Les façons de dire "je" et aussi les façons de dire l'homme sont différentes chez nous et dans l'usage culturel de type sémitique. Les mots corps (chair), âme, esprit ne s'entendent pas de la même manière, et de même la distinction du matériel, du psychique et du spirituel n'a pas grand-chose à voir avec notre façon de penser ces termes. Ce message n'est pas un exposé suivi, car il est formé d'extraits de plusieurs sessions, de ce fait on peut lire un peu dans le désordre. Notez que J-M Martin préfère ne pas traduire le mot pneuma par esprit, même quand il désigne ce que nous appelons l'Esprit Saint (c'est pourquoi vous trouvez souvent pneumatique plutôt que spirituel), de même il garde souvent le mot psychê sans le traduire par âme. Un autre message complète celui-ci en indiquant d'où saint Paul et saint jean tirent la différence qu'ils mettent entre psychê et pneuma, et où J-M Martin en tire des conséquence sur notre façon de concevoir l'homme : La différence psychê et pneuma (âme et esprit) en référence à Genèse. Le "Je majeur" présent en tout homme.
PLAN
I – Chair (corps), âme (psychê), esprit (pneuma).
1°) Les mots corps, âme, esprit chez nous.
2°) Les mots chair, âme, esprit dans l'usage culturel de type sémitique. [1/ Ma chair, mon esprit… 2/ Les expressions doubles (chair et sang…). 3/ Chair et pneuma, deux principes opposés).
3°) Quatre acceptions du mot "corps". [1/ Chez nous 2/ Chez saint Paul : le corps comme accomplissement de la semence, 1Cor 15,38 ; 3/ Chez saint Paul : le mot corps comme désignant ce qui est en compact, Col 2, 9 ; 4/Chez saint Paul : le mot corps dans le rapport tête / corps, Col 1, 18]
4) Le baptême des mots chair et psychê quand ils concernent le Christ. [a) Le mot de chair en Jn 1, 14 ; b) Le mot psychê en Jn 12, 25]
II – La distinction du pneumatique et du psychique.
1°) Que désigne le pneumatique (spirituel) chez Paul et chez Jean ? [a) Le pneuma (l'esprit) comme nouveauté radicale, Rm 7, 6 ; b) « Le pneuma, tu ne sais » Jn 3, 8. ; c) « Tu entends sa voix » ; d) Le pneuma de christité en chacun. ; e) La distinction du pneumatique et du psychique, première approche f) Précisions sur la place du corps (sarx) par rapport à psychê et pneuma).
2°) Le psychique ne juge pas du pneumatique [a) Le je usuel (le je psychique) et le je insu (le je pneumatique) ; b) Le psychique ne juge pas du pneumatique (1Cor 2, 14-15) ; c) Le lien éventuel qui existe entre psychique et pneumatique. ]
III – Nouvelle approche en termes d'oppositions.
1°) L'opposition chair / pneuma chez Paul et chez Jean (Jn 6, 63 ; Rm 1, 1-4). [a) Entendre à partir du pneuma (esprit) et non de la chair (Jn 6, 63). b) Selon la chair (sarx) / selon l'esprit (pneuma) (Rm 1, 1-4) ; c) Retour à Jn 6, 62-63]
2°) La double distinction : matériel/psychique et pneumatique. [a) Première façon de faire la distinction ; b) Deuxième façon de faire la distinction c) Résumé sur la différence psychique / pneumatique.]
3°) Semence psychique et semence pneumatique. [a) La déposition des semences pneumatiques, 1ère approche (1Cor 15, 35-38) ; b) La dépositions des semences pneumatiques, 2ème approche (Gn 1-2) ; c) Semences de Dieu et semences du diabolos (1 Jn 3, 9-10).]
4°) Adam psychique et Adam pneumatique (1 Cor 15, 45).
5°) La distinction matériel / psychique / pneumatique chez les Valentiniens.
Corps / âme / esprit
Chair / psychê / pneuma
Psychique et pneumatique (ou spirituel)
I – Chair (corps), âme (psychê), esprit (pneuma)
1°) Les mots corps, âme, esprit chez nous.
Chez nous les mots corps, âme, esprit peuvent désigner des éléments du composé humain. Mais en fait c'est presque toujours pour nous une division binaire d'éléments qui composent : d'une part le corps ou la chair et d'autre part l'âme ou l'esprit d'autre part. Et la décomposition de ces éléments, c'est la mort. C'est là notre héritage occidental.
À l'arrière-plan, chez nous, il y a un je, un je unique qui est substantiel et qui est porteur des différentes composantes de l'être humain, ces composantes étant elles-mêmes douées de facultés différentes, dans la distinction de l'intelligible et du sensible. C'est la répartition classique dans notre pensée. Or si nous prêtons aux mots qui sont dans notre texte le sens qu'ils ont dans notre pensée, nous n'entendons absolument rien à l'anthropologie néo-testamentaire.
2°) Les mots chair, âme, esprit dans l'usage culturel de type sémitique[1].
Voyons d'abord la façon de dire "je", puis la façon de dire l'homme sous deux termes et enfin l'opposition chair et esprit chez Paul et chez Jean.
1/ Ma chair, mon esprit...
Pour se désigner lui-même, pour dire "je", la totalité de "je", l'homme peut dire "ma chair" : "ma chair" signifie "moi". L'homme peut aussi dire "mon âme", "mon esprit", cela signifie aussi " moi". Par exemple dans le Magnificat : « Mon âme glorifie le Seigneur, mon esprit exulte de joie en Dieu mon sauveur. » Dans ce cas chair, âme, esprit ne sont pas des parties composantes, ce sont des aspects, des modalités pour dire moi. C'est à chaque fois la reprise de la totalité de l'homme sous un aspect, pas sous une partie, et c'est reconnu par n'importe quel exégète, ce n'est pas une invention. Le malheur c'est qu'ensuite on n'en tient pas compte pour poursuivre.
Par ailleurs nous avons déjà vu qu'en disant "ma chair", l'homme se désigne lui-même sous un aspect de faiblesse.
Par exemple en hébreu kol basar (toute chair) signifie toute l'humanité. Vous avez un trait de cet usage non encore qualifié dans le chapitre 17 de saint Jean : « Père glorifie ton Fils ce qui est que ton Fils te glorifie, selon que tu lui as donné d'être l'accomplissement de toute l'humanité (littéralement : de toute chair). » Dans les traductions vous lisez : « Selon que tu lui as donné pouvoir sur toute chair », ce qui ne vaut rien. C'est apparemment littéral, mais : « toute chair » signifie toute l'humanité, et en plus il ne s'agit pas de « l'exousia sur l'humanité », mais de « l'exousia de l'humanité ». Exousia signifie pouvoir mais aussi accomplissement (ex-ousia : la plénitude de l'être) : il lui a donné « d'être l'accomplissement de toute l'humanité ». Cet accomplissement, c'est la venue à la perfection de la vie éternelle, et l'accomplissement de la vie, c'est de connaître.
2/ Les expressions doubles (chair et sang...)
Pour dire l'homme il y a des expressions doubles. Par exemple "la chair et l'os". Ainsi quand Adam découvre Êve : « Voici l'os de mes os, la chair de ma chair. » (Gn 2, 23). L'os est une façon de dire l'homme qui est différente de la chair car la connotation n'est pas la même. En effet l'os dit l'aspect solide de la vie, d'abord parce que l'os est solide, et en plus parce qu'il est plus ou moins réputé garder l'élément ressuscitable alors que la chair se corrompt : « Vos os refleuriront comme le gazon » (Isaïe 66, 14). Une autre façon duelle de dire l'homme c'est "la chair et le sang".
Ces deux expressions "la chair et l'os" et "la chair et le sang" font partie des expressions qui disent la totalité de l'homme sous une bi-polarité, mais pas comme une dualité d'éléments. Vous avez par exemple : "le cœur et les reins" ; "le cœur et la bouche" c'est-à-dire l'intériorité et l'expression. Et aucun de ces mots ne désigne ce que nous appelons des organes qui seraient soient des parties intégrantes soient des parties composantes au sens ontologique du terme.
3/ Chair et pneuma deux principes opposés.
Enfin il y a des emplois corrélatifs de deux termes qui sont encore d'une autre structure, qui ne disent pas des éléments composants mais des principes opposés. Ainsi chez saint Paul la chair (sarx) et le pneuma (l'esprit) sont généralement des principes opposés, comme parfois chez saint Jean. La chair désigne le mode faible de vivre soumis à la mort et au meurtre, et le pneuma désigne un autre mode de vie qui est justement libéré et de la mort et du meurtre. C'est pourquoi on dit : « vivre selon la chair » ou « vivre selon le pneuma ».
Cette distinction chair /pneuma qui est paulinienne à l'origine et qu'on trouve parfois chez saint Jean correspond à peu près à la distinction johannique de ce monde-ci qui est le monde régi par la mort et le meurtre, et du monde qui vient. C'est rigoureusement la même pensée. Cependant le mot monde n'est pas très bon, car ceci est pris à la pensée juive, et en hébreu il s'agit du mot olam qui désigne un espace régi[2]..
3°) Quatre acceptions du mot "corps"[3].
1/ Chez nous.
Le plus souvent, nous pensons le corps dans une relation autre, la relation à l'âme. Nous avons l'âme et le corps : l'âme, c'est ce qui est parfait, et le corps n'est éventuellement qu'une sorte d'accompagnement provisoire pour l'âme. Le corps appartient au domaine du sensible alors que l'âme appartient au domaine de l'intelligible. Nous retrouvons la structure platonicienne.
2/ Chez Paul : le corps comme accomplissement de la semence (1 Cor 15, 38).
Du point de vue du langage, chez Paul, le médio-stoïcisme influence davantage que le platonisme. Le mot de corps (sôma) est très souvent mis en relation chez Paul avec la semence (sperma) : sperma / sôma. La semence a en elle de quoi venir à corps. Nous avons un exemple de cela quand Paul dit à quelqu'un qui lui demande avec quel corps on ressuscitera : « Tu sèmes une graine de blé par exemple et le Dieu lui donne le corps selon qu'il l'a voulu » (1 Cor 15). On traduit « il lui donne le corps qu'il veut », comme ça lui chante. Or ce n'est pas un présent et il y a le "selon". Il y a donc le moment séminal, celui du sperma, où Dieu dépose les semences, mais c'est l'œuvre christique que de conduire la semence à corps.
Nous avons ce mouvement, ce développement qui va du moment caché au moment dévoilé. Dans le dévoilement, la semence vient et se donne à voir comme accomplie, elle est alors sôma. Dans cette perspective le sôma dit la totalité de l'homme, et non seulement la totalité de l'homme, mais l'homme dans son accomplissement, dans sa perfection. C'est un langage qui est conforme à la symbolique fondamentale des Écritures, mais qui est attesté également dans la pensée stoïcienne contemporaine de nos Écritures, pensée qui est divulguée et courante à l'époque.
Une petite parenthèse ici. J'ai dit que le mot de chair signifiait l'homme en tant que faible et que cela se déployait dans la signification d'être mortel et d'être meurtrier. À ce titre, le mot de chair, Paul ne l'emploie jamais pour désigner le Christ parce que le Christ n'est pas meurtrier : il est homme « sauf pour le péché », et en ce sens-là il n'est pas chair. C'est pourquoi, sauf chez saint Jean, pour désigner le Christ, à ce mot de chair se substitue le mot de "corps" qui, lui, de par ses différentes significations, n'implique pas l'idée de péché. Saint Paul et les Synoptiques disent à propos des paroles du Christ lors de la Cène : « Ceci est mon corps…ceci est mon sang » alors que probablement, dans le langage araméen qu'il a dû employer, Jésus a dû dire plutôt : « Ceci est ma chair… ceci est mon sang », exprimant ainsi la division dans la mort, puisque l'expression "la chair et le sang" est une indication de l'homme.
3/ Chez Paul : le mot corps comme désignant ce qui est en compact (Col 2, 9).
Le mot de corps, comme le mot de pain du reste, peut signifier le compact, le solide par opposition au fluide. Voilà encore un autre lieu pour entendre le mot corps : sôma (le corps) c'est d'abord un stereoma. D'ailleurs dans la géométrie, le stereos c'est le solide[4]. Or Stereoma, c'est le firmament, d'où l'idée de fermeté. Par ailleurs nous disions que le pain a une signification de compact. Par exemple en Col 2, 9 Paul dit : «En lui (dans le Christ) habite corporellement toute la plénitude de la divinité». Ici le mot sômatikos (corporellement), chez saint Paul, veut dire "en ramassé", en compact, en corps ; et cela ouvre la symbolique qui est la différence entre ce qui est en compact, en totalité dans le Christ, et puis le sang qui a la signification de diffusion de ce qui est ainsi ramassé dans le Christ. Cette symbolique se trouve chez Paul, néanmoins cet aspect du sang est johannique puisque c'est du corps transpercé de Jésus que coule le sang qui est le pneuma, donc le principe de vie. Ce serait une troisième acception où le corps serait, non seulement distingué d'un autre élément mais, comme ici, radicalement opposé à liquide par exemple.
4/ Chez Paul : le mot corps dans le rapport tête / corps, Col 1, 18[5].
Saint Paul utilise aussi le mot corps dans le rapport tête / corps, en particulier dans le premier chapitre de l'épître aux Colossiens : « lui (le Christ) est la tête du corps [qui est] l'Ekklêsia ». C'est le rapport de ce qui régit et de ce qui est régi, de ce qui porte et de ce qui est porté. C'est le corps qui porte la tête ? Pas du tout, ici c'est justement la tête qui porte le corps.
« 18Et lui est la tête du corps [qui est] l'Ekklêsia – Paul ne prend pas du tout l'idée de tête sur une planche anatomique, fût-elle archaïque et ancienne ; quand il utilise le mot de tête pour dire le Christ tête de l'Ekklêsia (de l'humanité convoquée)[6], il le prend dans la lecture du premier mot de la Genèse en hébreu, bereshit qui veut dire "en tête" (et qu'on traduit par "au commencement" – lui qui est arkhê – Arkhê est un des noms du Christos – premier-né (prôtotokos) d'entre les morts en sorte qu'il soit prééminent en toute chose. » (Col 1).
Vous avez ici une lecture de la Genèse. Cela se manifeste dans les versets qui précèdent par la mention du terme ktisis (création) : il est «Premier-né de toute création (prôtotokos pasês ktiséôs)» (v. 5),mais chez Paul ktisis désigne toute l'humanité. Cela se manifeste ensuite par le choix du vocabulaire : le Christ est arkhê, képhalê, prôtotokos… Il est dit être prôtotokos de la création (il ne s'agit pas de la création au sens de fabrication), et c'est repris à la fin : il est prôtotokos de la résurrection. Autrement dit, le fait qu'il soit prôtotokos de la création signifie qu'il est séminalement ce qui se manifeste comme prôtotokos de la résurrection. Le rapport création-résurrection n'est pas le rapport d'une chose naturelle à une chose surnaturelle qui serait la résurrection, c'est le rapport du caché au manifesté. Mais ce qui est contenu dans la Genèse, je ne le sais qu'à partir de la manifestation, donc à partir de la résurrection. Ce texte est donc une méditation sur la résurrection du Christ à partir des premiers versets de la Genèse.
Les articulations fondamentales de Paul sont donc le rapport arkhê / panta (la totalité), et c'est la même chose que le rapport képhalê / sôma, car sôma et panta disent la même chose. L'Ekklêsia désigne les hommes (les dispersés au sens johannique) convoqués à être un sous la régie de la képhalê. Que le Christ soit kurios (seigneur), qu'il règne (basileueïn), tout cela est de l'ordre de ce qui régit, contient, garde : il a dans la main la totalité, il régit (conduit) le corps.
4°) Le baptême des mots chair et psychê quand ils concernent le Christ.
a) Le mot de chair en Jn 1, 14.
Nous pouvons dire, dans l'usage qui en est fait au verset 14 (« Et le Verbe s'est fait chair »), que la chair continue à désigner la totalité du Christ et non pas une partie composante, mais la totalité du Christ vue sous son aspect de faiblesse. Or l'aspect de faiblesse du Christ est le lieu où se joue le mystère de toute force, en ce que le Christ assume librement la faiblesse et n'est donc pas dans la servitude d'avoir à mourir et d'être meurtrier : « Entrant librement dans sa passion (dans son pâtir) » comme nous disons dans la liturgie.
Alors lorsque le mot chair est employé à propos du Christ, la chair désigne l'être christique dans sa totalité en tant qu'acquiesçant librement à la mort. C'est, nous le savons, ce qui retourne la signification de la mort qui perd l'aspect de servitude, celui d'avoir nécessairement à mourir : le Christ assume la mort dans la liberté et en fait donc une mort pour la vie, c'est-à-dire une mort dans laquelle la résurrection est inscrite. C'est pourquoi la résurrection du Christ peut être célébrée à la croix : son mode de mourir comporte en lui la résurrection[7].
b) Le mot psychê en Jn 12, 25.
Le verset 24 « Amen, amen, je vous le dis, si le grain de blé ne tombe en terre et n'y meurt, il demeure seul, mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruits » est commenté par le verset 25 qui le traduit dans un autre langage, mais ce verset prête beaucoup à méprise et crée beaucoup de difficultés à l'écoute profane. « 25Celui qui aime sa psychê (celui qui s'aime soi-même) la perd (se perd) et celui qui haît sa psychê en ce monde la garde en vie éternelle. ».
Il y a tout ici pour risquer le contresens. En général, c'est une catastrophe si un psychologue lit cette phrase, mais il ne sait pas la lire. De fait elle est difficile à lire.
Premièrement cette phrase n'est pas une sentence générale pour quiconque, elle répond à la question « Nous voulons voir Jésus » (v.21), donc elle concerne Jésus en premier.C'est une reprise de ce qu'il vient de dire de lui-même, donc cette phrase doit être lue à la lumière de la petite parabole du verset 24.
J'ai dit que ça concerne Jésus en premier et de fait on voit poindre un rapport avec tout homme, par le troisième verset de la réponse de Jésus : « Si quelqu'un me sert, qu'il me suive, et là où je suis, là aussi sera mon serviteur » (v. 26). Ceci est donc à entendre premièrement comme étant proprement christique, donc du Christ lui-même, et cependant ayant sens pour quiconque suit le Christ. Ce n'est pas une sentence éternelle, posée en aucun lieu. Elle entre dans ce mouvement où il faut l'entendre.
Résumé de la suite de cette méditation sur le verset 25
(c'est le III du message Jn 12, 20-26 : « Nous voulons voir Jésus », La mort féconde du grain de blé..)
Après avoir étudié les mots "haïr", "aimer", "psychê" ; J-M Martin en vient à l'expression "haïr sa psychê en ce monde":
Le mot "monde" désigne la région régie par la mort, par opposition à l'âge qui vient. Il désigne cet âge-ci (ce monde-ci) où nous sommes assujettis à la mortalité, par opposition à l'aïôn qui vient (au monde qui vient) où a lieu l'avènement de la vie.
(...)
Une petite difficulté peut surgir ici car nous avons dit que cette phrase s'entendait du Christ en premier et que le Christ en tant que tel n'est pas assujetti à la mort de ce monde-ci. Mais chez Jean les mots monde, chair, psychê sont susceptibles d'être retournés de façon christique (pas chez Paul). … les mots de Jean sont susceptibles d'être "baptisés", oints, susceptibles d'être trempés de christité[8].
Le mot psychê a donc un sens faible, négatif, mais aussi la capacité de signifier le christique dans la faiblesse, c'est pourquoi ce qui est troublé dans le Christ c'est sa psychê : « Maintenant ma psychê est troublée » (v. 27).
De même que cosmos peut désigner les siens qui sont "dans" le monde (mais qui ne sont pas "du" monde), de même "ma psychê" désigne ici le Christ en tant que dans ce monde. D'où les sens de « celui qui hait sa psychê en ce monde » : il faut la haïr en tant que faible, en tant que dans ce monde.
J-M Martin considère alors la suite de la phrase ("la garde en vie éternelle")…
II – La distinction du pneumatique et du psychique
1°) Que désigne le pneumatique (spirituel) chez Paul et chez Jean ?[9]
a) Le pneuma (l'esprit) comme nouveauté radicale (Rm 7, 6).
Qu'est-ce que c'est que l'Évangile ? L'Évangile ça vient, je ne l'apporte pas avec moi à ma naissance. Et le verbe venir peut être dit sous d'autres formes, par exemple "descendre", vous avez différents verbes d'allure pour cela. L'Évangile ça vient et donc ça se reçoit. C'est un avènement (ou un événement), ce n'est pas un fait, car un fait n'est pas un événement, c'est donc un venir ; et, corrélatif : ça se reçoit. Or ce qui vient est une nouveauté radicale : le terme kainotês est lié au terme de pneuma.
En Rm 7, 6 nous avons l'expression « en kainotêti pneumatos » : « dans la nouveauté du pneuma », ou « la nouveauté qui est pneuma », ou « le pneuma qui est nouveauté », c'est-à-dire que c'est nouveau par rapport à tout notre natif. Mais faites bien attention, je ne dis pas « par rapport à notre nature » car le concept nature n'est pas un concept biblique, c'est un concept de notre philosophie occidentale. Il a sa signification en son lieu, mais si nous lisons la Bible, il faut la lire bibliquement et non pas occidentalement.
Nous n'avons pas les ressources pour recevoir le pneuma. Alors, si le pneuma vient, il se donne, mais il m'est donné aussi la capacité de le recevoir, c'est-à-dire qu'il faut que s'ouvre en moi une capacité nouvelle de réception.
b) « Le pneuma, tu ne sais ».
Dans le dialogue avec Nicodème nous avons la phrase : « Le pneuma, tu ne sais ni d'où il vient, ni où il va » (Jn 3, 8). Ceci est très important parce que chez saint Jean, d'où je viens et où je vais est identifiant ; donc ça veut dire : « tu ne sais pas qui il est ou quel il est ». C'est identifiant puisque « d'où je viens » ou « de qui je suis le fils » c'est la même chose ; et aussi « où je vais » ce sont des procédures identifiantes qui ne font pas partie de notre façon d'identifier les individus, quoiqu'il en reste des traces dans notre carte d'identité, puisque notre identité se définit aussi par le nom du père (ou de la mère) et le lieu d'origine (d'où je viens) ; « où je vais » ce n'est pas trop sur notre carte d'identité, mais pour saint Jean, d'où je viens c'est là où je vais.
Nous sommes par rapport à cela dans une ignorance native qu'il faut reconnaître, et qui est, en plus, une bienheureuse ignorance, car dans le passage auquel je fais allusion, Jésus est en train de rabrouer Nicodème qui arrive tout faraud en disant : « Nous savons que tu es rabbi car personne ne peut faire les signes que tu fais etc. » (v.2) et le discours va se terminer par ce que dit Jésus : « Tu es rabbi d'Israël et tu ne sais pas ces choses » (v.16), autrement dit : découvrir un non-savoir ici n'est pas décevant.
c) « Tu entends sa voix »
Or j'ai un rapport à cela : « Tu entends sa voix » (v.8). En langage théologique technique, ça veut dire que c'est la foi qui recueille la parole de Dieu. Seulement la foi c'est quelque chose qui m'est donné, ce n'est pas quelque chose que je me fabrique, et ce n'est pas quelque chose que j'ai par naissance, la foi est un don. Donc il m'est donné ce qui vient, et en plus la capacité de recevoir ce qui vient.
« Ce qui vient » : c'est un avènement, mais un avènement annoncé, donc c'est une parole. Le mot Évangile (Evangélion) au singulier, dans son sens tout premier, signifie l'avènement annoncé ou l'annonce elle-même de l'avènement (la parole annonçante ou la chose annoncée par la parole). D'où cette idée que cela vient en premier par l'écoute, par l'entendre : l'événement lui-même me vient par l'écoute : « Tu entends sa voix ». Mais, comme nous l’avons vu, "ce qui vient" peut être signifié par un autre verbe d’allure, comme descendre, et, ce qui est très intéressant, c'est que ça ne descend pas simplement, ça descend et ça monte.
d) Le pneuma de christité en chacun.
« Ainsi en est-il de tout ce qui est né du pneuma » (v.8) poursuit le texte, c'est-à-dire que le pneuma qui est le pneuma de christité est un pneuma en nous : il y a de la christité en nous ; non pas dans mon natif, mais dans mon identité la plus profonde que j'ignore. « Ainsi en est-il de tout ce qui est né du Pneuma » c'est-à-dire « tu ne sais la christité qui es en toi », mais ce toi-là n'est pas le moi dont j'ai conscience, c'est un moi qui est dans le « tu ne sais », c'est une capacité de recevoir qui est donnée et qui n'est pas de l'ordre du savoir (pour autant que savoir soit une prise).
Ce pneuma de christité est au plus profond de moi-même, plus profond que la profondeur de mon moi psychique. Cette profondeur-là par ailleurs n'est pas à confondre avec la profondeur de la psychologie des profondeurs. Je veux dire que c'est plus profond et autre que le conscientiel qui inclut l'inconscient.
e) La distinction du pneumatique et du psychique, 1ère approche.
Nous arrivons ici à une signification du mot pneuma qui est de toute première importance et qui se fait par une distinction d'avec un autre mot : distinguer le spirituel (ou le pneumatique) et le psychique.
Les mots auxquels se rapportent un autre mot sont de première importance pour éveiller le sens du mot sur lequel je m'enquiers, soit que ces mots disent le contraire, soit qu'ils disent le synonyme (la proximité). Un mot tout seul n'est rien, il ne commence à avoir sens que dès l'instant où il est mis en rapport (ou en proximité) avec un autre mot, en articulation à un autre mot. C'est pourquoi nous ne pouvons pas faire un vocabulaire biblique du mot pneuma comme si ce mot pouvait être considéré une bonne fois pour toutes en lui-même. Nous ne pouvons l'entendre que dans un tissu, dans une texture, dans une textualité, c'est-à-dire dans un texte.
Nous avons à notre disposition un vocabulaire très complexe, très incertain, pour dire ce qu'il en est de l'homme : il y a le cœur, l'âme, le corps, la chair… mais aussi la cogitation, la pensée, l'intellect… Il n'y a nulle part une anthropologie qui ait une rigueur définitive, même pas à l'intérieur du Nouveau Testament ; ce qui veut dire que chacun des mots qui sont usités doivent être à chaque fois ré-entendus dans le contexte.
Nous avons ici une distinction très courante chez nous, c'est le corporel et le spirituel, une distinction binaire. C'est la distinction de Descartes : c'est le corps (c'est-à-dire la substance étendue) et le spirituel (ou le cogitatif). Ce n'est pas la même chose que le pneuma dont nous essayons de parler, ce n'est pas la même chose que la psyché des psychologues.
Cette distinction binaire n'existe pratiquement pas dans le Nouveau Testament sous cette forme. Nous, nous aimons distinguer le corporel (ou l'organique, tout ce qui relève de la connaissance humaine que la médecine peut fournir, ou bien la science naturelle) et puis éventuellement une âme (qui est aussi bien appelée esprit) ou le psychisme. C'est notre distinction de base.
Si je n'entends pas : ou bien j'ai un problème acoustique, ou bien j'ai un problème psychologique ; et pour ça il y a des acousticiens et des psys. Les distinctions les plus fondamentales ne se vérifient pas simplement dans le discours, elles se vérifient dans la répartition des tâches dans la structure de la société. Du même coup se trouvent télescopés le spirituel et le psychique : c'est la même chose. La grande tendance dans le monde moderne – je ne dis pas que c'est la vôtre – la grande tendance dans le monde moderne c'est de distinguer le psychique et le corporel. Il faudrait même ajouter que ce n'est pas tellement une distinction qui sera tenue jusqu'au bout, car les neurosciences veulent intégrer la totalité de ce que vous appelez l'esprit – l'esprit, c'est-à-dire la mens (qui est un mot latin). Nous avons une structure héritée, confuse sur ce sujet.
Il y a un ami de Nietzsche, Erwin Rodhe, un érudit, qui a écrit un gros livre qui s'intitule "Psyché" : plein d'érudition sur l'étude du mot psyché depuis l'antiquité ; c'est énorme, ça bouge, ça n'est jamais constant, ce n'est jamais dans un même ensemble.
f) Précisions sur la place du corps (sarx) par rapport à psychê et pneuma.
J'ai parlé de la distinction néo-testamentaire pneuma / psyché et dans cette perspective la psyché c'est la même chose que la sarx (la chair), alors que nous, nous opposerions la chair et l'ensemble spiritualo-psychique.
Conclusion.
Dans la distinction du psychique et du pneumatique qui est très fréquente chez saint Paul, mais qui est reprise également par saint Jean, le psychique et le pneumatique ne désignent pas des parties composantes de l'homme, mais des lieux, des postures fondamentales, des ambiances, des racines, des régies, des espaces qui se distinguent.
2°) Le psychique ne juge pas du pneumatique[10]
a) Le je usuel (le je psychique) et le je insu (le je pneumatique).
Notre je usuel qui est le je psychique – la façon dont je dis "je" nativement – n'a pas la capacité de dire quoi que ce soit sur mon je insu, sinon ce qu'il en entend dans la parole christique. Cela pose des questions par rapport à la notion d'expérience. Tant que expérience garde un sens proprement psychique, il ne peut être adéquat à ce qui est. Mon expérience de la chose ne peut être adéquate à ce qu'elle est, à ce qu'il en est. Mais alors, est-elle totalement étrangère, qu'en est-il ? Voilà des questions que nous aurons à nous poser. Cette dimension insue qui court tout au long est tout à fait décisive pour entendre bien notre Nouveau Testament
b) Le psychique ne juge pas du pneumatique (1 Cor 2, 14-15).
L'authenticité de la foi ne se mesure pas à l'intensité du plaisir psychique que cela me donne. Autrement dit, nous sommes ici dans quelque chose qui, même dans un processus de vie, garde une part d'insu. Nous sommes, non pas dans la possession, mais dans l'espérance, autre façon de dire. Cette distinction-là a été soigneusement gardée par les spirituels qui sont toujours très soupçonneux, légitimement soupçonneux à l'égard des expériences, ce qui ne veut pas dire qu'il faut les rejeter, mais ne pas s'y adonner pleinement. C'est également connu de la théologie classique, la grande théologie. Le problème commence à se poser de façon explicite, dans la grande théologie, avec l'avènement de la primauté du je psychique, pas encore le je transcendantal ou le je philosophique de Descartes, mais le je psychique qui les précède de peu dans notre Occident ; la primauté du je. La théologie se pose alors la question : « Peut-on de bonne foi croire avoir la foi, et n'avoir pas la foi ? » Réponse : oui. Et l'inverse est vrai : « Peut-on de bonne foi croire ne pas avoir la foi et avoir la foi ? » Réponse : oui. Autrement dit, le sentiment psychique ne juge pas de la réalité pneumatique. C'est Paul qui le dit explicitement : le psychique ne juge pas du pneumatique (« L'homme psychique ne reçoit pas les choses du pneuma de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge. L'homme pneumatique (spirituel), au contraire, juge de tout, et il n'est lui-même jugé par personne » 1 Cor 2, 14-15), il n'est pas juge, il ne mesure pas le pneumatique, donc ce qui relève de l'Esprit au sens propre.
Cela me fait penser au procès de Jeanne-d'Arc. Il a lieu à la même époque, au XIVe siècle, l'époque où cette question est en débat, et les juges veulent la coincer : « Es-tu en état de grâce ? » En langage théologique, l'état de grâce dit sur mode entitatif la même chose que les vertus théologales sur mode opératif. « Es-tu en état de grâce ? », c'est le piège ! Si elle dit non, elle se condamne ; si elle dit oui, elle se condamne aussi parce qu'on ne peut pas savoir, de certitude absolue, si on est en état de grâce. Et c'est pourquoi sa réponse est merveilleuse comme ces paroles de petites saintes qui ne sont nullement théologiennes, mais qui ont spontanément du répondant : « Si je n'y suis pas, Dieu m'y mette, si j'y suis, Dieu m'y garde. » Magnifique réponse ! Et magnifique preuve de santé, parce que ce dont nous parlons ici peut engendrer du scrupule, de l'inquiétude, du trouble. Cette absence de certitude peut être vécue très péniblement, y compris par des saints et des saintes. Nous en avons des exemples majeurs. On en a même fait état à propos de mère Térésa ces temps-ci… Ça paraît monstrueux. Un évêque, à qui on demandait – c'est lui qui le raconte – « Avez-vous des doutes parfois ? », répondit : « Oui, c'est normal. » Devant la réaction suscitée par sa réponse, il avoue : « Maintenant je ne sais plus quoi dire, je n'ose plus dire oui. » ! Il y a là une authentique difficulté. Or il est difficile, mais important, d'essayer d'apprendre à vivre sereinement une question qui peut devenir scrupule lancinant, inquiétude mortifère, etc. C'est là qu'il faut demander la santé psychique.
c) Le lien éventuel qui existe entre psychique et pneumatique.
Par ailleurs, il ne faut pas non plus que cette distinction entre le psychique et le pneumatique induise l'idée qu'il n'y a aucun rapport entre l'un et l'autre. Il peut être donné – et souvent il est donné sans doute – que la présence pneumatique se déploie ou se réverbère dans le champ psychique. C'est même une chose normale. L'insu ne reste pas dans un insu absolu, il se donne à voir en demeurant insu. Le découlement d'une réalité spirituelle dans les zones psychiques de l'être humain est sans doute fréquent et normal. On trouve là, entre autre, les expériences spirituelles positives des grands spirituels. C'est quelque chose qu'il faut essayer d'habiter avec santé. Mais il est réconfortant aussi de savoir par avance, même de façon théorique, non vécue, que des périodes de doute et de difficulté ne sont pas nécessairement des absentements réels de Dieu.
III – Nouvelle approche en termes d'oppositions
1°) L'opposition chair / pneuma chez Paul et chez Jean (Jn 6, 63 ; Rm 1, 1-4)[11].
a) Entendre à partir du penuma (esprit) et non de la chair (Jn 6, 63).
« Le pneuma est le vivifiant, la chair ne sert de rien ; les paroles que je vous ai dites sont pneuma et sont vie. » (Jn 6, 63). Nous avons ici le souci de Jésus de répondre d'une certaine manière à la difficulté des disciples, ce qu'il n'avait pas fait à propos de la foule. Il donne ici finalement un principe d'écoute. Nous verrons que cela signifie : tout cela doit s'entendre à partir du pneuma et non pas à partir de la chair. C'est là que nous avons une attestation que ce sont deux comportements, deux sites différents, deux points à partir d'où voir. Le pneuma est un point à partir d'où voir, le pneuma ne se voit que dans le pneuma. La chair ne voit pas les choses du pneuma, chair désignant ici un comportement, une façon d'être, l'homme au sens banal et usuel.
(…).
Le mot de chair est mis en opposition avec le mot pneuma (esprit) et chez Paul et chez Jean. Il faut bien voir qu'un mot fait ressortir des choses différentes suivant le mot par rapport auquel il est pensé et énoncé, et que de plus le sens des deux mots change en fonction du mode d'être en rapport, qui peut être un mode de similitude, un mode d'opposition, un mode de complémentarité.
Or l'expression « la chair et l'esprit » est toujours une opposition, mais ce n'est pas une opposition d'éléments, c'est une opposition de princes (de principes), une opposition de régions ou de postures, d'attitudes : deux façons opposées d'être homme, l'humanité selon la chair (sarx) ou l'humanité selon l'esprit (pneuma). Le "selon" est très important, et aussi sous la forme adjective (pneumatikos ou sarkikos) qui durcit encore le caractère d'opposition qu'il y a entre les deux. Donc ce sont deux modes opposés d'être homme.
b) Selon la chair (sarx) / selon l'esprit (pneuma) (Rm 1, 1-4).
Le "selon" est très important, et aussi sous la forme adjective (pneumatikos ou sarkikos) qui durcit encore le caractère d'opposition qu'il y a entre les deux. Donc ce sont deux modes opposés d'être homme.
Par exemple au début de l'épître aux Romains Paul se présente comme « 1serviteur du Christ Jésus… (qui est) 3issu de la descendance de David selon la chair (kata sarka), 4et déterminé Fils de Dieu de par la résurrection d'entre les morts selon un pneuma de consécration (kata hagiôsunês pneuma). » : l'expression « issu de la descendance de David selon la chair » ne signifie pas que l'humanité du Christ est issue de David, car « selon la chair » chez Paul signifie « à vue humaine », c'est-à-dire dans une détermination qui ne l'identifie pas à partir d'où il doit être identifié. En d'autres passages de saint Paul "fils de David" peut être pris comme un titre, mais pas ici, et quand il est pris comme un titre, c'est "au titre de la résurrection" car tous les véritables titres du Christ sont "au titre de la résurrection". En effet il est « déterminé Fils de Dieu de par la résurrection d'entre les morts » : c'est par la résurrection d'entre les morts que se détermine la signification de Fils de Dieu, de Christos, de Kurios (Seigneur), de Fils de l'homme.
c) Retour à Jn 6, 62-63.
Comme on voit, on entend à partir d'où l'on est : ce sont deux modes d'être, mais ce sont aussi deux points de vue et deux points d'entendre différents. C'est pourquoi "selon l'Esprit" peut fréquemment être traduit : « du point de vue du pneuma ». Et on a le point de vue du pneuma quand on est dans le point de vue de la résurrection, c'est-à-dire quand on a vu « Jésus montant au lieu où il était auparavant » (Jn 6, 62). C'est là que le rapport de nos deux petites phrases s'éclaire.
Quand vous penserez ce qu'il en est de Jésus à partir du pneuma, à partir de sa dimension de résurrection, quand la dimension de résurrection sera en vous un être, et donc du même coup – puisque l'on voit et l'on entend à partir d'où l'on est – sera pour vous un principe de voir et un principe d'entendre, alors de là « Les paroles que j'ai dites s'entendent, car mes paroles sont pneuma et mes paroles sont vie » (v.62), vous avez cette expression-là qui suit.
« Si vous voyez le Fils de l'Homme montant là où il était auparavant » – résurrection : voir Jésus à partir de son lieu qui est attesté par sa montée, par sa résurrection, le voir dans sa dimension de résurrection, c'est là le pneuma. Et le pneuma – ce regard-là – c'est cela qui est vivifiant : le pneuma donne vie. En revanche la chair – entendez ici "le point de vue faible", le regard faible, la vue basse qui constitue l'humanité ordinaire – est nulle par rapport à ce qui est à voir et à ce qui est à entendre dans « les paroles que j'ai dites. » J'ai l'impression d'être clair.
2°) La double distinction : matériel/psychique et pneumatique.
a) Première façon de faire la distinction.
Saint Jean et saint Paul font souvent la distinction suivante : d'une part le pneuma, et d'autre part la psychê et la hylê (la matière), dont l'ensemble peut s'appeler sarx (chair). Autrement dit le mot sarx désigne alors, soit le proprement matériel, soit le matériel et le psychique, un peu comme dans notre langage, quand les philosophes parlent aujourd'hui de la chair : ils parlent plutôt du psychique, du psychosomatique.
Voici un schéma pour dire cela, mais attention le hylique (matériel) ne désigne pas ce que nous, nous appelons le matériel car à cette époque la matière est considérée comme essentiellement mauvaise.
Ce qui est essentiel ici, c'est le pneumatique qui se distingue d'un deuxième terme, lui-même subdivisé en psychique et hylique.
b) Deuxième façon de faire la distinction.
Dans le Nouveau Testament en général, le psychique désigne souvent la totalité de ce que nous considérons comme la vie humaine aujourd'hui (donc ce que nous avons distingué en psychique et hylique), et le pneumatique est quelque chose d'étranger et de nouveau par rapport à cela, c'est ce que nous appellerions la “christité” dans l'homme, la semence de christité qui est dans l'homme et qui n'est pas d'ordre psychique.
En effet chez les Anciens la distinction chair / psychê ne correspond pas exactement à notre distinction du corps et de l'âme. Il s'agit plutôt d'une distinction dans la part "passible" de l'homme, entre la chair et la psychê : la chair est la part ténébreuse et démoniaque, et le psychique est plutôt la part susceptible de monter vers le pneumatique, même s'il y a des lieux où le psychique est opposé au pneumatique.
La grande distinction est entre cette part passible de l'homme (chair et psychê) et le pneumatique. Cela correspond à la différence que fait Jean entre ce qui est du monde (le psychique ou le matériel) et ce qui est dans le monde sans être du monde (le pneumatique) : « Vous n'êtes pas du monde… Vous avez souffrance dans le monde » dit Jésus aux disciples en Jn 15, 19 et 33.
c) Résumé sur la différence psychique / pneumatique.
En général Pneuma et psychê sont deux choses différentes, et ce qui est psychique ne peut devenir pneumatique, ce qui est pneumatique ne peut devenir psychique. Dans d'autres textes le psychique peut aller soit vers le pneumatique soit vers le hylique (matériel), et dans ce cas psychê et pneuma peuvent être deux aspects d'une même chose. Cela se trouve chez les stoïciens contemporains, qui disent par exemple que la psychê est un Pneuma ou une idée refroidie, donc un état différent, mais que vienne la chaleur de l'agapê et cela se modifiera ! Une autre expression, plus proche de l'Évangile, est de dire que la psychê est un pneuma endormi. D'où le concept d'éveiller, mot qui traduit le mieux égeïreïn, qu'on traduit en général par ressusciter : la dimension de Résurrection est l'éveil de ce qui est ainsi en semence.
Donc la répartition n'est pas toujours la même dans les détails, mais c'est une répartition fondamentale. Le proprement pneumatique est étranger à notre pensée. La question de la constitution de l'homme se trouve posée là. La répartition entre le corps et l'âme, elle, a toute une histoire, et de la façon dont nous en parlons, c'est une répartition qui, comme telle, n'appartient pas au Nouveau Testament.
3°) Semence psychique et semence pneumatique.
a) La déposition des semences pneumatiques, 1ère approche (1Cor 15, 35-38)[12].
La distinction psychique / pneumatique se trouve abondamment dans le chapitre 15 de la première épître aux Corinthiens, chapitre tout entier consacré à méditer la Résurrection du Christ. Mais avant cela Paul se réfère à la structure de base semence /corps.
« 35Quelqu'un me dira : “Comment ressuscitent les morts ? Avec quel corps vont-ils ?” 36Insensé, ce que tu sèmes n'est vivifié que s'il meurt – nous trouvons la même chose chez Jean au chapitre 12 : le grain de blé qui meurt pour ressusciter : cela dit autre chose que ce que ce que nous entendons spontanément – 37et ce que tu sèmes, ce n'est pas le corps qui deviendra, mais [tu sèmes] une semence nue, comme par exemple une semence de blé ou de quelque autre chose de ce genre – une semence nue : ceci est très curieux et très intéressant car le mot “nu” introduit un rapport subtil entre ce dont il est question ici et la symbolique du vêtement, je vous le signale simplement – 38et le Dieu lui donne le corps selon qu'il l'a voulu, et à chacune des semences, son propre corps. » On traduit souvent « le Dieu lui donne le corps qu'il veut ». Pas du tout : « Il lui donne le corps selon qu'il l'a voulu (selon sa semence) » C'est la problématique d'un état germinal par rapport à un état accompli.
Dans « selon qu'il l'a voulu » le verbe est à l'aoriste ; cela renvoie à la délibération « Faisons l'homme à notre image » (Gn 1, 27) qui signifie pour les premiers chrétiens « Faisons le Christ qui est image du Dieu invisible » avec cette précision « mâle et femelle il les fit » car il s'agit du couple Christos / Ekklêsia comme le dit Paul en Ép 5. Donc vous avez cette parole initiale qui pose « l'homme en semence », c'est-à-dire à la fois l'Homme qui est Christos et l'Ekklêsia qui est la multitude des hommes. C'est le moment de la déposition des semences pneumatiques puisque le mot christos signifie "oint de pneuma".
► Tu dis qu'il y a une cohérence entre la semence et le corps. Donc à ce moment-là l'arbitraire ("il fait selon qu'il l'a voulu") va se situer au moment de la semence ?
J-M M : Peut-être que pour l'instant nous n'entendons pas le mot semence au sens où il faut l'entendre. En effet, la semence qui est posée par Dieu, il faut l'entendre comme quelque chose que nous ne méditons pas assez, et que j'exprime habituellement maintenant sous la forme de l'avoir-à-être, mon avoir-à-être, ce que j'ai à être. Et d'ailleurs, pour méditer le temps, il faut tenter de penser l'avoir-à-être en référence à l'avoir-été.
L'avoir-à-être c'est aussi ce que nous entendons dans une autre expression qui est l'insu. En effet, la semence ne se voit pas, non seulement parce que c'est petit par rapport à la moisson, mais aussi parce que la semence se cache, s'enfouit, pour fructifier.
À chacun est donné un nom et un avoir-à-être. Cette semence, cette détermination, c'est notre semence la plus intime de laquelle nous naissons de seconde naissance, ce n'est pas la naissance de notre natif. C'est cela qui est naître de cette eau-là qui est le pneuma
b) La dépositions des semences pneumatiques, 2ème approche (Gn 1-2)[12].
On lit dans la Genèse qu'après l'œuvre des six jours « Dieu se repose (anapausis) » (Gn 2, 2 dans la version de la Septante grecque). Mais dans les premiers siècles on conteste volontiers cette traduction de anapausis par « il se repose » car cela laisserait entendre qu'il y a un Dieu qui se fatigue et qui donc a besoin de repos. Or c'est une chose qui n'est pas acceptable si on se place du point de vue du concept grec de Dieu. En effet le Dieu grec est immuable, in-nommable, incirconstancié, et on peut dire qu'il est infatigable. Cette formule d'anthropomorphisme « Dieu se repose » est donc refusée. Pour une autre raison, on lit deux œuvres de Dieu en traduisant anapausis par « il cesse (sous-entendu sa première œuvre) » : il y a une première œuvre pendant six jours, le septième jour cette œuvre-là cesse, et commence l'autre œuvre. Les six jours sont les jours de la déposition des semences ou de la manifestation du désir de Dieu – la prothésis, la déposition. Et le septième jour est le moment où les semences déposées croissent, c'est le moment de la croissance. Le septième jour Dieu est à l'œuvre, il n'est pas à l'œuvre de création mais à l'œuvre de croissance, et c'est le jour dans lequel nous sommes. Nous ne sommes pas à la dernière heure du dernier jour, mais nous sommes dans le dernier jour. La temporalité chez Jean est extraordinaire et très différente de ce que nous appelons le temps.
c) Semences de Dieu et semences du diabolos (1 Jn 1, 9-10).
Le principe de la semence a été énoncé par Jésus par exemple dans « un bon arbre porte de bons fruits et un mauvais arbre de mauvais fruits » (Mt 7, 17) et qui a pour sens : le fruit est déterminé par la semence. En effet, si je sème des petits pois je ne m'attends pas à recueillir des lentilles. Cela désigne une sorte d'identité.
Nous avons parlé des semences de Dieu mais il y en a d'autres comme le dit Jean au chapitre 3 de sa première lettre : « 9Tout homme qui est né de Dieu ne fait pas le péché puisque le sperma (la semence) de Dieu demeure en lui (…). 10 A ceci sont reconnaissables les enfants de Dieu et les enfants du diabolos… ». Il y a des semences qui sont des enfants de Dieu et des semences qui sont du diabolos, mais celles-ci n'ont pas un être qui est comparé par mode de dualisme, il ne faut pas le penser co-éternel, ce qui serait du manichéisme.
Or, on ne peut agir que selon la volonté de son principe, de son père, c'est en toutes lettres chez Jean quand Jésus s'adresse aux Judéens : « Vous avez pour père le diabolos et vous ne pouvez rien faire que de vouloir me tuer, puisque c'est l'essence même de votre père que d'être meurtrier principièlement : ap' arkhês » (Jn 8, 44).
Vous connaissez aussi la parabole des Synoptiques : le père de famille sème le bon grain ; il va se coucher et la nuit l'adversaire vient et sursème (sème par-dessus) de l'ivraie. À un moment, on voit se lever l'ivraie et on vient dire au maître de maison : qui a fait ça ? Réponse : l'adversaire. C'est une parabole magnifique.
Alors on dit : ici le champ, c'est le monde. Mais il faut bien entendre que, pour les anciens, le microcosmos est aussi un monde, c'est-à-dire qu'en chacun d'entre nous est semée initialement la semence de "l'homme à l'image" et est semée par-dessus une autre semence. Les deux croissent ensemble. Il y a une chose très étonnante, c'est que proposition est faite au maître de maison d'aller arracher la mauvaise semence et il dit : pas du tout, de peur qu'arrachant la mauvaise semence, vous arrachiez aussi le bon grain. Autrement dit cette double semence est tellement intriquée concrètement dans chacune de nos actions qu'il ne nous appartient pas de radicalement éradiquer cela, c'est l'affaire du discernement ultime, du jugement dernier qui est indiquée ici. Au dernier jour on enverra les anges faire la moisson et le tri sera fait. Mais ce tri, comme je l'avais indiqué, avant d'être un tri entre celui-ci et celui-ci, est un tri à l'intérieur de chacun à cause de la situation de mélange inextricable dans laquelle nous nous trouvons et dont nous ne pouvons venir à bout.
4°) Adam psychique et Adam pneumatique (1 Cor 15, 45)[13].
Dans le chapitre 15 de la première épître aux Corinthiensla distinction psychique / pneumatique intervient au verset 44 à propos du rapport corps psychique / corps pneumatique, puis au verset 45 commence la distinction des deux Adam.
« 45Il est écrit – vient une citationde Gn 2, 7 – le premier homme, Adam, fut en psychê vivante, – en effet Dieu lui insuffle un souffle et il devient psychê vivante – le dernier Adam est en pneuma vivifiant. » L'un est psychê, l'autre est pneuma, et c'est le Christ ressuscité qui est pneuma. La psychê est un souffle faible, ce qui signifie un souffle mortel, et il ne s'agit pas simplement du reste d'un simple souffle respiratoire, c'est le souffle animateur d'une vie fragile, faible, mortelle ; et le pneuma est le souffle puissant, vivifiant, de Dieu. L'un est passif, reçoit une parcelle de vie ; le pneuma donne la vie, il est zoopoioun : faisant la vie, donnant la vie, c'est la même chose que ressuscitant. Vivifier chez Jean et chez Paul signifie ressusciter, c'est-à-dire faire vivre de vie neuve.
Cette distinction d'ailleurs entre le souffle faible (pnoê) et le souffle fort (pneuma) est déjà chez Philon d'Alexandrie qui pose la même question : alors qu'il a dit que le pneuma était porté sur les eaux (Gn 1, 2), pourquoi ne dit-il pas que l'homme est insufflé de pneuma mais qu'il est insufflé de pnoê (Gn 2, 7) ? Réponse : parce qu'il s'agit ici d'un souffle faible, le souffle animateur de vie animale (pas animale au sens de bestiale, mais au sens de vie animée, y compris ce que nous appelons la vie humaine).
Nous apercevons ici l'opposition entre un certain statut d'humanité et un autre type d'humanité qui apparaît en Jésus Christ.
Dans la suite du texte la distinction entre psychê et pneuma va se déployer comme une opposition entre deux qualités de semence, avec ces deux figures fondamentales des deux Adam.
5°) Matériel / psychique / pneumatique chez les valentiniens[14].
Les valentiniens sont des gnostiques du IIe siècle dont la pensée nous est connue par la réfutation qu'en font les pères de l'Eglise, en particulier Irénée. Le principe général, pour Valentin, est la recherche de sa racine, le désir de connaître sa propre source. C'est la question de tout homme, mais en langage valentinien cela s'exprime volontiers dans l'expression : « voir le Père ». C'est donc un désir de connaissance de sa nature originelle.
Dans certains écrits cette recherche est décrite dans le langage du tri ou du discernement. Les valentiniens de l'époque classique, achevée, distinguent trois natures, trois statuts d'être : le spirituel (pneumatique), le psychique, et le matériel (ou hylique), cependant la matière (hylé) n'a pas le même sens qu'aujourd'hui Au fond nous avons là trois zones qui correspondent à la distinction classique chez les anciens en anthropologie, où l'homme est, comme chez Irénée, composé de pneuma, de psyché et de soma (corps).
Seulement, dans la pensée valentinienne achevée, ces natures sont irréductibles les unes aux autres. Il faut donc opérer une sorte de discernement des natures au sens où l'on parle du discernement des esprits – on pourrait d'ailleurs dire "discernement des esprits" car ce qui est appelé hylique ne correspond pas à notre notion de matière ; par exemple les esprits mauvais sont hyliques.
L'élément pneumatique peut se trouver dans un milieu étranger, comme c'est le cas du spirituel lorsqu'il se trouve en ce monde-ci, mais il n'a qu'à se retourner, qu'à se dégager, qu'à se délier ; l'élément hylique est au contraire nécessairement perdu, par nature ; et l'élément psychique est un élément médian qui est capable soit d'être sauvé s'il s'unit à l'élément pneumatique, soit d'être perdu il s'unit à l'élément hylique, et c'est un peu dans cette zone qu'on trouve la notion de libre arbitre au sens où les pères orthodoxes du IIe siècle tendent à définir l'homme. Par exemple Tatien le Syrien présente l'homme comme capable soit d'être uni à l'Esprit et sauvé par lui[15], soit au contraire de tomber dans la matière (hylè). C'est donc une sorte d'imagerie de zones superposées, mais une imagerie qui indique des natures ou des conditions d'être diverses.
Il est, d'une certaine façon, très difficile d'admettre qu'il y ait des psychiques, des pneumatiques et des hyliques (charnels, matériels). Les gnostiques ont perçu cela chez Jean, et de bonne façon, seulement ils l'ont progressivement entendu d'une façon qui n'est pas johannique. C'est pourquoi ils ont été récusés, et c'est normal, car si nous l'entendons comme eux, nous tombons dans une interprétation raciale : il y a la race des parfaits, la race des psychiques, la race des condamnés...
Et il est important de le noter car c'est bien la structure d'écriture de Jean, seulement dans l'écriture de Jean, les psychiques, ou le psychique, c'est précisément ce qu'il y a de psychique en tout homme ; le pneumatique, c'est ce qu'il y a de pneumatique en tout homme, et l'hylique, ce qu'il y a de charnel en tout homme. Et le jugement ultime, c'est le discernement en chaque homme de ces choses-là. Le jugement dernier n'est pas la mise à la droite puis à la gauche des uns et des autres. Le jugement dernier traverse chaque homme. Il y a en tout homme semence de pneuma, et dans notre natif, il y a en tout homme semence caïnite (nous sommes enfants de Caïn ou encore d'Adam de Gn 3).
Complément.
Nous pensons qu'originellement les valentiniens entendent bien Jean pour lequel il y a bien deux catégories irréductiblement (on ne passe pas de l'une à l'autre), « ceux qui…» et « ceux qui… » ne répartissant pas des individus mais désignant « cela de pneumatique à quoi tout individu participe, c'est-à-dire la christité qui est en tout individu », et « cela de meurtrier et de mortel qui est aussi en tout individu ». Et pour les premiers valentiniens, encore que ce soit difficile à établir, il importe de trier l'élément pneumatique dans chaque individu.
Mais ensuite, parce qu'ils commencent à avoir la conception occidentale de l'individu comme clos, comme atomos, du même coup ils ont une oreille occidentale : ils continuent à dire la formule « ceux qui… et ceux qui… » qui a sens dans la perspective johannique, mais ils commencent à la tordre, à la comprendre de façon tordue (certains hommes sontt à jamais sauvés quoi qu'ils fassent, et d'autres à jamais perdus quoi qu'ils fassent). Donc leur éjection était inévitable. La mention de la troisième catégorie (les psychiques) pourrait être comme une sorte de concession qui aurait été tentée par nos gnostiques pour se réconcilier avec l'Église.
[1] Ceci est un extrait de la session sur le Prologue de l'évangile de Jean, un peu modifié (cf Prologue de Jean. Chapitre III : Le verset 14, lieu central du texte ).
[2] Quand l'annonce évangélique « Jésus est ressuscité » survient, cela signifie que vient un espace où la vie est plus forte que la mort et où l'agapê est plus forte que le meurtre ou l'exclusionCf "Ce monde-ci" / "le monde qui vient" : espace régi par mort et meurtre / espace régi par vie et agapê.
[3] Ceci (excepté le 4/) est extrait de la session sur Pain et Parole (Jean 6), cf chapitre 5. v. 30-42; 51. Début du discours sur le pain de vie (fin du chapitre).
[4] En grec, « stereos » signifie « solide ». La stéréométrie est la science qui traite de la mesure des solides, et le mot « stéréotype » désigne un cliché typographique fait d'une seule pièce, sans partie mobile, et, par extension, une opinion figée (et volontiers répétée).
[7] Ceci n'est qu'un extrait du chapitre 3 de la session sur le Prologue. Dans la suite J-M Martin montre que le pneuma est donné sur la croix et montre ensuite qu'entre les versets 13 et 14 du chapitre 1 il y a un retournement du mot de chair, il resitue ensuite le mot "incarnation" : Prologue de Jean. Chapitre III : Le verset 14, lieu central du texte , la quatrième partie.
[8] Le baptême des mots correspond à la crucifixion-résurrection du langage. Cf L'opposition chair-pneuma. La crucifixion/résurrection du langage
[9] Ceci est un extrait du cycle qui a eu lieu au Forum 104 sur le thème de l'énergie en saint Jean. Sur le pneuma figure une étde assez complète faite au Forum dans le même cycle : Le Pneuma (l'Esprit Saint) chez saint Jean : repères ; symboliques (eau, feu, amour, connaissance, onction, parfum...) .
[10] Ceci est un extrait de la session sur le thème Présence / absence (Jn 14-16).
[11] Ceci est extrait de L'opposition chair-pneuma. La crucifixion/résurrection du langage .
[12] Ceci est un extrait de Jn 5, 17-21: le shabbat en débat. Les 7 jours et les 2 œuvres de Dieu (Gn 1).
[13] Ceci est extrait de 1 Corinthiens 15 : la résurrection en question . Il faudrait lire le reste de cette méditation, surtout les versets 44 et suivants, car la distinction entre psychique et pneumatique est très délicate. Il y a d'ailleurs un verset particulièrement difficile, il précède celui qui a été mis ici « Il est semé corps psychique il ressuscite corps pneumatique (spirituel) » (v.44).
[14] L'essentiel de ce paragraphe vient de deux cours à l'Institut Catholique de Paris en 1970-71 et 1972-73. Ces cours portaient sur la pensée de saint Irénée. Le complément vient d'une session récente.
[15] « Par elle-même, l’âme n’est que ténèbres et rien de lumineux n’est en elle... Ce n'est donc pas l'âme qui a sauvé l'Esprit, elle a été sauvée par lui (…) ; L'âme livrée à elle-même s'abime dans la matière et meurt avec la chair, mais si elle possède le concours de l'Esprit divin, elle ne manque plus d'aide, elle monte vers les régions où la guide l'Esprit, car c'est en haut qu'il a sa demeure, et c'est en bas qu'elle a son origine. » (Tatien, Discours aux Grecs, ch. 13, traduction A. Puech, 1903).
« C'est ce qui a été dit aussi ailleurs par l'Apôtre en ces termes : « La chair et le sang ne peuvent hériter du royaume de Dieu », texte que tous les hérétiques allèguent dans leur folie et à partir duquel ils s'efforcent de prouver qu'il n'y a pas de salut pour l'ouvrage modelé par Dieu. Car ils ne comprennent pas que trois choses, ainsi que nous l'avons montré, constituent l'homme parfait : la chair, l'âme et l'Esprit. L'une d'elles sauve et forme, à savoir l'Esprit ; une autre est sauvée et formée, à savoir la chair ; une autre enfin se trouve entre celles-ci, à savoir l'âme, qui tantôt suit l'Esprit et prend son envol grâce à lui, tantôt se laisse persuader par la chair et tombe dans des convoitises terrestres. » (Irénée, Contre les hérésies, livre V, première partie, 4°, éd Sources chrétiennes).