

La mise en cause ici proposée du discours qui nous constitue ne porte pas seulement sur le banal disons profane, mais aussi sur le discours chrétien moyen. Ce qui suit de cette réflexion d'abord, c'est la nécessité, déjà énoncée, de se tenir différemment devant le discours d'origine et devant les discours issus de ce discours d'origine au cours des siècles. Il nous faudra justifier cette distinction, il nous faudra examiner le statut et la valeur de ces différents discours[5] ; mais, à propos de ce que nous venons dire, nous voulons plutôt retenir ici une remarque opportune.

Ce n'est pas par hasard, et nous allions même dire que ce n'est pas par métaphore, que nous avons parlé le langage du conflit et du harcèlement. Vous êtes peut-être prêts à partir en guerre, mais nous devons vous prévenir que ce contre quoi vous partez en guerre, c'est contre vous-même ! Il s'agit de la mise en péril de ce qui vous constitue, de ce que vous êtes. Et comme ce qui nous constitue est devenu le lieu de notre sécurité, il peut se faire que ce que nous entreprenons n'aille pas sans une certaine insécurité, et peut-être même un certain désarroi par rapport à la foi elle-même que nous croyons posséder. Soyez tranquilles, nous ne sommes pas enclins à magnifier le romantisme de l'insécurité, comme cela est souvent de mode, simplement nous vous prévenons.

Nous avons dit : "la foi que nous croyons posséder". En effet, là surtout, une dépossession est nécessaire. Ce dépouillement est l'autre face de la grâce (cf. Ph 2)[6]. Le don, qui est un autre nom de la grâce, s'annonce comme manque, qui est un autre nom de la prière, y compris du moment où elle n'est que cri. Vous voyez, c'est une voie, un chemin, qu'il ne faut pas chercher à éviter. Il faut seulement l'entreprendre en priant que le Seigneur nous mesure et la faim et le pain, et le manque et le don.

Avons-nous le droit de vous parler ainsi dans un cours de théologie ? Ce que nous entreprenons ici nous concerne tout entiers. Et la séparation dans le christianisme d'une théologie qui se voudrait purement scientifique, et d'une mystique ou d'une piété qui vivrait à part, c'est ce qui peut arriver, ce qui arrive parfois de pire au christianisme. Ce qu'il faut simplement, c'est que nous ne confondions pas le sérieux et la rigueur avec la méthode scientifique, que ce recours à notre propre vie et à notre propre expérience ne soit pas un alibi pour la facilité.

Ne vous inquiétez pas. Ce qui se passe toujours, c'est qu'il y a une véritable difficulté de fond que nous avons essayé d'énoncer. Cette difficulté, il faut la vivre. Mais ce n'est peut-être pas celle qui vous apparaît d'emblée. Elle est recouverte par une autre difficulté, qui est la difficulté de comprendre ce que nous voulons dire tout simplement. Il ne faut pas confondre l'une et l'autre. La première s'estompera assez vite, espérons-nous, puisque c'est à force de causer ensemble que l'on arrive à se comprendre. Quant à la seconde, elle est inévitable, c'est celle qui constitue la difficulté de la foi. Pour l'une comme pour l'autre, nous tenons à vous inviter à la patience.

 

II – La foi comme entendre

 

Ephata, Ouvre-toi, Berna LopezNous rappelons que cela est déjà, d'une certaine façon, traité dans les harcèlements qui précèdent, mais ce que nous voulons maintenant, c'est essayer de mettre cela davantage au jour, et de l'articuler de façon plus précise.

1) Résurrection.

Nous avons établi l'année dernière que pistis ne s'entend que par rapport à la résurrection. La foi se comprend par l'Évangile, c'est-à-dire par la résurrection et la seigneurie de Jésus, ces deux mots disent la même chose. Seigneur (maître de la mort), ressuscité. Et réciproquement la résurrection ne se comprend et ne s'accueille que par la foi. Donc évitez de traiter séparément ces deux choses, d'étudier la foi comme si elle n'était pas précisément la foi dans la résurrection, d'étudier la résurrection comme si elle n'était pas précisément ce qui est capable d'être accueilli par la foi.

Si nous devions en tenter une sorte de définition, plutôt de désignation, nous dirions que la foi est essentiellement ce qui recueille la résurrection en tant qu'elle est accueillie ou recueillie.

La figure qui représente l'attitude de pistis dans le judaïsme, c'est Abraham. Or dans l'épître aux Hébreux on a ce texte :

  • « Par la foi, Abraham, mis à l’épreuve, a offert Isaac ; il offrait le fils unique, alors qu’il avait reçu les promesses – le mot de promesses (épangélia) est caractéristique de la figure d'Abraham, de même que le mot de pistislui à qui il avait été dit : “En Isaac te sera élue une descendance.” – Nous avons ici la figure de la foi, mais l'auteur poursuit et explique –: montrant qu'il pensait que Dieu était capable de ressusciter les morts. » (He 11,17-19).

Pour l'auteur de l'épître aux Hébreux, l'attitude Abraham s'apprêtant à sacrifier son fils tout en retenant la promesse d'avoir une descendance comme les étoiles et le sable de la mer, atteste qu'Abraham croit en la résurrection des morts. On peut penser ce que l'on veut de ce genre d'exégèse ; plus exactement disons qu'elle est tout à fait différente de ce que nous appelons aujourd'hui lire exégèse d'un texte, mais ce n'est pas ce qui nous intéresse. Ce qui nous intéresse ici, c'est que cela montre que l'auteur n'aurait pas expliqué le mot pistis (foi) s'il ne l'avait expliqué par recours à la résurrection.

Vous voyez, même dans le traitement d'une figure qui est antérieure à la résurrection du Christ, comment l'auteur est surpris en train d'infléchir sa lecture à partir de la notion de résurrection, et comment donc la notion de foi et la notion de résurrection s'entendent ensemble ou ne s'entendent pas.

Nous avons employé le mot de "recueil" : la foi est ce qui recueille la résurrection. Pourquoi ce mot ? Parce qu'il est vague ; autrement dit parce qu'il évite nos interprétations hâtives. Si nous avions dit : la foi est ce qui connaît, nous serions déjà dans une certaine compréhension du connaître : la foi est ce qui notifie, ce qui fait savoir. Or ce n'est pas cela. En effet le rapport de la résurrection à la foi n'est pas seulement qu'un fait soit donné à savoir, car chez saint Paul la foi est la résurrection même, la résurrection en train d'advenir. Donc il y a un rapport qui n'est pas simplement le rapport que nous mettons entre sujet, objet, connaissant, connu. La foi est la résurrection qui vient et qui devient ; c'est ce qui recueille la résurrection.

C'était notre discours des années précédentes, et cette année nous disons la même chose en utilisant cette fois le mot "entendre", mais au prix de toute l'élaboration critique que nous avons faite sur la compréhension spontanée du mot entendre, à ce prix-là.

2) Nouveauté.

Notre discours est pour une part inaudible. Pourquoi ? Mais parce que le mot "résurrection" en fait ne nous dit rien. En particulier tel qu'il est employé dans le discours banal, il est inapte à susciter spontanément dans notre esprit ce qui est en cause dans la pensée de Paul lorsqu'il emploie le terme d'anastasis (de résurrection).

Donc nous gardons le mot de "résurrection" comme repère, mais en sachant pertinemment que nous ne savons pas, pour l'instant, ce qu'il y a derrière ce mot.

●   Pistis (foi) : entendre le nouveau.

Nous avons vu, et nous aurons occasion de voir, que Paul dit la chose de la résurrection par un certain nombre de mots, et il y en a peut-être un que nous pouvons risquer aujourd'hui, un qui parlerait mieux que le mot résurrection : c'est le mot "nouveauté". Cela nous permettrait d'aménager notre définition de la foi. Quel est l'être-chrétien qui est pistis ? Entendre le nouveau.

●   Le mot "nouveau" à propos du Christ chez Paul.

Mais ce mot "nouveau", il nous faut aussi l'expliquer. Lorsqu'on lit superficiellement Paul, on pense qu'il s'agit essentiellement de la nouveauté historique qui fait qu'Israël est désormais caduc, ancien, et que le christianisme est la nouveauté qui, dans l'histoire, prend sa place, lui succède. Il est vrai que les rapports du judaïsme comme ancien, et de l'Église comme nouveau, est un thème fréquent chez Paul. Cependant ce n'est pas seulement par rapport à Israël que le Christ ressuscité est nouveau. Il est nouveau premièrement par rapport à Adam. Qu'est-ce que cela veut dire ?

Adam désigne l'humanité, Moïse désigne Israël. La figure d'Adam désigne l'humanité dans toutes ses figures. Or le Christ n'est pas simplement quelqu'un qui met fin historiquement à un statut de l'humanité pour un autre statut de l'humanité. Le Christ est le toujours déjà nouveau par rapport à ce qui se trouve ainsi dénoncé comme ancien, comme vieux, et qui est l'homme que nous sommes. Autrement dit l'apparition du Ressuscité est pour Paul essentiellement la mise en cause de l'homme en toutes ses figures, et donc la mise en cause de l'homme en l'histoire de son discours constituant.

Et c'est d'avoir entendu la résurrection ainsi comprise qui ouvre l'espace de jeu et dénoue la liberté et l'aisance de mettre en cause ce que nous étions. C'est pourquoi, sous des formes diverses, la notion de conflit est une notion constituante de l'homme chrétien qui est l'homme nouveau, et qui ne l'est pas. De ne l'être pas, c'est ce que nous appelons cette constitution réluctante de notre discours mondain que l'on n'a jamais fini de dissoudre, et qu'il faudra donc d'une certaine façon prendre sérieusement en compte dans une autre étape.

Sur le conflit des deux hommes (l'homme ancien et l'homme nouveau) il y a beaucoup de textes de Paul, en particulier Rm 7 qui est d'une interprétation extrêmement difficile, parce que : comment entendre les deux "je" ? C'est une chose extrêmement discutée par les exégètes, et nous n'y faisons allusion pour l'instant que de façon très sommaire[7].

Voyez-vous en quoi ce que nous venons de dire répond à la question que nous posons ? Résurrection : on n'entend pas le mot pistis dans l'être-chrétien sinon à partir de résurrection. Nous avons envisagé le mot résurrection sous un de ses autres noms qui est "nouveauté", et nous avons dit que d'avoir entendu le nouveau qui est le Christ, c'est l'être-chrétien. Cela ensuite se figurait dans le rapport paulinien des deux hommes, de l'homme nouveau (anthropos kaïnos) et de l'homme ancien (anthropos palaïos)[8].

Il y aurait beaucoup à réfléchir sur la compréhension du temps qui est impliquée par cet usage du mot "nouveau" (et donc du mot ancien), rapport de l'histoire et de la temporalité humaine, mais nous n'y toucherons que lorsque nous parlerons de la vie et de la mort.

3) Dans Exode et Genèse.

On pourrait retrouver des figures explicitantes dans le langage de nos sources, mais nous n'y faisons qu'allusion en ce moment.

●    Entendre : acte pascal.

La figure de l'Exode par exemple : entendre c'est toujours se transférer, c'est toujours être déplacé, c'est toujours entreprendre un exode, une sortie hors de soi, hors du familier de son lieu. Ce n'est pas traduire l'Écriture, c'est se traduire ailleurs, traduire, ducere, se traduire. Et il est remarquable que les grandes migrations ou les grands exodes, qu'il s'agisse d'Abraham, qu'il s'agisse de Moïse, dans tous ces cas les textes disent deux fois la même chose, une fois dans l'appel ou la vocation, et une autre fois dans la description même de l'acte de marcher, de l'acte de se déplacer. Ce qui est dit là, c'est précisément l'entendre ; l'entendre est une issue hors de soi.

Ce que nous disons là en ce moment est essentiel à l'audition de la parole de Dieu qui invite à sortir de sa terre, mais sachez que c'est également vrai de tout entendre ; en d'autres termes, cela est à mettre en œuvre quotidiennement entre vous. Nous voulons dire que nul n'entend autrui s'il ne sort de soi. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus, et même beaucoup de choses à préciser, parce que l'on peut aussi entendre mal ce qui est dit ici sur les rapports "d'ailleurs" et "d'ici", "d'autrui" et de "soi", il y aurait beaucoup de précisions à apporter. Mais que tout cela pour l'instant suffise pour dire que la figure d'Exode est une autre façon de dire ce qui est en cause dans l'entendre.

Et c'est ce qui fait qu'entendre est d'essence pascale : entendre est un acte pascal.

●   Entendre la Parole : construction de l'être-chrétien.

Et il faudrait recourir également à une autre figure que nous rencontrerons très souvent, parce que celle-ci nous est plus chère encore que les lieux de l'Exode, c'est celle qui est évoquée par les lieux de la Genèse, la Genèse telle qu'elle est entendue par le premier christianisme. Il s'agit de la construction, de la "struction" du monde. Cette struction, construction, se fait par la parole (« Que la lumière soit »). Or cette construction, c'est elle-même qui est utilisée par les premiers chrétiens pour décrire l'in-struction qui se fait par la parole de Dieu. Autrement dit c'est le même Verbe (Parole) qui instruit et construit le cosmos, c'est celui-là qui, parlant, construit l'être-chrétien, qui, instruisant, construit.

Il y a ce rapport constant à tel point que, dans le premier christianisme, les premiers chapitres du livre de la Genèse, sont lus comme décrivant, non pas ce que nous appelons aujourd'hui le comment de l'origine du monde, mais l'expérience spirituelle. La parole, la lumière, l'Esprit de Dieu qui planent sur notre ignorance, notre ténèbre et notre chaos, sont ce qui fait de nous une création nouvelle (kaïne ktisis) c'est-à-dire qui instruisent, au sens fort, l'homme nouveau.

Ce verbe "entendre", toujours dans nos sources, se réfère premièrement à la première parole, à l'archétype de tout ce qui est parole de Dieu, et qui est : « Que la lumière soit », cette parole créatrice qui est la même que la parole salvatrice. C'est la parole instructive et constructive de l'être chrétien qui est ainsi constituée en obédient, c'est-à-dire en écoute (en audition) de la parole de Dieu.

 

Dans ces derniers moments, nous avons parlé un langage qui ne nous est pas du tout familier ; c'est là que vous parleriez de métaphore, etc. Ce qu'il nous faut, c'est entendre cela. Nous répétons la première chose dite dans ce cours : d'entendre cela en tant que cela réfute notre discours spontané n'est pas, ne peut pas être le tout de ce que nous voulons faire ici. C'en est un moment, et un moment qu'il ne faut absolument pas éviter et sur lequel il ne faut absolument pas passer hâtivement. C'est le lieu d'un exercice, une critique de soi, d'une mise en cause qui nous occupera une bonne partie de cette année.



[1] Voir en particulier « Logos » Essais et conférences (Éd. Gallimard, 1958) fin de p. 257 et suivantes.

[3] Le "on" du début désigne Heidegger. Sur le verbe être (être est être-à dans la pensée sémitique…) voir le message Les verbes être et avoir dans la Bible, en hébreu, grec et français ;

[4] Cette réflexion se trouve aussi chez Heidegger. Par exemple : « Si les mortels veulent vraiment entendre, il faut qu’ils aient déjà entendu le Logos avec un entendre (Gehör) qui ne signifie rien de moins qu’appartenir (gehören) au Logos. » (Logos,  p. 261-262, voir note 1).

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